Marie d’Alanie (vers 1055/1058-vers 1103)
Impératrice byzantine
Réputée pour sa grande beauté, elle est la fille du roi géorgien Bagrat IV (roi de Géorgie) et la femme du Basileus [1] Michel VII Doukas dont elle a un fils Constantin. Après la déchéance de son époux elle est d’abord enfermée au monastère de Stoudion [2] par Nicéphore Botaniatès. Ce dernier l’en fait sortir pour l’épouser ce qui provoque un scandale car son premier mari est encore en vie moine et futur métropolite [3] d’Éphèse [4].
Après la déchéance de Nicéphore Botaniatès elle devient une proche de la famille Comnène [5], elle favorise la carrière du futur Alexis 1er Comnène. Dans un premiers temps, en 1078, elle adopte Alexis faisant de lui le frère, et protecteur, de son fils Constantin. Il semble qu’assez rapidement le jeune général et Marie deviennent amants, bien qu’Alexis soit lui-même marié depuis janvier 1078 avec Irène Doukas.
Quand en 1081 Alexis prend le pouvoir, il semble qu’il ait hésité à répudier sa femme pour épouser Marie d’Alanie. A peine s’est-il emparé de la ville qu’il tente de se faire proclamer empereur seul, sans sa femme à ses côtés. Il est vrai qu’Anne Dalassène, la mère d’Alexis, déteste cordialement la famille Doukas et verrait d’un assez bon œil la répudiation d’Irène afin que son fils épouse Marie. Mais Alexis ne peut s’aliéner la plus puissante famille de Constantinople et en particulier le césar Jean Doukas (César) , grand-père de sa femme, qui l’a soutenu dans son accession au trône.
Marie quitte alors le palais impérial en échange d’un chrysobulle [6] qui confirme les droits pour l’avenir de son fils en l’associant au trône. Elle s’installe alors au monastère des Manganes dont elle fait une véritable cour parallèle à celle du palais impérial.
Réputée pour sa piété et sa générosité envers les pauvres et les orphelins elle est aussi accusée par certaines rumeurs d’entretenir toujours une relation avec l’empereur. Elle continue en tout cas à avoir des relations chaleureuses avec les souverains qui lui confient l’éducation de la petite Anne Comnène jusqu’à l’âge de huit ans.
Elle tombe brutalement en disgrâce à l’été 1094 ainsi que son fils. Il semble qu’elle soit impliqué dans le complot de Nicéphore Diogène son beau-frère et qu’elle ait agit exactement comme avec Nicéphore III pour assurer les droits au trône de son fils Constantin dont la position était menacée par la naissance du fils d’Alexis, le futur Jean II Comnène. Alexis semble gêné par cette implication et empêche que son nom soit divulgué pendant l’instruction des coupables. Elle est exilée au couvent de Prinkipô [7], exil peu rigoureux semble-t-il puisqu’elle reçoit librement des visites et peut se déplacer. On ignore la date de sa mort, sans doute après 1103.
Notes
[1] Basileus signifie « roi » en grec ancien. L’étymologie du mot reste peu claire. Si le mot est originellement grec mais la plupart des linguistes supposent que c’est un mot adopté par les Grecs à l’âge du bronze à partir d’un autre substrat linguistique de Méditerranée orientale, peut-être thrace ou anatolien.
[2] Le monastère du Stoudion ou monastère de Stoudios était un établissement religieux de Constantinople fondé vers 460 par un bienfaiteur privé du nom de Studius ou Stoudios, un aristocrate qui fut consul pour l’année 454. Il était placé sous le vocable de saint Jean Baptiste. Il était situé à l’extrême sud-ouest de la ville byzantine, dans le quartier de Psamathia, non loin du Mur de Théodose et de la mer de Marmara. Ses moines étaient appelés « studites » ou « stoudites ». Il reste aujourd’hui les ruines de l’église du monastère, le plus ancien édifice chrétien subsistant partiellement à Istanbul
[3] Métropolite est un titre religieux porté par certains évêques des Églises d’Orient. À l’origine, le métropolite est l’évêque d’une capitale de province (métropole) romaine investi de la charge de présidence des conciles ou synodes provinciaux. Dans l’Église d’Occident, on prit l’habitude de dire « métropolitain » pour désigner un archevêque assurant un rôle de coordination entre les évêques titulaires des sièges qui composent la province ecclésiastique. En Orient on utilise le terme de métropolite qui, au cours de l’histoire, est souvent synonyme d’archevêque.
[4] Éphèse est l’une des plus anciennes et plus importantes cités grecques d’Asie Mineure, la première de l’Ionie. Bien que ses vestiges soient situés près de 7 kilomètres à l’intérieur des terres, près des villes de Selçuk et Kuşadası dans l’Ouest de l’actuelle Turquie, Éphèse était dans l’Antiquité, et encore à l’époque byzantine, l’un des ports les plus actifs de la mer Égée ; il est situé près de l’embouchure du grand fleuve anatolien Caystre. L’Artémision, le grand sanctuaire dédié à Artémis, la déesse tutélaire de la cité, qui comptait parmi les Sept merveilles du monde et auquel Éphèse devait une grande part de sa renommée, était ainsi à l’origine situé sur le rivage.
[5] Après un net recul de ses frontières en Asie Mineure et la perte de ses possessions en Italie dans la deuxième moitié du 11ème siècle, l’Empire byzantin entreprit sous les Comnènes une période de redressement continu bien qu’incomplet. Cinq empereurs (Alexis 1er, Jean II, Manuel 1er, Alexis II et Andronic 1er) tentèrent pendant 104 ans et par divers moyens de tenir tête aux noblesses terrienne et militaire, soit en favorisant des membres de leur propre famille (Alexis Ier), soit en faisant appel à des conseillers de l’extérieur (Jean II), soit en privilégiant l’une d’elles (Manuel 1er), soit en persécutant l’une et l’autre (Andronic 1er). La réforme du système monétaire conduite par Alexis 1er permit de relancer la vie économique et commerciale, mais cette dernière fut contrariée par l’ascendant de plus en plus considérable que prirent les marchands vénitiens d’abord, génois et pisans ensuite, établis à Constantinople. Sur le plan extérieur, les Comnènes cherchèrent à freiner l’avancée des Turcs en Anatolie tout en maintenant de bonnes relations avec eux pour avoir les mains libres dans la délicate conduite des relations avec les royaumes francs de Palestine et de Syrie et, à travers eux, avec les puissances européennes qui leur étaient apparentées. Mais ce furent les Normands qui, après s’être attaqués aux possessions byzantines du sud de l’Italie et s’être dirigés vers Constantinople, portèrent le coup de grâce à cette dynastie.
[6] La bulle d’or ou chrysobulle est un document officiel particulier utilisé par la chancellerie impériale de Byzance et adopté au Moyen Âge par les cours occidentales. Le mot provient du grec chrysos, « or » et du latin bulla, « objet rond », par référence au sceau apposé sur les documents officiels : par extension, ce terme est employé pour désigner le document entier. Pour souligner l’importance de l’édit, le sceau a pour caractéristique d’être en or.
[7] Büyükada est la plus grande (5,4 km2) des neuf îles constituant les îles des Princes dans la mer de Marmara, à proximité d’İstanbul. Le couvent de Büyükada accueillit les impératrices byzantines Irène, la mère de Constantin VI, Euphrosyne, sa fille, Théophano, Zoé, Anne Dalassène et Marie d’Alanie pendant leur exil