Guillaume d’Ypres (vers 1090-1164/1165)
Burgrave d’Ypres puis gouverneur du Kent
Il fut un prétendant malheureux à la succession du comté de Flandre [1] en 1119 puis en 1127/1128, et joua un rôle important en tant que capitaine de mercenaires pour le roi Étienne d’Angleterre durant la guerre civile pour la couronne d’Angleterre.
Fils illégitime de Philippe d’Ypres et d’une concubine, et petit-fils de Robert 1er comte de Flandre. Vers 1119, il épouse une nièce de Clémence de Bourgogne , l’épouse de Robert II de Flandre . Il succède à son père avant 1118, mais n’hérite pas du titre comtal.
Son cousin Baudouin VII de Flandre meurt sans descendance en 1119. Guillaume est favori parmi les prétendants à la succession, car il est le dernier descendant en ligne directe mâle vivant de Robert 1er. Il est soutenu en cela par la mère de Baudouin VII, Clémence de Bourgogne, qui est aussi sa tante, et par Godefroid 1er de Louvain, le landgrave [2] de Brabant [3], son second mari.
Mais Guillaume a le désavantage d’être un fils illégitime, au contraire de Charles de Danemark dit Charles le Bon, fils de Knut IV de Danemark et d’ Adèle de Flandre , que Baudouin lui-même a désigné comme successeur. Charles finit par s’imposer par les armes. Guillaume réussit malgré tout à s’établir comme le comte effectif d’Ypres [4] et de sa région, comme l’avait été son père.
Le 2 mars 1127, Charles est assassiné par le clan Erembald [5]. Guillaume occupe alors l’ouest du comté et demande à ses vassaux de le reconnaître comme nouveau comte de Flandre.
Le 20 mars 1127, il fait exécuter un des membres importants de ce clan qui avait été capturé, coupant ainsi les liens qui pourraient avoir existé entre lui et les assassins.
Guillaume est alors considéré comme le successeur naturel au comté de Flandre. Mais le roi de France Louis VI lui oppose son propre beau-frère Guillaume Cliton, le fils de l’ex-duc de Normandie Robert Courteheuse, petit-fils de Mathilde de Flandre et arrière-petit-fils de Baudouin V de Flandre.
Dès la fin mars, Cliton obtient le soutien de beaucoup de barons flamands, et est reçu dans les villes de Bruges [6] et Gand [7]. Fin avril, il attaque alors Ypres, se fait admettre dans la ville, et capture son rival. Guillaume est libéré en mars 1128, après avoir été innocenté de toute implication dans le meurtre de Charles le Bon.
Thierry d’Alsace, un autre petit-fils de Robert 1er, revendique alors le comté. Cliton est tué au combat en 1128, et Thierry d’Alsace est reconnu comte.
Au début des années 1130, Guillaume d’Ypres lance une révolte contre le nouveau comte, mais ses motifs et le déroulement des événements ne sont pas connus. Par contre, il est sûr qu’il échoue et qu’il est banni du comté vers 1133.
Banni de ses terres natales, Guillaume émigre probablement à la cour d’Angleterre peu après qu’Étienne d’Angleterre s’est emparé du trône. Il est probablement au service royal dès 1136, et en 1137 il est déjà un membre important de l’entourage du roi. En 1137, il est envoyé par Étienne en Normandie à la tête de mercenaires flamands, pour contrer une campagne du comte d’Anjou Geoffroy Plantagenêt. Il acquiert une réputation d’homme violent et impitoyable, notamment à partir de cette campagne pendant laquelle ses troupes de mercenaires effraient l’aristocratie normande.
Durant la guerre civile qui oppose Étienne à Mathilde l’Emperesse pour la couronne d’Angleterre, il est reconnu comme l’un des chefs militaires les plus capables se battant pour Étienne, et devient son ami et confident.
Le roi l’envoie à nouveau en Normandie en mai 1138, accompagné du comte Galéran IV de Meulan, pour restaurer l’ordre dans le duché. Mais après que le comte Robert de Gloucester est passé dans le camp de l’Emperesse, la situation en Normandie devient très défavorable pour le roi. Guillaume d’Ypres est obligé de revenir dans le royaume en 1138-1139. En 1139, Guillaume semble impliqué dans l’arrestation des évêques de Salisbury [8],Ely [9]et Lincoln [10].
Il participe à la bataille de Lincoln [11] en 1141 au cours de laquelle ses troupes sont mises en fuite et Étienne est capturé. À la bataille de Winchester [12], quelques mois plus tard, Guillaume est devenu le chef militaire du parti d’Étienne toujours emprisonné. Il dirige les troupes loyalistes et met en déroute les troupes de l’Emperesse. À la suite de cette bataille, Guillaume III de Warenne capture Robert de Gloucester, capitaine des troupes de Mathilde, ce qui permet un échange contre Étienne.
Il fonde l’abbaye de Sainte-Marie de Boxley [13] vers 1146 y invitant les moines cisterciens de Clairvaux [14]. En 1148, il est médiateur dans un conflit opposant le roi Étienne à l’archevêque de Cantorbéry [15] Thibaut du Bec. Par la suite, alors que le conflit sur le sol anglais s’apaise, il semble beaucoup moins actif, peut-être parce qu’il est devenu aveugle.
Après le traité de Wallingford [16] en 1153 entre Étienne d’Angleterre et le futur Henri II, qui met fin à la guerre civile, sa position dans le Kent [17] est clairement en danger. En effet, il ne tient aucune terre en fief, mais touche des revenus seulement en tant que gardien de cités et de domaines royaux. Après l’accession au trône d’Henri II en 1154, il quitte l’Angleterre avec la plupart de ses mercenaires. Toutefois, il n’y a pas de preuve qu’ils aient été expulsés du royaume. Henri II lui permet de conserver ses revenus jusqu’en 1156, année pour laquelle il gagne 440 livres sterling.
Depuis 1154 il avait l’autorisation de Thierry d’Alsace, le comte de Flandre, de se retirer dans ses possessions de Lo [18]. Il se retire dans l’abbaye Saint-Pierre de Lo [19], où il meurt en 1164 ou 1165. Il est inhumé dans cette même abbaye que son père avait fondée.
Notes
[1] Le comté est tenu par la Maison de Flandre de 863 jusqu’à la mort de la dernière comtesse, Marguerite de Constantinople, en 1280, puis par la Maison de Dampierre Flandre, puis devenu l’une des possessions de la Maison capétienne de Bourgogne en 1385, devint alors l’un des principaux centres des États bourguignons. Après la Guerre de succession de Bourgogne il fut ensuite progressivement intégré aux Pays-Bas bourguignons et fut finalement détaché du royaume de France par le Traité de Madrid en 1526 en faveur des Habsbourg d’Espagne. Louis XIV en reconquit une partie sur les Espagnols. Le comté cessa d’exister en 1795 après la conquête des Pays-Bas autrichiens par les Français. Le territoire de ce comté correspond approximativement aux provinces belges actuelles de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale, à l’ouest de la province de Hainaut (arrondissements de Tournai et Mouscron), plus la partie de la province d’Anvers située à l’ouest de l’Escaut, la Flandre zélandaise et la région historique de Flandre française (région de Lille, Dunkerque, Hazebrouck, Douai,…).
[2] Titre porté au Moyen Âge par plusieurs princes germaniques possesseurs de terres relevant directement de l’empereur, en particulier les comtes d’Alsace, de Hesse et de Thuringe.
[3] Le duché de Brabant, est un État féodal issu du démembrement de la Basse-Lotharingie en 1106 et intégré au Saint Empire romain jusqu’à ce qu’il soit partagé, de fait en 1581 et en droit en 1648 : le nord devint une des entités des Provinces-Unies et le sud resta dans l’Empire jusqu’en 1794 où il fut divisé en deux départements français. Selon les époques, il a pu couvrir l’actuelle province néerlandaise de Brabant-Septentrional, les provinces belges d’Anvers, du Brabant wallon et de Brabant flamand et les villes de Bergen-op-Zoom, Anvers, Louvain, Malines, Ninove, Grammont, Vilvoorde, Tirlemont, Grimbergen, Nivelles, Gembloux, Sombreffe, Jodoigne, Turnhout et Bruxelles qui en devient la capitale au 15ème siècle.
[4] Ypres est une ville de Belgique située en Région flamande, chef-lieu d’arrondissement en province de Flandre-Occidentale. Elle est située dans le Nord-ouest de la Belgique dans la région du Westhoek.
[5] une famille de nombreux chevaliers et d’administrateurs qui redoutaient la perte de leurs pouvoirs
[6] Bruges est une ville de Belgique située en Région flamande, chef-lieu et plus grande ville de la province de Flandre-Occidentale. Bruges a joué un rôle important au Moyen Âge, époque au cours de laquelle les riches marchands de la ville relient la Baltique et la Méditerranée, point fort de la spécificité brugeoise au Moyen Âge.
[7] Gand est une ville belge néerlandophone, située en Région flamande au confluent de la Lys et de l’Escaut. C’est le chef-lieu de la province de Flandre-Orientale et depuis 1559 le siège de l’évêché de Gand. Capitale de l’ancien comté de Flandre, grande cité drapière et commerçante, puis ville natale de Charles Quint, elle connut à partir du 12ème siècle, et plus encore du 14ème au 16ème siècle, une période de floraison tant économique que culturelle. En 1500, Jeanne de Castille y donna naissance à Charles Quint, futur empereur romain germanique et roi d’Espagne. Quoique natif de Gand, celui-ci prit des mesures brutales pour réprimer la révolte de Gand en 1539, exigeant que les notables de la ville défilent pieds nus avec une corde autour du cou : depuis cette époque, les Gantois sont surnommés Stroppendragers (les « garrotés »). La congrégation de Saint-Bavon fut dissoute, son monastère rasé et remplacé par une caserne ducale. Seuls quelques édifices de l’ancienne abbaye échappèrent à la démolition. La fin du 16ème et le début du 17ème siècle se traduisirent par des bouleversements liés à la guerre de Quatre-Vingts Ans. Face à la menace des troupes espagnoles, des états généraux des Dix-Sept Provinces se tiennent à Gand en 1576. Il en résulte un acte de pacification qui affirme l’autonomie nationale contre les ministres et les troupes espagnoles. Don Juan d’Autriche est obligé d’accepter la pacification de Gand. Cependant, la minorité calviniste, organisée en un parti d’une grande efficacité, s’empare du pouvoir par la force. En 1577, les calvinistes s’appuient sur le programme du prince d’Orange qui promet la restauration des libertés communales. Les vieilles magistratures municipales retrouvèrent leurs prérogatives, les chartes confisquées réapparurent et les métiers siégèrent derechef à la Collace. Gand est pour un temps une république calviniste. Mais bientôt les Espagnols, conduits par Alexandre Farnèse, reprirent la ville, la convertissant définitivement au catholicisme. Les conflits de la guerre de Quatre-Vingts Ans mirent un terme au rayonnement international de Gand. La ville est prise en 1678 par Vauban
[8] L’évêque de Salisbury est à la tête du diocèse anglican de Salisbury, dans la province de Cantorbéry. Cet évêché trouve ses origines dans le diocèse de Sherborne, créé en 705 et définitivement installé à Salisbury en 1227.
[9] Le diocèse d’Ely est un diocèse anglican de la Province de Cantorbéry. Il s’étend sur le Cambridgeshire (à l’exception de Peterborough et de ses alentours, qui relèvent du diocèse de Peterborough) et sur l’ouest du Norfolk. Son siège est la cathédrale d’Ely.
[10] Le diocèse de Lincoln est un diocèse anglican de la Province de Cantorbéry. Son siège est la cathédrale de Lincoln. C’est l’un des plus anciens diocèses d’Angleterre, fondé en 678. Il se divise en 23 archidiaconés.
[11] La bataille de Lincoln ou première bataille de Lincoln se déroule le 2 février 1141. Cet événement est un épisode important d’une période sombre de l’Histoire de l’Angleterre, la guerre civile entre Étienne d’Angleterre et Mathilde l’Emperesse. À l’issue de cette bataille, le roi Étienne est capturé, puis emprisonné et déposé.
[12] La déroute de Winchester ou parfois bataille de Winchester se déroule le 14 septembre 1141. Cet événement est un épisode important d’une période sombre de l’Histoire de l’Angleterre : L’Anarchie. Le parti royal d’Étienne d’Angleterre parvient à la suite de la débâcle du camp angevin adversaire à capturer Robert de Gloucester. Il peut ainsi l’échanger contre le roi Étienne qui a été capturé lors de la bataille de Lincoln, quelques mois plus tôt.
[13] L’abbaye de Boxley est une ancienne abbaye cistercienne située dans le village de Boxley dans le comté du Kent, en Angleterre. Comme la plupart des abbayes britanniques, elle a été fermée par Henry VIII à la fin de la campagne de dissolution des monastères. L’abbaye est fondée en 1146 par Guillaume d’Ypres, qui commande alors les troupes du roi Étienne grâce à l’action énergique de Mathilde et contrôle de ce fait à peu près tout le comté du Kent. Avec l’autorisation expresse de cette dernière, il fait venir des moines de Clairvaux pour construire et faire vivre l’abbaye. La principale raison de la fondation de cette abbaye n’est pas, comme souvent, la mise en valeur des terres ou la prière pour le repos de son âme, mais l’affirmation de son indépendance vis-à-vis des moines bénédictins de l’abbaye Saint-Augustin de Cantorbéry. Les chartes de fondation sont confirmées assez tardivement, par Richard 1er le 7 décembre 1189 et le 10 novembre 1198, puis par Henri III le 24 avril 1253, enfin par Édouard 1er en 1290 et Édouard IV en 1473
[14] L’ancienne abbaye de Clairvaux située à Ville sous la Ferté, dans l’Aube (région Champagne-Ardenne), à quinze kilomètres de Bar-sur-Aube, était un monastère cistercien fondé en 1115 par Bernard de Clairvaux et quelques compagnons, envoyés par Étienne Harding, abbé de Cîteaux. La personnalité de saint Bernard lui donna un rayonnement considérable. Avec La Ferté, Pontigny, et Morimond elle forme le groupe des quatre filles « majeures » (premières fondations) de Cîteaux, toute première abbaye de l’ordre cistercien. C’est de loin la plus prolifique, avec quatre-vingts abbayes-filles. Elle est supprimée lors de la Révolution française (1789).
[15] L’archevêque de Cantorbéry est, après le gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre (c’est-à-dire le monarque du Royaume-Uni), le chef de l’Église d’Angleterre et de la Communion anglicane. Il est le successeur de saint Augustin de Cantorbéry, le premier archevêque de 597 à 605. L’archevêque de Cantorbéry exerce une juridiction métropolitaine sur la province de Cantorbéry qui comprend 30 des 44 diocèses de l’Église d’Angleterre (les quatorze restants, au Nord de l’Angleterre, font partie de la province d’York). Autrefois, les quatre diocèses du Pays de Galles tombaient aussi sous la juridiction de la province de Cantorbéry. Mais, en 1920, les diocèses gallois furent transférés sous l’autorité de l’Église au Pays de Galles.
[16] Le traité de Wallingford est un accord conclu le 6 novembre 1153 entre le roi Étienne d’Angleterre et Henri Plantagenêt, duc de Normandie, comte d’Anjou et du Maine, fils de Mathilde l’Emperesse et futur Henri II d’Angleterre. Le traité mit fin à la guerre civile créée par la dispute pour la couronne d’Angleterre qui durait depuis 1135. Il est parfois aussi appelé traité de Winchester ou traité de Westminster, car bien qu’initié à Wallingford, il a été formellement écrit à Winchester (Angleterre) et finalisé à l’abbaye de Westminster.
[17] Le comté de Kent est situé au sud-est de l’Angleterre, face à la France.
[18] Lo-Reninge est une ville néerlandophone de Belgique située en Région flamande dans la province de Flandre-Occidentale.
[19] L’abbaye Saint-Pierre de Lo, partiellement détruite aujourd’hui, était située au niveau de la section Lo, en Belgique, dans la Province de Flandre-Occidentale. Il s’agissait d’un prieuré fondé vers 1200, élevé au rang d’abbaye en 1621. Le monastère fut prospère aux 13ème et 17ème siècles, mais dévasté par les Gantois, les Anglais, les Gueux puis par les Espagnols. Il fut supprimé en 1797. Il en reste, en 2017, un vieux colombier et l’église abbatiale Saint-Pierre.