Au milieu de l’année 1805, ayant réuni la Grande Armée à Boulogne [1], Napoléon s’aperçoit qu’il ne peut pas compter sur l’appui de sa flotte pour envahir l’Angleterre.
C’est le moment où une troisième coalition se forme contre la France. « Ne pouvant frapper la tête de la coalition, l’Angleterre, Napoléon en frappera le bras, l’Autriche » [2].
Le 3 septembre, renonçant à traverser la Manche, l’empereur entraîne à grandes enjambées ses 7 corps d’armée, ainsi que la Garde impériale et la cavalerie de Murat , à la rencontre des armées austro-russes.
Napoléon 1er vainc les Autrichiens du général Karl Mack à Ulm [3], en Bavière, le 20 octobre, mais au même moment, la flotte franco-espagnole est anéantie à Trafalgar, ruinant tout espoir de soumettre l’Angleterre.
Poursuivant les restes de l’armée autrichienne, l’empereur entre triomphalement à Vienne [4], c’est la première fois de son Histoire que la capitale des Habsbourg [5] doit s’incliner devant un conquérant.
Le général russe Mikhaïl Koutouzov ? , qui devait rejoindre le général Mack à Ulm, se replie. Son arrière-garde est accrochée par Murat à Hollabrunn [6], le 16 novembre, mais se retire en bon ordre après un affrontement meurtrier.
Le 19 novembre, l’armée française est à Brünn [7]. Ses premières lignes dépassent même le village d’Austerlitz, à 9 kilomètres.
Face à elle, 73.000 à 86.000 Austro-Russes [8], sous le commandement du vieux Koutouzov.
Près de Wischau [9], au cours d’un engagement de cavalerie, les Français perdent un drapeau et une centaine de dragons sont faits prisonniers.
Dans une situation inconfortable, Napoléon 1er veut contraindre l’ennemi à la faute pour le vaincre.
A la surprise générale de ses maréchaux, le 28 novembre, il demande à Murat, Lannes et Soult d’organiser un mouvement de repli, en abandonnant à l’ennemi le plateau du Pratzen, de haute valeur tactique.
Après une marche résolument agressive, ce repli apparaît aux yeux des coalisés comme un aveu de faiblesse.
Le 30 novembre, Napoléon reçoit le prince Dolgoruky et propose un armistice. Mais les Russes se montrent trop exigeants et le dialogue est rompu. La bataille aura donc lieu à l’endroit souhaité par l’empereur, avant que les Austro-Russes aient le temps d’y concentrer toutes leurs forces.
Le 1er décembre, l’empereur peut compter sur 75000 hommes et 157 canons. Son armée inclut la Garde Impériale de Bessières , la division d’élite de Oudinot , la réserve de cavalerie de Murat, les Corps de Bernadotte , Soult et Lannes. Le Corps de Davout , prévenu le 29 novembre, arrive de Vienne à marche forcée.
Napoléon reconnaît le terrain et prépare son plan. La nuit se passe à attendre, dans un bivouac qu’illuminent les flambeaux des soldats.
Après une poursuite de 2 mois à travers la Bavière et l’Autriche, Napoléon parvient enfin à affronter l’armée austro-russe. Il a choisi le terrain. Il a conçu un plan. Napoléon dégarnira son flanc droit pour inciter les Austro-russes à l’attaquer. Une fois que ces derniers auront quitté le plateau du Pratzen, près du village d’Austerlitz, point haut du champ de bataille, il attaquera le centre russe sur les hauteurs et coupera l’armée ennemie en deux.
Le plan austro-russe conçu par Franz von Weirother consiste à attaquer le flanc faible des Français dans les villages de Tellnitz [10] et Sokolnitz [11]. Pour cela, toutes les colonnes austro-russes descendront du Pratzen, commandées par Buxhowden , par le sud, puis attaqueront et prendront les deux villages. Les colonnes remonteront ensuite vers le centre français en tournant le gros des forces.
Dans le dispositif français, c’est la division Gudin qui tiendra les deux villages. Le reste du corps de Davout viendra renforcer cette division. Il relèvera le corps de Soult. Bernadotte, venu de Vienne, appuyera la gauche de l’armée française. Lannes se positionnera en face du Santon pour contrer le corps russe de Bagration.
A l’aube du 2 décembre, les trois empereurs sont présents sur le champ de bataille.
A 7h, les colonnes austro-russes sont devant Tellnitz. Doctorov parvient à prendre le village. Les Français se reforment derrière le ruisseau du Goldbach. Alexandre Louis Andrault de Langeron doit prendre Sokolnitz. Il fait face à la division Legrand. La défense de Legrand permet à la division Friant de reprendre Tellnitz. Davout, qui commande le secteur, fait replier ses troupes. La cavalerie autrichienne passe le Goldbach, mais elle est repoussée par la division de dragons de Bourcier. Buxhodwen descend à son tour du Pratzen pour poursuivre le mouvement. Langeron s’apprête à dépasser le village, mais la division Friant contre-attaque et reprend Sokolnitz.
Vers 8h30, le corps de Soult avance vers le Pratzen afin de couper l’armée alliée en deux. La division Vandamme se dirige vers le Starhé Vinorady, tandis que la division Saint-Hilaire tente de s’emparer du Pratzen. Le général Kollowrath est le premier à voir les Français monter sur le Pratzen. Il fait rétrograder sa colonne. Kutuzov est prévenu. Morand se trouve alors opposé à Kaminski, Thiébaud est face à Kollowrath. L’artillerie de Saint-Hilaire est disposée sur le plateau et foudroie les attaques russes. De son côté, Vandamme parvient à repousser la 4ème colonne de Kollowrath et de Miloradovitch.
Langeron, qui est encore dans la plaine de Sokolnitz, fait replier le reste de ses troupes pour reprendre le plateau. Il fait également appeler la réserve générale constituée par la garde russe.
Sur le flanc gauche, Lannes (division Caffarelli et Suchet) et Murat (divisions Nansouty, d’Hautpoul et Kellermann) attaquent Piotr Ivanovitch Bagration pour l’empêcher d’intervenir sur le centre de la bataille.
La cavalerie de Jean Ier prince de Lichtenstein tente de reprendre le village de Blasowitz. Elle repousse la brigade de Kellermann , mais est arrêtée par l’infanterie de Lannes. L’infanterie française poursuit et occupe fermement le village de Blasowitz : elle menace l’aile droite d’encerclement.
Au centre, le grand-duc Constantin Pavlovitch Romanov , donne l’ordre aux régiments Preobrajenski et Semenoski d’attaquer la division Vandamme à la baïonnette. Les Russes se mettent au pas de course et arrivent épuisés après avoir escaladé la pente du plateau. La première ligne française faiblit, mais la deuxième ligne résiste à l’assaut furieux de la garde russe. Les Russes sont repoussés sur Krzenowitz [12].
Vers 11h30, Napoléon s’avance sur le Staré Vinhorady. Il ordonne à Vandamme de se placer à l’angle sud-ouest du plateau pour en interdire l’accès à toutes les unités coalisées qui viendraient appuyer la garde russe. Les autres divisions du corps de Soult prennent place au centre du plateau. La cavalerie de la garde russe, appuyée par 6 canons, attaque alors le centre français qui se place en carré. Les deux premières charges sont repoussées, mais la troisième parvient à ébranler la position.
La cavalerie de la garde française apparaît alors, et, sous le commandement de Bessières, contre-attaque. Les Russes résistent. Le général Jean Rapp amène le reste de la cavalerie de la garde, dont les chasseurs à cheval et les Mamelouks. Cette nouvelle attaque de cavalerie repousse définitivement la garde russe qui reflue sur Krzenowitz.
Buxhödwen reçoit l’ordre de battre en retraite. Il est attaqué par les divisions du corps de Soult sur le plateau, et les divisions de Davout venues des villages de Tellnitz et Sokolnitz. La poursuite de l’aile gauche russe continue. Une partie des troupes coalisées tente de passer par les marais gelés qui se rompent, entraînant la perte d’environ 300 hommes. Vers 16h30, les combats sont terminés.
Les pertes austro-russes sont de 11000 Russes, 4000 Autrichiens, 10000 prisonniers russes, 1600 prisonniers autrichiens, 186 canons et 45 couleurs régimentaires. Les pertes françaises s’élèvent à 1300 morts, 7000 blessés et 500 prisonniers.
Le 2 décembre 1805, un an jour pour jour après son sacre, l’empereur Napoléon 1er remporte à Austerlitz sa victoire la plus éclatante.
En quelques heures, sous un soleil hors saison, il vainc deux autres empereurs, François II d’Allemagne et Alexandre 1er de Russie Austerlitz est appelée pour cela bataille des Trois empereurs.
Il est en partie redevable de son triomphe à la chance et à un brouillard matinal qui a caché ses mouvements à l’ennemi.
Le 6 décembre, au château d’Austerlitz, Berthier et von Liechtenstein signent le cessez le feu. La diplomatie reprend ses droits. L’Autriche se dispose à signer la paix de Presbourg [13]. C’est la fin de la troisième coalition [14]. La Prusse qui s’apprêtait à la rejoindre, signe un traité d’échange de territoires avec la France le 15 décembre. Les conquêtes continentales de la France prennent une dimension insoupçonnée, débordant largement le cadre des frontières naturelles.
Le 26 décembre 1805, la paix a été signée à Presbourg à 4 heures, entre M. de Talleyrand et MM. le prince de Liechtenstein et le général Ignácz Gyulay . Par ce traité que la France signe avec l’Autriche après la victoire d’Austerlitz, l’Autriche renonce à la Vénétie [15], tandis que la Bavière [16], alliée de Napoléon, reçoit le Tyrol [17]. Enfin, une page ancienne de l’histoire de l’Europe est tournée : une clause secrète supprime le Saint Empire romain germanique.