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L’histoire pour le plaisir

Alessandro Scarlatti

vendredi 25 septembre 2020, par ljallamion

Alessandro Scarlatti (1660-1725)

Compositeur de musique baroque et l’un des premiers grands musiciens classiques

Il naît en Sicile, à Palerme [1], d’une famille de musiciens ; son père, le ténor Pietro Scarlata (la forme « Scarlatti » n’est utilisée qu’à partir de 1672), et sa mère, Eleonora d’Amato, pratiquent tous deux la musique à Palerme.

Deuxième de huit enfants, dont cinq deviennent musiciens, le jeune garçon semble avoir entamé ses études musicales auprès de son oncle maternel, Vincenzo d’Amato , maître de chapelle [2] de la cathédrale [3] et de Marc’Antonio Sportonio, castrat [4] et compositeur originaire de Bologne [5], élève de Carissimi. Il avait chanté dans “L’Orfeo” [6] de Luigi Rossi à Paris en 1647.

Il épouse Antonia Maria Vittoria Anzaloni de Rome, le 12 avril 1678 et le jeune couple loge dans un appartement du palais de Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin . Le 11 janvier 1679, Filippo Bernini, fils de l’architecte, est le parrain du premier né des 10 enfants, Pietro. La sœur d’Alessandro, Anna Maria, épouse un « clerc » et le scandale retombe sur le jeune musicien, avec l’hostilité de la curie romaine.

Alessandro est le père de Domenico Scarlatti .

Celui que ses contemporains surnommaient l’Orphée italien partage sa carrière entre Naples [7] et Rome, où il reçoit sa formation, une part importante de sa production s’y destine.

Il est souvent considéré comme le fondateur de l’école napolitaine d’opéra [8], alors qu’il en est seulement le plus illustre et plus fécond représentant : son apport, son originalité et son rayonnement, son influence sérieuse et durable, sont essentiels, tant en Italie qu’en Europe.

Particulièrement connu pour ses opéras (115 titres), il mène à terme la tradition dramatique italienne, commencée par Monteverdi au début du 17ème siècle et poursuivie par Cesti, Cavalli, Carissimi et Stradella, donnant la forme définitive de l’aria da capo [9], diffusée ainsi dans toute l’Europe.

Il inaugure l’ouverture à l’italienne en trois mouvements, ancêtre lointain de la symphonie. Tous ces modèles deviennent des références pour le théâtre musical de son temps, comme l’évoque la production italienne de Haendel .

Éclectique, Scarlatti touche en outre à tous les autres genres pratiqués à son époque, de la sonate au concerto, le motet, la messe, l’oratorio et la cantate de chambre, dont il est un maître incontesté, avec plus de 620 titres attribués avec certitude et des centaines qui peuvent s’y ajouter. Il peut être considéré comme un précurseur direct de Mozart .

La représentation à Rome au teatro Capranica [10] de son opéra, “Gli equivoci nel sembiante” [11] le 8 février 1679 lui amène la protection de la reine Christine de Suède exilée à Rome, qui protège déjà Stradella, Pasquini et Corelli. Chose rare à l’époque, l’opéra est rejoué dans plusieurs villes. Elle lui commande “L’honestà negli amori” en 1680, son opéra suivant, et elle le fait maître de chapelle. Selon Geminiani, Scarlatti admirait Corelli en tant que violoniste et chef d’orchestre, plus que comme compositeur.

En novembre 1682, il quitte son poste de “San Giacomo”, pour être nommé maestro di cappella [12] à San Girolamo della Carità [13]. Six opéras sont joués à Rome de 1679 à 1683, signe de son succès. L’arrivée du pontife Innocent XI , qui interdit les spectacles sauf pendant le carnaval, confine ces représentations dans le cercle privé de la noblesse qui les commandite. Il est probable que c’est dans cette situation que le duc Maddaloni convainc le musicien de retourner à Naples

Alors qu’une de ses sœurs chanteuse d’opéra est la maîtresse d’un noble napolitain influent, le secrétaire de justice du vice roi, elle intrigue pour faire nommer son frère maître de chapelle du vice-roi de Naples, en février 1684. Le poste revenant de droit au second maître de chapelle, le septuagénaire, Francesco Provenzale , celui-ci démissionne avec six autres musiciens, entraînant un scandale.

Le secrétaire de justice est révoqué, mais Scarlatti conserve son poste. Les musiciens sont immédiatement remplacés par les musiciens romains qui ont suivi Scarlatti. Cependant, à peine dix ans plus tard, lorsque le compositeur est souvent éloigné pour superviser la création de ses opéras, c’est Provenzale qui le remplace comme vice-maître de chapelle.

À Naples, le musicien produit une grande série d’opéras pour le teatro San Bartolomeo [14] et le théâtre du palais royal, ainsi que d’autres musiques pour des cérémonies officielles de l’État.

Il compose avec une abondance et une facilité extrêmes. En 1701, Domenico, compose sa première pièce sacrée et est admis en tant qu’organiste surnuméraire. Alessandro tente d’obtenir un poste plus important auprès de Ferdinand de Médicis, en vain. Pas même un voyage en Toscane [15] ne réussi à placer un aigle dont les ailes ont poussé, selon une lettre d’Alessandro au souverain. En revanche cinq opéras sont montés au théâtre Pratolino [16]

À la mort de Charles II, la guerre de Succession d’Espagne [17] amenuise les revenus de commandes du musicien. Il demande un congé de quatre mois et quitte Naples en juin 1702. Il n’y retourne pas avant que la couronne autrichienne ne remplace celle de l’Espagne. Pendant cette période, il est sous le patronage de Ferdinand III de Médicis à Florence [18], pour le théâtre privé duquel il compose des opéras, puis sous celui du cardinal Pietro Ottoboni , qui le fait maître de chapelle, et lui procure un poste similaire à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome [19]. En 1706, il est le 3ème musicien avec Pasquini et Corelli, alors que les statuts à l’origine n’autorisent que les poètes et les nobles à adhérer à l’Académie d’Arcadie [20], sous le nom de “Terpandro Politeio”. En 1716, il est fait Cavaliere [21].

Après avoir visité Venise [22] et Urbino [23] en 1707, il reprend sa charge à Naples en 1708, et y reste jusqu’en 1717. À partir de ce moment-là, Naples semble se lasser de sa musique ; les Romains l’appréciaient mieux, et c’est au Teatro Capranica de Rome qu’il produisit ses meilleurs opéras [24], quelques intermèdes pleins de verve comique, ainsi que de remarquables œuvres de musique religieuse, parmi lesquelles une messe pour chœur et orchestre, composée en l’honneur de sainte Cécile pour le cardinal Francesco Acquaviva d’Aragona en 1720. Sa dernière œuvre de grande envergure est une sérénade pour le mariage du prince de Stigliano, “Erminia” en 1723. Au conservatoire, il forme Azzolino della Ciaja , Carlo Cotumacci , Francesco Geminiani , Francesco Mancini et Domenico Zipoli .

Il meurt à Naples et est inhumé dans une chapelle de l’église Santa Maria di Montesanto de Naples [25]. Le 30 octobre 1725, six jours après sa mort, “la Gazzetta di Napoli” publie une courte notice nécrologique

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Adélaïde de Place, Alessandro et Domenico Scarlatti, Paris, Fayard, coll. « Mirare », 2003, 94 p. (ISBN 978-2-213-61468-7, OCLC 401756760

Notes

[1] Palerme est une ville italienne, chef-lieu et plus grande ville de la région Sicile Elle se situe dans une baie sur la côte nord de l’île.

[2] Un maître de chapelle, à l’origine maître de musique, ou dans les pays allemands Kapellmeister, ou encore maestro di cappella en Italie, désigne une personne chargée, dans un cadre religieux chrétien, d’enseigner et de faire entendre la musique avant tout liturgique, et de composer des partitions polyphoniques essentiellement des motets au sein de la « chapelle musicale » d’une église.

[3] La cathédrale de Palerme est une église catholique romaine du 12ème siècle, dédiée à Notre-dame de l’Assomption, de style arabo-normand propre à la Sicile, située à Palerme, capitale de la province italienne de Sicile. La cathédrale fut construite par l’archevêque normand de Palerme Gautier Ophamil, à l’emplacement d’une très ancienne basilique de l’empire romain transformée en mosquée au 9ème siècle par les Arabes. Les tours datent des 14 et 15ème siècles et le porche gothique catalan du 15ème siècle. La nef baroque fut élargie à la fin du 18ème siècle. Le couronnement du premier roi de Sicile Roger II de Sicile y fut célébré à Noël 1130. La cathédrale contient les sépultures de l’empereur Frédéric II du Saint Empire et de son épouse Constance d’Aragon ; du roi Roger II de Sicile qui au 12ème siècle fut à l’origine du Royaume de Sicile ; de Sainte Rosalie de Palerme, patronne de Palerme.

[4] Un castrat est un chanteur de sexe masculin ayant subi la castration avant sa puberté, dans le but de conserver le registre aigu de sa voix enfantine, tout en bénéficiant du volume sonore produit par la capacité thoracique d’un adulte. Le phénomène musical des castrats apparaît dans la deuxième moitié du 16ème siècle en Occident. Il se développe principalement en Italie et disparaît entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle. Les historiens rapportent que les meilleurs castrats pouvaient rivaliser en puissance, technique et hauteur avec une petite trompette. Le mot désigne également le type de voix obtenu au moyen de cette opération.

[5] Bologne est une ville italienne située dans le nord-est du pays, entre le Pô et les Apennins. C’est le chef-lieu de la région d’Émilie-Romagne (plaine du Pô) et de la province de même nom et l’une des principales villes d’Italie. Elle est considérée comme le siège de la plus ancienne université du monde occidental puisqu’elle a été fondée en 1088. Plus de 900 ans après sa fondation, l’université est encore aujourd’hui le cœur de la ville

[6] Orfeo est un opéra du compositeur italien Luigi Rossi dont la première représentation eut lieu le 2 mars 1647 au Théâtre du Palais-Royal à Paris. Composé d’un prologue, trois actes, et un épilogue, le livret est signé par l’abbé Francesco Buti. Il met en scène le mythe d’Orphée et Eurydice, utilisé à de multiples reprises dans l’histoire de l’opéra. Monté à l’instigation du cardinal Mazarin, il s’agit du deuxième opéra joué en France, après La Finta pazza de Sacrati en 1645.

[7] Naples est une ville d’Italie, chef-lieu de la région de Campanie. L’histoire de Naples s’étend sur plus de 28 siècles. Sous le nom de Parthénope, elle fut fondée durant l’Antiquité par la cité voisine de Cumes. Elle s’étend ensuite rapidement jusqu’à devenir un des principaux centres commerciaux, culturels, philosophiques et politiques de la Grande-Grèce puis de l’Empire romain. Après avoir été brièvement dépendante de l’Empire byzantin, elle devient autonome au sein du duché de Naples. Dès le 13ème siècle et pour ensuite plus de 600 ans, elle devient successivement la capitale du royaume de Naples puis du royaume des Deux-Siciles. Elle reste alors un des principaux centres de développement économiques et technologiques d’Europe jusqu’à son annexion au royaume d’Italie en 1860, date à laquelle elle entame un relatif déclin socio-économique.

[8] L’École napolitaine de musique désigne un groupe de compositeurs qui, à partir de 1650 et pour un siècle environ, dominèrent à partir de Naples l’histoire de l’opéra et en marquèrent très fortement le style.

[9] En musique classique, une aria da capo ou aria con da capo, c’est-à-dire, en français : « aria avec da capo », soit « aria avec reprise »

[10] Le Teatro Capranica est un théâtre situé au 101 Piazza Capranica, dans le quartier Colonna de Rome. Construit dès 1679 par la famille Capranica et habité au début de la Renaissance, le palais Capranica est le deuxième théâtre ouvert au public à Rome. Il est ensuite le lieu de nombreuses créations d’opéras Baroques, notamment le Tito e Bérénice de Caldara, Griselda d’Alessandro Scarlatti et Ercole su’l Termodonte de Vivaldi. Le teatro Capranica cesse de fonctionner en tant que théâtre et opéra en 1881 et en 1922, il est reconverti en salle de cinéma.

[11] Les équivoques dues à l’apparence

[12] maître de chapelle

[13] L’église San Girolamo della Carità (Saint-Jérôme-de-la-Charité) est une église de Rome située près du palais Farnèse, sur le lieu traditionnellement reconnu comme résidence en 382 de saint Jérôme, auquel elle est dédiée. L’histoire du lieu est marquée par la fondation de la congrégation de l’Oratoire par saint Philippe Néri au 16ème siècle. Depuis 1965, l’église est le siège de la diaconie cardinalice San Girolamo della Carità.

[14] Le San Bartolomeo était un théâtre d’opéra napolitain, en activité principalement au 17ème siècle et au 18ème siècle ; avant la construction du San Carlo, en 1737, il était le principal théâtre de la ville. Il a été édifié vers 1620 près de l’église de San Bartolomeo. Après l’arrêt de son activité, il a été reconverti en église.

[15] La Toscane, dirigée d’abord par des margraves et des marquis aux 9ème et 10ème siècles, devint un ensemble de cité-États à statut républicain-oligarchique. Au 15ème siècle, avec Cosme de Médicis, elle est progressivement réunifiée dans une seule entité politique et passe entre les mains de la famille des Médicis, l’une des plus puissantes durant la Renaissance. Cette famille a gouverné la Toscane du 15ème au 18ème siècle.

[16] La Villa di Pratolino est une villa médicéenne sise dans la localité de Pratolino, dans la commune de Vaglia, à 12 km au nord de Florence, en Toscane (Italie) au pied des montagnes Apennins. le palais d’origine fut détruit en 1821

[17] La guerre de Succession d’Espagne est un conflit qui a opposé plusieurs puissances européennes de 1701 à 1714, dont l’enjeu était la succession au trône d’Espagne à la suite de la mort sans descendance du dernier Habsbourg espagnol Charles II et, à travers lui, la domination en Europe. Dernière grande guerre de Louis XIV, elle permit à la France d’installer un monarque français à Madrid : Philippe V, mais avec un pouvoir réduit, et le renoncement, pour lui et pour sa descendance, au trône de France, même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. Ces conditions ne permettaient pas une union aussi étroite que celle qui était espérée par Louis XIV. La guerre de succession donna néanmoins naissance à la dynastie des Bourbons d’Espagne, qui règne toujours aujourd’hui.

[18] Florence est la huitième ville d’Italie par sa population, capitale de la région de Toscane et siège de la ville métropolitaine de Florence. Berceau de la Renaissance en Italie, capitale du royaume d’Italie entre 1865 et 1870

[19] La basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome est l’une des quatre basiliques majeures. Elle est la propriété du Vatican. C’est le plus grand monument et la plus ancienne église romaine

[20] L’Académie d’Arcadie ou Académie des Arcades de Rome, l’Accademia dell’Arcadia en italien, fut fondée à Rome le 5 octobre 1690 par des poètes qui avaient appartenu à l’entourage de la reine Christine de Suède.

[21] titre de noblesse attribué par le pape Clément XI

[22] Venise est une ville portuaire du nord-est de l’Italie, sur les rives de la mer Adriatique. Elle s’étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au large de la lagune vénète, entre les estuaires du Pô et du Piave, Venise est renommée pour cette particularité, ainsi que pour son architecture et son patrimoine culturel

[23] Urbino est une commune de la province de Pesaro et Urbino dans la région Marches en Italie centrale. Capitale des princes della Rovere, la ville s’imposa comme un centre militaire et scientifique majeur dans l’Italie de la Renaissance, avec des personnalités comme Piero della Francesca, Commandino, Bernardino Baldi ou Guidobaldo del Monte. Elle est également surnommée "l’Athènes de l’Italie". Capitale du duché d’Urbino, la ville connut son apogée sous le règne du duc Frédéric III de Montefeltro. La cour est brillante à la Renaissance : le peintre Piero della Francesca en était le fleuron. À l’extinction des princes della Rovere, le duché et sa capitale furent incorporés aux États pontificaux en 1631.

[24] Telemaco, 1718 ; Marco Attilio Regoló, 1719 ; Griselda, 1721

[25] L’église Santa Maria di Montesanto est une église baroque du centre historique de Naples. Elle doit son nom à Montesanto, lieu d’origine en Sicile de la communauté de carmes qui fit construire au 17ème siècle cette église et son couvent, dédiés à la Vierge Marie sous l’invocation de Notre-Dame du Carmel. C’est aussi le lieu d’inhumation d’Alessandro Scarlatti. Le palazzo Nauclerio se trouve sur le côté.