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Matfrid d’Orléans ou Mainfroi

vendredi 4 mars 2016, par lucien jallamion

Matfrid d’Orléans ou Mainfroi (mort en 836)

Comte d’Orléans

La marche de Neustrie Figure importante du règne de l’empereur Louis le Pieux.

Il est mentionné pour la première fois dans un diplôme de Louis le Pieux daté du 23 mars 815, et jouait déjà alors un rôle important à la cour. On le voit dans plusieurs diplômes des années suivantes jouer ce même rôle de proche conseiller de l’empereur, introducteur de requêtes auprès de lui, intervenant dans l’expédition des diplômes eux-mêmes.

Il était comte d’Orléans avant l’été 818, puisqu’il prépara alors la villa de Vitry-aux-Loges [1] pour recevoir l’empereur en route pour sa première expédition en Bretagne. Il l’était déjà très probablement le printemps précédent, quand Théodulf, évêque de la cité, fut arrêté et emprisonné.

Un diplôme impérial nous apprend qu’il détenait “in regimine” le monastère Saint-Liphard de Meung-sur-Loire [2]. Il remplit aussi la fonction de missus dominicus [3].

On ignore s’il accompagna l’empereur dans l’expédition bretonne de 818, mais en tout cas il fit partie de la seconde à l’automne 824. Il dirigea une des trois armées franques officiellement confiée au prince Louis, tout jeune alors. En juin 826, le roi danois Harald Klak se rendit à Ingelheim [4] auprès de Louis le Pieux et y reçut le baptême, c’est le comte Matfrid que l’empereur chargea d’aller à sa rencontre et de l’accueillir quand il débarqua à Mayence [5].

Dans le cortège impérial se rendant à la messe après l’accomplissement du rite baptismal, on voit d’abord Louis le Pieux flanqué d’Hilduin de Saint-Denis et d’ Hélisachar , puis Lothaire avec le roi danois, puis l’impératrice Judith escortée par les comtes Matfrid d’Orléans et Hugues de Tours.

En 826, le Goth [6] Aizon souleva la marche d’Espagne contre les Francs et s’allia aux musulmans. En mai 827, l’émir de Cordoue envoya une armée qui assiégea Barcelone défendue par Bernard de Septimanie.

L’empereur dépêcha alors une armée de renfort commandée par Pépin d’Aquitaine et par les comtes d’Orléans et de Tours. Cette armée arriva trop tard pour éviter le pillage de l’arrière-pays. Les deux comtes furent alors mis en accusation, et lors d’un plaid tenu à Aix-la-Chapelle en février 828, ils furent condamnés pour désertion et privés de leurs “honores”. Matfrid aurait même été condamné à mort, puis gracié par l’empereur. Il fut remplacé comme comte d’Orléans par Eudes.

Cette chute est sans doute liée à la tension qui était montée au palais depuis la naissance du prince Charles, fils de l’impératrice Judith en juin 823.

Au printemps 830 éclata la révolte de Lothaire et de Pépin d’Aquitaine contre leur père. Hugues et Matfrid étaient parmi les principaux artisans de cette révolte, marchant contre l’empereur avec Pépin à partir de l’Aquitaine. Les insurgés, passant par Orléans, déposèrent le comte Eudes et rétablirent Matfrid.

Lothaire, arrivé d’Italie, prit le pouvoir lors d’une assemblée à Compiègne, et Louis le Pieux fut retenu pendant l’été à Laon [7]. Les rebelles parurent un temps triompher, mais la situation se retourna. Lors d’une assemblée tenue à Nimègue [8] en octobre, Louis le Pieux parvint à reprendre le pouvoir. Il se réconcilia formellement avec ses fils, mais les autres artisans de la révolte furent arrêtés et jugés lors d’un plaid à Aix-la-Chapelle début 831. Matfrid fut condamné à mort une nouvelle fois, gracié une nouvelle fois par l’empereur, et autorisé même à conserver ses biens héréditaires.

En mars 832, Louis le Germanique se révolta à son tour contre son père. Matfrid participa à cette nouvelle sédition. Il semble qu’il ait été alors libéré par les révoltés d’un lieu où il était détenu. En juin 833, Louis le Pieux fut vaincu par ses trois fils aînés et déposé. On ignore quel rôle joua Matfrid dans cet événement, mais ensuite il apparaît auprès de Lothaire momentanément triomphant, se disputant le premier rang dans son gouvernement avec Hugues et Lambert. Début 834, la situation changea complètement, Louis le Germanique et Pépin d’Aquitaine se retournant contre leur frère aîné. Matfrid et ses compagnons tentèrent alors de se maintenir dans l’Ouest, près de la Bretagne. Lothaire les rejoignit du côté de Laval pendant l’été, tandis que son père rassemblait ses troupes à Langres [9].

Finalement les négociations s’engagèrent à Chouzy [10], près de Blois, en septembre. Lothaire fit sa soumission à son père. Ensuite il se retira en Italie avec tous ses fidèles, notamment Hugues, Matfrid et Lambert. Matfrid y reçut probablement un territoire en Valteline [11]. Il mourut à l’automne 836 d’une épidémie qui décima la noblesse franque installée en Italie avec Lothaire.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Philippe Depreux, « Le comte Matfrid d’Orléans (av. 815-836) », Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 152, n° 2, 1994

Notes

[1] La commune de Vitry-aux-Loges se trouve dans le centre du département du Loiret, dans la région agricole de l’Orléanais et l’aire urbaine d’Orléans. À vol d’oiseau, elle se situe à 27,1 km d’Orléans, préfecture du département, et à 9,0 km de Châteauneuf-sur-Loire, ancien chef-lieu du canton dont dépendait la commune avant mars 2015. La commune fait partie du bassin de vie de Châteauneuf-sur-Loire. Les communes les plus proches sont : Seichebrières (3,2 km), Combreux (3,3 km), Sury-aux-Bois (6,3 km), Ingrannes (6,9 km), Sully-la-Chapelle (7,4 km), Châteauneuf-sur-Loire (9 km), Saint-Martin-d’Abbat (9,3 km), Nesploy (9,3 km), Fay-aux-Loges (9,4 km) et Châtenoy (10 km)5

[2] Après avoir occupé un poste dans la magistrature d’Orléans, saint Liphard embrassa une carrière ecclésiastique qui le porta à la vie érémitique, se retirant à Meung où il se construisit une cellule. Marc, évêque d’Orléans, l’autorisa à fonder un monastère avec église à l’endroit où s’élevait sa cellule (6ème siècle). La tradition locale veut que des vestiges conservés au bord de la Maure correspondent à cette première construction. Après sa destruction, l’église est reconstruite à son emplacement actuel de 1101 à 1104, époque où l’église est érigée en collégiale.

[3] Les missi dominici, sont un organe et une charge institués en 789 et renouvelés en 802 par le pouvoir carolingien. Les missi sont des envoyés spéciaux des souverains carolingiens qui contrôlent les représentants du pouvoir royal au niveau local. Ils permettent au souverain de hiérarchiser son administration, de centraliser le pouvoir et sont l’expression d’une idéologie proprement impériale. Envoyés en collège de deux ou trois - et souvent plus -, comptant en général au moins un comte et un évêque, ils sont dans un premier temps étrangers au district - missatica - qu’ils administrent. Des missi extraordinaires représentent l’empereur dans des circonstances spéciales et, éventuellement, en dehors de leur région d’exercice habituel.

[4] Ingelheim am Rhein (sur le Rhin) est une ville allemande située sur la rive gauche du Rhin. Elle est la capitale du district de Mainz-Bingen dans l’État de Rhénanie-Palatinat.

[5] Fondée par les Romains, la ville de Mayence possède un héritage de plus de deux millénaires. Elle tire son origine du camp romain de Mogontiacum, et devint ensuite capitale de la province de Germanie supérieure et siège d’archevêché de 780/82 à 1803. Elle connut une période d’épanouissement entre 1244 et 1462, lorsqu’elle eut le statut de ville libre. Par la suite, son histoire fut marquée par les princes-électeurs et les archevêques de Mayence qui résidaient dans la ville. Après la fin de cette époque, Mayence perdit en grande partie son importance de ville fortifiée.

[6] Les Goths sont un peuple germanique dont les deux branches, les Ostrogoths et les Wisigoths, engagées à maintes reprises dans des guerres contre et avec Rome pendant la période des grandes invasions de la fin de l’Antiquité, constituent au 5ème siècle, leurs propres royaumes avant de s’effondrer, respectivement en 553 et 711. L’origine des Goths est controversée. Au 3ème siècle, formant un seul peuple, ils sont fixés dans la région des actuelles Ukraine et Biélorussie. Après un premier affrontement avec l’Empire romain dans le sud-est de l’Europe, ils se séparent en deux groupes : les Greuthunges à l’est et les Tervinges à l’ouest, plus couramment désignés comme Ostrogoths et Wisigoths.

[7] Laon est une commune française, préfecture du département de l’Aisne. Ville fortifiée sur une colline, bénéficiant du plus vaste secteur sauvegardé de France (370 hectares), Laon possède de nombreux monuments médiévaux, des hôtels particuliers et des maisons des 16ème , 17ème et 18ème siècles en grand nombre, notamment dans les rues Sérurier, Saint-Jean, Saint-Cyr ou Vinchon, véritables musées urbains. Son sous-sol est sillonné de souterrains, carrières et puits dont la préservation est l’un des enjeux patrimoniaux actuels.

[8] Nimègue est une ville située dans l’est des Pays-Bas, près de la frontière allemande. Nimègue se situe au sud-est de la province de Gueldre, dont elle fait partie, et est proche de la frontière avec les provinces de Brabant-du-Nord et Limbourg. C’est la plus ancienne ville des Pays-Bas, ancien camp romain. Nimègue fait partie de l’eurorégion Rhein-Waal créée en 1973, et à cheval sur l’Allemagne et les Pays-Bas.

[9] Langres est une commune française située dans le département de la Haute-Marne. Langres est située à une altitude de 458 mètres sur une table calcaire aménagée en oppidum, avec un escarpement abrupt de 50 mètres suivi d’une dénivellation supplémentaire de 50 mètres. Ce promontoire est lui-même situé au nord du plateau de Langres qui sépare le Bassin parisien de la vallée de la Saône, près de la source de la Marne. La ville est implantée au centre du Seuil morvano-vosgien, non loin du « point triple majeur » des lignes de partage des eaux entre les bassins versants de la Seine, du Rhône et de la Meuse.

[10] Chouzy-sur-Cisse est une commune française située dans le département de Loir-et-Cher. Lieu d’affrontement vers 834 entre le roi Louis le Pieux et son fils révolté, Chouzy-sur-Cisse recèle plusieurs monuments témoins de son histoire : prieuré dépendant de Marmoutier, église Saint-Martin, abbaye de la Guiche (13ème siècle), manoir de Laleu.

[11] La Valteline est une région d’Italie du nord, limitrophe de la Suisse, qui correspond approximativement à la vallée de la rivière Adda et de ses affluents.