Né à Venise [1], issu d’une famille de la noblesse vénitienne, mais à l’inverse de son frère Benedetto Giacomo Marcello , Alessandro ne prit aucune part dans les affaires administratives ou politiques de la cité des Doges [2]. Excellent violoniste, écrivain raffiné, peintre mathématicien et compositeur, il vécut et mourut dans sa ville natale ; sa maison fut le lieu de rendez-vous de tout ce que le nord de l’Italie comptait de musiciens, d’artistes, de savants et de lettrés.
La tradition du violon, à Venise, ne concerne pas seulement les professionnels de la musique ou l’aristocratie. Cet instrument est pratiqué partout chez les gondoliers, les commerçants ou les politiciens.
Alessandro a attendu longtemps avant de prendre place dans l’histoire de la musique au côté de son frère Benedetto. Celui-ci doit une partie non négligeable de sa gloire à un concerto pour hautbois, cordes et basse continue en ré mineur [3] qui fut, avec les concertos de Vivaldi, l’un des modèles de Jean-Sébastien Bach dans son travail d’assimilation du style italien par le moyen de transcription pour orgue qui a été transcrit par Jean-Sébastien Bach en un concerto pour clavecin
Il compose plusieurs recueils de concertos de soliste, parmi lesquels six furent rassemblés sous le titre de “La Cetra” ainsi que quelques cantates [4]. Il publie ses œuvres sous le pseudonyme de Eterio Stinfalico qu’il utilisait à l’académie de l’Arcadie [5].
Mais on a découvert récemment que ce concerto tant estimé par le maître allemand était en réalité une œuvre d’Alessandro, publiée par ailleurs sous son prénom à Amsterdam en 1718, chez Jeanne Roger, dans un recueil de Concert signés par divers auteurs, dont Vivaldi et Albinoni.
L’admission à l’académie de l’Arcadie, un cercle d’intellectuels réunis à Rome autour de la reine Christine de Suède, celle qui avait protégé Descartes en son temps, était un honneur assez recherché du fait du prestige immense de cette institution.
On y défendait une conception très élitiste de l’art ; et c’est pourquoi on comptait parmi ses membres, écrivains, poètes ou musiciens professionnels. Tel était le cas d’Alessandro Marcello ou de son frère Benedetto, qui prit le pseudonyme de Driante Sacreo. Pour l’un et l’autre, les membres de l’aristocratie vénitienne, cette consécration romaine représentait l’épanouissement d’une longue tradition familiale d’éducation et de culture qui leur avait été transmise par leur père, Agostino, lui aussi excellent violoniste.
Les Douze Cantates d’Eterico Stinfalico ont été publiées à Venise en 1708 et dédiées à la princesse Pauline Borghèse ou Pauline Bonaparte . Il s’agit d’un ensemble poétique et musical tout à fait caractéristique de l’Arcadie, où on éleva la cantate au rang de genre majeur de l’art musical baroque. A l’inverse d’Alessandro Scarlatti, qui écrivit des cantates comme son fils des sonates de clavecin, Marcello se limita à 12 pièces ; cet ensemble résume les différentes architectures admises comme nobles et accorde une large place à l’écriture vocale de type improvisé, destinée à souligner l’intérêt poétique du texte.
Quant à la musique instrumentale d’Alessandro Marcello, elle est tout aussi limitée et concentrée que ses Cantates. Elle consiste en deux recueils parus en Allemagne, sous la signature d’Eterico Stinfalico : 12 sonates pour violon seul et six concertos pour deux flûtes ou hautbois, basson, cordes et basse continue intitulés La Certa [6].
La sévérité du musicien vénitien s’épanouit dans ces deux recueils, qui prennent place, aux côtés des sonates de Corelli et des concertos de Vivaldi, parmi les œuvres majeures du baroque musical italien.
Alessandro Ignazio Marcello - Oboe Concerto In D Minor Movement 2 Adagio