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Pélagie (princesse wisigothe)

vendredi 19 novembre 2021, par ljallamion

Pélagie (princesse wisigothe) (vers 390-après 454)

Princesse wisigothe

Évolution du royaume wisigoth jusqu'au 6ème siècleFille d’Alaric 1er, femme du comte Boniface puis du Généralissime de l’Empire Romain, Aetius et sœur de la reine des Wisigoths [1] Pédauque et du roi des Wisigoths Wallia.

En Espagne, Pélagie a grandi dans une tribu vandale [2] d’origine balthe [3]. Habituée à vivre dans des chariots et à suivre les combats de son père, la guerre et l’errance font partie de son enfance.

Cette princesse gothe de religion arienne [4] n’est mentionnée pour la première fois qu’à l’occasion de son premier mariage, entre 422 et 426, avec le comte Boniface.

C’est à la cour des rois vandales que le comte Boniface rencontre Pélagie, jeune princesse possédant une fortune immense, et souhaite l’épouser, ce que le roi vandale Genséric organise rapidement.

Leurs différences religieuses ne compromettent pas le mariage. Le maître des milices africaines est catholique et déjà veuf et père d’une fille qui allait épouser le Comte Sébastien , tandis que Pélagie est arienne comme la majorité des Goths [5].

Leurs déclarations de tendresse entrecoupées de disputes théologiques sont relatées par différents auteurs et ils croient s’être convertis l’un l’autre. La conversion de Pélagie aurait été une condition de son mariage avec le comte. Cependant, elle ne se convertit pas réellement car ils ont une fille, pour laquelle Saint Augustin s’inquiète du baptême arien organisé par Pélagie.

L’influence de Pélagie sur son mari est importante au regard des complications que sa position religieuse implique pour la politique de son mari. Elle s’entoure, à la cour d’Afrique [6], de nombreux vandales ariens.

Elle manœuvre pour que de jeunes parentes de Boniface, religieuses de leur état, reçoivent un second baptême hérétique. La position de Boniface devient alors compliquée, en ces temps de division religieuse. Certains pensent qu’il s’est converti à l’arianisme et on le calomnie sur sa fidélité à l’Empire et à Galla Placidia, qui vient de faire passer 3 lois contre les hérétiques. En Afrique, il perd des alliés et demande de l’aide à Genséric et aux Vandales en 429 pour regagner son pouvoir .

En 432, le comte Boniface est convoqué à Ravenne [7], capitale de l’Empire romain d’Occident, par l’impératrice Galla Placidia, mère de Valentinien III, pour s’expliquer face à ce qui apparaît comme une trahison.

Il rejoint l’Italie pour s’expliquer devant la régente, en face du sénat. Il est reçu avec sympathie par la population et il entre triomphant à Rome. La régente l’investit alors de la charge de généralissime, à la place d’Aetius et en même temps elle le nomme patrice [8]. C’est le signal de la guerre civile contre Aetius. Ils se retrouvent confrontés et leurs armées s’affrontent à Rimini [9] ; le comte est blessé et meurt 3 mois plus tard.

Pélagie aurait reçu le conseil de la part de son mari mourant d’épouser celui qui l’avait mortellement blessé. Veuve du puissant comte, elle était devenue très riche car elle héritait en plus de ses richesses personnelles de celle de son premier mari.

Vers 434 Pélagie épouse Aetius, à qui elle amène par héritage toutes ses richesses personnelles et celles du comte Boniface. Pélagie est alors une matrone, une grande dame romaine. Elle ne vit pas à Ravenne, capitale du pouvoir, mais plutôt à Rome. Elle a connu Sidoine Apollinaire, sûrement à la cour gothe de Toulouse, et Flavius Merobaudes , soldat et poète, qui écriront sur elle.

En février 440 son fils Gaudentius Flavius est baptisé à Rome, célébré dans un poème de Mérobaudes. Cependant, à peine né, Pélagie lui fait donner un "baptême par l’eau" car Pélagie reste de confession arienne, malgré un second mari catholique. Elle n’a été convertie ni par ses maris, ni par Rome et elle a tenté d’attirer ses enfants vers sa religion.

Pélagie a probablement rejoint la cour de Toulouse pour y défendre les droits de son fils au trône wisigoth. Le roi des Goths Théodoric aurait rencontré le prince Gaudentius et se serait réjoui des qualités de ce prince goth, et pourtant romain à la fois.

Elle tente de placer son fils sur un trône, que ce soit celui des Goths ou celui des Romains ; mais à la mort d’Aetius son fils est emmené comme otage en Afrique par le roi vandale Geiséric qui vient de piller Rome en juin 455. Ses prétentions politiques pour son fils s’évanouissent alors.

Grégoire de Tours en fait le modèle de l’épouse vertueuse d’Aetius. Elle suit souvent son mari, jusque sur les champs de bataille hormis celui des Champs Catalauniques [10], où la tradition la montre allant prier tous les jours dans la basilique de Saint Pierre à Rome. Elle le conseille avant tout dans ses relations avec les Goths, qui ont créé un royaume dont la capitale est Toulouse : Aetius établit la paix avec Théodoric après l’attaque de Toulouse en 439 et elle semble souhaiter que son mari devienne Auguste à son tour. Elle est souvent décrite coléreuse et pleine de reproches envers son époux.

On ne sait rien d’elle après la mort de son mari assassiné en 454.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Renée Mussot-Goulard, Les Goths, Atlantica, Biarritz, 1999.

Notes

[1] Les Wisigoths entrent en Gaule, ruinée par les invasions des années 407/409. En 416 les Wisigoths et leur roi Wallia continuent leur invasion en Espagne, où ils sont envoyés à la solde de Rome pour combattre d’autres Barbares. Lorsque la paix avec les Romains fut conclue par le fœdus de 418, Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde. La sédentarisation en Aquitaine a lieu après la mort de Wallia. Les Wisigoths pénétrèrent en Espagne dès 414, comme fédérés de l’Empire romain. Le royaume des Wisigoths eut d’abord Toulouse comme capitale. Lorsque Clovis battit les Wisigoths à la bataille de Vouillé en 507, ces derniers ne conservent que la Septimanie, correspondant au Languedoc et une partie de la Provence avec l’aide des Ostrogoths. Les Wisigoths installèrent alors leur capitale à Tolède pour toute la suite. En 575 ils conquièrent le royaume des Suèves situé dans le nord du Portugal et la Galice. En 711 le royaume est conquis par les musulmans.

[2] Les Vandales sont un peuple germanique oriental. Ils conquirent successivement la Gaule, la Galice et la Bétique (sud de l’Espagne), l’Afrique du Nord et les îles de la Méditerranée occidentale lors des Grandes invasions, au 5ème siècle. Ils fondèrent également le « royaume vandale d’Afrique » (439–534) dont la capitale fut Carthage.

[3] Les Balthes sont, avec les Amales, les deux grands lignages gothiques se disant issus du Dieu Gaut.

[4] L’arianisme est un courant de pensée théologique des débuts du christianisme, due à Arius, théologien alexandrin au début du 4ème siècle. La pensée de l’arianisme affirme que si Dieu est divin, son Fils, lui, est d’abord humain, mais un humain disposant d’une part de divinité. Le premier concile de Nicée, convoqué par Constantin en 325, rejeta l’arianisme. Il fut dès lors qualifié d’hérésie par les chrétiens trinitaires, mais les controverses sur la double nature, divine et humaine, du Christ (Dieu fait homme), se prolongèrent pendant plus d’un demi-siècle. Les empereurs succédant à Constantin revinrent à l’arianisme et c’est à cette foi que se convertirent la plupart des peuples germaniques qui rejoignirent l’empire en tant que peuples fédérés. Les wisigoths d’Hispanie restèrent ariens jusqu’à la fin du 6ème siècle et les Lombards jusqu’à la moitié du 7ème siècle.

[5] Les Goths faisaient partie des peuples germaniques. Selon leurs propres traditions, ils seraient originaires de la Scandinavie. Ils provenaient peut-être de l’île de Gotland. Mais ils pourraient également être issus du Götaland en Suède méridionale ou bien du Nord de la Pologne actuelle. Au début de notre ère, ils s’installèrent dans la région de l’estuaire de la Vistule. Dans la seconde partie du 2ème siècle, une partie des Goths migrèrent vers le sud-est en direction de la mer Noire. Dès le 3ème siècle les Goths étaient fixés dans la région de l’Ukraine moderne et de la Biélorussie où ils furent probablement rejoints par d’autres groupes qui ont été plus ou moins intégrés dans la tribu. Les Goths formaient un seul peuple jusqu’à la fin du 3ème siècle. Après un premier affrontement avec l’Empire romain dans le sud-est de l’Europe au début du siècle, ils se séparèrent en deux groupes : les Greuthunges à l’Est et les Tervinges à l’Ouest qui deviendront par la suite les Ostrogoths ou « Goths brillants », à l’Est, et les Wisigoths ou « Goths sages » à l’Ouest.

[6] L’Afrique romaine désigne soit les terres d’Afrique du Nord dominées par Rome, soit la part romanisée de l’Afrique. La partie orientale de l’Afrique du Nord en est séparée dès l’Antiquité. L’Afrique romaine s’étend, d’est en ouest, de la Petite Syrte aux côtes atlantiques de l’actuel Maroc. Après la réforme territoriale et administrative de Dioclétien en 303, elle comprend huit provinces romaines (d’est en ouest) : la Tripolitaine, la Byzacène, l’Afrique proconsulaire, la Numidie cirtéenne, la Numidie militaire, la Maurétanie sétifienne, la Maurétanie césarienne et la Maurétanie tingitane

[7] Ravenne est une ville italienne de la province de Ravenne en Émilie-Romagne. Elle est considérée comme la capitale mondiale de la mosaïque. Ravenne fut une cité de première importance au tournant de l’Antiquité et du Moyen Âge. En 402, pendant le règne d’Honorius, elle fut, du fait de sa position stratégique plus favorable, élevée au rang de capitale de l’Empire romain d’Occident en lieu et place de Milan, trop exposée aux attaques terrestres des barbares. Son port de grande capacité, sur l’Adriatique, la mettait en communication aisée avec Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. La cité continua d’être le centre de l’Empire d’Occident jusqu’à la chute de celui-ci en 476. Elle devint alors la capitale du royaume d’Italie d’Odoacre, puis à partir de 493 celle du royaume des Ostrogoths, sous Théodoric le Grand, qui englobait l’Italie, la Rhétie, la Dalmatie et la Sicile. En 540, sous le règne de Justinien 1er, Ravenne fut conquise par le général de l’Empire d’orient Bélisaire ; elle fut ensuite reconquise par les Ostrogoths avant d’être à nouveau reprise par le général de l’Empire d’orient Narsès en 552. C’est pour contrer le danger né de l’invasion des Lombards en Italie à partir de 568, que Ravenne devint le siège de l’exarchat byzantin d’Italie, par décision de l’empereur Maurice. La concentration de tous les pouvoirs civils et militaires entre les mains de l’exarque, représentant personnel de l’empereur byzantin favorisa, à long terme, l’émancipation des territoires du nord de l’Italie vis-à-vis du pouvoir impérial. Ravenne fut prise en 752 par Aistolf, roi des Lombards. Deux ans après, Pépin le Bref, roi des Francs, la lui enleva et la donna au Saint-Siège.

[8] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.

[9] Rimini est une ville d’Italie, capitale de la province de Rimini, dans la région Émilie-Romagne. Située sur le littoral adriatique, entre l’embouchure de la Marecchia (l’Ariminus des Romains) et l’Ausa (Aprusa en latin), c’est l’une des plus grandes stations balnéaires d’Europe, grâce à ses quelque 15 km de plage sableuse et ses nombreux hôtels. Elle connut une histoire mouvementée après la chute de l’Empire romain d’occident, jusqu’au 13ème siècle où elle passa au pouvoir des princes de Malatesta qui la conservèrent jusqu’en 1528, date à laquelle elle passa au pouvoir des papes. Au 19ème siècle, Rimini s’imposa comme l’un des bastions de la cause de l’unité italienne.

[10] La bataille des champs Catalauniques de 451 a opposé les forces coalisées, romaines et barbares, menées par le patrice romain Aetius d’une part, et l’armée des Huns, elle aussi composite et emmenée par Attila, d’autre part. Elle a longtemps été localisée aux environs de l’actuelle Châlons-en-Champagne, Duro Catalaunum à l’époque gallo-romaine, d’où provient le nom des « champs Catalauniques », mais cette localisation est l’objet de controverses. La bataille des champs Catalauniques marque l’avancée extrême en Occident des Huns, partis des steppes de la Volga vers 370 et établis en Pannonie (actuelle Hongrie) au début du 5ème siècle. La victoire relative d’Aetius, qui a peut-être bénéficié de sa bonne connaissance du peuple des Huns, écarte Attila de la Gaule, et est confirmée l’année suivante par l’échec de son attaque en Italie. Elle permet de maintenir une partie de la Gaule sous la domination directe de Rome, mais elle conforte aussi les peuples fédérés, notamment les Francs de Mérovée qui obtiennent le gouvernement de la Gaule belgique et les Wisigoths établis en Aquitaine.