Bienvenue sur mon site historique. Bon surf

L’histoire pour le plaisir

Accueil du site > Histoire du 11ème siècle > Odon de Conteville dit Odon de Bayeux

Odon de Conteville dit Odon de Bayeux

lundi 17 août 2015, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 16 novembre 2011).

Odon de Conteville dit Odon de Bayeux (vers 1030-1097)

Évêque de Bayeux-Régent d’Angleterre à plusieurs reprises durant les absences du roi-Comte de Kent

Tapisserie de Bayeux - Scène 44 l'évêque Odon de Bayeux (à gauche) conversant avec le duc Guillaume (au centre) et son frère Robert de Mortain (à droite).Fils de Herluin, vicomte de Conteville, et d’Arlette de Falaise. Sa mère, ancienne frilla [1] du duc de Normandie Robert le Magnifique est la mère de Guillaume le Bâtard dit plus tard le Conquérant. Son frère cadet, est Robert de Mortain. Il reçoit l’évêché de Bayeux entre octobre 1049 et fin avril 1050.

Sa nomination, ainsi que celle de son frère Robert au comté de Mortain [2] quelques années plus tard, est due à la volonté du duc Guillaume de placer des hommes de confiance aux postes clés du duché. En effet, la minorité du duc qui hérite de la Normandie à l’âge de 8 ans, en 1035, a été très agitée.

Il a échappé à de multiples tentatives d’assassinat, et son duché a été le théâtre d’une situation anarchique, de nombreux barons refusant un duc bâtard. Finalement, en 1047, le duc a conclu cette période par une victoire sur les rebelles à Val-ès-Dunes [3]. Il décide alors de consolider son autorité sur la Basse-Normandie, notamment en mettant la main sur le très important et lucratif évêché bayeusain qu’il confie à Odon.

La réorganisation du diocèse avait commencé sous son prédécesseur, le puissant Hugues II de Bayeux dit Hugues d’Ivry. Grâce à lui, le patrimoine épiscopal, usurpé lors de la colonisation scandinave, avait été récupéré, et la construction d’une nouvelle cathédrale avait débuté. Cette dernière sera achevée et consacrée par Odon en 1077.

À la mort du roi d’Angleterre Édouard le Confesseur sans héritier en 1066, Guillaume le Bâtard entend bien faire valoir sa revendication au trône d’Angleterre, mais Harold Godwinson se fait élire roi. Édouard le Confesseur l’ayant, selon lui, désigné héritier aux débuts des années 1050, il s’estime floué et envisage une invasion.

Odon participe au concile de Lillebonne [4] durant lequel les barons du duché sont consultés sur le projet d’invasion de l’Angleterre. Lors de ce concile, il promet de contribuer pour 100 navires à la flotte qui débarquera outre-Manche. Il accompagne son demi-frère Guillaume dans sa conquête de l’Angleterre en 1066.

Il est fait comte de Kent probablement dès le début de l’année 1067, quand il est mis en charge de Douvres et de son château. Il remplace Leofwine de Wessex à ce poste, et dans la plupart de ses possessions. Néanmoins, les plus anciennes chartes qui nous sont parvenues et où il apparaît en tant que comte de Kent ne datent que de 1072. Son titre de comte et ses responsabilités de co-régence avec Guillaume Fitz Osbern, obtenus dès 1067, indiquent que le Conquérant entendait bien voir son demi-frère prendre une part importante dans le gouvernement du royaume.

La régence ou co-régence du Royaume d’Angleterre lui est régulièrement confiée lors de la présence en Normandie du Conquérant, notamment dès février 1067, quand le nouveau roi rentre en Normandie. En 1075, il mène une armée avec Geoffroy de Montbray, l’évêque de Coutances, pour barrer la route à Ralph de Gaël, le comte de Norfolk et Suffolk. Celui-ci, lors d’un épisode appelé plus tard la « révolte des comtes », voulait, avec son complice Roger de Breteuil, 2ème comte d’Hereford, s’emparer du trône d’Angleterre. Les 2 évêques le mettent en fuite.

À l’automne 1080, il mène une armée dans le nord du royaume qui dévaste la Northumbrie [5] pour venger la mort de Guillaume Walcher, l’évêque de Durham, l’année précédente.

Odon est connu pour ses nombreux déplacements dans tout le royaume, au cours desquels, ostensiblement au nom du roi, il règle certains des très nombreux conflits de tenure de petites terres. Il ne dispose pourtant pas d’une réelle indépendance vis-à-vis du roi, et n’a aucun pouvoir particulier au contraire des comtes palatins de la frontière galloise. Il n’est pas non plus favorisé par son demi-frère. Ainsi, vers 1072, lors du procès de Penenden Heath [6], il voit ses revendications sur des terres du Kent usurpées sous la dynastie saxonne, rejetées par un agent royal, au profit du diocèse de Cantorbéry et de son ennemi, l’archevêque Lanfranc.

Fin 1082 ou début 1083, pour des raisons incertaines, le Conquérant décide de se débarrasser de lui. Il est arrêté et emprisonné sans explication à Rouen, et ses possessions anglaises lui sont confisquées.

Il passe les 5 dernières années du règne de son demi-frère en prison. Son frère Robert obtient difficilement sa libération sur le lit de mort du Conquérant, en 1087. Bien que rétabli par son neveu Guillaume le Roux dans ses possessions antérieures à la fin de l’année 1087, il est le chef religieux de la rébellion de 1088, qui a pour but de réunifier le duché de Normandie et le Royaume d’Angleterre sous un gouvernement unique, celui de Robert Courteheuse.

Odon s’installe dans la ville fortifiée de Rochester [7] dont il contrôle aussi le château. Étant à mi-chemin de Londres et Cantorbéry, cette position lui permet de menacer deux villes importantes. En avril 1088, il débute des raids ravageurs contre les possessions archiépiscopales de Cantorbéry. Puis il rejoint son frère Robert à Pevensey [8], car il a appris que celui-ci aurait reçu des renforts du duc Robert Courteheuse.

Guillaume le Roux est informé qu’Odon a quitté Rochester, et, conscient que celui-ci est son principal adversaire, vient l’assiéger à Pevensey. Le château résiste 6 semaines avant de capituler. Odon se voit offrir alors la liberté à 2 conditions. Il doit négocier la reddition du château de Rochester dans lequel sont retranchés quelques barons normands et flamands, et il devra ensuite s’exiler d’Angleterre. Le roi Guillaume l’envoie, accompagné d’un détachement, en avant du gros des troupes, mais Odon et son escorte sont capturés par la garnison de Rochester, et la rébellion continue pour quelques semaines supplémentaires.

Après l’échec de la révolte, alors que le roi Guillaume décide d’accorder son pardon à la quasi-majorité des rebelles, Odon est banni d’Angleterre, et perd toutes ses terres anglaises.

Il passe les dernières années de sa vie dans son diocèse de Bayeux, probablement pour le remettre en état, car celui-ci avait souffert durant ses années d’emprisonnement. Il est aussi probable qu’il pousse son neveu Robert Courteheuse, fils aîné du Conquérant, à reprendre fermement en main son duché. Il l’accompagne dans le Maine en 1088 et 1094, et combat avec lui contre Guillaume le Roux en 1089 à Eu. Il assiste au Concile de Clermont [9] qui décide de la première croisade, en 1095. Il part pour la Terre sainte en septembre de l’année suivante, accompagnant son neveu, le duc Robert Courteheuse. En Italie, il visite Rome et rencontre le pape Urbain II.

Il meurt d’une maladie foudroyante début 1097 à Palerme en Sicile sur le chemin de la Terre sainte, alors qu’il rend visite à Roger 1er, comte normand de Sicile. Il est inhumé dans la cathédrale de Palerme. Il léguera ses dernières possessions à Arnoul de Chocques, qui sera patriarche latin de Jérusalem de 1112 à 1118.

il œuvre admirablement pour son diocèse, le réorganisant, et étendant le chapitre de sa cathédrale. Il finance la reconstruction de la cathédrale de Bayeux, qui est consacrée en 1077, et du palais épiscopal. Il accroît le temporel de son évêché en achetant de nombreuses terres pour sa cathédrale, et, à l’orée du 12ème siècle, l’effectif inféodé à l’évêché est 3 fois plus important que celui de n’importe quel autre évêché normand.

Aucun ecclésiastique normand n’a alors autant de chevaliers à sa disposition. Vers 1082, il fonde l’abbaye Saint-Vigor-le-Grand [10], non loin de Bayeux, pour qu’elle devienne son lieu de sépulture et celui des futurs évêques de Bayeux.

Odon patronne aussi de nombreux clercs qui se forment en partie dans l’école cathédrale. Certains occupent ensuite des postes très importants.

Parmi eux figurent trois archevêques d’York : Thomas 1er de Bayeux, Thomas II dit Thomas d’York, et Thurstan, Samson, évêque de Worcester, Guillaume de Saint-Calais, évêque de Durham, conseiller de Guillaume le Roux, Vital de Savigny, fondateur de l’ordre de Savigny et Guillaume de Rots, abbé de Fécamp. Rainulf Flambard, évêque de Durham et principal ministre du roi d’Angleterre Guillaume le Roux, en fait aussi partie. Il semble que ce soit également le cas pour Gilbert Maminot, évêque de Lisieux, Richard 1er dit Richard de Douvres, évêque de Bayeux, Audin de Bayeux, évêque d’Évreux, Gérard II d’Angoulême, évêque d’Angoulême et archevêque de Bordeaux ainsi qu’Arnoul de Chocques, patriarche de Jérusalem. Odon patronne aussi des poètes de son temps tels Marbode de Rennes, évêque de Rennes et Hildebert de Lavardin, évêque du Mans puis archevêque de Tours, ainsi qu’à des théologiens controversés comme le grammairien Roscelin de Compiègne. Il aura un fils illégitime, Jean de Bayeux chapelain d’Henri 1er Beauclerc.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de histoire de Odon de Conteville/ Biographie/

Notes

[1] épouse à la manière danoise

[2] Le comté de Mortain fut un comté médiéval centré sur la ville de Mortain (Manche). Sa création remonte probablement au premier quart du 11ème siècle quand le duc de Normandie Richard II installa des comtes sur les marges de son duché. Vers 1015, un comte fut d’abord placé à Avranches. L’Avranchin, proche de la frontière avec le duché de Bretagne, subissait souvent des incursions bretonnes et angevines. D’autre part, étant situé à l’extrémité sud-ouest du duché, le comté servait de relais à l’autorité ducale. Avant 1050, le Mortainais fut démembré de l’Avranchin pour former une entité indépendante, face au comté du Maine.

[3] La bataille de Val-ès-Dunes opposa le 10 août 1047 1 le jeune duc de Normandie Guillaume dit le Bâtard, aidé de son suzerain le roi Henri Ier de France, à une coalition de barons normands rebelles de l’ouest du duché.

[4] Lillebonne, anciennement Juliobona, est une commune française située dans le département de la Seine-Maritime. Au Moyen Âge, un concile se réunit dans la bourgade en 1080. Rassemblant le clergé de la région, il rappelle un ensemble de règles sur la morale, le dogme et la liturgie.

[5] La Northumbrie est un royaume médiéval situé dans le nord de l’actuelle Angleterre et constituait l’un des principaux royaume de l’Heptarchie. Sa notoriété est surtout liée à son rôle dans la propagation du christianisme romain dans l’île et à la constitution d’un centre culturel d’importance européenne avec l’archevêché d’York.

[6] Le procès de Penenden Heath a eu lieu dans la décennie après la conquête normande de l’Angleterre en 1066, probablement en 1076, et a impliqué un différend entre Odon évêque de Bayeux , demi-frère de Guillaume le Conquérant et de Lanfranc , archevêque de Canterbury et d’autres.

[7] Rochester est une ancienne cité au bord de la River Medway dans le Kent, au sud-est de l’Angleterre, situé à environ 50 km de Londres.

[8] Pevensey est un village et une paroisse civile anglaise. Il appartient au district de Wealden, dans le Sussex de l’Est. C’était à l’origine un port de mer, rattaché à Hastings dans la confédération des Cinq-Ports, mais la baie sur laquelle il donnait a peu à peu laissé place à des marécages.

[9] Le concile de Clermont, aujourd’hui Clermont-Ferrand, s’est tenu en Auvergne en 1095. Le pape Urbain II l’avait convoqué pour traiter des problèmes de discipline ecclésiastique, à la suite du concile de Plaisance qui s’était tenu six mois plus tôt, mais l’un des faits notables de ce concile est l’appel d’Urbain II à la noblesse de la chrétienté, lui demandant de lutter contre les Turcs qui menacent l’Empire byzantin et de délivrer les lieux saints occupés par les musulmans.

[10] L’abbaye Saint-Vigor est une ancienne abbaye pré-normande, devenue prieuré, située sur la commune de Saint-Vigor-le-Grand. Au 11ème siècle, le domaine devient la propriété de la cathédrale de Bayeux. Vers 1063, Odon de Bayeux entreprend de restaurer l’abbaye, avec des moines issus du Mont-Saint-Michel et à sa tête Robert de Tombelaine. Mais l’opération échoue, par la retenue de Robert auprès du pape Grégoire VII jusqu’à sa mort en 1085 et la capture d’Odon par le roi Guillaume. L’abbaye devient prieuré et se trouve rattaché à Saint-Bénigne de Dijon, suite à la visite d’Odon à Jarenton lors de son voyage pour se rendre au concile de Clermont. La donation est confirmée par Robert de Normandie en 1096 et par plusieurs papes en 1097, 1102, 1127.