Capitaine de gens d’armes et de trait, compagnon d’Arthur de Richemont, et de Jeanne d’Arc, au service du duc de Bretagne Jean V, puis écuyer et conseiller militaire du roi de France Charles VII.
Né à Saint-Gilles-les-Bois [1] au château du Goasmap. Il est issu des seigneurs du Goasmap et du Rumeur. Il participe aux principaux événements militaires de la reconquête de la France, notamment au siège d’Orléans [2] aux côtés de Jeanne d’Arc en 1429, et à la reconquête de la Normandie à la bataille de Formigny [3]. Il sera tué au siège de Cherbourg en 1450.
Fils de Yvon de Kermoysan, Tugdual assiste, très jeune, à la bataille de Roosebeke [4], qui oppose le 27 novembre 1382 une troupe de miliciens Flamands, commandés par Philippe van Artevelde , à l’ost français conduit par Charles VI, et commandé par Olivier V de Clisson.
Après avoir fait ses armes avec l’amiral jean de Penhoet , Tugdual rejoint Arthur de Richemont. Celui-ci, futur connétable de France et duc de Bretagne sous le nom d’Arthur III, a en effet été armé chevalier le 21 mai 1414, avant de monter à l’assaut de Soissons [5].
Tugdual participe très certainement à la bataille d’Azincourt [6], le 25 octobre 1415, sous la bannière de Jean de Penhoet, aux côtés d’Arthur de Richemont, qu’il a rejoint parmi les 500 chevaliers et écuyers bretons des troupes royales. Le contingent breton combat à l’avant-garde. Richemont sera fait prisonnier et Tugdual quant à lui passe au service du duc de Bretagne, Jean V.
Le 1er juin 1416, Tugdual est capitaine à Montivilliers [7] près du Havre [8] ; il commande une compagnie d’hommes d’armes qui compte 9 autres écuyers. Il accompagne très vraisemblablement l’amiral et Jean V, duc de Bretagne, traité par le roi en ami, lorsqu’à l’automne 1419, ils font à pieds le Tro Breizh [9]. C’est à cette époque qu’il passe au service du dauphin, le futur roi Charles VII.
En 1420, le dauphin le futur Charles VII, l’envoie à Melun [10] pour défendre la ville contre les Anglais et les Bourguignons, sous les ordres d’Arnault Guilhem de Barbazan, chambellan [11] du roi et sénéchal [12] d’Agenois [13]. Le siège commence le 7 juillet 1420. Cette place, qui barrait l’accès de Paris par la Seine, était d’une grande importance. Barbazan y commande pour le dauphin.
Malgré ces prouesses, la ville est prise et Tugdual est fait prisonnier. Il doit payer une rançon pour recouvrer la liberté. Tugdual de Kermoysan, après avoir recouvré la liberté, la même année, est gouverneur de Montaiguillon [14], l’une des plus puissantes forteresses de la Brie, qu’il défend contre le duc de Bourgogne et le roi d’Angleterre. Sa réputation franchit rapidement les limites du duché de Bretagne.
Le 12 février 1420, Marguerite de Clisson, héritière des Blois, attire Jean V de Bretagne dans un guet-apens et le retient captif au château de Champtoceaux [15]. Pour libérer le duc, son épouse Jeanne de France, fille du roi Charles VI, fait appel aux bretons de Bretagne et charge Tugdual de recruter ceux qui servent en France.
Il est au nombre des 143 seigneurs qui assiègent Champtoceaux avec l’armée bretonne de mai à juillet 1420. Tugdual de Kermoysan et Jean Budes enferment les secours anglais dans la place. Ils ont la garde du pont. Les Anglais se rendent après une quinzaine de jours. Ils obtiennent leur capitulation.
En 1421, Tugdual, entré au service du roi de France, rejoint son compatriote Prigent de Coëtivy, alors lieutenant du roi en Champagne [16] et futur Amiral de France [17]. Ils harcèlent et fatiguent tous deux beaucoup les Anglais et les Bourguignons jusqu’en Brie, et se retirent à la place forte de Montaiguillon pour tenir garnison. Le comte de Salisbury Thomas Montaigu les y assiège. Malgré une vaillante résistance, à court de vivres, ils sont contraints de se rendre et sont faits prisonniers. Tugdual doit de nouveau payer une rançon pour retrouver sa liberté.
En 1423, Tugdual de Kermoysan et Prigent de Coetivy sont à nouveau défaits près de Mouzon [18].
Le 6 octobre 1424, Jehan et Tugdual de Kermoysan accompagnent le duc Jean V de Bretagne et Arthur de Richemont à Angers : Richemont fait office d’ambassadeur entre Jean V et Charles VII de France. Il est accompagné de 9 chevaliers bannerets [19], 12 chevaliers, et un nombre important d’écuyers, au total 179 gens d’armes, qui sont payés et soldés pour un mois.
Au mois d’avril 1429, Jean de Dunois, comte de Dunois, et le maréchal Gilles de Rais demandent des braves pour conduire un convoi à Orléans. Tugdual de Kermoysan est au nombre des 8 volontaires qui partent pour Orléans.
Richemont décide d’envoyer Kermoysan en avant, en ambassade. Tugdual fait donc partie de l’armée de renfort qui arrive à Orléans le 4 mai. Il tente une sortie le 5 mai, monte à l’assaut des Tourelles le 7 mai, et participe à la bataille rangée qui refoule les Anglais vers Meung [20]. L’assaut final est en effet donné dans la matinée du 7 mai : Tugdual se bat avec ses hommes en compagnie du duc d’Alençon et Jamet du Tillay, La Hire dit Étienne de Vignolles, Poton de Xaintrailles, le comte de Vendôme*, le maréchal de Saint-Sévère Jean de Brosse, et Florent d’Illiers, aux côtés de Jeanne d’Arc.
Le soir même les tourelles sont aux mains des français. Le 8 mai au matin les troupes anglaises lèvent le siège et battent en retraite. Le capitaine La Hire et Ambroise de Loré chevauchent à leur poursuite avec cent ou 120 lances.
Le Manuscrit du Mystère du siège d’Orléans, écrit peu après la délivrance de la ville, raconte qu’après la prise d’Orléans, les grands seigneurs essayent de convaincre Tugdual d’accepter la charge et l’honneur de garder la ville. Tugdual après avoir les avoir remercié de l’honneur et de la confiance qu’ils lui témoignent, s’y refuse. Florent d’Illiers et Jeanne d’Arc l’en supplient. Kermoysan fini par accepter. Le 11 juin l’armée quitte Orléans.
Vers le 15 juin, Arthur de Richemont, parti de Parthenay [21] malgré l’interdiction du roi, mal conseillé par son favori Georges de La Trémoille, approche de Beaugency [22], sur la Loire, à 30 km au sud-est d’Orléans où se trouve Jeanne d’Arc. Tugdual s’en va rejoindre l’armée de Richemont qui approche de l’armée française.
Richemont apporte à Charles VII l’autorité de son nom et de son épée si justement redoutée des anglais. Tugdual est envoyé vers la Pucelle en parlementaire avec Pierre de Rostrenen pour préparer son arrivée. Jeanne, qui, se conforme aux instructions du roi, se prépare en effet à lui livrer bataille… Kermoysan et Rostrenen reviennent annoncer que Jeanne va venir le recevoir à coups d’épée. Néanmoins il continue sa marche en avant. Au sortir de Parthenay, La Jaille apporte à Richemont ce message du roi : retournez en arrière ou le roi vous combattra.
La rencontre a lieu entre Jeanne d’Arc et Richemont. Fort heureusement, un accord est trouvé : l’apport des forces de Richemont double l’effectif de l’armée, qui conserve un double commandement : Le comte d’Alençon lieutenant général du dauphin Charles et Jeanne continuent de commander les Français, et Richemont les Bretons.
Au siège de Jargeau [23] le 18 juin 1429, Tugdual combat dans les rangs des français. L’armée est composée des lances amenées par Jean II d’Alençon, le comte de Vendôme, Dunois le Bâtard d’Orléans , le maréchal de Boussac Jean de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère, le capitaine La Hire, messire Florent d’Illiers, Jamet du Tillay et Tugdual de Kermoysan. Dès le lendemain les assiégeants font avancer les machines et les bombardes.
Il y a peine 4 heures que les hommes s’efforcent lorsque Jeanne d’Arc, bannière à la main, monte sur une échelle appuyée à la douve, le mur est escaladé. La ville cède, est entièrement saccagée.
Puis c’est la reddition de Troyes [24] le 10 juillet. À la suite de ces succès, le sacre de Charles VII est décidé. Le 29 juin, il part de Gien [25] escorté de Jeanne d’Arc et de ses capitaines, parmi lesquels figure toujours Tugdual de Kermoysan. La marche triomphale se poursuit vers Reims, où le roi est sacré le 17 juillet 1429. Tugdual assiste au sacre de Charles VII, aux côtés de Jean de Brosse, maréchal de Boussac, de Jean de Graville et de Gilles de Rais.
Il est nommé peu après capitaine de Janville. Dès lors, il ne cesse de poursuivre des missions périlleuses, montant toujours le premier à l’attaque. L’assaut de Paris est tenté mais échoue. Peu après l’armée est licenciée et les troupes royales se contentent désormais de garder le terrain reconquis.
La même année, Arthur de Richemont charge le maréchal de Rieux, et les gens de guerre qui suivent sa bannière de s’emparer de Saint-Denis que les anglais tiennent depuis plusieurs années. La ville est prise, par escalade.
Les anglais, qui tiennent toujours Paris, s’inquiètent de la présence de la garnison bretonne qui menace leurs lignes de communication : ils viennent assiéger la ville. Le maréchal de Rieux, secondé par Tugdual, tient un mois et demi mais doit finalement céder aux anglais le faubourg dit de Pontoise. Le soir même, un habile coup de main dirigé par Tugdual les en déloge.
Arthur de Richemont marche maintenant sur Paris, cependant que les anglais ont ravagé et occupent à nouveau Saint-Denis. Le connétable de Richemont s’y présente suivi de 6 000 hommes. Son armée est divisée en plusieurs corps, dont il répartit le commandement entre Pierre de Rostrenen, Kermoysan et Lille-Adam.
Kermoysan commande l’avant-garde, composée d’environ 300 hommes qu’il lance dans la plaine de Saint-Denis.
Au début de juillet 1437, le siège est mis devant Montereau-Fault-Yonne [26]. Tugdual y est chargé des travaux d’approche [27] : Il décide de jeter un pont sur l’Yonne [28], et un autre sur la Seine [29], de détourner les eaux de l’Yonne qui remplissaient les fossés, d’ouvrir des tranchées, de percer des galeries couvertes et de mettre au plus vite des canons en batterie. La nuit même de son arrivée, il creuse un fossé large et très long établit des gabions et commence les travaux d’approche.
Un premier assaut échoue le 10 octobre, car les eaux sont encore trop profondes. Arthur de Richemont fait construire un bateau armé pour passer le fossé. Tugdual est monté à la tête des bretons, mais dans leur ardeur les bretons qui s’y précipitent tous à la fois font chavirer le bateau qui s’enfonce. Beaucoup manquent de se noyer, mais Tugdual trouve le moyen de lever une échelle, monte sur la muraille, et atteint le premier le haut du rempart.
Tandis qu’il combat avec vigueur ceux de la place, une volée de canon est tirée des batteries françaises et abat le pan de muraille, qui vole en éclats. Kermoysan est précipité tout sanglant dans le fossé avec les débris du mur, laissé pour mort. La place est prise.
Remis de ses blessures, Tugdual est capitaine de Pierrefonds [30] puis de Saint-Germain-en-Laye pour 8 mois. De nouveau à Saint-Denis, avec 20 hommes d’armes et 40 hommes de trait, il reçoit 2712 livres tournois pour un quart d’an.
Meaux, détenue par les Anglais est assiégée par Arthur de Richemont le 14 août 1439 lorsque 7 000 combattants anglais arrivent pour les déloger. Tugdual prend la tête du pont, avec ses compagnons. L’attaque est très rude à la porte que gardait Pierre de Rostrenen, et Olivier de Coetivy y est blessé.
Par lettres royales du 26 mai 1441, Tugdual est nommé capitaine du château de Montéclère, au bailliage de Chaumont. Il participe au siège de Pontoise.
Il est seigneur de Massy et de Croisy, baillis de Troyes, lorsqu’il figure en 1442 à la défense de Dieppe comme lieutenant général du roi sur tous les gens de guerre étant dans la ville, et il concourt avec le dauphin Louis à la prise de la bastille de bois que Talbot avait établie sur la falaise du Pollet.
En 1443 les Anglais tiennent Dieppe, et sont solidement retranchés dans un fort à proximité de la ville, rendant ainsi la position imprenable. Le gouverneur Charles des Marets, sont renforcés par Guillaume de Coetivy, frère de l’amiral, et Tugdual de Kermoysan. Le roi étant à Abbeville, non loin de là, avec le comte de Dunois, Louis de Luxembourg et le comte de Saint-Pol, il fait venir Kermoysan pour apprendre de lui en quel état se trouve la place et ce que l’on peut faire pour la délivrer. Tugdual emmène l’assaut et reçoit la reddition de la ville. Le roi le nomme gouverneur.
C’est à cette époque, approchant la cinquantaine, qu’il épouse Marie de Garencières, dame de Massy, de Villiers-le-Comte [31] et de Croisy*, en Normandie. Par son mariage, Tugdual de Kermoysan, devint seigneur de Massy et de Croisy.
Au commencement de l’année 1450 Tugdual représente le duc de Bretagne François 1er dans l’acte d’acquêt de Houdan [32].
Arthur de Richemont profite de la trêve de Tours pour réorganiser l’armée royale en créant des troupes régulières d’infanterie [33], la cavalerie [34] et le parc d’artillerie.
La prise de Fougères par les Anglais de François de Surienne le 24 mars 1449 donne l’occasion à Charles VII d’engager la reconquête de la Normandie en 1449. Trois corps français participent à la campagne : à l’Ouest les troupes bretonnes d’Arthur de Richemont, à l’Est et au Sud les Français sous les ordres de Dunois et du comte de Clermont Jean II de Bourbon.
Tugdual participe à la prise de nombreuses villes, il est nommé par le roi bailli ou sénéchal de Troyes le 21 janvier 1450.
En mars, les Anglais débarquent à Cherbourg. Le comte de Clermont qui craint d’affronter les Anglais envoie un messager au connétable pour le prier de venir à son secours. Les Bretons de Richemont arrivent à la rescousse. L’avant-garde bretonne emmenée par Tugdual enfonce la réserve de cavalerie des Anglais et disloque leurs lignes.
Caen [35] capitule le 1er juillet 1450, puis la forteresse de Falaise [36] est prise le 22 juillet. Aussitôt Richemont marche sur Cherbourg, dernière place encore aux mains des Anglais. À Cherbourg, l’amiral Prigent de Coetivy et son fidèle compagnon Tugdual de Kermoysan préparent les travaux d’approche. Le siège est mené avec une grande vigueur.
Tandis qu’ils mènent l’offensive, ils sont tués à quelques jours d’intervalle dans une tranchée d’une volée de couleuvrine. Prigent de Coetivy meurt le 20 juillet 1450 et Tugdual peu avant la prise de la ville, qui survient le 12 août 1450. La victoire de Cherbourg marque la fin de l’occupation anglaise en Normandie.