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Jeanne d’Anjou ou Jeanne 1ère de Naples

lundi 4 octobre 2021, par ljallamion (Date de rédaction antérieure : 5 août 2012).

Jeanne d’Anjou (1326-1382)

Reine de Naples-Duchesse des Pouilles et de Calabre-Comtesse de Provence de Foncalquier et de Piémont de 1343 à 1382

Jeanne d'Anjou Reine de Naples-Duchesse des Pouilles et de Calabre-Comtesse de Provence de Foncalquier et de Piémont de 1343 à 1382

Elle naît à Naples [1] en 1326, fille aînée de Charles de Calabre, et petite fille de Robert d’Anjou dit le Sage, comte de Provence [2], duc d’Anjou [3] et roi de Naples [4].

Jeanne, est âgée de 17 ans, lorsqu’elle monte sur le trône. Le duché d’Anjou et le comté de Provence étaient liés depuis le mariage, en 1246, de Béatrice de Provence, fille cadette de Raimond Bérenger IV, comte de Provence, avec Charles 1er d ’Anjou, frère de Saint Louis. A la mort de ce dernier le 7 janvier 1285 à Foggia [5] en Italie, son fils Charles le Boiteux lui succéda et, lorsque Robert le Sage meurt à Naples en 1343, laissant un testament qui prévoit que Jeanne régnera seule et sera jusqu’à 25 ans assistée d’un Conseil de régence et ou Il fait également défense à ses deux petites-filles d’aliéner toute partie des États.

Jeanne est remarquable par sa beauté et son esprit, passionnée, ardente.

Elle porte les titres de reine de Jérusalem [6], de Sicile [7], comtesse de Provence et de Forcalquier [8]. En effet, la couronne de Jérusalem est associée à celle de Sicile depuis Frédéric II, roi de Sicile en 1197, empereur germanique en 1220, qui vint à Jérusalem se faire couronner en 1229. Quant à la couronne de Sicile, elle n’est que théorique, depuis que, à la suite des Vêpres siciliennes  [9] de 1282, la Sicile a été prise aux Angevins par Pierre III d’Aragon. Naples devient un champ clos d’intrigues. Les prodigalités de la jeune reine épuisent rapidement le trésor.

En 1345 le pape, suzerain du royaume de Naples, accepte, sous l’influence de la reine de Hongrie Élisabeth de Pologne , qu’André de Hongrie soit couronné roi. Mais celui-ci, dans la nuit du 18 au 19 septembre, est assassiné, étranglé, sous les fenêtres de Jeanne. Celle-ci est accusée de complicité, d’autant plus qu’elle détestait son mari, et qu’elle épouse en 1346 Louis de Tarente qui passe pour être son amant et le meurtrier de son mari.

En 1347, Louis de Hongrie, désireux de venger son frère André, envahit le royaume de Naples. Entré dans le royaume en mai, il est aux portes de Naples à la fin de l’année, forçant Jeanne et Louis de Tarente à se réfugier en Provence. Transportée par l’armateur marseillais Jacques de Galbert, elle débarque à Brégançon [10]. Elle est d’abord bien reçue à Marseille, mais se trouve retenue prisonnière à Château Arnoux.

Libérée, elle se rend à Aix où elle trouve un accueil réticent de la part des nobles et grands officiers réunis au palais comtal. Elle doit s’engager à ne nommer que des Provençaux à tous les offices, et à ne rien aliéner du comté.

Elle se rend ensuite à Avignon auprès du pape Clément VI pour se justifier de l’accusation qui pèse sur elle, et obtenir qu’il légitime son second mariage. Elle est déclarée innocente par le pape, mais en contrepartie, elle doit céder ses droits sur la ville et le Comtat Venaissin [11] à ce dernier pour 80 000 florins d’or. Les Provençaux qualifient cette vente de "malheureuse et maudite". Afin de réunir de quoi soutenir la guerre contre Louis de Hongrie, Jeanne aliène droits et territoires de la couronne. Jacques de Galbert reçoit ainsi la seigneurie de Brégançon, avec ses dépendances, et est nommé amiral des mers du Levant. En 1348, à l’occasion de sa venue à Hyères, elle démembre la Forêt des Maures en faveur des habitants. Des droits de "pâturage et glandage" sont concédés aux habitants de Pierrefeu. Moyennant 15 ducats d’or, Jeanne concède le droit de récolter sur les chênes l’insecte appelé kermès, d’où on tire une précieuse couleur écarlate.

Pour 100 florins, elle abandonne le droit de pêche sur l’Etang-Long de Hyères.

En 1353, Jeanne consent une aliénation, comprenant le château d’Hyères, en faveur de Guillaume Roger, comte de Beaufort, parent du pape Clément VI et père de Raymond de Turenne.

Ecartée du pouvoir au profit des Tarente, la lignée des Duras entre en rébellion contre la reine Jeanne en 1357-58. Louis de Duras, l’aîné, provoque l’invasion des Pouilles [12] par la Grande Compagnie. De son côté, son frère Robert fomente des troubles en Provence. Il obtient l’appui de certaines grandes familles du comté, notamment la maison des Baux, et s’assure le concours de bandes de routiers [13] sans emploi depuis la défaite de Poitiers, sous le commandement d’Arnaud de Cervole dit l’Archiprêtre.

Face à lui, on a recours à des mercenaires conduits par le comte d’Armagnac. L’argent manque, et les hommes d’armes constituent un fléau supplémentaire. Mais, en 1366 Jeanne révoque toutes les aliénations qu’elle avait concédées.

En 1370 à Naples, Jeanne, sans enfants, désigne Charles de Duras, son cousin comme son héritier. Inquiet du remariage de la reine avec Othon de Brunswick , il se rapproche du clan hongrois. C’est en 1380 que Jeanne fait appel à Clément VII. Celui-ci lui conseille d’avoir recours à Louis, comte d’Anjou, deuxième fils de Jean II, roi de France. En échange de l’aide qu’il doit lui apporter, elle l’adopte le 29 juin, à la place de Charles de Duras.

En 1382 aux États d’Apt, les nobles et prélats de Provence se déclarent favorables à Louis, duc d’Anjou. Mais la Provence est divisée entre Marseille, qui a pris le parti de la reine Jeanne, et l’Union d’Aix, plutôt favorable aux Duras. Le 27 juillet, Charles de Duras, qui s’est rendu maître du royaume de Naples, fait capturer et assassiner Jeanne dans sa prison.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Dominique Paladilhe 1997 Dominique Paladilhe, La reine Jeanne, comtesse de Provence, Paris, Perrin, 1997, 192 p. (ISBN 2-262-00699-7, OCLC 36950166)

Notes

[1] Naples est une ville d’Italie, chef-lieu de la région de Campanie. L’histoire de Naples s’étend sur plus de 28 siècles. Sous le nom de Parthénope, elle fut fondée durant l’Antiquité par la cité voisine de Cumes. Elle s’étend ensuite rapidement jusqu’à devenir un des principaux centres commerciaux, culturels, philosophiques et politiques de la Grande-Grèce puis de l’Empire romain. Après avoir été brièvement dépendante de l’Empire byzantin, elle devient autonome au sein du duché de Naples. Dès le 13ème siècle et pour ensuite plus de 600 ans, elle devient successivement la capitale du royaume de Naples puis du royaume des Deux-Siciles. Elle reste alors un des principaux centres de développement économiques et technologiques d’Europe jusqu’à son annexion au royaume d’Italie en 1860, date à laquelle elle entame un relatif déclin socio-économique.

[2] Le Comté de Provence est une ancienne principauté territoriale située à l’est du delta du Rhône. Il ne doit pas être confondu avec le marquisat ou le Duché de Provence. En 1019, Emma, comtesse de Provence, se maria avec Guillaume Taillefer, comte de Toulouse, transmettant les droits de la lignée de Roubaud à la maison de Toulouse. Le titre de marquis de Provence passa définitivement à cette maison à compter de 1093. En 1112, Douce de Provence, héritière des droits de la ligne de Guilhem, épousa Raimond Bérenger III, comte de Barcelone, qui devient Raimond Bérenger 1er de Provence. Les maisons de Toulouse et de Barcelone entrèrent alors en conflit pour le marquisat. Un traité fut conclu, en 1125, entre Raymond Bérenger et Alphonse Jourdain de Toulouse : par celui-ci, le comté de Provence fut divisé en un marquisat au nord de la Durance - attribué aux Toulouse - et un comté au sud, attribué à Barcelone. En 1193, Alphonse II de Provence épouse Gersande de Forcalquier, ce qui donne naissance au comté de Provence Forcalquier.

[3] Dans l’histoire de l’Anjou, le comté d’Anjou émerge au 10ème siècle en conséquence de la dislocation du royaume carolingien. Il devient l’une des plus importantes principautés du royaume de France aux 11ème et 12ème siècles. En 1204, le roi de France Philippe Auguste met la main sur le comté. Celui-ci retrouve une certaine autonomie à partir du règne de Saint Louis en tant qu’apanage. L’Anjou est érigé en duché au début de la guerre de Cent Ans.

[4] Le royaume naquit de la scission de fait du royaume de Sicile, provoquée par les Vêpres siciliennes de 1282. Le roi Charles d’Anjou, chassé de l’île de Sicile par les troupes de Pierre III d’Aragon, ne se maintint que sur la partie continentale du royaume. Naples devint la capitale de ce nouveau royaume, ce qui provoqua une forte croissance de la ville qui était auparavant supplantée par Palerme. Sous le règne de Robert 1er, le royaume connaît une période de paix et de prospérité. Le roi fit de Naples l’un des centres culturels de l’Italie, invitant à sa cour Giotto, Pétrarque et Boccace. La seconde partie du 14ème siècle vit cependant s’amorcer une période de déclin due à la lutte fratricide entre deux branches adverses de la dynastie angevine pour régler la succession de Robert 1er puis celle de sa fille, la reine Jeanne 1ère. La maison d’Anjou-Duras finit par triompher, avec Charles III, duc de Duras, qui fit assassiner la reine Jeanne en 1382. Son fils, Ladislas 1er, étendit provisoirement le royaume sur une bonne partie de l’Italie centrale, caressant le rêve d’unifier la péninsule. À sa mort sans héritier en 1414 c’est sa sœur, Jeanne II, qui monta sur le trône.

[5] Foggia est une ville italienne de la province du même nom dans les Pouilles en Italie.

[6] Le royaume de Jérusalem fut fondé par des princes chrétiens à la fin de la première croisade, lorsqu’ils s’emparèrent de la ville. C’est l’un des États latins d’Orient. On peut distinguer plusieurs périodes dans son histoire : celles où le titre de roi de Jérusalem est associé à la mainmise croisée sur la ville (1099-1187 et 1229-1244), et celles où le titre représente le plus haut niveau de suzeraineté des croisés en Terre sainte, mais durant lesquelles la ville en elle-même n’appartient pas aux soldats croisés. Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville et ne disparut réellement qu’avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291, soit moins de deux siècles plus tard.

[7] Le royaume de Sicile, également appelé royaume normand de Sicile, est créé en 1130 par Roger II sur l’île de Sicile, la Calabre, les Pouilles, et Naples. Ce royaume traverse plusieurs phases marquées par les dominations successives des Normands, des Souabes (autre nom pour la dynastie des Hohenstaufen, descendants de Frédéric de Souabe), des Angevins et des Aragonais. Le royaume de Sicile a dans le passé recouvert plusieurs zones géographiques différentes au fil du temps. Le royaume de Sicile ne s’est pas limité à la seule île de Sicile. Il a été l’objet de convoitises de la part des plus grandes familles européennes, qui se sont battues pour s’en assurer la possession. L’histoire du royaume a été particulièrement mouvementée, marquée par des assassinats, des guerres de succession, des séparations. Les rois de Sicile n’ont donc pas tous régné sur un territoire identique. On a même pu parler, lors des périodes au cours desquelles les royaume de Sicile et de Naples ont été réunis, de Royaume des Deux-Siciles

[8] Les règles de succession du comté de Provence voulaient que les fils d’un comte lui succèdent ensemble et règnent sur le comté de manière indivise. Le comte Foulques Bertrand posséda aussi en propre le château de Forcalquier. La famille comtale de Provence s’éteignit en 1093 et trois familles se partagèrent ensuite la Provence : la maison de Toulouse, celle de Barcelone et celle d’Urgell. Les conflits d’intérêts entre ces familles ne permirent pas de maintenir l’indivision sur le comté et à l’issue des guerres baussenques fut procédé au partage du comté entre les trois maisons. Les comtes de la maison d’Urgell, descendante de Foulque Bertrand et possédant donc Forcalquier avaient pris le titre de comte de Forcalquier.

[9] Les « Vêpres siciliennes » sont un soulèvement et une révolte populaire de l’île de Sicile contre la domination féodale du roi d’origine française Charles d’Anjou, survenu à Palerme et Corleone, le 31 mars 1282, mardi de Pâques. À la suite de ce soulèvement et du massacre des Français, les Siciliens se libèrent du joug angevin en passant sous la protection du roi d’Aragon Pierre III1. L’événement est donc à la fois un moment clef de l’histoire nationale sicilienne et un tournant géopolitique.

[10] Le fort de Brégançon est une résidence d’État utilisée comme lieu officiel de villégiature (principalement estivale) du président de la République française. Il est situé au bord de la Méditerranée, sur le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas (Var), sur le haut d’un piton rocheux de 35 mètres d’altitude et à quelques mètres de la côte du cap Bénat.

[11] Le Comtat Venaissin, ou Comtat, est un ancien État qui faisait partie des États de l’Eglise. Il a été fondé au Moyen Âge en 1274 et a été totalement dissous le 14 septembre 1791. Aujourd’hui c’est une partie de l’actuel département français de Vaucluse en couvrant presque son entièreté, entre Rhône et Durance, mont Ventoux et Dentelles de Montmirail, comprenant les villes de Carpentras, Vaison-la-Romaine, L’Isle-sur-la-Sorgue et Cavaillon. Avignon était par ailleurs une cité-État depuis son rachat en juin 1348 par le Pape Clément VI.

[12] La région des Pouilles anciennement l’Apulie, dite plus couramment les Pouilles, est une région d’Italie, située dans le sud-est du pays. Avec la création du royaume de Sicile, les Normands éliminent la présence des Sarrasins et relancent les relations maritimes avec Venise et les villes côtières de la Méditerranée. Cette période voit la vie politique et religieuse de la région totalement réorganisée.

[13] Les compagnies de mercenaires recrutées du 12ème siècle au 14ème siècle, privées d’employeurs pendant les périodes de paix, se regroupaient en bandes appelées grandes compagnies, et vivaient au détriment des populations. Ces mercenaires étaient alors désignés comme « routiers » car appartenant à une route (troupe en français de l’époque).