Roger de Beaumont 2ème comte de Warwick (mort en 1153)
Baron anglo-normand des règnes d’Henri 1er et d’Étienne d’Angleterre
Fils aîné et héritier d’Henri de Beaumont, 1er comte de Warwick [1], et de Margaret, fille de Geoffroy II, comte du Perche [2]. Son père avait été un soutien important des rois Guillaume le Roux et Henri 1er, et avait donc bénéficié de nombreux cadeaux des deux monarques. Il est en âge de lui succéder à sa mort en 1119, et rentre donc en possession d’un important domaine dans le Warwickshire [3] et de la seigneurie de Gower [4] dans le sud des marches [5] galloises. Avant 1135, il épouse Gundreda, une fille de Guillaume II de Warenne, le 2ème comte de Surrey [6].
Sa carrière en Angleterre est marquée par son conflit avec la famille de Clinton [7], à commencer par Geoffrey de Clinton , l’un des nouveaux hommes d’Henri 1er. L’origine de cette tension est à rechercher dans les problèmes de succession du roi d’Angleterre et duc de Normandie [8].
Celui-ci a perdu son seul fils légitime dans le naufrage de la Blanche-Nef [9] en 1120. Du coup, Guillaume Cliton, fils de Robert Courteheuse et neveu du roi, se pose en candidat à la succession du duché de Normandie mais Henri entend imposer sa fille Mathilde. Robert, le frère de Roger de Beaumont, et leur cousinGaléran IV de Meulan font partie des rebelles qui soutiennent la cause de Cliton. Henri 1er suspectant Roger de sympathie pour cette cause promeut alors Geoffrey de Clinton à la position d’un propriétaire terrien majeur dans le Warwickshire, afin de contrebalancer son pouvoir local. Roger est alors obligé de transférer une partie non négligeable de ses domaines dans le comté à son nouvel ennemi. Geoffrey de Clinton obtient aussi l’office de shérif [10] du comté, ce qui renforce encore plus son pouvoir.
Le roi impose en plus à Roger de payer de lourdes amendes, qui ne sont toujours pas réglées en 1130. Toujours à cette époque la seigneurie de Gower (Pays de Galles) est mise sous la tutelle royale.
Guillaume Cliton meurt en 1128 en Flandre [11], et la menace étant dissipée, la pression royale sur les Beaumont n’est plus nécessaire. Roger revient en faveur, et le pouvoir de Geoffrey de Clinton commence à décliner.
Quand Henri 1er meurt en 1135, c’est normalement sa fille Mathilde l’Emperesse qui doit lui succéder, mais son cousin Étienne de Blois usurpe le trône et se fait couronner. Roger accepte d’autant plus le nouveau roi que celui-ci a absolument besoin du soutien des grandes familles baronniales pour maintenir sa position à la tête du royaume.
Roger et son ost [12] sont immédiatement sur le sentier de la guerre contre les Clinton. Ses hommes assiègent leur château de Kenilworth [13] et pillent le prieuré voisin. Mais les Clinton et leurs vassaux résistent vaillamment et sont même capables de contre-attaquer.
Étienne d’Angleterre est obligé d’intervenir avant que le conflit ne dégénère plus avant. Un traité de paix est signé entre les deux partis. Geoffrey II de Clinton reconnaît Roger pour suzerain et est fiancé à Agnès, une fille du comte, qui n’est encore qu’une enfant. En contrepartie, ses terres lui sont redonnées dans des termes avantageux, et il obtient l’office héréditaire de shérif du Warwickshire.
Pendant un court laps de temps, il est proche du pouvoir car il est dans le sillage de ses cousins, les jumeaux Robert et Galéran. En 1138, l’ouest du royaume se rebelle contre le roi, soutenant la revendication de Mathilde l’Emperesse au trône d’Angleterre. Dans la guerre civile qui s’ensuit entre les partisans angevins de Mathilde et ceux d’Étienne, Roger reste dans le camp du roi. Lorsque Étienne est capturé à la bataille de Lincoln [14] en février 1141, il change de camp, rejoignant ainsi son beau-frère Geoffrey II de Clinton. Dès la libération d’Étienne en novembre 1141, il revient dans son camp.
Par la suite, bien qu’il lui reste loyal, Étienne ne lui fait plus confiance et installe une garnison royale au château de Warwick [15]. Éloigné des affaires nationales, il est tourmenté par ses jeunes frères.
Son cadet Henri reprend la seigneurie de Gower aux Gallois vers 1137, et en devient le suzerain. Vers 1173, il se dispute avec un autre frère,Rotrou, l’évêque d’Évreux [16], car il lui aurait promis le patronage exclusif de l’abbaye familiale de Sainte-Marie de Warwick. Rotrou fait intervenir le pape pour faire plier son frère, ce qui amène ce dernier à être menacé d’excommunions. Partout en Angleterre, certaines de ses possessions sont saisies par les importants barons du voisinage. Par exemple, ses riches seigneuries dans le Gloucestershire [17] sont absorbées par Roger FitzMiles, un partisan du camp angevin.
Il meurt à la cour d’Étienne, le 12 juin 1153, du choc reçu en apprenant que sa femme a utilisé un subterfuge pour livrer le château de Warwick aux partisans d’Henri Plantagenêt, le fils de l’Emperesse.
Avant 1135, il épouse Gundreda, une fille de Guillaume II de Warenne, le 2ème comte de Surrey et d’Isabelle de Vermandois. En secondes noces, elle épouse Guillaume de Lancastre, lord de Kendal.
Notes
[1] Le titre de comte de Warwick est l’un des plus anciens comtés de la pairie d’Angleterre (aujourd’hui éteinte), et est dorénavant lié au titre de Baron Brooke dans la pairie du Royaume-Uni, créée en 1837. Il fut créé par Guillaume II le Roux, pour récompenser Henri de Beaumont de son aide lors de la rébellion de 1088. Le 14 avril 1445, le titre de comte fut transformé en duc de Warwick spécialement pour Henry de Beauchamp mort en 1446.
[2] Le comté du Perche est issu de l’union de deux seigneuries : celle de Mortagne-au-Perche, et celle de Nogent-le-Rotrou. Les seigneurs de Mortagne furent parfois qualifiés de comtes, mais pas de manière systématique. Ce fut le comte Geoffroy de Mortagne qui adopta le titre de comte du Perche, à la fin du XIIe siècle. À la mort de l’évêque Guillaume du Perche, en 1226, le comté fut réuni à la Couronne. Plus tard il fut donné en apanage à des princes du sang.
[3] e Warwickshire est un comté britannique situé au centre de l’Angleterre. Le Warwickshire est limité au nord-ouest par le comté des Midlands de l’Ouest et le Staffordshire, au nord-est par le Leicestershire, à l’est par le Northamptonshire, au sud par l’Oxfordshire, au sud-ouest par le Gloucestershire et à l’ouest par le Worcestershire.
[4] La péninsule de Gower est une péninsule située sur la côte sud-ouest du Pays de Galles, sur le côté nord du canal de Bristol, au sud-ouest du comté historique de Glamorgan. Appelé plus couramment Gower, ce fut la première région du Royaume-Uni à être désignée comme une Area of Outstanding Natural Beauty, c’est-à-dire une zone d’une beauté naturelle exceptionnelle, en 1956. De superbes plages et de magnifiques falaises se succèdent tout au long des 22 km de la côte sud de la presqu’île. À l’extrémité de la péninsule se trouve l’île Ynys Lanwol.
[5] Au haut Moyen Âge, une marche est un fief créé dans une zone frontalière, soit après conquête, soit par détachement d’un autre territoire, et auquel le souverain attribue une fonction particulière de défense contre les territoires voisins. Les marches désignent à l’origine de nombreux territoires frontaliers de l’Empire carolingien. Par extension, le terme a également désigné une province frontalière, militarisée ou non. La marche est l’ancêtre du marquisat ou du margraviat.
[6] Le titre de comte de Surrey a été créé plusieurs fois dans la pairie d’Angleterre, et le titre duc de Surrey une seule fois. De nos jours, le titre est utilisé comme titre de courtoisie pour l’aîné des fils du duc de Norfolk associé à celui de comte d’Arundel : comte d’Arundel et Surrey. Le comté de Surrey est dans le Sud de l’Angleterre, très proche de Londres.
[7] Les origines de la famille Clinton sont un peu obscures. Elle tire probablement son nom du village de Glympton dans l’Oxfordshire. La famille de Geoffrey de Clinton chambellan du roi d’Angleterre est originaire du village de Saint-Pierre-de-Semilly dans le Cotentin où elle avait quelques petites possessions. Il est possible qu’il soit entré au service du futur Henri Ier d’Angleterre dans les années 1090 quand celui-ci était en possession du Cotentin
[8] Le duché de Normandie est un état féodal qui a existé de 911 à 1469, d’abord comme principauté largement autonome, puis, après sa conquête par le roi de France en 1204, comme partie du domaine royal ou comme apanage. Louis XI supprime le duché en 1469. Toutefois, il subsiste pour sa partie insulaire (les îles Anglo-Normandes) comme dépendance de la couronne britannique. Le duché de Normandie fait partie, comme l’Aquitaine, la Flandre ou la Catalogne, de ces principautés qui émergent au milieu du Moyen Âge avec l’affaiblissement du pouvoir royal carolingien. En 911, débordé par les raids des Vikings, le roi des Francs Charles le Simple confie à l’un de leurs chefs, Rollon, les pays autour de la Basse-Seine. Cette concession est l’embryon du duché de Normandie.
[9] La Blanche-Nef est un navire normand qui fit naufrage à Barfleur au large du Cotentin, le 25 novembre 1120 avec pas moins de 140 hauts barons et dix-huit femmes de haute naissance, filles, sœurs, nièces ou épouses de rois et de comtes à son bord, parmi lesquels l’héritier du trône d’Angleterre, le prince Guillaume Adelin, fils du roi Henri Ier Beauclerc.
[10] La fonction de shérif est originaire de l’Angleterre prénormande. Le terme est né d’une contraction des mots anglo-saxons Shire reeve, désignant respectivement : pour le Shire, une circonscription administrative similaire au comté ; pour le reeve, un officier, agent d’un seigneur féodal (très proche du concept du bailli) qui faisait appliquer l’ordre parmi les serfs du domaine. En définitive, le shérif était un grade supérieur de cette fonction de Reeve, correspondant littéralement à celle d’un « bailli du comté ». Après la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, la fonction perdura, dans le cadre de vicomté. Elle reprit finalement l’appellation de shérif, tandis que vicomte devint un titre héréditaire de pairie.
[11] Le comté de Flandre a été un pagus carolingien, puis l’une des principautés du royaume de France, particulièrement impliquée dans les conflits franco-anglais, aux frontières et à l’influence durement disputées depuis sa création au 9ème siècle jusqu’en 1384, date de la mort du comte Louis de Male. Le comté, possédé par la Maison de Flandre de 863 jusqu’à la mort de la dernière comtesse, Marguerite de Constantinople, en 1280, puis par la Maison de Dampierre-Flandre, puis devenu l’une des possessions de la Maison capétienne de Bourgogne en 1385, devint alors l’un des principaux centres des États bourguignons. Après la Guerre de succession de Bourgogne il fut ensuite progressivement intégré aux Pays-Bas bourguignons et fut finalement détaché du royaume de France par le Traité de Madrid en 1526 en faveur des Habsbourg d’Espagne. Louis XIV en reconquit une partie sur les Espagnols. Le comté cessa d’exister en 1795 après la conquête des Pays-Bas autrichiens par les Français. Le territoire de ce comté correspond approximativement aux provinces belges actuelles de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale, à l’ouest de la province de Hainaut (arrondissements de Tournai et Mouscron), plus la partie de la province d’Anvers située à l’ouest de l’Escaut, la Flandre zélandaise et la région historique de Flandre française (région de Lille, Dunkerque, Hazebrouck, Douai,…).
[12] Le terme ost ou host désignait l’armée en campagne à l’époque féodale et le service militaire que les vassaux devaient à leur suzerain au Moyen Âge. Dès le haut Moyen Âge, le service d’ost ou ost s’imposait à tous les hommes libres (« homines liberi »), appelés plus tard vavasseurs.
[13] Kenilworth est connu pour son château, immortalisé par Walter Scott dans son roman du même nom. Il fut bâti vers 1125 par Geoffroy de Clinton, chambellan et trésorier du roi Henri Ier d’Angleterre. Henri II s’empara du château lors de la rébellion de 1173-1174, et donna en compensation aux Clinton un autre château dans le Buckinghamshire. Ses fortifications furent alors renforcées, ce qui en fit une des plus puissantes places fortes des Midlands
[14] La bataille de Lincoln ou première bataille de Lincoln se déroule le 2 février 1141. Cet événement est un épisode important d’une période sombre de l’histoire de l’Angleterre, la guerre civile entre Étienne d’Angleterre et Mathilde l’Emperesse. À l’issue de cette bataille, le roi Étienne est capturé, puis emprisonné et déposé.
[15] Le château de Warwick est un château situé à Warwick, sur une falaise dominant un méandre de la rivière Avon, dans le Warwickshire au Royaume-Uni. Le château de Warwick a été construit par Guillaume le Conquérant en 1068. C’est un château de style gothique.
[16] Le diocèse d’Évreux est un siège de l’Église catholique de France fondé sur le territoire du peuple gaulois des Aulerques Éburovices dans l’actuel département de l’Eure en Normandie. Le diocèse appartient à la province ecclésiastique de Rouen. Le premier évêque d’Évreux est saint Taurin, au 4ème siècle. L’évêque d’Évreux porte, entre autres, de droit les titres de comte de Condet, Illiers et Brosville.
[17] Le Gloucestershire est un comté situé dans le sud-ouest de l’Angleterre. Le comté comprend une partie des Cotswolds, une partie de la vallée fertile du fleuve Severn et toute la forêt de Dean. La capitale est Gloucester et les autres villes principales sont Cheltenham, Stroud, Cirencester et Tewkesbury. Les comtés voisins sont le Gwent au Pays de Galles et les comtés cérémonials de Herefordshire, Oxfordshire, Worcestershire, Warwickshire et Wiltshire en Angleterre.