- La bataille de Marengo. Tableau de Louis-François Lejeune. (Musée National du Château de Versailles)
Napoléon Bonaparte bat les Autrichiens à Marengo [1], près d’Alexandrie [2], dans le Piémont italien.
Devenu Premier Consul quelques mois auparavant, par le coup d’État de Brumaire, Bonaparte veut clore la Révolution. Ayant redressé la France à coup de réformes hardies, il tente d’établir une paix durable avec le reste de l’Europe.
Mais ses offres de paix échouent. Il doit reprendre les armes et vaincre la deuxième coalition qui rassemble depuis 2 ans l’Angleterre, l’Autriche et la Russie.
L’armée du Rhin, sous le commandement de Jean Victor Marie Moreau , piétine dans sa marche vers Vienne [3], tandis que l’armée d’Italie, sous le commandement de André Masséna , se laisse assiéger dans Gênes [4] sans relâcher la pression sur les Autrichiens.
Bonaparte lève dans l’improvisation une armée de réserve : 40.000 hommes, 6.000 chevaux, 40 canons.
Il franchit à sa tête le col du Grand-Saint-Bernard [5] (2469 mètres) en Suisse, dans des conditions qui frappent de stupeur les contemporains. Il y a plusieurs mètres de neige au col, et l’équipement de la troupe est radicalement inadapté. Les hommes doivent se transformer en bêtes de somme pour transporter le matériel.
Depuis la bataille de Montebello [6] remportée par les généraux Lannes et Victor, la plus horrible confusion régnait dans Alexandrie ; de sinistres pressentiments agitaient l’état major autrichien ; Mélas voyait son armée coupée de sa ligne d’opération, de ses dépôts, et placée entre l’armée de Bonaparte et celle de Suchet, dont les avants-postes avaient passé les montagnes, et commençaient à se montrer sur les derrières de l’aile droite autrichienne.
Il consulta ses généraux dont l’irrésolution était complète . Après bien des hésitations, il se décida à envoyer un fort détachement contre Suchet, le reste de l’armée autrichienne restant couvert par la Bormida et par la citadelle d’Alexandrie, mais dans la nuit du 11 au 12, il apprit le mouvement du premier consul sur la Scrivia [7].
Il rappela, le 12, son détachement, et passa encore la journée du 13 et la nuit du 13 au 14, en délibération. Après de vives et orageuses discussions, le conseil de guerre, réuni par Mélas, décida que l’existence de l’armée de réserve lui avait été inconnu ; que les ordres et les instructions du conseil aulique [8] n’avaient mentionné que l’armée de Masséna ; que la fâcheuse position où l’on se trouvait devait donc être attribuée au ministère et non au général ; que dans cette circonstance imprévue, de braves soldats devaient faire leur devoir ; qu’il fallait donc passer sur le ventre de l’armée du premier consul et rouvrir les communications avec Vienne ; que si l’on réunissait, tout était gagné, puisque l’on était maître de la place de Gênes [9], et qu’en retournant très vite sur Nice [10], on exécuterait le plan d’opération arrêté à Vienne, et qu’enfin, si l’on échouait et que l’on perdit la bataille, la position serait affreuse, sans doute, mais que la responsabilité en tomberait tout entière sur le ministère.
Ce raisonnement fixa toutes les opinions et chacun alla faire ses dispositions pour la bataille du lendemain.
Toutes les chances, pour le succès de la bataille, étaient en faveur de l’armée autrichienne, cette armée était très nombreuse, sa cavalerie était au moins triple de celle de l’armée française.
La rencontre décisive avec les Autrichiens du feld-maréchal [11] Michael von Melas débute mal pour les Français.
Le 14 juin, à l’aube, les autrichiens défilèrent par trois ponts qu’ils avaient établis sur la Bormida [12], et attaquèrent avec fureur le village de Marengo.
Après avoir envoyé au général Desaix, qui se trouvait à une demi-marche en arrière, l’ordre de revenir avec son corps à San-Guiliano, le premier consul se transporta sur le champ de bataille. Il y arriva à 10 heures du matin.
L’ennemi avait enfin emporté Marengo, et la division Victor, ayant été forcée après la plus vive résistance, s’était mise dans une complète déroute.
A la droite ; le corps du général Lannes, un peu en arrière de Marengo, était aux mains avec le corps du général Ott, qui maître du village et se déployant sur sa gauche, se mettait en bataille devant les divisions françaises qu’il débordait déjà.
Le premier consul, pour s’opposer à ce mouvement, envoya aussitôt les grenadiers à pied de la Garde consulaire [13] se placer à 500 toises sur la droite de Lannes, dans une bonne position ; ces 800 braves, l’élite de l’armée, se formèrent au milieu de la plaine entre Villanova et Castel-Cerriolo [14], en un carré qui, pareil à une redoute inexpugnable, soutint et brisa les efforts réitérés des escadrons de cavalerie autrichienne.
Leur glorieuse résistance arrêta et contint l’ennemi. Le premier consul se porta lui-même, avec la 72eme demi-brigade, au secours du corps de Lannes et dirigea la division de réserve Carra-Saint-Cyr sur l’extrême droite à Castel-Ceriolo, pour prendre en flanc la gauche autrichienne.
Cependant, au milieu de la plaine immense, à travers la fumée et la poussière, entouré de son état-major et des grenadiers à cheval de la Garde, l’armée a reconnu le premier consul. Ce seul aspect suffit pour rendre aux troupes l’espérance de la victoire : la confiance renaît, les fuyards se rallient sur San-Giuliano, derrière la gauche de Lannes.
Celui-ci, assailli par la majeure partie de l’armée ennemie, opérait sa retraite au milieu de cette vaste plaine, avec un ordre, un sang-froid et une lenteur admirable.
Son corps, exposé au feu de la mitraille de 80 canons, mit quatre heure pour faire en arrière trois quart de lieues ; dans le même temps et par un mouvement inverse, Carra-Saint-Cyr, à l’extrême droite, enlevait Castel-Geriolo, et tournait la droite de l’ennemi.
Il était alors 3 heures de l’après-midi ; tous les généraux regardaient la bataille comme perdue ; Mélas, croyant la victoire certaine, accablé de fatigue, et souffrant d’une chute qu’il avait faite, avait repassé les ponts et était rentré à Alexandrie, laissant au général Zach, son chef d’état-major, le soin de poursuivre l’armée française.
Bonaparte, à tout hasard, envoie un messager à Louis Charles Antoine Desaix sans savoir si son ami pourra intervenir à temps.
Se guidant au son du canon, le général Desaix surgit avec ses deux divisions au début de l’après-midi, tandis que les Autrichiens se préparent à poursuivre les Français. Il retourne la situation mais périt d’une balle en plein cœur au cours de la bataille.
Victor avait rallié ses bataillons ; toute l’armée française était reformé en ligne, la droite à Castel-Ceriolo, la gauche à San-Giuliano . Bonaparte traversa les rangs, il était sur de la victoire
Dans la persuasion où il était de la défaite assurée de l’armée française . Zach manœuvrait pour lui couper la retraite sur la chaussée de Tortone. Il avait formé une colonne de 6000 grenadiers autrichiens, qu’il lança en avant pour tourner notre gauche ; le reste de l’armée suivait en colonne, par échelons fort éloignés les uns des autres. La tête la colonne autrichienne arriva à la hauteur de San-Giuliano, c’était le moment qu’attendait le premier consul.
L’armée autrichienne se trouva dans une épouvantable confusion. 8 à 10 000 hommes de cavalerie qui couvraient la plaine, craignant que l’infanterie de Saint-Cyr n’arrivât au pont avant eux, se mirent en retraite au galop, culbutant tout ce qui se trouvait sur leur passage.
La division Victor se porta en toute hâte pour reprendre sons champ de bataille au village de Marengo. L’armée ennemie était dans la plus horrible déroute ; chacun ne pensait plus qu’à fuir.
L’encombrement devint extrême sur les ponts de la Bormida, où la masse des fuyards était obligé de se resserrer, et à la nuit, tout ce qui était resté sur la rive gauche tomba au pouvoir des français.
Le lendemain, à Alexandrie, le général Mélas signe un armistice avec le Premier Consul qui ne manque pas de s’attribuer le mérite de la victoire.
Avec Marengo disparaît la menace d’une nouvelle invasion de la France par le sud, mais la victoire française est insuffisante pour contraindre les Autrichiens à la paix. Les pourparlers s’éternisent à Lunéville [15], en Lorraine pendant l’automne.
C’est seulement le succès inattendu du général Moreau à Hohenlinden, en Bavière, sur la route de Vienne, qui va contraindre l’archiduc François II ou François 1er (empereur d’Autriche) à la paix.
La paix sera signée à Lunéville avec l’Autriche avant de l’être avec la Russie et l’Angleterre. Elle durera juste assez pour permettre à Bonaparte de devenir Napoléon 1er, empereur des Français.