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L’Europe à partir du milieu du 18 siècle

vendredi 29 décembre 2017, par lucien jallamion

L’Europe à partir du milieu du 18 siècle

Le milieu du 18ème siècle est un moment de crise pour la France. La dignité royale se dégrade avec Louis XV. Elle se laisse séduire à l’alliance de l’Autriche, qui veut disputer à la Prusse le premier rang sur le continent. La guerre de Sept ans ruine sa marine ; les Anglais ravissent ses dernières possessions du continent américain et fondent un empire durable dans l’Hindustan* (Inde gangétique). Ils sont peu sensibles aux dévastations du Hanovre par les armées françaises. Ils comptent sur les ressources et sur l’ambition du roi de Prusse, qui ne s’effraye pas de l’apparition des Russes, alliés des Autrichiens, aux frontières de ses États slaves. L’acte le mieux conçu du ministère de Choiseul, l’union de toutes les branches des Bourbons, n’est pas fécond.

L’Espagne, alliée de la France, perd la Floride et est indemnisée par la Louisiane. Ces passes d’armes, ces joutes savantes où se déploient toutes les inventions de la tactique épuisent les ressources humaines et financières des grands États de l’Europe. Mais la Prusse sort entière de la lutte méditée pour sa ruine, l’agriculture, le commerce, l’industrie, réparent pour elle les maux de la guerre. En Angleterre aussi, les commerces matériels, puissamment encouragés, profitent de la suprématie maritime que William Pitt lui a assurée.

Les pays qui avaient subi le plus longtemps, et avec le plus de patience, le despotisme du clergé et de l’aristocratie, secouent violemment le joug. La haine pour les ordres monastiques est fatale aux jésuites au Portugal, en Espagne, en France, à Parme, etc. Presque partout les classes privilégiées s’applaudissent de la chute de cette compagnie, dont les institutions sont un objet de défiance même pour beaucoup de catholiques.

Les cours de Madrid et de Lisbonne remettent le pouvoir aux mains de ministres réformateurs. Les lettres et les arts ont leur part de protection royale, comme tout ce qui touche au bien-être matériel, et à l’amélioration morale des peuples, l’instruction, la justice, l’industrie, l’agriculture. La science s’empare de toutes les grandes questions d’économie sociale et politique ; les sectes d’économistes ont des maîtres illustres en France et en Angleterre.

C’est une mode maintenant de vouloir le bien des masses. Les théories philanthropiques abondent, même à la cour du roi de France qui est l’esclave, depuis la mort de Mme de Pompadour, d’une éhontée courtisane et à la cour de Catherine II, la Messaline du nord, qui ne recule ni devant le meurtre de son mari, ni devant le démembrement de la Pologne. Victorieuse il est vrai de tous ses ennemis sur terre et sur mer, bienfaitrice du commerce, des arts et des sciences, mais trop vantée par les philosophes.

La France, qui alors s’agrandissait de l’île de Corse, juste à temps pour que Napoléon naquît français, assistait au supplice de Lally-Tollendal, à Paris ; au procès de La Chalotais en Bretagne, en représailles de la chute des jésuites, à la disgrâce du duc de Choiseul qui pouvait être fier de son exil, au, triumvirat ministériel de l’abbé Terray qui accrut à force d’infidélités le désordre des finances, du chancelier Maupeou, le créateur de ces cours de justice serviles qui, avec moins de dignité que les parlements dissous, n’avaient ni plus de tolérance ni plus de lumières, du duc d’Aiguillon qui laisse, en 1772, partager les provinces polonaises entre les cours de Russie , de Prusse et d’Autriche. La Pologne avait pour roi un ancien favori de la tsarine, Stanislas Poniatowski qui pendant tout son règne trahit par faiblesse la cause nationale. Une noblesse toujours anarchique, des dissidents religieux provoquaient l’intervention étrangère. Les troubles de ce pays sont l’occasion d’une guerre de la Porte contre la Russie.

En Suède les factions servent d’instrument à l’asservissement du pays. Le roi Gustave III renverse les lois et rétablit le despotisme. La reine du Danemark est exilée pour adultère, le premier ministre expie sa complicité par des tortures et une mort violente. L’Allemagne, toujours aux mains de Marie-Thérèse, quoique son fils aîné Joseph ait le titre d’empereur depuis la mort de François 1er, peut envier à la Toscane l’administration la plus sage qu’on ait vue jusqu’alors en Europe, celle du frère de Joseph, Léopold. A Parme, règne un Bourbon d’Espagne, élève du philosophe français Condillac. A Rome, soit tolérance, soit faiblesse, Clément XIV abroge la bulle « in coena Domini », attentatoire aux droits des couronnes temporelles, et supprime l’ordre des jésuites, aboli de fait dans la plupart des États.

L’Angleterre, le seul pays d’Europe qui eut une tribune politique, illustrée alors par de grands orateurs, subit les conséquences de son ambition et de sa trop grande puissance. La crise financière est permanente, le déficit ne peut être arrêté que par l’augmentation des impôts ; les chambres, autorisant le gouvernement à faire participer les colonies aux charges de la métropole. Les colons américains qui n’ont pas de représentants dans le parlement britannique, où se votent les taxes, s’affranchissent, par l’insurrection, des prétentions de l’Angleterre. Deux grandes luttes mettent à l’épreuve en même temps le gouvernement anglais. Il se défend péniblement contre les Américains qui publient en 1776 leur acte d’indépendance. Par ailleurs il est engagé dans une longue guerre avec Haïder-Ali, roi de Mysore*, qui veut l’empêcher de compléter son empire des Indes.

La question américaine devient presque une question européenne. Tous les grands États s’y trouveront indirectement associés. La seule guerre qui occupait le vieux continent finissait alors. La Porte ottomane a fait des sacrifices de territoire et d’honneur pour obtenir en 1774 la paix de Catherine II. L’ambition de la maison d’Autriche en provoqua une nouvelle de courte durée, à la mort de l’électeur de Bavière, en 1777. Le gouvernement de Louis XVI, inauguré par des réformes, dues à la volonté libérale du roi, et à l’influence de ses ministres Turgot et Malesherbes, les politiciens les plus éclairés du siècle, s’intéresse avec ardeur à la cause des Américains. On saisit cette occasion de réparer les malheurs de la guerre de Sept ans et d’effacer le traité de 1763, désastreux pour les colonies de la France.

La mort du roi du Portugal Joseph a eu du retentissement en Europe, parce qu’elle a entraîné la disgrâce du ministre Pombal, l’une des grandes figures politiques du siècle, mais que son excessive sévérité avait fait détester de tous ceux qu’atteignaient ses réformes. C’est lui cependant qui a régénéré l’administration portugaise. La guerre d’Amérique, comme on l’appelle alors, s’étend sur toutes les mers, quand, l’Espagne et la Hollande s’allient contre les Anglais à la France. Le plan de la neutralité armée proposé à l’Europe par Catherine II restreint les prétentions de suprématie maritime de la Grande-Bretagne. La mort de Marie-Thérèse ne change rien à la politique de l’Europe.

Mais son fils, l’empereur Joseph II, prétend à la même gloire, montre le même despotisme, et recueille autant de haines que le ministre du Portugal, le marquis de Pombal. Même avec des lumières et de l’humanité, il ne réussit pas, à cause de la violence de son caractère. Dans ses entreprises de réformes il faut plus que des intentions généreuses.

Toutes les puissances engagées dans la guerre d’Amérique y trouvaient de la gloire, mais sans profit. La chute du cabinet de lord North est suivie de la paix avec les Américains, dont l’indépendance est reconnue. Les Hollandais, les moins favorisés des alliés des États-Unis, fournissent quelques indemnités à la Grande-Bretagne.

Tippoo-Saeb continue, comme son père Haïder-Ali, la guerre défensive dans l’Indoustan.

La France et la Hollande sont agitées à l’intérieur. Les patriotes voudraient chasser les princes d’Orange, qui sont rois de fait avec le titre de stathouders ; le parlement est insatiable de réformes, et provoque, à son insu, une révolution. Ces privilégiés, qui parlent de régénérer et de sauver l’État, refusent de sanctionner les impôts nécessaires pour combler le déficit et conjurer la banqueroute, dès que la taxe ne respecte plus leurs privilèges.

En France, le banquier genevois Necker n’est pas plus heureux que Turgot au contrôle général des finances. Il se retire sans attendre la mort du vieux Maurepas, bel esprit de cour jusqu’à 80 ans, et insouciant des maux de l’État. Calonne entretient un crédit factice à force d’emprunts.

Les finances sont en Angleterre aussi un objet d’inquiétudes et de scandales. Le procès de Warren Hastings, gouverneur général de la compagnie des Indes, qui commence à s’instruire devant le parlement, dévoile des exactions inouïes. Les cinq années qui précèdent 1789 sont marquées par le dissentiment élevé au sujet de l’Escaut entre l’empereur, souverain des Pays-Bas autrichiens, et les Hollandais, dissentiment qu’apaise la médiation de la France, par la nouvelle tentative de l’empereur Joseph II pour joindre la Bavière à l’Autriche, réunion qu’empêche le vieux roi de Prusse.

Après la mort de Frédéric Il, par le concours armé que prête son fils au stathouder de Hollande, Guillaume V d’Orange, contre les patriotes, par le voyage triomphal de Catherine II à travers les provinces méridionales de son empire jusqu’à la Crimée, devenue récemment province russe, par la guerre nouvelle de la Porte contre la Russie et l’Autriche qui convoitent les bouches et le bassin inférieur du Danube. Enfin par l’insurrection du Brabant et des Pays-Bas, et par la révolte imminente de la Hongrie contre le gouvernement despotiquement réformateur de Joseph II.

Les ministres de Louis XVI se risquent à convoquer une assemblée de notables, représentation des classes privilégiées et non de la nation entière, pour chercher des remèdes à la crise financière. Le gouffre du déficit est seulement mis à découvert, et se creuse de plus en plus. Des courtisans parlent en secret de faire un appel aux cours plénières, le projet est éventé.

L’ouverture des états généraux consentie par une royauté confiante, et animée encore d’intentions généreuses, puisqu’elle rappelle Necker aux finances, commencera la révolution française, au moment où la constitution fédérale de la république américaine met un terme à la grande révolution du nouveau monde. Washington, le héros de la guerre d’indépendance, est le premier président élu par les États-Unis en 1789.

P.-S.

L’Europe au 18ème siècle Source : Imago mundi Texte de Léonardon/ article de Fabienne Manière/herodote/ evenement/17720428/dossier 414