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Philippicos (général)

lundi 21 octobre 2019

Philippicos (général)

Général byzantin

Beau-frère de l’empereur Maurice. Sa carrière de général s’étend sur trois décennies, principalement contre les Sassanides [1].

On sait peu de choses des premières années de Philippicos. Il épousa Gordia, sœur de l’empereur Maurice, probablement en 583, et fut à un moment donné élevé au haut rang de patrice [2]. A la même époque, il fut nommé comes excubitorum [3], et en 584, il remplaça Jean Mystacon comme magister militum [4] pour l’Orient, devenant ainsi responsable de la conduite de la guerre en cours contre les Sassanides.

Il dirigea de nombreux raids en territoire perse en 584/585, dévastant les plaines de la région de Nisibis [5] et menant des incursions en Arzanène [6] et en Mésopotamie orientale [7]. Pendant la même période, il tenta activement d’améliorer la discipline et l’efficacité de ses troupes.

Philippicos passa l’hiver 585/586 à Constantinople [8] et regagna son quartier général à Amida [9] au printemps. Après que des offres de paix perses furent rejetées, il avança ses troupes jusqu’à la frontière et y défit une force perse supérieure menée par Kardarigan lors de la bataille de Solachon [10].

Commençant à envahir et à piller l’Arzanène et assiégeant la forteresse de Chlomaron, il fut toutefois interrompu par l’approche d’une armée de secours perse, causant le retrait en désordre en territoire byzantin.

Peut-être en raison d’une maladie, il remit le commandement de ses troupes à son hypostrategos [11], Héraclius, père du futur empereur Héraclius. Au printemps 587, à nouveau malade et incapable de faire campagne, il attribua deux tiers de ses troupes à Héraclius et le reste aux généraux Théodore et André, les envoyant effectuer des raids en territoire perse. Il ne fit plus campagne cette année, et à l’hiver, il partit pour Constantinople. Il apprit en chemin son remplacement par Priscus .

Cependant, lorsque Priscus arriva, les troupes refusèrent de lui obéir et choisirent à sa place le “dux de Phoenice Libanensis”, Germanus. Bientôt à nouveau désigné commandant de l’Orient, Philippicos ne put reprendre les rênes qu’après la fin de la mutinerie, grâce à l’intervention du patriarche d’Antioche [12].

À l’été 589, il marcha contre Martyropolis [13], récemment tombée aux mains des Perses par la défection d’un officier nommé Sittas. Philippicos ne put reprendre la ville et fut défait par des secours perses menés par Mahbodh et Aphrarat, après quoi il fut remplacé par Comentiolus .

Par la suite, et en dehors d’une mission diplomatique en 590 auprès de Khosro II, récemment déposé et réfugié en territoire byzantin, Philippicos n’est plus mentionné pendant plusieurs années. En 598, il fut brièvement désigné général lors des campagnes de Maurice dans les Balkans face aux Avars [14].

En 602, Philippicos fut soupçonné de complot contre l’empereur. En effet, peu après, Maurice fut déposé et exécuté lors d’une révolte de l’armée des Balkans menée par Phocas. Vu sa proximité avec Maurice, Philippicos fut tonsuré et envoyé dans un monastère de Chrysopolis [15]. Il y était toujours lorsque Phocas fut renversé par Héraclius en 610. Le nouvel empereur le rappela et l’envoya négocier avec le frère de Phocas, Comentiolus , qui commandait l’armée orientale. Comentiolus l’emprisonna en vue de l’exécuter, mais Philippicos eut la vie sauve lorsque Comentiolus fut assassiné.

En 612, Héraclius le nomma magister militum per Orientem à la place de Priscus, tombé en disgrâce, et il partit à nouveau en campagne contre les Perses en Arménie. En 614, alors qu’une armée perse commandée par Shahin envahit l’Asie Mineure [16] et atteint les rives du Bosphore [17] à Chalcédoine [18], Philippicos entra en territoire perse, espérant ainsi provoquer le retrait de Shahin.

Philippicos mourut peu après et fut enterré dans l’église qu’il avait fait construire à Chrysopolis.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du livre de Geoffrey Greatrex et Samuel N. C. Lieu, The Roman Eastern Frontier and the Persian Wars, Part II : 363–630 AD), Londres, Routledge, 2002 (ISBN 0-415-14687-9).

Notes

[1] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.

[2] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.

[3] commandant des Excubites, la garde impériale

[4] Le magister militum est un officier supérieur de l’armée romaine durant l’Antiquité tardive. Son nom est souvent traduit par « maître de la milice » ou « maître des milices ». À l’origine, on distinguait le magister peditum ou commandant de l’infanterie et le magister equitum ou commandant de la cavalerie. Les deux fonctions furent à l’occasion réunies et leur titulaire prit le titre de magister utriusque militiae. Le commandant des corps demeurant à la disposition de l’empereur près de la capitale fut appelé magister militum praesentales. En Orient, la fonction cessa d’exister avec la création des thèmes où le gouverneur (strategos), cumula les fonctions militaires et civiles.

[5] Nusaybin Nisibe ou encore Nisibis, est une ville du sud-est de la Turquie située dans la province de Mardin, à la frontière turco syrienne. Elle est un haut lieu de l’histoire du christianisme de langue syriaque. C’est l’ancienne Antioche de Mygdonie. En 298 un accord de paix y est conclu entre l’Empire romain et les Sassanides à la suite de la victoire l’année précédente de Galère sur le « Grand Roi » Narseh.

[6] L’Aghdzenikou Arzanène est la 3ème province de l’Arménie historique selon Anania de Shirak, et l’un des quatre bdeshkhs (« marche ») du royaume arménien. Son territoire est aujourd’hui situé en Turquie orientale.

[7] La Mésopotamie est une région historique du Moyen-Orient située dans le Croissant fertile, entre le Tigre et l’Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l’Irak actuel.

[8] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, « Byzance », n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.

[9] Diyarbakır est une ville du sud-est de la Turquie. Elle était également appelée Amida sous l’Empire romain. Les Kurdes constituant la majeure partie de la population de la ville la considèrent comme la capitale du Kurdistan turc, dans le sud-est anatolien. Appelée Amida dans l’Antiquité, ce qui lui vaut son nom de Kara Amid, la « Noire Amida », elle fut la capitale du royaume araméen de Bet-Zamani à partir du 13ème siècle av. jc, puis d’un royaume arménien appelé Cordyène ou Cardyène. La région devint par la suite une province de l’Empire romain ; Amida était au 4ème siècle la principale place forte de Mésopotamie, dans la haute vallée du Tigre. Amida fut un centre religieux lié au patriarcat syriaque-orthodoxe d’Antioche. De cette époque, jusqu’au génocide arménien de 1915, la région est fortement peuplée d’Arméniens. La région comportait également une minorité chaldéenne. La ville d’Amida fut le siège du patriarcat chaldéen de 1681 à 1828.

[10] La bataille de Solachon se déroule en 586 au nord de la Mésopotamie entre les forces de l’Empire romain d’Orient (ou Empire byzantin) dirigées par Philippicos et celles de l’Empire sassanide sous les ordres de Kardarigan. Cette opposition fait partie de la longue et indécise guerre byzantino-sassanide entre 572 et 591. La bataille de Solachon se termine par une victoire romaine importante qui consolide la position impériale en Mésopotamie. Toutefois, ce succès n’est pas décisif et la guerre se poursuit jusqu’en 591, date à laquelle où un accord est négocié entre Maurice et Khosro II.

[11] lieutenant général

[12] Le titre de « patriarche d’Antioche » est traditionnellement porté par l’évêque d’Antioche (dans l’actuelle Turquie). L’Église d’Antioche est l’une des plus anciennes de la chrétienté, son institution remontant à l’apôtre Pierre. Aujourd’hui, pas moins de cinq chefs d’Église, dont trois catholiques, portent le titre de « patriarche d’Antioche ». Aucun d’entre eux ne réside à Antioche / Antakya depuis la présence musulmane majoritaire en Turquie.

[13] Silvan appelée Np’rker est le chef-lieu de l’arrondissement de même nom dans la province de Diyarbakır en Turquie. À l’époque byzantine elle était connue sous le nom de Martyropolis. Silvan a été identifié par plusieurs spécialistes comme l’un des deux emplacements possibles (l’autre étant Arzan) de Tigranakert (Tigranocerta), l’ancienne capitale du royaume d’Arménie, qui a été construit par le roi Tigrane le Grand et nommé en son honneur. Les sources chrétiennes (syriaques, arméniennes et grecques) sur la fondation de Martyropolis sont nombreuses. Elle aurait été fondée sur l’emplacement d’un « grand village » appelé Maïferqat (en arménien Np’rkert) par l’évêque Marutha qui avait obtenu l’autorisation du roi de Perse Yazdgard 1er à la fin du 4ème siècle. L’évêque rapporte les dépouilles des chrétiens victimes des persécutions en Perse. C’est ce qui lui vaut son nom de Martyropolis. La ville prend de l’importance comme ville frontière sous Théodose II. Elle est prise par le Sassanide Kavadh Ier en 502. Les fortifications de la ville sont renforcées par l’empereur byzantin Justin 1er ce qui n’empêche pas que la ville retombe aux mains des Sassanides en 589. Les byzantins récupèrent la ville deux ans après et la gardent jusqu’en 639

[14] Les guerres byzantino-avars sont une série d’affrontements entre l’Empire byzantin et le Khaganat avar au cours de la deuxième moitié du 6ème siècle et la première moitié du 7ème siècle. Elles débutent avec l’arrivée des Avars en Pannonie, poussés vers l’ouest par le Khaganat turc, et la prise de Sirmium en 581 ou 582 qui leur ouvre la voie à un pillage des provinces balkaniques de l’Empire byzantin. La contre-offensive impériale n’intervient qu’après 591 et la fin de la guerre face à l’empire perse ; l’empereur Maurice envoie les généraux Priscus puis Pierre qui mettent en échec les avancées avares. Les Avars reprennent cependant leur offensive quelques années plus tard mais après quelques succès initiaux, ils sont à nouveau repoussés par le général Philippicos.

[15] Üsküdar est un des trente-neuf districts de la ville d’Istanbul en Turquie, situé sur la rive asiatique, autrefois connu sous le nom de Scutari.

[16] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie

[17] Le Bosphore est le détroit qui relie la mer Noire à la mer de Marmara et marque, avec les Dardanelles, la limite méridionale entre les continents asiatique et européen. Il est long de 32 kilomètres pour une largeur de 698 à 3 000 mètres. Il sépare les deux parties anatolienne (Asie) et rouméliote (Europe) de la province d’Istanbul.

[18] Chalcédoine est une cité grecque de Bithynie (actuellement en Turquie), située sur la mer Propontide, à l’entrée orientale du Bosphore, face à Byzance et au sud de Chrysopolis (Scutari, actuellement Üsküdar). Elle s’appelle aujourd’hui Kadıköy et est devenue une banlieue (résidentielle et plutôt aisée) d’Istanbul, dans le prolongement d’Üsküdar.