Elle fut désignée roi par son père faute d’héritier mâle.
Enfant unique de Gustave II Adolphe et de Marie-Éléonore de Brandebourg fille de l’Électeur [1] de Brandebourg [2] Jean III Sigismond de Brandebourg , elle est élevée comme un garçon.
Son père trouve la mort à la bataille de Lützen [3] en 1632, alors qu’elle n’a que 6 ans. Sa mère névrosée la néglige au point qu’elle fait plusieurs chutes dans son enfance, lui laissant une épaule déformée.
Gustave Adolphe, qui avait perdu 2 enfants en bas âge, avait réglé l’ordre de sa succession avant de rentrer en campagne. Il avait obtenu des nobles la suppression de la dévolution exclusivement masculine dès 1627. Christine monte alors sur le trône sans opposition, sous la tutelle du chancelier Axel Oxenstierna .
Elle reçoit un enseignement sévère sous la direction du grand maître de la maison royale Axel Baner , le frère du maréchal Johan Banér, et de son précepteur, Johannès Matthiae . Aux études traditionnelles des langues et de l’histoire s’ajoutaient la pratique des arts notamment le dessin et la peinture et du sport escrime et équitation.
Oxenstierna est retenu en Allemagne par les péripéties de la guerre de Trente ans [4] et ne revient en Suède qu’en 1636 après le traité passé avec la France.
Son premier geste est d’éloigner la reine douairière, dont la santé mentale a été altérée par la mort de son mari, afin d’éviter son influence néfaste sur la jeune Christine qui a 10 ans. C’est sa tante Catherine Vasa , comtesse des Deux-Ponts [5] qui tint le rôle de mentor féminin.
Majeure en 1644, la reine Christine s’oppose rapidement au chancelier Oxenstierna, définitivement mis à l’écart après le traité de Westphalie [6].
Partisane de la paix, elle met fin aux conflits armés avec le Danemark en 1645 par le traité de Brömsebro [7] qui donne à la Suède les îles de Ösel [8] et de Gotland [9], le Jämtland [10] et le Härjedalen [11] en Norvège.
La paix de Westphalie, signée en 1648, lui donne l’île de Rügen [12], Wismar [13], Verden [14] et Brême [15], ainsi qu’une partie de la Poméranie [16] et l’embouchure de l’Oder [17]. Ces acquisitions font de la Suède la première puissance nordique.
Christine est couronnée en 1650, et les préoccupations de son entourage se portent sur la pérennité de la dynastie, et donc sur les projets de mariage. Le premier prétendant n’est autre que son cousin Charles-Gustave (Charles X Gustave) , mais Christine a une préférence pour le comte Magnus-Gabriel de La Gardie qui obtient de nombreuses libéralités de la part de la reine. Celle-ci a toutefois en horreur les liens du mariage et va pousser son favori à épouser Marie-Euphrosyne de Deux-Ponts-Cleebourg , la sœur de Charles-Gustave, donc sa cousine.
Débarrassée des conflits, Christine peut se consacrer aux lettres et aux arts, alimentant sa propre bibliothèque d’ouvrages savants et faisant venir des œuvres de sculpture et peinture, surtout italiennes.
Elle invite en Suède des érudits français tels Descartes qui y mourra en février 1650, Claude Saumaise , Bochart ou Marc Antoine Girard sieur de Saint Amant. Dans ses mémoires, Christine avouera l’influence de Descartes dans le mûrissement de ses pensées.
Malgré un essor économique certain depuis la fin de la guerre de Trente ans, les extravagances de Christine, son goût pour les modes étrangères, les dépenses exorbitantes de son sacre, ses libéralités vis-à-vis de ses favoris et de ses invités, sa politique d’anoblissement en masse mettent à mal les finances royales.
Refusant de se marier, s’habillant en homme et fumant la pipe, les pamphlets de l’époque lui prêtent de nombreuses aventures aussi bien féminines que masculines. Mais en femme de caractère, elle fait front aux critiques de son entourage.
La situation dynastique reste la question essentielle. Dès 1651, Christine envisage l’abdication. Renonçant définitivement à se marier, elle obtient de la Diète la désignation de son cousin Charles-Gustave d’abord comme successeur, puis comme prince héritier, ce qui englobe la propre descendance de ce dernier.
Elle annonce le 11 février 1654 son abdication, prenant effet au 6 juin 1654. Les raisons en sont certainement complexes : lassitude et dégoût du pouvoir, difficultés financières proches de la banqueroute ou cheminement spirituel qui conduira cette fille d’un des champions protestants de la Guerre de Trente Ans à se convertir au catholicisme.
Ce qui est certain est que le luthéranisme imposé par Gustave 1er Vasa était en Suède assez intolérant et que le culte catholique était strictement prohibé. Christine n’oublie pas de négocier son abdication contre des donations [18] pour préserver ses futures ressources.
Elle quitte immédiatement la Suède, faisant étape à Hambourg [19], Anvers [20] et Bruxelles où elle se convertit secrètement au catholicisme.
Cette conversion d’un ancien souverain protestant représente une victoire symbolique dans la lutte de la papauté contre le protestantisme. Mais le pape Alexandre VII exige une abjuration publique avant de la recevoir, chose faite à Innsbruck [21]. Elle est accueillie avec faste à Rome le 20 décembre 1655 et reçoit sa première communion d’Alexandre VII.
Elle est logée au palais Farnèse [22] et fait connaissance du cardinal Decio Azzolino avec lequel elle entretiendra une relation sentimentale jusqu’à la fin de sa vie. Son caractère entier et sa liberté de mœurs ont tôt fait de lui aliéner ceux qui l’avaient reçue avec ferveur et Alexandre VII va prendre ses distances.
Ses revenus suédois rentrant mal, Christine décide de renégocier les accords passés avec son cousin. Elle obtient l’accord de Mazarin de traverser la France pour se rendre à Hambourg. Elle quitte Rome le 20 juillet 1656 sur la galère papale, débarque à Marseille et atteint la capitale le 8 septembre.
Un vague projet est négocié avec Mazarin pour lui offrir le trône de Naples, Christine s’engageant à user de son influence pour rallier le pape au projet. Elle retourne en Italie, mais reste bloquée à Pesaro [23] en raison de l’épidémie de peste qui sévit à Rome.
Inquiète des tergiversations de Mazarin, ce dernier n’hésitant pas à jouer un double jeu, elle décide de retourner en France. C’est à cette occasion que, persuadée de la trahison de son écuyer Giovanni Monaldeschi révélant à la cour espagnole son alliance avec les Français, elle le fait mettre à mort par ses gens à Fontainebleau le 10 novembre 1657.
Ce meurtre lui vaudra le surnom de Sémiramis suédoise. Cette affaire embarrasse le jeune Louis XIV et Mazarin, mais la cour ménage l’ex-reine de Suède. Les esprits du temps ont longuement débattu sur le fait qu’un souverain ayant abdiqué puisse se faire justice chez un souverain étranger.
Toutefois la cour de France est à nouveau soulagée de son départ pour l’Italie. Le 15 mai 1658 elle est de nouveau à Rome, mais elle a perdu de sa popularité.
Le 3 février 1660, son cousin Charles-Gustave meurt subitement laissant la couronne de Suède à son fils de 5 ans. Christine décide de retourner en Suède et quitte Rome le 20 juillet.
Malgré les réticences du chancelier elle arrive à Stockholm le 12 octobre et demande le rétablissement de ses droits héréditaires en cas de disparition du jeune roi. Elle se heurte à l’opposition des nobles et du clergé luthérien et doit reprendre le chemin de Rome en 1662.
Elle va faire une nouvelle tentative en 1666, mais le Conseil de régence interdit à son aumônier catholique d’entrer dans le pays et elle ne dépasse pas Norrköping [24].
En 1668, Jean II Casimir Vasa abdique. La monarchie polonaise est élective et Christine a l’idée saugrenue de poser sa candidature, estimant ses chances réelles comme dernier rejeton des Vasa. Ce sera un nouvel échec lorsque les Polonais décident d’élire l’un des leurs, Michel Koributh Wisniowiecki .
Christine se fixe définitivement à Rome en octobre 1668. Elle demeure dans le Trastevere au Riario alla Lungara [25] qu’elle transforme en musée. Elle y expose de multiples pièces tapisseries, peintures, sculpture, dessins, objets divers de collection qu’elle réunit à partir du fonds constitué en Suède, de donations ou d’achats plus récents. Le cabinet des médailles est particulièrement renommé. La bibliothèque comprend 5 000 volumes.
Elle est l’amie des artistes comme le célèbre Bernini dit Le Bernin , apprécie les musiciens baroques : Filippo Acciaiuoli , Alessandro Stradella, Alessandro Scarlatti dont elle soutient les débuts, Arcangelo Corelli qui l’initie au violon.
Elle obtient l’autorisation du pape d’ouvrir le premier théâtre public romain, le Tor di Nona.
En 1674, elle crée l’académie du Riario, qui deviendra l’Accademia dell’Arcadia [26], société de lettrés et d’artistes. Elle s’intéresse aux sciences (astrologie et alchimie) et aux travaux de savants tel Giovanni Alfonso Borelli et Giovanni Ciampini .
Sur le plan religieux, elle s’inquiète en 1686 du sort des protestants de France, qui doivent subir la politique des conversions forcées menées par le pouvoir royal. Elle critique plus particulièrement les dragonnades [27].
Vers la fin de sa vie, peut-être sous l’influence du Bernin, elle se rapproche du mysticisme et protège Miguel de Molinos jusqu’à son arrestation et sa condamnation en 1685, ce qui lui valut d’être accusée de quiétisme [28] par l’ambassadeur de France.
Elle meurt à Rome en 1689 d’érysipèle, maladie dont elle souffrait depuis plusieurs années. Son corps repose au Vatican dans la crypte de la basilique Saint-Pierre