Edmond 1er d’Angleterre (920 ou 921-946)
Roi d’Angleterre de 939 à sa mort
Fils d’Édouard l’Ancien, Edmond hérite d’une Angleterre unifiée par son demi-frère aîné AEthelstan.
Son bref règne est marqué par la lutte avec les rois de Dublin Olaf Gothfrithson et Olaf Sihtricson pour le contrôle du royaume d’York [1] et des Cinq Bourgs [2], une lutte dont il sort victorieux. Il meurt assassiné à l’âge de 25 ans, et son frère cadet Eadred lui succède.
Au début du 10ème siècle, l’actuelle Angleterre est partagée en deux : au nord et à l’est se trouve le Danelaw [3], tandis que le sud et l’ouest sont occupés par le royaume anglo-saxon du Wessex [4], qui a victorieusement résisté aux assauts vikings sous le règne d’Alfred le Grand. Son fils et successeur Édouard l’Ancien conquiert la région des Cinq Bourgs et l’Est-Anglie [5].
Le fils d’Édouard, AEthelstan, parachève l’unification de l’Angleterre en s’emparant du royaume viking d’York en 927, chassant le roi Gothfrith . Il reçoit également la soumission des autres souverains de Grande-Bretagne, le roi d’Écosse, le roi de Strathclyde [6], le seigneur de Bamburgh [7] et les divers roitelets du pays de Galles. Sa suprématie est contestée en 937 par le fils de Gothfrith, le roi de Dublin Olaf Gothfrithson, qui s’allie avec Constantin II d’Écosse et Owen 1er de Strathclyde pour envahir l’Angleterre, mais leurs armées coalisées sont vaincues par AEthelstan à la bataille de Brunanburh [8].
Edmond est l’aîné des fils issus du troisième mariage d’Édouard l’Ancien avec Eadgifu , fille de l’ealdorman [9] de Kent [10] Sigehelm. Il est âgé de dix-huit ans lorsqu’il monte sur le trône en 939.
AEthelstan meurt le 27 octobre 939, et comme il n’a pas laissé d’enfants, Edmond lui succède. Il est sacré aux alentours du 29 novembre, probablement à Kingston upon Thames [11]. Olaf Gothfrithson met immédiatement à profit la disparition de son vieil ennemi pour envahir une nouvelle fois l’Angleterre.
York tombe entre ses mains avant la fin de l’année, et de là, il dirige ses armées sur la région des Cinq Bourgs début 940. Il est repoussé devant Northampton [12], mais parvient à s’emparer de Tamworth [13].
Edmond lève une armée et intercepte Olaf à Leicester [14], alors qu’il rebroussait chemin vers York. Les deux archevêques d’Angleterre, Oda de Cantorbéry et Wulfstan d’York , interviennent pour négocier un compromis avant qu’une bataille ne s’engage. Edmond doit céder à Olaf tout le nord-est des Midlands [15] au nord de Watling Street [16].
Après une campagne contre les Anglais de Northumbrie, Olaf meurt à son tour en 941, et son cousin Olaf Sihtricson lui succède à la tête du royaume d’York.
Edmond parvient à reconquérir les territoires perdus des Midlands en 942, un événement relaté en vers allitératifs dans la “Chronique anglo-saxonne”. La même année, il écrase la révolte du roi Idwal Foel de Gwynedd [17], qui meurt au combat. Edmond devient le parrain d’Olaf en 943, ainsi que celui de Ragnall , le frère d’Olaf Gothfrithson, récemment arrivé de Dublin. Tous deux sont chassés d’Angleterre par Edmond en 944, qui rétablit ainsi l’autorité anglaise à York.
En 945, Edmond mène une campagne contre le Strathclyde, peut-être avec le soutien du roi gallois Hywel Dda de Deheubarth [18]. Le royaume est occupé et les fils du roi Dunmail aveuglés sur ordre d’Edmond, qui remet ses conquêtes au roi Malcolm d’Écosse en échange d’une alliance militaire, vraisemblablement contre les Vikings de Dublin. Ce geste prouve qu’Edmond est conscient des limites septentrionales de son royaume et soucieux de ne pas les dépasser. Le Strathclyde ne tarde cependant pas à refaire surface comme royaume indépendant.
Du fait de la politique matrimoniale menée par son père, Edmond est apparenté à plusieurs souverains du continent européen, l’empereur Otton 1er est son beau-frère, et le roi de Francie occidentale Louis IV, qui a grandi à la cour d’AEthelstan, est son neveu. En 945, Louis est capturé par les Normands et reste captif du duc Hugues le Grand jusqu’à ce qu’Otton et Edmond intercèdent en sa faveur. Ils obtiennent sa libération en 946
Il subsiste trois codes de lois du règne d’Edmond. Le premier concerne principalement les affaires religieuses, et semble avoir été rédigé à l’instigation de l’archevêque Oda. Les deux autres sont consacrés aux affaires temporelles. Le second cherche à réguler les vendettas et le versement des wergelds [19], tandis que le troisième, proclamé à Colyton [20], traite des peines encourues par les voleurs, en particulier les voleurs de bétail. Ces deux derniers codes témoignent de l’importance des serments de fidélité et du lien qui unit les seigneurs à leurs serviteurs.
Le versant anglais de la réforme bénédictine du 10ème siècle trouve ses origines sous le règne d’Edmond, avec la nomination d’Oda le Sévère à l’archevêché de Cantorbéry et celle de Dunstan à la tête de l’abbaye de Glastonbury [21]. Le roi fait néanmoins bon accueil aux moines de Saint-Bertin [22] qui fuient la réforme imposée à leur maison par Gérard de Brogne en 944, et leur accorde refuge à l’abbaye de Bath [23].
Le 26 mai 946, Edmond est assassiné par un voleur nommé Léofa ou Liofa à Pucklechurch [24], une propriété royale. D’après Jean de Worcester , le roi aurait été tué lors d’une échauffourée en voulant porter secours à son sénéchal, attaqué par Léofa. Il est inhumé en l’abbaye de Glastonbury.
A sa mort, en raison du jeune âge des fils d’Edmond, c’est son frère cadet Eadred qui monte sur le trône.
Notes
[1] Le royaume viking de York existe entre 866 et 954. Des Vikings originaires du Danemark établissent un potentat coupant en deux l’île de Bretagne, la future Grande-Bretagne, avec pour capitale York, ville qu’ils appellent Jórvík après l’avoir investie. La région autour de cette ville est appelée le Danelaw, terme qui s’applique aussi à la juridiction mise en place par les Danois jusqu’à la seconde moitié du 10ème siècle
[2] Les Cinq Bourgs, en anglais Five Burghs ou Five Boroughs, sont les cinq principales villes de la Mercie danoise, dans les actuels Midlands de l’Est. Il s’agit de Derby, Leicester, Lincoln, Nottingham et Stamford. Conquises par les Danois à la fin du 9ème siècle, elles sont reconquises par les Anglo-Saxons dès le début du 10ème siècle.
[3] une colonie de peuplement danoise née des invasions vikings du siècle précédent
[4] Le Wessex est l’un des royaumes fondés par les Anglo-Saxons en Angleterre durant le Haut Moyen Âge. Il s’étend sur une partie du sud-ouest de la Grande-Bretagne, entre la Domnonée à l’ouest, la Mercie au nord et les royaumes de Kent, de Sussex et d’Essex à l’est.
Au 9ème siècle, le Wessex est le dernier royaume anglo-saxon à résister aux invasions vikings. Le roi Alfred le Grand lutte avec succès contre eux, et ses héritiers parviennent à achever la conquête de tous les anciens royaumes anglo-saxons, donnant naissance au royaume d’Angleterre, sur lequel la maison de Wessex règne jusqu’à la mort du roi Édouard le Confesseur, en 1066, suivie de près par la conquête normande.
[5] Le royaume des Angles de l’Est ou Est-Anglie est un royaume qui fut établi sur les provinces actuelles du Suffolk et du Norfolk, en Angleterre, par les Angles, un peuple germanique installé dans l’île de Bretagne vers le milieu du 5ème siècle.
[6] Le Strathclyde est l’un des royaumes celtes brittoniques qui résista aux Anglo-Saxons, aux Pictes, aux Scots et aux Vikings durant le haut Moyen Âge avant d’être réuni au royaume des Pictes et des Scots vers le milieu du 11ème siècle.
[7] une poche anglo-saxonne ayant subsisté au nord du Danelaw, dans l’ancien royaume de Northumbrie
[8] La bataille de Brunanburh vit la victoire du roi Athelstan et de son frère Edmond sur les armées combinées d’Olaf Gothfrithson, le roi viking de Dublin, de Constantin II d’Écosse et d’Owen de Strathclyde. Certaines sources mentionnent également des mercenaires irlandais, voire gallois.
[9] Un ealdorman est la personne qui dirige un comté dans l’Angleterre anglo-saxonne entre le 9ème siècle et le règne de Cnut le Grand. C’est un officier royal et un magistrat de haut rang, qui commande également l’armée de son comté en temps de guerre.
[10] Le Kent est un comté d’Angleterre situé au sud-est de Londres, entre la Manche et l’estuaire de la Tamise. Son chef-lieu est Maidstone. À l’origine son nom dérive de l’une des tribus celtes de Grande-Bretagne, les Cantiaci. Il devint par la suite l’un des royaumes des Jutes, tribu germanique venue du Jutland (partie continentale de l’actuel Danemark). Région d’Angleterre la plus proche du continent, il fut souvent le point d’entrées des invasions, et aussi la principale région d’embarquement pour des voyages lointains.
[11] Kingston upon Thames est l’agglomération principale du district londonien de Kingston upon Thames au sud-ouest de Londres. C’est un ancien bourg où étaient traditionnellement couronnés les rois saxons et maintenant une banlieue située à 16 km au sud-ouest de Charing Cross.
[12] Northampton est une ville du Northamptonshire dans les Midlands de l’Est, en Angleterre située sur la rive nord de la rivière Nene.
[13] Tamworth est une ville historique, située dans le comté de Staffordshire, en Angleterre. Elle se trouve à 27 kilomètres (17 miles) au nord-est de Birmingham et à 198 kilomètres (123 miles) de Londres. Elle était au Moyen Âge la capitale du royaume anglo-saxon de Mercie.
[14] Leicester est une ville d’Angleterre située dans la région des Midlands de l’Est. Après l’arrivée des Anglo-Saxons, elle relève du royaume de Mercie et devient le siège d’un évêché au 7ème siècle. Conquise par les Vikings, elle devient l’un des Cinq Bourgs des Midlands, reconquis en 917 par les Anglo-Saxons.
[15] Les Midlands forme une région géographique du centre de l’Angleterre. Elles sont divisés administrativement entre Midlands de l’Est et Midlands de l’Ouest. Historiquement, les Midlands correspondent au territoire du royaume anglo-saxon de Mercie.
[16] Watling Street est une voie romaine longue de 322 km qui relie le port anglais de Douvres à Viroconium, aujourd’hui Wroxeter, dans le Shropshire, au Royaume-Uni. Elle a été utilisée tout d’abord par les Celtes, principalement entre les villes modernes de St Albans et Cantorbéry. Les Romains ont ensuite pavé la route, identifiée dans l’itinéraire d’Antonin (Item a Londinio ad portum Dubris) de Londres au port de Douvres.
[17] Le Gwynedd était un des royaumes ou principautés du Pays de Galles au Moyen Âge, appelé Vénédotie, Winet ou Norgalles au Moyen Âge. Il couvrait une partie du nord-ouest du pays autour de la Snowdonia et comprenait l’île de Môn (Anglesey). Ses dirigeants ont eu à plusieurs reprises le dessus sur leurs rivaux gallois. Les rois et princes de Gwynedd ont résisté longtemps aux projets de conquête des rois d’Angleterre.
[18] Le Deheubarth est un royaume médiéval du sud–ouest du Pays de Galles. Le royaume de Deheubarth est créé par Howell le Bon (Hywell Dda) vers 920, lorsqu’il prend possession du Seisyllwg et du Dyfed. Il couvrait à l’époque le Dyfed, le Ceredigion et Ystrad Towi. Le Deheubarth survécut un moment à la conquête normande du Pays de Galles (les Normands parvinrent à prendre possession du Deheuberth dès 1093), puis son importance décrut de plus en plus tandis qu’il se faisait envahir par les Anglais et absorber par le Gwynedd. Le Deheubarth disparut en tant que royaume en 1234, bien que des descendants de la famille royale reçurent l’autorisation de régner sur Cantref Mawr et Ystrad Towi jusqu’en 1283.
[19] Le wergeld, littéralement « prix de l’homme, est une somme d’argent demandée en réparation à une personne coupable d’un meurtre, ou d’un autre crime grave. Cette tradition exerçait un rôle important dans les anciennes civilisations d’Europe du Nord, en particulier chez les Germains et les Vikings. Les Celtes connaissaient également cette coutume, mais distinguaient le « prix de l’honneur » pour meurtre du « prix du visage » pour d’autres crimes. Le montant du wergeld en cas de meurtre dépendait assez largement du rang social auquel appartenait la victime. Charlemagne a rendu le wergeld obligatoire dans le cadre de la vengeance privée (faida). En effet, la vengeance privée était source de désordres et était surtout contraire à la religion catholique. Malgré tout, la faida persistera dans la coutume. En effet le wergeld du droit coutumier germanique est bien une réparation, et pas une amende à la grecque. C’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’équivalence automatique entre un crime et un montant pécuniaire. Au lieu de ça, la parentèle de la partie offensée et celle de la partie incriminée débattaient, encadrées par une assemblée des Anciens. S’ils tombaient d’accord sur un montant (souvent en nature, mais en monnaie dans les zones de contact avec l’empire romain), on considérait l’affaire comme réglée. Sinon, l’autre forme commune de réparation légale à cette époque était la revanche par le sang, appelée faide, identique à la loi du talion.
[20] Colyton est une ville et une paroisse civile du Devon, en Angleterre. Elle est située dans le district d’East Devon, à environ quatre kilomètres au nord de Seaton, dans la vallée de l’Axe.
[21] L’abbaye de Glastonbury, située en Angleterre, dans le Somerset, prétend être la plus ancienne église hors sol (par opposition aux cryptes et autres catacombes) au monde, datant l’établissement de la communauté de moines en 63, au moment de la visite légendaire de Joseph d’Arimathie, qui y aurait apporté le Saint-Graal et aurait planté l’aubépine de Glastonbury, arbrisseau fleurissant à Noël et en mai.
[22] L’abbaye Saint-Bertin est une ancienne abbaye bénédictine fondée, au 7ème siècle, par l’évêque de Thérouanne sous le nom d’abbaye de Sithiu. Les vestiges de cette abbaye en ruines se trouvent aux portes du marais à Saint-Omer, en Morinie, et près de l’Aa.
[23] L’abbaye Saint-Pierre de Bath, communément appelée l’abbaye de Bath, est une église paroissiale anglicane et un ancien monastère bénédictin situé à Bath, dans le Somerset. Fondée au 7ème siècle, elle est réorganisée au 10ème siècle, puis aux 12 et 16ème siècles. Une grande restauration dirigée par George Gilbert Scott eut lieu en 1860. C’est la dernière grande église gothique construite en Angleterre.
[24] Pucklechurch est un village et une paroisse civile du Gloucestershire, en Angleterre. Il est situé dans l’autorité unitaire du Gloucestershire du Sud, à une douzaine de kilomètres à l’est du centre-ville de Bristol. À l’époque anglo-saxonne, Pucklechurch est une propriété des rois de Wessex. Le roi Edmond y est assassiné en 946.