Membre d’une famille de la noblesse. 3ème fils du curopalate [1] Jean Comnène et d’Anne Dalassène et neveu de l’empereur Isaac Ier Comnène . Son premier contact avec l’armée remonte aux mois qui précèdent la défaite de Manzikert [2] en 1071 quand sa mère l’envoie rejoindre l’empereur Romain IV Diogène pour remplacer son frère aîné Manuel Comnène, mort de maladie au cours de la campagne. Alexis n’a que 13 ans. L’empereur lui ordonne cependant de retourner immédiatement à Constantinople.
Vers 1073 il dirigea sous les ordres de son frère Isaac une petite armée, qui avec le mercenaire normand Roussel de Bailleul combat contre les Turcs. Il n’a que 15 ans. Cependant, la trahison du normand entraîne la défaite d’Isaac qui est fait prisonnier. il poursuit la lutte contre les Turcs avec une armée inférieure en nombre, bat en retraite avec courage et regagne Constantinople à l’automne 1073.
Jean Doukas , oncle de l’empereur, est battu et fait prisonnier par Roussel au pont du Sangarios ainsi que son fils Andronic. Roussel proclame son illustre prisonnier empereur. Le chef normand représente une menace telle pour l’empire que Michel VII s’entend avec les Turcs seldjoukides pour s’en débarrasser. Battu en Cappadoce [3] par l’émir turc Artouch, Roussel est fait prisonnier. Rapidement libéré contre rançon il se réfugie en Arménie à Amasya [4] et se rend maître des principales villes du Pont. Alexis, qui a juste 17 ans est alors nommé stratopédarque [5] en 1075 et envoyé s’emparer du Normand. Il ne dispose guère plus d’un millier d’hommes et pratique une campagne de harcèlement. il utilise aussi la diplomatie et prend contact avec un chef turc nommé Toutach, sans doute envoyé par Malik Shah 1er.
Celui-ci s’empare de Roussel et le livre à Alexis qui se trouve alors confronté au mécontentement des habitants d’Amasya sur qui il comptait pour payer la somme promise aux Turcs. Il rentra alors sur Constantinople.
En novembre 1077 un général, membre d’une famille illustre Nicéphore Bryenne, se révolte et s’empare de la Macédoine tandis que son frère Jean Bryenne tente d’assiéger la capitale. Alexis en commande la défense. Avec l’aide de Roussel de Bailleul, sorti de sa prison sur ordre de l’empereur Michel VII, les 2 anciens adversaires remportent la victoire sur l’armée de Jean Bryenne en janvier 1078. Cet exploit lève l’opposition de Michel VII au mariage d’Alexis avec Irène Doukas, petite-fille de Jean Doukas, oncle de l’empereur et véritable chef de la famille Doukas.
En effet, à peine cette victoire est-elle obtenue qu’une seconde révolte éclate, menée par le duc des Anatoliques [6], Nicéphore Botaneiatès, en Asie mineure. Le 25 mars 1078 une émeute de ses partisans éclate dans Constantinople. Alexis qui dirige les troupes de la capitale est persuadé qu’il est possible de tenir tête aux insurgés mais Michel VII préfère abdiquer le 3 avril 1078. Il tente alors vainement de convaincre Constantin Doukas, le frère de Michel, d’accepter le trône puis devant le refus de ce dernier se rallie à Nicéphore Botaneiatès. Celui-ci trop content de ce soutien qui lui livre la capitale accepte avec empressement et monte sur le trône sous le nom de Nicéphore III et épouse la femme de Michel VII, l’impératrice Marie d’Alanie. Celle-ci cependant espère préserver les droits au trône de son fils Constantin et cherche un protecteur en la personne d’Alexis faisant de lui, en l’adoptant de façon officielle au printemps 1078, le frère de son fils âgé de 4 ans.
La situation devient extrêmement critique pour l’empire avec l’installation du sultan seldjoukide Süleyman 1er Shah à Nicée [7] en 1078 et une menace d’invasion de l’empire par Robert Guiscard et ses Normands.
Dans la nuit du 14 février 1081 Alexis prend contact avec les généraux Grégoire Pakourianos et Constantin Humbertopoulos et reçoit leur soutien. Puis il quitte la capitale et se rend à Schiza. Il reçoit alors l’appui, décisif sur le plan financier, du César Jean Doukas, chef de cette famille. Pendant ce temps, à Constantinople les femmes de la famille Comnène sont enfermées dans un monastère. À Schiza Alexis est alors proclamé empereur, après que son frère aîné, Isaac, s’est effacé à son profit. Alexis marche ensuite sur la capitale dont il fait le siège. Cependant Nicéphore Botaneiatès dispose de troupes non négligeables, en particulier les corps d’élites de mercenaires que sont les Varanges et les Chomatènoi. De plus le Sénat et le peuple de Constantinople sont hostiles à Alexis et la majeure partie des troupes d’Asie Mineure soutient un autre prétendant au trône, Nicéphore Mélissènos, qui s’empare de Damalis en face de la capitale. C’est surtout avec le soutien des troupes “européennes”, ainsi que des auxiliaires Turcs qu’Alexis assiège la capitale.
Nicéphore propose alors à Alexis un partage du pouvoir mais, sous l’influence du patriarche Cosmas 1er , il finit par abdiquer et se retire dans un monastère. Alexis écarte rapidement le dernier prétendant, Nicéphore Mélissènos, qui proposait un partage de l’empire, en lui octroyant la dignité de César et la ville de Thessalonique [8].
C’est un homme jeune qui accède au pouvoir mais qui a déjà derrière lui une longue expérience militaire dont les succès ont dépendu pour l’essentiel de son habileté diplomatique plus que de ses qualités militaires.
La situation de l’empire en 1081 est dramatique. Dans les Balkans les Byzantins sont confrontés aux Normands de Robert Guiscard ainsi qu’aux invasions des Petchenègues [9]. Les peuples Slaves en Serbie [10] et Dalmatie [11] sont en dissidence. La Cilicie [12], peuplée par des vagues de migrations arméniennes est quasi-indépendante et se déchire entre les luttes fratricides de plusieurs roitelets. De plus, la perte de l’Anatolie [13] prive le basileus [14] d’importantes recettes fiscales et l’ancien système de recettes fiscales s’est effondré. L’un des premiers défis auquel il s’attaqua fut le problème financier. Les moyens utilisés par l’empereur pour faire rentrer de l’argent ne sont guère populaires mais néanmoins efficaces. La population est taxée à la limite du supportable, certains biens de nobles et de l’Église sont confisqués, les peines judiciaires sont fréquemment des amendes plutôt que des peines d’emprisonnement.
Enfin il prend deux décisions majeures qui se révèlent catastrophiques sur le long terme, il accorde d’énormes avantages commerciaux à Venise par le chrysobulle [15] de 1082, au détriment du commerce byzantin lui-même, ce qui dans un premier temps lui assure l’alliance de la puissante flotte de la cité des doges, et il dévalue la monnaie impériale qui, durant 7 siècles avait été la seule monnaie stable du bassin méditerranéen. Cette politique permet à Alexis de remettre sur pied une administration efficace, de recréer une véritable armée et une flotte et même d’entretenir une cour fastueuse.
En politique étrangère, la difficulté à laquelle est confrontée Alexis c’est de savoir contre quel adversaire lutter en premier. Le calcul qu’il fit alors est que la lutte contre les Turcs suppose un effort sur le long terme qu’il n’est pas encore capable d’effectuer mais que les querelles internes affaiblissent provisoirement les Seldjoukides. Aussi choisit-il dans un premier temps de repousser l’attaque normande. Robert Guiscard et ses troupes viennent de s’emparer d’Avlona [16] et assiègent Dyrrachium [17] depuis l’été 1081. Alexis lors de sa prise du pouvoir avait immédiatement remplacé le duc de Dyrrachium, Georges Monomachos, à la fiabilité douteuse, par son beau-frère Georges Paléologue qui en organisa immédiatement la défense. La flotte vénitienne, alliée aux Byzantins, infligea une grave défaite aux Normands en juillet 1081 qui levèrent le siège maritime mais pas le siège terrestre.
En octobre de la même année Alexis intervient avec une armée dont le corps principal est la garde varègue [18] composée, pour l’essentiel, d’Anglo-Saxons mais recrute aussi de nombreux mercenaires turcs. Alexis repousse l’avis de ses généraux expérimentés qui conseillent une guerre de harcèlement et attaque immédiatement Robert Guiscard. La bataille est longtemps incertaine mais finalement Alexis est battu sévèrement et doit fuir le champ de bataille en abandonnant la tente impériale. Dyrrachium tombe en février 1082, après avoir ouvert ses portes aux Normands. Robert Guiscard contrôle ainsi la Via Egnatia [19] qui lui ouvre la route de Thessalonique et surtout de Constantinople.
C’est dans ces circonstances dramatiques que se mesure l’habileté d’Alexis lequel a toujours plusieurs fers au feu. Ce désastre militaire est effectivement rapidement compensé par une habile politique diplomatique.
Un rapprochement est mené avec l’empereur Henri IV en lutte avec le pape Grégoire VII et ses alliés Normands. L’empereur germanique intervient militairement devant Rome en mai 1081 puis de nouveau au printemps 1082. Il soutient aussi les revendications des neveux de Robert, Abagelard et Herman, qui lui disputent l’héritage d’Onfroi de Hauteville, son frère aîné. Une partie des Pouilles [20] se soulève contre Robert au début de 1082. Enfin et surtout il renforce son alliance avec Venise.
Ces évènements obligent Robert Guiscard à repartir en Italie en avril 1082 avec une partie de ses troupes. Il laisse son fils Bohémond en Grèce. Celui-ci s’enfonce en territoire byzantin et Alexis se précipite pour essayer d’arrêter la marche de l’envahisseur. Il est battu à Ioannina [21] en mai 1082 puis de nouveau à Arta [22] en juillet 1082 et retourne en août 1082 à Constantinople reconstituer une armée.
Bohémond cependant assiégea Larissa pendant 6 mois ce qui laissa à Alexis le temps de recruter de nombreux mercenaires dont plus de 7000 turcs. Il réussit à débaucher aussi une partie des officiers de Bohémond. À la fin de l’été 1083 il entame une campagne d’embuscades. Il parvient par un stratagème à faire sortir la cavalerie de Bohémond du siège de Larissa et massacre les fantassins de son adversaire. Les soldats normands sont découragés et ne sont plus payés. Il est ainsi aisé à Alexis de leur faire changer d’allégeance. Bohémond retourne alors à Avlona puis en Italie afin de trouver de quoi payer ses troupes.
Robert Guiscard cependant ne renonce pas. Il débarque en Grèce de nouveau en 1084 avec une flotte importante et une armée bien équipée. Après un premier échec face aux Vénitiens Robert remporte un large succès en face de Corfou et s’empare de l’île. Mais la mort de Guiscard en juillet 1085, et la lutte de succession qui éclate entre ses héritiers, libèrent l’empire d’un grand danger. Les troupes normandes retournent en Italie et l’autorité impériale est rétablie sur les provinces occidentales de l’empire.
Il profita des défaites musulmanes lors de la 1ère croisade pour reprendre Nicée et l’Asie Mineure occidentale
Ses rapports diplomatiques avec les pays occidentaux d’Europe sont dans un premier temps relativement conflictuels. Le pape Grégoire VII avait entretenu de bonnes relations avec Michel VII et, après la déposition de celui-ci en 1078, excommunié immédiatement son successeur Nicéphore III.
Cette excommunication s’étend en avril 1081 au nouvel empereur. Ce dernier tente en juin 1081 de renouer le contact et d’avoir l’appui du pape contre les entreprises de Robert Guiscard mais sans que ses lettres reçoivent de réponses. L’empereur Henri IV, en conflit avec le pape, prête une oreille plus attentive aux ambassadeurs d’Alexis et aux subsides que l’empereur byzantin lui verse. Alexis, en représailles à l’attitude de Grégoire VII, ferme les églises latines de Constantinople. La mort de ce dernier en 1085 est accueillie avec soulagement. L’élection en mars 1088 sur le trône pontifical d’Eudes de Lagery sous le nom d’Urbain II permet une amélioration nette des relations diplomatiques. En délicatesse avec les Normands de Sicile et Henri IV, il parvient habilement à accroître son influence politique et spirituelle. En 1095 son autorité est considérable. Lors du concile de Clermont, convoqué pour le 24 novembre 1095, Urbain II invite ses auditeurs à employer leurs forces pour la défense de leurs frères d’Orient victimes des sévices que leur infligent les musulmans.
Au début de l’année 1118 Alexis tombe malade. Son médecin, Nicolas Kalliklès , s’inquiète de la douleur persistante de l’empereur à l’épaule. Au cours de l’été l’empereur se plaint de ne pouvoir respirer. Il s’agit très vraisemblablement d’angine de poitrine. L’étouffement est sans doute dû à un œdème pulmonaire aigu qui témoigne d’une grave insuffisance cardiaque. Il reste cependant conscient jusqu’au 15 août avant de décéder dans la nuit du 15 au 16 entouré de sa femme et de ses trois filles.
À sa mort Alexis lègue à son fils un territoire consolidé et agrandi.