Elle naît à Naples [1] en 1326, fille aînée de Charles de Calabre, et petite fille de Robert d’Anjou dit le Sage, comte de Provence [2], duc d’Anjou [3] et roi de Naples [4].
Jeanne, est âgée de 17 ans, lorsqu’elle monte sur le trône. Le duché d’Anjou et le comté de Provence étaient liés depuis le mariage, en 1246, de Béatrice de Provence, fille cadette de Raimond Bérenger IV, comte de Provence, avec Charles 1er d ’Anjou, frère de Saint Louis. A la mort de ce dernier le 7 janvier 1285 à Foggia [5] en Italie, son fils Charles le Boiteux lui succéda et, lorsque Robert le Sage meurt à Naples en 1343, laissant un testament qui prévoit que Jeanne régnera seule et sera jusqu’à 25 ans assistée d’un Conseil de régence et ou Il fait également défense à ses deux petites-filles d’aliéner toute partie des États.
Jeanne est remarquable par sa beauté et son esprit, passionnée, ardente.
Elle porte les titres de reine de Jérusalem [6], de Sicile [7], comtesse de Provence et de Forcalquier [8]. En effet, la couronne de Jérusalem est associée à celle de Sicile depuis Frédéric II, roi de Sicile en 1197, empereur germanique en 1220, qui vint à Jérusalem se faire couronner en 1229. Quant à la couronne de Sicile, elle n’est que théorique, depuis que, à la suite des Vêpres siciliennes [9] de 1282, la Sicile a été prise aux Angevins par Pierre III d’Aragon. Naples devient un champ clos d’intrigues. Les prodigalités de la jeune reine épuisent rapidement le trésor.
En 1345 le pape, suzerain du royaume de Naples, accepte, sous l’influence de la reine de Hongrie Élisabeth de Pologne , qu’André de Hongrie soit couronné roi. Mais celui-ci, dans la nuit du 18 au 19 septembre, est assassiné, étranglé, sous les fenêtres de Jeanne. Celle-ci est accusée de complicité, d’autant plus qu’elle détestait son mari, et qu’elle épouse en 1346 Louis de Tarente qui passe pour être son amant et le meurtrier de son mari.
En 1347, Louis de Hongrie, désireux de venger son frère André, envahit le royaume de Naples. Entré dans le royaume en mai, il est aux portes de Naples à la fin de l’année, forçant Jeanne et Louis de Tarente à se réfugier en Provence. Transportée par l’armateur marseillais Jacques de Galbert, elle débarque à Brégançon [10]. Elle est d’abord bien reçue à Marseille, mais se trouve retenue prisonnière à Château Arnoux.
Libérée, elle se rend à Aix où elle trouve un accueil réticent de la part des nobles et grands officiers réunis au palais comtal. Elle doit s’engager à ne nommer que des Provençaux à tous les offices, et à ne rien aliéner du comté.
Elle se rend ensuite à Avignon auprès du pape Clément VI pour se justifier de l’accusation qui pèse sur elle, et obtenir qu’il légitime son second mariage. Elle est déclarée innocente par le pape, mais en contrepartie, elle doit céder ses droits sur la ville et le Comtat Venaissin [11] à ce dernier pour 80 000 florins d’or. Les Provençaux qualifient cette vente de "malheureuse et maudite". Afin de réunir de quoi soutenir la guerre contre Louis de Hongrie, Jeanne aliène droits et territoires de la couronne. Jacques de Galbert reçoit ainsi la seigneurie de Brégançon, avec ses dépendances, et est nommé amiral des mers du Levant. En 1348, à l’occasion de sa venue à Hyères, elle démembre la Forêt des Maures en faveur des habitants. Des droits de "pâturage et glandage" sont concédés aux habitants de Pierrefeu. Moyennant 15 ducats d’or, Jeanne concède le droit de récolter sur les chênes l’insecte appelé kermès, d’où on tire une précieuse couleur écarlate.
Pour 100 florins, elle abandonne le droit de pêche sur l’Etang-Long de Hyères.
En 1353, Jeanne consent une aliénation, comprenant le château d’Hyères, en faveur de Guillaume Roger, comte de Beaufort, parent du pape Clément VI et père de Raymond de Turenne.
Ecartée du pouvoir au profit des Tarente, la lignée des Duras entre en rébellion contre la reine Jeanne en 1357-58. Louis de Duras, l’aîné, provoque l’invasion des Pouilles [12] par la Grande Compagnie. De son côté, son frère Robert fomente des troubles en Provence. Il obtient l’appui de certaines grandes familles du comté, notamment la maison des Baux, et s’assure le concours de bandes de routiers [13] sans emploi depuis la défaite de Poitiers, sous le commandement d’Arnaud de Cervole dit l’Archiprêtre.
Face à lui, on a recours à des mercenaires conduits par le comte d’Armagnac. L’argent manque, et les hommes d’armes constituent un fléau supplémentaire. Mais, en 1366 Jeanne révoque toutes les aliénations qu’elle avait concédées.
En 1370 à Naples, Jeanne, sans enfants, désigne Charles de Duras, son cousin comme son héritier. Inquiet du remariage de la reine avec Othon de Brunswick , il se rapproche du clan hongrois. C’est en 1380 que Jeanne fait appel à Clément VII. Celui-ci lui conseille d’avoir recours à Louis, comte d’Anjou, deuxième fils de Jean II, roi de France. En échange de l’aide qu’il doit lui apporter, elle l’adopte le 29 juin, à la place de Charles de Duras.
En 1382 aux États d’Apt, les nobles et prélats de Provence se déclarent favorables à Louis, duc d’Anjou. Mais la Provence est divisée entre Marseille, qui a pris le parti de la reine Jeanne, et l’Union d’Aix, plutôt favorable aux Duras. Le 27 juillet, Charles de Duras, qui s’est rendu maître du royaume de Naples, fait capturer et assassiner Jeanne dans sa prison.