Les âges sombres de la Grèce 1200 à 650 avant jc
Vers l’an 1200 av. jc, le monde grec est mis sens dessus dessous, en raison, semble-t-il, de l’irruption de rudes envahisseurs, les Doriens [1]. Ces derniers sont des cousins mal dégrossis des Achéens [2] qui les avaient précédés dans la péninsule et dans les îles de la mer Égée [3] quelques siècles plus tôt et donné le jour à une prospère civilisation, autour de Mycènes [4].
Les nouveaux venus constituent la dernière vague d’immigrants indo-européens en Europe. À la différence de leurs prédécesseurs, ils ne connaissent pas l’écriture. Ils pratiquent aussi l’incinération des morts au lieu de l’inhumation. Mais ils maîtrisent la métallurgie du fer et montent les chevaux, ce qui leur vaut la supériorité sur les champs de bataille, face à leurs adversaires qui s’en tiennent à des armes en bronze et au char attelé.
Les Doriens incendient les palais achéens et ruinent les cités mycéniennes. Le commerce s’effondre ; l’usage de l’écriture régresse ; le système tribal reprend le dessus sur la cité. Le monde grec entre alors dans un long Moyen Âge que les historiens qualifient parfois d’Âges sombres [5]. Il va en sortir au bout d’un demi millénaire, lorsque Doriens et Achéens auront mis en commun leurs ressources et restauré les valeurs de la civilisation.
Suite à la destruction de leurs cités, de nombreux Achéens se réfugient sur la péninsule de l’Attique [6], où se développera plus tard Athènes [7], ainsi que sur l’île voisine d’Eubée [8] et en Asie Mineure [9].
Le salut de la Grèce va venir des cités de la rive orientale de la mer Égée dont la plus célèbre est Milet [10]. Ces cités manquent sur place de ressources agricoles car la terre est aride. Alors, elles font du commerce maritime dans toute la Méditerranée. Pour offrir du travail et des terres aux jeunes ménages, elles multiplient les colonies autour de la mer Égée, en Sicile [11], en Italie du sud et même en Corse et à Marseille [12] fondée par des Phocéens [13] sous le nom de Massalia et ses habitants fondent à leur tour Nice [14], Hyères [15], Sanary [16] La Ciotat [17] et Agde [18].
Les navigateurs grecs poussent vers le sud jusqu’au Sénégal actuel, en concurrence avec les Phéniciens, et vers le nord jusqu’aux mers polaires. Ce faisant, ils influencent la culture et les mœurs des populations locales dites barbares [19] mais sont également influencés par ces mêmes populations. Leur colonisation a ceci de particulier qu’elle est toujours côtière et ne se transforme jamais en empire. Elle s’interrompt brutalement au 6ème siècle av. jc.
Vers 650 av. jc, les marchands grecs imaginent de frapper des pièces en métal précieux pour faciliter les échanges commerciaux. C’est l’invention de la monnaie !
Vers 803 av. jc, un alphabet apparaît en Grèce, apporté, dit-on, par Cadmos. Cet alphabet a été, en fait, emprunté aux Phéniciens. Il est complété par les Grecs avec des voyelles supplémentaires et supplante le linéaire B des Mycéniens, qui tombe lentement dans l’oubli. Fort de ce nouvel outil, les Grecs vont pouvoir coucher par écrit leurs mythes et leur Histoire.
Les Grecs, qui parlent la même langue et prient les mêmes divinités, multiplient les rassemblements pacifiques, comme les Jeux Olympiques [20] qui se déroulent dans le sanctuaire d’Olympie [21]. Les premiers que l’on connaisse ont lieu en 776 av. jc. Des poètes, ou aèdes, vont de cité en cité et chantent les exploits des héros du passé et des dieux. C’est ainsi que naissent l’Iliade et l’Odyssée.
Les Grecs de Milet et d’Asie mineure font aussi preuve d’une science exceptionnelle. D’illustres savants comme Thalès et Pythagore jettent les bases des mathématiques.
Avec la prospérité surgissent dans les cités grecques des rivalités entre les classes sociales. Ces rivalités vont se résoudre par la plus belle invention qui soit, la démocratie.
Notes
[1] Les Doriens étaient l’une des quatre ethnie majeures de la Grèce antique que les historiens de l’époque classique reconnaissaient comme constituant leur propre peuple, les autres peuples étant les Achéens, les Ioniens et les Éoliens.
[2] L’Achaïe est une ancienne région de la Grèce antique, située au nord-ouest de la péninsule du Péloponnèse. C’est aussi un actuel district régional de la périphérie de Grèce-Occidentale dont le chef-lieu est Patras. Cette région s’étend sur plus de 6 000 km², depuis le cap Avgo à l’est jusqu’au cap Araxos à l’ouest, du golfe de Corinthe jusqu’à la frontière avec Élis et l’Arcadie d’une part, et Sicyone d’autre part.
[3] La mer Égée est une mer intérieure du bassin méditerranéen, située entre l’Europe et la Grèce à l’ouest, et l’Asie et la Turquie à l’est. Elle s’étend de la côte thrace et du détroit des Dardanelles au nord jusqu’à la Crète au sud.
[4] Mycènes est une cité antique préhellénique située sur une colline au nord-est de la plaine d’Argos, dans le Péloponnèse, et entourée de murs cyclopéens (assemblage de blocs énormes). Selon la mythologie grecque, Mycènes est fondée par Persée suite au meurtre accidentel d’Acrisios, roi d’Argos. Alors que la ville lui revient légitimement, Persée préfère céder cette royauté à Mégapenthès, neveu du défunt, et part fonder une nouvelle ville, qu’il baptise « Mycènes » soit en allusion au pommeau de son épée, soit en allusion au champignon qu’il trouve sur place. Des traditions concurrentes évoquent une Mycène, fille d’Inachos ou encore un Mycénée, petit-fils de Phoronée. Mycènes est le royaume du héros homérique Agamemnon, chef des Achéens lors de la guerre de Troie. Homère la décrit comme chère à Héra et « riche en or ». La richesse de la ville est en effet proverbiale dès l’Antiquité.
[5] Dark Ages en anglais
[6] L’Attique est la région qui entoure Athènes. L’Attique s’est d’abord appelée Mopsopie L’Attique est découpée en 139 dèmes et parallèlement, en trois grands secteurs : la ville, la côte et l’intérieur. Les dèmes sont regroupés en trittyes qui elles-mêmes sont regroupées trois par trois, une de chaque secteur, pour constituer une tribu. Durant l’Antiquité, il s’agissait de l’une des plus importantes régions productrices d’huile d’olive ; huile qui était ensuite exportée par exemple vers l’Étrurie. La céramique d’Attique au 6ème siècle av. jc connaît également un certain succès.
[7] Athènes est l’une des plus anciennes villes au monde, avec une présence humaine attestée dès le Néolithique. Fondée vers 800 av. jc autour de la colline de l’Acropole par le héros Thésée, selon la légende, la cité domine la Grèce au cours du 1er millénaire av. jc. Elle connaît son âge d’or au 5ème siècle av. jc, sous la domination du stratège Périclès
[8] L’Eubée est la deuxième plus grande île de la mer Égée, située en face de l’Attique et de la Béotie, dont elle est séparée par le détroit de l’Euripe.
[9] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie
[10] ancienne cité grecque d’Ionie, aujourd’hui en Turquie
[11] La Sicile est la plus grande île méditerranéenne. Avec une superficie de 25 708 km², c’est la région la plus étendue de l’Italie et son territoire est constitué de neuf anciennes provinces à leur tour partagées en 390 municipalités. Elle est également la seule région italienne à compter 2 des 10 villes les plus peuplées du pays : Palerme et Catane. Son chef-lieu est Palerme.
[12] Marseille est une commune du Sud-Est de la France, chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône. Plus ancienne ville de France fondée vers 600 av. jc par des marins et des marchands grecs originaires de Phocée, Marseille est depuis l’Antiquité un important port de commerce et de passage. Marseille se développe à nouveau à partir du 5ème siècle de notre ère. À l’intérieur de la ville, la construction d’une première grande cathédrale marque la puissance de l’évêque, probablement Proculus, qui tient à rivaliser avec Arles. Marseille est pillée par les Sarrasins en 838, des razzias faisant suite à la conquête musulmane de la péninsule Ibérique. D’autres pillages ont eu lieu, par des pirates grecs en 848. En 904, l’abbaye Saint-Victor se voit dotée de la rive sud du port par le roi de Provence Louis l’Aveugle.
[13] Phocée est une ancienne cité grecque d’Ionie sur la côte de la mer Égée, dans le golfe de Smyrne (aujourd’hui İzmir, en Turquie). Son nom est repris dans celui de l’actuelle ville de Foça. Elle a été fondée entre le 10ème et le 8ème siècle av. J.-C. par des Grecs venus de Grèce continentale.
[14] Nice est une commune du Sud-Est de la France, préfecture du département des Alpes-Maritimes. Située à une trentaine de kilomètres de la frontière franco-italienne, elle est établie sur les bords de la mer Méditerranée, le long de la baie des Anges et à l’embouchure du Paillon. Capitale de la Viguerie de Nice, elle faisait autrefois partie de la Ligurie antique entre le fleuve du Var et de la Magra, de la Regio IX Liguria romaine (à la frontière entre la Gaule cisalpine et la Narbonnaise),
[15] C’est au 4ème siècle av. jc. qu’un comptoir commercial fortifié fut construit par des marins grecs de Massalia, sur les rives de la Méditerranée, à Hyères dans le lieu-dit de l’Almanarre : l’actuelle Olbia de Provence. Le comptoir se nomma Olbia qui veut dire « L’Heureuse » en grec et puis leur présence s’est étendue lentement sur la presqu’île de Giens. Ce bastion fortifié a pour but de sécuriser la navigation côtière vers l’Italie à la suite des incursions des barbares ligures. Une caserne de 165 m de côté constituée d’un double mur avec des tours aux angles et sur le périmètre fut installée. Son intérieur est découpé en quatre par deux artères. Chaque quartier était composé de dix îlots d’habitation séparés par des ruelles de 2,20 m de large. À ceux-ci viennent s’ajouter deux sanctuaires dédiés à Aphrodite et Artémis. On suppose que la population se situait entre 800 et 1 000 habitants. Au 2ème siècle avant notre ère, les Romains s’établissent sur la commune et fondent Pomponiana, une station de galères à proximité d’Olbia la grecque
[16] Sanary-sur-Mer est une commune française et une station balnéaire située dans le département du Var. Sanary est à l’origine un petit port de pêche appartenant à Ollioules et composé de petites cabanes de bois. Il porte le nom de la Gobran jusqu’au 16ème siècle, devenant alors Saint-Nazaire. Au 12ème siècle existe sur le site du port actuel un prieuré, dépendant de l’abbaye Saint-Victor de Marseille et dédié à saint Nazaire.
[17] La Ciotat est une commune française située dans le département des Bouches-du-Rhône à 31 kilomètres à l’est de Marseille. L’installation du premier établissement sur la route maritime des navigateurs antiques remonte au 5ème siècle av. jc. À cette époque, la ville acquiert une grande prospérité grâce à la pêche et au commerce. L’activité du port contribue au développement économique de la cité.
[18] Agde est une commune française située dans le sud du département de l’Hérault. Des populations sont attestées dès la fin de l’âge du bronze sur le site de La Motte au 10ème siècle av. jc. Les Phocéens sont présents au 6ème siècle av. jc, venus de Massalia.
[19] autrement dit, qui ne parlent pas le grec
[20] Les premiers Jeux olympiques sont réputés pour avoir pris place en 776 av. jc sur l’initiative d’Iphitos, roi d’Élide. Cette année marque le début du calendrier olympique, selon lequel les années sont regroupées en olympiades, et l’an 1 du calendrier grec adopté en 260 av. jc. Toutefois, il est probable que les Jeux aient été encore plus anciens, compte tenu de l’abondance des offrandes de l’époque géométrique retrouvées à Olympie. Le programme des compétitions comprend des épreuves hippiques (chars à deux ou quatre chevaux) et des épreuves athlétiques dites de gymnastique (course à pied sur plusieurs distances, lancer du disque, saut en longueur, lancer du javelot, pentathlon8, lutte, pugilat et pancrace). Disque, longueur et javelot ne donnent pas de titre olympique, mais font partie des cinq épreuves du pentathlon avec la course du stade et la lutte. Réservés d’abord aux seuls citoyens grecs masculins et riches, les Jeux entraînent une trêve olympique. Cette dernière n’arrête pas les conflits, mais autorise les athlètes et spectateurs à traverser librement des zones de guerre sans être inquiétés. La portée d’un titre olympique est considérable. Les champions sont d’authentiques héros populaires et sont couverts de cadeaux et d’honneurs à leur retour dans leur cité.
[21] Olympie est un centre religieux de la Grèce, dans le Péloponnèse, plus précisément dans une petite plaine de l’Élide, sur la rive droite de l’Alphée et au pied du Mont Cronion, et tout à proximité de la petite cité moderne d’Olympie, à environ 18 km de la ville de Pyrgos et de la mer Ionienne. À l’emplacement du site était l’Altis, un bois sacré, et l’Autel de Zeus. Le stade lui-même était au milieu d’un bois d’oliviers sauvages. Le site d’Olympie a accueilli les Jeux olympiques durant l’Antiquité, et aujourd’hui encore la flamme olympique y est allumée quelques mois avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques modernes.