Mathilde dite Mahaut d’Artois (1270-1329)
Comtesse d’Artois et de Bourgogne
C’est une petite-nièce de Saint-Louis, cousine du roi Philippe le Bel, fille de Robert II d’Artois neveu de Saint-Louis et régent du royaume de Sicile [1] et de Amicie de Courtenay, à qui elle succède le 14 juillet 1302.
Mariée en 1285 à Ivrée avec Othon IV de Bourgogne, elle marie à son tour ses filles, Jeanne au futur Philippe V et Blanche de Bourgogne au futur Charles IV. En 1303, elle se retrouve veuve, son mari Othon décédant des blessures reçues à la bataille de Courtrai [2] contre les Flamands. Elle administre l’Artois [3] jusqu’à sa mort en novembre 1329. Mahaut doit faire face à l’insurrection de la petite féodalité artésienne en 1315 et à l’agitation, puis aux procès de son neveu Robert III.
Pendant la révolte des barons d’Artois soulevés par Robert, les villes et le peuple restent d’ailleurs fidèles à leur souveraine, Mahaut, rentre triomphalement à Arras [4] le 14 juillet 1319 après 2 années de troubles.
Mahaut d’Artois est une excellente gestionnaire, n’intervenant qu’à bon escient dans la vie communale. Si elle défend ses droits avec âpreté, elle ne cherche pas à envenimer les querelles. Elle se montre aussi d’une générosité inépuisable et très aimée de ses sujets. Elle fonde des monastères comme le Mont-Sainte-Marie de Gosnay, des chapelles, des hôpitaux, fait distribuer chaque année vivres, vêtements et argent au peuple. Les aumônes constituent une part importante de son budget. Ses largesses s’exercent aussi bien en Artois qu’à Paris.
Elle entretient les églises, monastères et châteaux, et en fait construire. Ses comptes montrent que ces travaux ont été faits à Hesdin [5], Arras, Béthune [6], Beuvry [7], Bruay-La-Buissière [8], Lens [9], Bapaume [10], Calais [11], Avesnes [12], Domfront [13] en Normandie, Conflans ou Paris. De tous ses lieux de résidence, c’est le château de Hesdin qui reste le plus célèbre à travers toute l’Europe, depuis que le père de Mahaut, Robert II, y entreprend de grands travaux qu’elle continue et qui en font pendant tout le 14ème et le 15ème siècle la résidence privilégiée des comtes de Flandres, d’Artois et de Bourgogne, ses descendants directs jusqu’à Charles Quint. Par son mécénat artistique, en Artois et à Paris, Mahaut exerce une influence non négligeable sur l’art du début du 14ème siècle.
Le 23 novembre 1329, Mahaut, après avoir dîné à Poissy [14] avec le roi Philippe VI, passe la nuit à l’abbaye de Maubuisson [15]. Le lendemain, 24 novembre elle rentre à Paris. Le 25, dans la nuit elle tombe subitement malade, son médecin accourt mais les saignées et remèdes divers ne peuvent rien, la comtesse meurt le 27.
Le 30 novembre son corps est déposé à l’abbaye royale de Maubuisson, au pied de son père, tandis que son cœur est porté à l’église des Cordeliers de Paris dans la tombe de son fils. Soupçonné de l’avoir empoisonnée, son neveu Robert s’enfuit et se réfugie en Angleterre où il soutient les prétentions du roi Édouard à la couronne de France, d’où va sortir la Guerre de Cent Ans.
Notes
[1] La Sicile est la plus grande île méditerranéenne. À partir du 2ème millénaire av. jc, l’île est occupée par trois peuples : les Sicanes, les Sicules et les Élymes. À partir du 8ème siècle av. jc, les Phéniciens fondent des comptoirs commerciaux en Sicile. Ceux-ci, souvent établis sur des promontoires ou des îles voisines de la côte, sont concentrés à la pointe nord-occidentale comme Palerme, Solonte ou Motyé. La Sicile fut ensuite gouvernée par des princes appelés tyrans dont les Denys l’Ancien et Denys le Jeune.
[2] La bataille de Courtrai, connue sous le nom de bataille des éperons d’or, opposa l’armée du roi Philippe IV de France appuyée par les Brabançons de Godefroid de Brabant et les Hennuyers de Jean Sans-Merci, aux milices communales flamandes appuyées par des milices venues de Zélande et, peut-être, de Namur, le 11 juillet 1302 près de Courtrai
[3] Le comté d’Artois est une ancienne province du Nord de la France. Louis VIII, qui mourut le 8 novembre 1226, avait par son testament constitué l’Artois en apanage à son second fils, Robert, encore enfant. Ce ne fut qu’en 1237 que Robert releva de son frère Louis IX la terre d’Artois : Arras, Saint-Omer, Aire, Hesdin, Bapaume, Lens et leurs dépendances. Louis IX avait confirmé les dispositions de son père à cet égard, en ajoutant que Hesdin, Bapaume et Lens, qui formaient le douaire de leur mère Blanche de Castille, ne devaient être remis à Robert qu’à la mort de Blanche ; mais celle-ci survécut à son fils : Robert 1er d’Artois périt à Mansourah en 1250 et la reine ne mourut qu’en 1252. L’Artois passa au fils de Robert 1er, Robert II. En 1297, le comté d’Artois est érigé en comté-pairie. Robert II fut tué à Courtrai en 1302. Le comté est alors disputé entre son petit-fils Robert III et sa fille Mahaut, et la Cour des pairs finit par trancher en faveur de la comtesse Mahaut. Mahaut épousa Othon IV, comte de Bourgogne. Elle mourut en 1329, laissant une fille Jeanne, qui, dès 1315, avait tenu le comté de Bourgogne comme héritage de son frère (Robert l’Enfant) et qui, en Artois, succéda à sa mère, à laquelle elle ne survécut que de quelques mois. Jeanne, mariée au roi Philippe V, en avait eu une fille du même nom qui, en 1318, épousa Eudes IV, duc de Bourgogne, auquel en 1330, à la mort de sa mère, elle fit passer l’Artois et la Franche-Comté. Eudes IV mourut en 1350. Son petit-fils, Philippe de Rouvre fut uni, en 1357, à Marguerite de Male, encore enfant à cette époque et qui se trouva veuve dès 1361. Huit ans plus tard, Marguerite se remariait avec Philippe le Hardi que son père, le roi Jean II, venait d’investir le 6 septembre 1363 du duché de Bourgogne, vacant par le décès de Philippe de Rouvre. Quant à l’Artois et à la Franche-Comté, que ce même Philippe de Rouvre avait tenus de son aïeule Jeanne, femme d’Eudes IV, ils remontèrent à sa grand-tante, Marguerite de France, sœur de Jeanne, fille de Philippe V1. Marguerite de France était veuve alors de Louis de Crécy mort en 1346, et à sa mort, en 1382, ce fut leur fils Louis de Male qui hérita de ces principautés
[4] Arras est une commune française, capitale historique et administrative du département du Pas-de-Calais. Historiquement, Arras était sous l’Ancien Régime la capitale de la province d’Artois, un grand centre religieux et une cité prospère connue pour ses fabrications drapières. Au 9ème siècle, Arras devient la résidence privilégiée des comtes de Flandre qui y établissent une châtellenie héréditaire. En 1025, l’évêque d’Arras, Gérard de Cambrai, réunit en l’église Sainte‑Marie un synode pour lutter contre une hérésie, qui sera réprimée.
[5] Hesdin est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais. En 1477, à la suite de la mort de Charles le Téméraire, Hesdin retourna à la couronne française. Le roi Louis XI confirma les privilèges de la ville, par ses lettres patentes, avant d’y arriver le 3 avril 1477. La ville médiévale se trouvait à l’emplacement de l’actuel Vieil-Hesdin, à six kilomètres. L’empereur Charles Quint la fit détruire en 1553, pour faire reconstruire Hesdin quelques années plus tard à son emplacement actuel, sur un terrain situé au centre de la paroisse de Marconne. Le château d’Hesdin appartint notamment à Mahaut d’Artois, mais il fut rasé quand la ville fut prise par Charles Quint. La ville reste sous contrôle espagnol jusqu’à sa prise par les troupes de Louis XIII, commandées par le Maréchal de la Meilleraye, en 1639
[6] Béthune est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais. En 1500, Béthune est sous la domination espagnole. Charles Quint renforce les fortifications et fait déplacer l’église Saint-Vaast dans l’enceinte fortifiée. Il aménage le canal de la Lawe. Béthune connaît alors une expansion importante avec le développement de l’industrie drapière et le commerce du grain. Cela favorise l’installation de nombreux corps de métiers, tels que la teinturerie et la tannerie.
[7] Beuvry est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais
[8] Bruay-la-Buissière est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais. Elle est née en 1987 de la fusion des communes de Bruay-en-Artois et Labuissière.
[9] Lens est une commune française, sous-préfecture du département du Pas-de-Calais. La tradition rapporte qu’au début du 13ème siècle, Gautier et Eustache, co-châtelains de Mons, fondèrent un hôpital tenu par les frères Trinitaires. Le rayonnement de cette institution incita Jean, châtelain de Mons et seigneur de la terre de Lens, à la doter de revenus fixes : c’est ainsi qu’en 1245 il établit le couvent des Trinitaires de Lens, dont le missionnaire Chrétien Le Clercq sera le père supérieur quelques siècles plus tard.
[10] Bapaume est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais. Bapaume souffrit beaucoup de la rivalité entre François 1er et Charles Quint, la ville fut dévastée par les Français le 15 octobre 1521, rendue à Charles-Quint au Traité de Madrid, elle fut à nouveau incendiée en 1543 bien qu’entretemps l’empereur eut donné l’ordre de reconstruire le château et les fortifications. La région fut encore ravagée par les armées françaises en 1554. À la suite de la tentative d’un dénommé Lelievre pour prendre le château, les habitants de Bapaume obtinrent que les fortifications du château de la ville soit réunies en 1578. La période troublée par des incursions des dévastations dura jusqu’en 1598, année où fut signé le Traité de Vervins (le 2 mai). Une ère de paix et de prospérité suivit, malgré une épidémie de peste en 1626, qui se termina en mars 1635 quand Louis XIII déclara la guerre à Philippe IV d’Espagne. Le 18 septembre 1641, Bapaume capitula après le siège de l’armée française.
[11] Calais est une commune française, sous-préfecture du département du Pas-de-Calais. Sa proximité avec l’Angleterre fait de Calais une place militaire stratégique. L’histoire de la ville est marquée par plusieurs sièges
[12] Avesnes, parfois appelée Avesnes-au-Mont[1], est une commune française située dans le département du Pas-de-Calais.
[13] Domfront est une ancienne commune française du Passais, située dans le département de l’Orne
[14] Poissy est une commune française du département des Yvelines. Chef-lieu du Pincerais sous les Mérovingiens, elle devient par la suite l’une des plus anciennes cités royales d’Île-de-France, lieu de naissance des rois Louis IX et Philippe III, avant d’être supplantée à partir du 15ème siècle par Saint-Germain-en-Laye. C’est aussi une des premières communes par une charte accordée en 1200 par Philippe Auguste
[15] L’abbaye de Maubuisson (anciennement appelée Notre-Dame-la-Royale) est une ancienne abbaye royale cistercienne fondée en 1241 par Blanche de Castille. Elle est située sur la commune de Saint-Ouen-l’Aumône, non loin du château de Pontoise, dans le Val-d’Oise.