Clovis serait le descendant de Mérovée, roi légendaire d’une tribu de Francs Saliens [1], qui a donné son nom à la dynastie mérovingienne. Les Francs apparaissent au courant du 3ème siècle comme un regroupement de petits peuples germaniques pas encore convertis au christianisme. Dans leur langue, le francique, plus proche de l’actuel néerlandais que de l’allemand, leur nom signifierait “libres” ou “hardis. Hardis, les Francs le sont certainement, et brutaux et belliqueux. On redoute la saisissante adresse et efficacité de leurs guerriers. Pour eux, c’est un jeu de lancer dans l’espace leur francisque [2], de mesurer du regard l’endroit qu’ils sont sûrs de frapper, de faire tourner leur bouclier, de bondir plus vite que les javelots qu’ils ont décochés et d’atteindre l’ennemi avant eux.
A la mort de son père Childéric 1er, Clovis est élevé sur le pavois par ses soldats, comme le veut la coutume franque. Il a 15 ans. Il hérite d’un royaume resserré entre la mer du Nord, l’Escaut à l’Est, les diocèses de Thérouane et de Boulogne à l’Ouest et le diocèse de Cambrai au Sud. Ce modeste héritage, Clovis ne tardera pas à l’étendre. En 20 ans, par la diplomatie ou par la force, il va devenir maître de la Gaule. A son avènement en 481 ou 482, sa situation est claire aux yeux des Gallo-romains, que commandeSyagrius. Clovis est reconnu rex [3], autrement dit chef militaire d’un peuple allié de l’Empire.
Cependant, Syagrius lui-même, dernier représentant de l’autorité romaine en Gaule du Nord, est dans une position délicate. Son père, Aegidius, ayant rompu avec Rome, il ne peut plus compter militairement que sur ses propres forces, privé d’ordres, d’hommes ou de subsides venant de la capitale.
Clovis profita de cet état de faiblesse, et en 486, près de Soissons, il attaqua et écrasa Syagrius qui dut se réfugier chez les Wisigoths [4] en Aquitaine. Clovis avait le champ libre pour occuper la Gaule du Nord jusqu’à la Loire et obliger ce qui restait de l’armée romaine à passer à son service. L’épisode quasi légendaire du “vase de Soissons n’est pas qu’une belle histoire. Il témoigne de la volonté politique de Clovis.
En refusant le partage égal du butin à la mode germanique, il imposa à ses guerriers son pouvoir supérieur. En réservant un vase liturgique pour le restituer à l’évêque de Reims, il s’assura l’alliance essentielle avec le haut clergé de Gaule. Cette même intelligence politique fit choisir à Clovis de ne pas poursuivre aussitôt sa conquête vers le sud, mais d’affermir ses positions à l’est. Des luttes sanglantes, mal connues eurent lieu, pour soumettre les autres tribus franques et les Thuringiens [5], pour contenir la poussée des Alamans. Ces derniers sont vaincus et dispersés en 496 à la bataille dite de Tolbiac [6] et la partie rhénane de leur royaume passa sous protectorat franc. Après cette victoire, il est convenu de situer le baptême de Clovis, avec 3 000 de ses guerriers, par Saint Rémi, évêque de Reims. Cet acte décidera non seulement de l’avenir de Clovis, mais aussi de notre histoire nationale.
Probablement influencée par la reine Clotilde, princesse Burgonde et catholique, épousée en 496, cette conversion plaça Clovis, le barbare païen, dans l’ordre religieux du côté de ses sujets gallo-romains.
Quel meilleur parti pouvait-il prendre pour gagner la sympathie du peuple de la Gaule et obtenir le soutien des évêques, alors seule force véritablement agissante ? D’ailleurs, l’évêque de Vienne, Avit écrivit au nouveau baptisé : “Votre foi est notre victoire.” Désormais, Clovis put exploiter le mouvement d’opinion en sa faveur et sa campagne décisive contre les Wisigoths apparaîtra comme une croisade pour la Chrétienté. Plus que la neutralité du royaume des Burgondes, il obtint la participation de quelques contingents de soldats ainsi que celle de troupes rhénanes. Fort d’une puissante armée, et après une étape à Tours où il se mit sous la protection de Saint Martin, il attaqua le royaume wisigoth. A Vouillé, près de Poitiers, il mit en déroute l’armée du roi Alaric II. Alaric meurt dans la bataille en 507. Son peuple reflua vers l’Espagne, laissant les villes de Bordeaux et de Toulouse aux mains de Clovis, qui s’empara bientôt de toutes les régions situées entre la Loire et les Pyrénées à l’exception du bas Languedoc, sous protectorat ostrogoth [7].
Revenu à Tours, Clovis y fit une entrée triomphale, à la manière d’un général romain et reçut les insignes royaux par l’empereur d’Orient, Anastase. Son pouvoir fut désormais légitimé. Il remonta sur Paris, dont il fit, à la place de Soissons, sa capitale. C’est là qu’il engagea la construction d’une basilique dédiée à sainte Geneviève et destinée à recevoir son propre tombeau et celui de la reine Clotilde.
Dernier acte politique de son règne, Clovis fit réunir à Orléans un grand concile des évêques de Gaule en juillet 511. En échange de toutes sortes de largesses, il se vit reconnaître le contrôle des ordinations. A sa mort, le 27 novembre 511, on l’enterra dans la basilique des Saints Apôtres à Paris. Sa femme Clotilde se retira dans un monastère à Tours.
Clovis était le maître de presque toute la Gaule. Sa sagesse de ne pas avoir réduit les vaincus en servitude, de ne pas les avoir spoliés de leurs terres, et son habileté à faire collaborer l’aristocratie militaire franque avec l’élite gallo-romaine, civile ou ecclésiastique, avaient largement contribué à assurer son autorité de roi des Francs. Le royaume, qui sera longtemps considéré comme un bien patrimonial, sera partagé entre ses quatre fils : Thierry, Clodomir, Childebert 1er et Clotaire 1er.