13 septembre 490 avant jc. Petite victoire des Athéniens à Marathon
Le 13 septembre 490 av. jc, les Athéniens repoussent à Marathon [1] une tentative d’invasion des Perses.
L’affaire se résout par une modeste charge militaire mais elle n’en suscite pas moins une grande émotion dans toute la Grèce et va bouleverser l’équilibre géopolitique de la région.
Tout commence une génération plus tôt, en 522 av. jc, lorsque Darius 1er succède à Cyrus le Grand et Cambyse sur le trône des Achéménides [2], issu du clan royal des Axamanisiya.
Le Grand Roi des Perses [3] et des Mèdes [4] doit faire face dès son avènement à une grave crise de succession. Ses difficultés encouragent les cités grecques d’Asie mineure [5] à rejeter la tutelle perse.
Les Athéniens traversent la mer Égée [6] et se portent à leur secours. Ils débarquent en Asie mineure et brûlent la ville de Sardes [7].
C’est plus que n’en peut supporter Darius 1er. Après avoir battu les Athéniens près de la rivière Halys [8], il brûle à son tour Milet [9] et déporte ses habitants en Mésopotamie. Puis il envoie sa flotte vers la Grèce sous le commandement de son gendre Mardonios. Mais la flotte est détruite par la tempête en 492 av. jc, non loin du Mont Athos [10]. 300 navires et 20 000 hommes sont portés disparus.
Les Perses en quête de vengeance
La deuxième tentative est la bonne. Sous le commandement des généraux Datis et Artapherne fils d’Artapherne , les Perses et leurs alliés, les Mèdes, débarquent dans la plaine de Marathon [11] à environ 35 km d’Athènes [12], de l’autre côté de la presqu’île de l’Attique [13].
Ils ont été guidés là par un Athénien, Hippias, fils de l’ancien tyranPisistrate. Ostracisé [14] par ses concitoyens, il a trouvé refuge auprès du Grand Roi et s’est mis à son service.
Les envahisseurs sont 100.000 selon la tradition, plus vraisemblablement 20 000. Parmi eux les redoutables Immortels [15]. Ils ne trouvent en face d’eux que l’armée des citoyens d’Athènes, au nombre de 10 000. Les autres cités grecques ont fait défection, à l’exception de Platées [16], en Béotie [17], qui a envoyé un millier d’hommes.
D’après le récit d’Hérodote, les stratèges [18] ont envoyé à Sparte [19] un messager du nom de Philippidès pour quérir leur soutien. Il aurait parcouru les 200 kilomètres qui séparent les 2 cités en une journée. Les Spartiates se montrèrent disposés à combattre aux côtés des Athéniens mais devaient, selon leur loi, attendre la pleine lune pour se mobiliser.
À Marathon, les 10 stratèges se divisèrent entre les partisans d’une action immédiate, conduits par Miltiade, et les partisans de la temporisation, désireux d’attendre leurs alliés. C’est finalement le polémarque [20] Callimaque, commmandant des armées désigné par le sort, qui les départagea en prenant le parti de Miltiade. Les stratèges, chargés de commander à tour de rôle, jour après jour, se désistent l’un après l’autre en sa faveur. Le quatrième jour, enfin, Miltiade choisit de lancer l’attaque.
Les Athéniens et leurs alliés platéens surmontent leur faiblesse numérique. Ils évitent le traditionnel corps à corps désordonné des batailles antiques et se mettent en rang, puis ils chargent les Perses au pas de course, sans se laisser impressionner par leurs impressionnantes armures et leurs flèches.
Aristophane décrira la charge dans Les Guêpes : “Courant avec la lance, avec le bouclier, nous sommes allés à leur rencontre, tout emplis d’une forte colère, en nous mordant la lèvre de fureur. Sous la nuée de flèches, on ne pouvait plus voir le soleil”.
Le centre de l’armée athénienne, trop mince, est enfoncé par les Perses. Mais les Platéens, sur l’aile gauche, et les Athéniens commandés par Callimaque, sur l’aile droite, ont raison de leurs adversaires. Ils réussissent à envelopper l’armée perse et même à se rapprocher des navires perses et les menacer.
Décontenancés par cette nouvelle manière de faire [21], les envahisseurs rembarquent sans demander leur reste. Mais c’est avec l’intention de contourner l’Attique par le cap Sounion [22] et de débarquer à Athènes, en profitant de ce qu’elle est sans défense !
Miltiade les prend de vitesse. Avec les héros de Marathon, il traverse l’Attique à marche forcée et arrive à Athènes tandis que la flotte ennemie apparaît au large. Se voyant devancés, les Perses renoncent à poursuivre leur offensive et rebroussent chemin.
La bataille de Marathon marque la fin de la première guerre médique [23]. Bien que de faible importance par les effectifs engagés et la portée militaire, elle a un retentissement moral considérable.
La Grèce est sauvée grâce à Athènes et la cité assoit son hégémonie sur ses voisines en prenant la tête de la confédération de Délos [24], du nom d’une île sacrée où sont conservés les trésors communs à la confédération.
Sous l’impulsion de Thémistocle, le chef du parti populaire, Athènes va aussi se préparer à un nouvel affrontement avec les Perses.
En Perse, cependant, Xerxès 1er succède à son père Darius 1er en 486 av. jc. Il prend le temps de réprimer une révolte en Égypte [25] avant de reprendre la guerre contre la Grèce. Cette seconde guerre médique [26] s’achèvera encore au désavantage des Perses à Salamine [27].
Notes
[1] La bataille de Marathon est un épisode majeur de la première guerre médique en 490 av. jc, ayant opposé un débarquement perse aux hoplites athéniens et platéens qui remportèrent la victoire. Elle se déroule sur la plage de Marathon, sur la côte est de l’Attique, à proximité d’Athènes.
[2] L’Empire achéménide est le premier des Empires perses à régner sur une grande partie du Moyen-Orient. Il s’étend alors au nord et à l’ouest en Asie Mineure, en Thrace et sur la plupart des régions côtières de la mer Noire ; à l’est jusqu’en Afghanistan et sur une partie du Pakistan actuels, et au sud et au sud-ouest sur l’actuel Iraq, sur la Syrie, l’Égypte, le nord de l’Arabie saoudite, la Jordanie, Israël et la Palestine, le Liban et jusqu’au nord de la Libye. Le nom « Achéménides se rapporte au clan fondateur qui se libère vers 556 av. jc de la domination des Mèdes, auparavant leurs suzerains, ainsi qu’au grand empire qui résulte ensuite de leur fusion. L’empire fondé par les Achéménides s’empare de l’Anatolie en défaisant la Lydie, puis conquiert l’Empire babylonien et l’Égypte, unissant les plus anciennes civilisations du Moyen-Orient dans une seule entité politique de façon durable. L’Empire achéménide menace par 2 fois la Grèce antique et prend fin, vaincu par Alexandre le Grand, en 330 av. jc.
[3] La Perse désigne le territoire gouverné par les rois achéménides. L’apogée de la Perse antique est représentée par la dynastie achéménide, dont les conquérants Darius 1er et Xerxès 1er ont étendu le territoire allant jusqu’en Inde. Convoitée, cette région sera ensuite conquise par Alexandre le Grand au 4ème siècle av. jc, par les Parthes dans la seconde moitié du 3ème siècle av. jc, par les troupes musulmanes au 7ème siècle, par Gengis Khan au 13ème siècle, par Tamerlan au 14ème siècle.
[4] Les Mèdes étaient un ancien peuple iranien qui vivait dans une région du nord-ouest de l’Iran. Aux alentours de 1100 à 1000 av. jc, ils occupaient la région montagneuse du nord-ouest de l’Iran et la région nord-est et orientale de la Mésopotamie située dans la région de Hamadan (Ecbatane). On pense que leur émergence en Iran s’est produite entre 800 av. jc et 700 av. jc. Au 7ème siècle av. jc, tout l’ouest de l’Iran et certains autres territoires étaient sous domination mède, mais leur extension géographique précise reste inconnue. Bien qu’une place importante dans l’histoire du Moyen-Orient antique lui soit généralement reconnue, ce peuple n’a laissé aucune source textuelle permettant de reconstituer son histoire.
[5] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie
[6] La mer Égée est une mer intérieure du bassin méditerranéen, située entre l’Europe et la Grèce à l’ouest, et l’Asie et la Turquie à l’est. Elle s’étend de la côte thrace et du détroit des Dardanelles au nord jusqu’à la Crète au sud.
[7] Sardes est une ancienne ville d’Asie mineure, capitale de la Lydie, sur la rivière Pactole, dans la vallée de l’Hermos.
[8] Le Kızılırmak (Rivière rouge en turc), appelé Halys dans l’Antiquité, est un fleuve d’Anatolie qui se jette dans la mer Noire. Avec ses 1 150 km, il s’agit du plus long fleuve de Turquie. Même s’il n’est pas navigable, c’est une importante source d’énergie hydroélectrique
[9] ancienne cité grecque d’Ionie, aujourd’hui en Turquie
[10] Le mont Athos, est une montagne de Grèce située en Macédoine, à l’extrémité de l’Aktè dont il constitue le point culminant avec 2 030 mètres d’altitude. Il est célèbre pour les vingt monastères orthodoxes qui y sont établis sur ses flancs et dans les environs depuis le 10ème siècle. Cette communauté théocratique est organisée en République monastique du Mont-Athos qui tire son nom de la montagne et qui jouit d’un certain degré d’autonomie interne au sein de la République hellénique.
[11] (plaine côtière de 10 kilomètres de long sur 5 de large
[12] Athènes est l’une des plus anciennes villes au monde, avec une présence humaine attestée dès le Néolithique. Fondée vers 800 av. jc autour de la colline de l’Acropole par le héros Thésée, selon la légende, la cité domine la Grèce au cours du 1er millénaire av. jc. Elle connaît son âge d’or au 5ème siècle av. jc, sous la domination du stratège Périclès
[13] L’Attique est la région qui entoure Athènes. L’Attique s’est d’abord appelée Mopsopie L’Attique est découpée en 139 dèmes et parallèlement, en trois grands secteurs : la ville, la côte et l’intérieur. Les dèmes sont regroupés en trittyes qui elles-mêmes sont regroupées trois par trois, une de chaque secteur, pour constituer une tribu. Durant l’Antiquité, il s’agissait de l’une des plus importantes régions productrices d’huile d’olive ; huile qui était ensuite exportée par exemple vers l’Étrurie. La céramique d’Attique au 6ème siècle av. jc connaît également un certain succès.
[14] L’ostracisme était un vote par lequel l’Ecclésia (l’assemblée des citoyens) prononçait le bannissement de l’un de ses citoyens, dont le nom était inscrit sur un tesson de céramique. Durant la période de bannissement, l’Ecclésia conservait ces tessons, ostraca, où figuraient les noms des exilés. Athènes et quelques autres cités, au 5ème siècle av. jc, ont instauré une institution qui permettait de bannir pendant dix ans un citoyen, sans que celui-ci perdît ses biens. C’était une mesure d’éloignement politique, un simple vote de défiance à l’égard d’un citoyen influent soupçonné d’aspirer au pouvoir personnel : ce n’était pas une peine judiciaire, cette sanction n’étant pas une condamnation pénale : elle ne s’accompagnait pas de peine pécuniaire, et les droits civiques étaient conservés. Cette importante institution apparaît donc marquée d’un esprit d’humanité tant dans la procédure suivie que dans la peine prononcée
[15] troupe d’élite du Roi des Rois
[16] Platées ou Platée est une cité de Béotie sur le versant nord du Cithéron, au sud-ouest de Thèbes, qui a joué un rôle important lors des guerres médiques. Au 6ème siècle av. jc, Platées est l’une des cités béotiennes qui préfèrent l’alliance avec Athènes à la domination de Thèbes au sein de la première confédération béotienne. Près d’un millier de ses citoyens participent à la bataille de Marathon aux côtés d’Athènes en 490 av. jc. En 479 av. jc les Grecs dirigés par le Lacédémonien Pausanias et par l’Athénien Aristide battent complètement le général perse Mardonios lors de la dernière grande bataille terrestre des guerres médiques, la bataille de Platées. Tout au long du 5ème siècle av. jc, les Platéens défendent avec acharnement leur indépendance contre la volonté hégémonique de Thèbes alliée de Sparte. Au cours de la guerre du Péloponnèse, ils soutiennent un siège héroïque de 3 ans entre 429 et 427 av. jc, et ne se rendent que contraints par la famine. Sparte fait raser la ville et de nombreux Platéens se réfugient à Athènes où ils reçoivent le droit de cité. La paix d’Antalcidas en 386 av. jc les autorise, du moins leurs descendants, à rebâtir leur cité mais celle-ci est de nouveau détruite par Thèbes en 373 av. jc et ses habitants connaissent un nouvel exil à Athènes.
[17] La Béotie est une région de Grèce centrale. Elle est bordée par l’Attique au sud-est, par le golfe d’Eubée à l’est, par la Phthiotide au nord, par la Phocide à l’ouest et par le golfe de Corinthe au sud. La capitale moderne est Livadiá, mot qui signifie prairie, pâturage, une réalité économique emblématique de la région. La capitale antique était Thèbes (actuelle Thiva).
[18] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Il est utilisé en grec pour désigner un militaire général. Dans le monde hellénistique et l’Empire Byzantin, le terme a également été utilisé pour décrire un gouverneur militaire. Dans la Grèce contemporaine (19ème siècle jusqu’à nos jours), le stratège est un général et a le rang d’officier le plus élevé.
[19] Sparte était une ville-état de premier plan dans la Grèce antique . Dans l’Antiquité, la ville-état était connue sous le nom de Lacedaemon, tandis que le nom de Sparte désignait son établissement principal sur les rives de la rivière Eurotas en Laconie, dans le sud-est du Péloponnèse. Vers 650 av. jc, elle est devenu la puissance terrestre militaire dominante dans la Grèce antique. Compte tenu de sa prééminence militaire, Sparte fut reconnu comme le chef de file des forces grecques combinées pendant les guerres gréco-perses. Entre 431 et 404 av. jc, Sparte fut le principal ennemi d’ Athènes pendant la guerre du Péloponnèse
[20] Un polémarque était un magistrat militaire dans la Grèce antique. Généralement, il était élu ou tiré au sort pour une période limitée (bien souvent une année). La fonction pouvait être accordée à une ou plusieurs personnes
[21] la première bataille rangée de l’Histoire
[22] Le cap Sounion est un cap de Grèce qui s’avance à 45 kilomètres au sud-est d’Athènes dans la mer Égée et qui constitue l’extrémité de l’Attique. Il est surtout renommé pour les ruines d’un temple dédié à Poséidon. La première mention du cap dans la littérature antique remonte à l’Odyssée (III, 278), qui parle du « Sounion, le saint cap d’Athènes ». Les esclaves fugitifs, venant des mines du Laurion, s’y réfugient dès le 8ème siècle av. jc. Le cap est fortifié en 413 av. jc pour protéger l’approvisionnement en blé d’Athènes.
[23] La première guerre médique désigne la première invasion perse de la Grèce pendant les guerres médiques. Commencée en 492 av. jc et se terminant par la victoire décisive des Athéniens, à la bataille de Marathon en 490 av. jc, (les Spartiates étant arrivés en retard) l’invasion est composée de deux campagnes distinctes. Elle est ordonnée par le roi perse Darius 1er principalement pour punir les cités d’Athènes et d’Érétrie. Ces cités avaient soutenu les villes de l’Ionie pendant leur révolte contre la domination perse, provoquant ainsi la colère de Darius 1er. Ce dernier a également vu l’opportunité d’étendre son empire en Europe et de sécuriser sa frontière occidentale.
[24] À la suite de ses victoires sur les Perses au cours des guerres médiques, Athènes devient la puissance dominante du monde grec durant toute la période du 5ème siècle av. jc. En effet la Ligue de Délos, alliance militaire initialement créée pour repousser l’ennemi perse, évolue d’une coordination de forces armées grecques sous l’égide des Athéniens vers une confédération étatique soutenue militairement, financièrement, et culturellement par Athènes. Les liens qu’entretient cette cité avec ses alliés sont donc à partir du milieu du siècle des rapports de cité mère à cités vassales. Ainsi en 454 le trésor de Délos est transféré à Athènes. L’union entre la nouvelle métropole et ses provinces est passée de mutuellement consentie à maintenue par la force.
[25] Les deux périodes perses dans l’Égypte antique sont la XXVIIème dynastie, durant plus de 120 ans entre 525 et 404 av. jc, avant la dynastie des derniers pharaons égyptiens, et l’autre, la XXXIème dynastie, qui dure 9 années de 341 à 332 av. jc. Durant ces deux périodes, l’Égypte antique devient une satrapie de l’empire perse mais sa vitalité et son originalité sont trop puissantes pour que le pays soit une simple province : elle forme dans l’empire perse un État à part dont le souverain achéménide devient le pharaon et adopte la civilisation égyptienne.
[26] La seconde guerre médique désigne la seconde invasion perse de la Grèce en 480-479 av. jc pendant les guerres médiques, alors que le roi Xerxès 1er cherche à conquérir toute la Grèce.
[27] Salamine est une île grecque de l’Attique, fermant la baie d’Éleusis dans le golfe Saronique. En 480 av. jc, l’île a également été le théâtre de la bataille de Salamine opposant la flotte grecque menée par Eurybiade et Thémistocle à la flotte perse de Xerxès.