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L’histoire pour le plaisir

Roger Bigot (shérif)

vendredi 3 mars 2023, par ljallamion

Roger Bigot (shérif) (mort en 1107)

Lord de Framlingham et Belvoir

Armoiries des Comtes de NorfolkIl fut un petit chevalier normand qui devint l’un des principaux barons anglo-normands après la conquête de l’Angleterre, fondant une dynastie qui tint le titre de comte de Norfolk [1] et domina l’Est-Anglie [2] jusqu’au début du 14ème siècle.

Roger est peut-être le fils de Robert Bigot, le chevalier qui dénonce le complot de Guillaume Guerlenc ou Guillaume Werlenc , comte de Mortain [3], au duc Guillaume le Bâtard vers 1055. À la suite de ce service, Robert figure parmi les gardes du duc et devient un sous-tenant mineur d’Odon de Bayeux dans le Calvados. Guillaume de Jumièges mentionne que ce Bigot était un cousin de Richard Goz, le vicomte d’Avranches [4].

Les racines normandes de Bigot se trouvaient dans le bocage virois [5], le pays boisé du sud-Bessin [6].

Vers 1064, Roger tient des terres dans le Calvados d’Odon de Conteville, l’évêque de Bayeux, demi-frère du duc Guillaume le Conquérant. À la suite de la conquête, il prend beaucoup d’importance, entre au service royal pour devenir en 1086 l’un des principaux barons d’Est-Anglie.

Les services qu’il rend en tant que proche conseiller et agent des trois premiers rois normands lui assurent une grande fortune foncière. D’après le Domesday Book [7], en 1086 il détient 6 seigneuries dans l’Essex [8], 117 dans le Suffolk [9] et 187 dans le Norfolk. Il acquiert la seigneurie de Belvoir par mariage, sa femme étant l’héritière de Robert de Tosny. La grande majorité des terres qu’il obtient ont été saisies à l’archevêque de Cantorbéry [10] Stigand et son frère Aethelmar, l’évêque de Elmham en 1070, et au comte de Norfolk et Suffolk Ralph de Gaël après sa révolte en 1075. Il a très peu de terres en Normandie.

Roger Bigot est juge royal entre 1076 et 1079. Il est shérif [11] du Norfolk dès 1069, et shérif du Suffolk pour 2 périodes différentes avant 1086, et encore sous Henri 1er. Il est possible qu’il utilise sa fonction de shérif pour se constituer un grand honneur [12] à partir de terres confisquées au Anglo-Saxons. En 1086, à la rédaction du Domesday Book, ses domaines lui rapportent 430£ par an, ce qui en fait le 15ème plus riche baron du royaume. Il est l’un des sénéchaux du roi Guillaume le Roux, et l’un de ses familiers. Étant donc souvent à son service, il est un témoin fréquent de ses actes juridiques. Il est aussi envoyé en Est-Anglie en tant que juge royal ambulant ou commissaire.

En 1087, Guillaume le Roux lui retire son office de shérif du Norfolk. Bigot participe alors à la rébellion de 1088, qui projette de remplacer le roi par son frère aîné Robert Courteheuse, le duc de Normandie [13].

Roger fortifie le château de Norwich [14] et dévaste le territoire l’entourant. Il est pardonné par le roi, comme beaucoup d’autres après la répression royale. Ce dernier reconnaissant son erreur lui redonne l’office de shérif en 1091.

Son influence grandit encore après l’expédition du duc de Normandie en 1101 pour s’emparer du trône de son frère Henri 1er. Robert Malet , l’un des grands barons d’Est-Anglie s’étant rangé aux côtés du duc, ses vastes possessions lui sont confisquées, et l’honneur d’Eye rattaché à la couronne.

À la suite d’un don du roi en 1101, il obtient la seigneurie de Framlingham [15] et son château, celui-ci devenant le siège familial des Bigot jusqu’à leur disparition en 1306.

Il fonde en 1103, avec sa femme Alice, le prieuré clunisien de Thetford [16] dans le Norfolk dans le chapitre duquel il est inhumé. Son monastère devient l’un des principaux d’Est-Anglie.

C’est parce que des hommes tels que Bigot leur étaient fidèles que les rois normands purent régner. Grâce à cette noblesse ministérielle, l’administration pouvait fonctionner, la politique du royaume être appliquée, et les comtés gardés sous contrôle. C’est probablement parce que Roger Bigot fut l’un des rares barons fidèles et dévoués dans l’est du royaume qu’il fut si richement récompensé.

Son fils aîné Guillaume lui succède, mais il périt dans le naufrage de la Blanche-Nef [17] en 1120. Son cadet Hugues Bigot lui succède, et devient comte de Norfolk durant le règne d’Étienne d’Angleterre.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de histoire de Roger Bigod », Christopher Tyerman, Who’s Who in Early Medieval England, 1066-1272, Shepheard-Walwyn, 1996 (ISBN 0856831328)

Notes

[1] Le titre de comte de Norfolk a été créé plusieurs fois dans la pairie d’Angleterre. Ce titre est associé au comté de Norfolk. La première dynastie à avoir porté ce titre est celle des Bigot au 12ème et 13ème siècles. Puis plus tard, il a été porté par les Mowbray qui furent aussi ducs de Norfolk. Comme les Bigot étaient descendants par une lignée féminine de Guillaume le Maréchal, ils héritèrent du titre de comte Marshal qui est toujours porté par les ducs de Norfolk aujourd’hui. À la mort de Roger, en 1306, n’ayant pas de descendance, le titre et les possessions revinrent à la couronne.

[2] L’Est-Anglie est une région d’Angleterre de l’Est. Son nom vient du peuple germanique des Angles, originaires de la péninsule d’Angeln, sur la côte orientale du Schleswig-Holstein, à l’extrême-nord de l’actuelle Allemagne. En histoire, il peut également désigner l’ancien royaume d’Est-Anglie, au temps de l’Angleterre anglo-saxonne. L’Est-Anglie n’a pas de représentation propre dans l’organisation territoriale du Royaume-Uni ; son territoire correspond administrativement aux comtés non-métropolitains du Norfolk, du Suffolk et du Cambridgeshire ainsi qu’à l’autorité unitaire de Peterborough.

[3] Mortain est une commune française, située dans le département de la Manche. En 993, Guillaume Longue-Épée prend possession de Mortain, il est le probable fondateur du château (en bois à l’origine). C’est à l’époque de Guillaume Longue-Épée que fut mis en place le comté de Mortain. Le premier comte fut Mauger de Normandie (fils du duc Richard Ier).

[4] On appelle Avranchin le pays normand centré autour de sa ville principale qui est Avranches (sud-ouest du département de la Manche). Il est tourné vers la baie du mont Saint-Michel.

[5] Le Bocage virois est une partie du Bocage normand dont le territoire est limité au département du Calvados. Ses limites nord et est sont en revanche moins clairement définies. À l’origine, cette ancienne partie du Bessin historique couvrait la partie aujourd’hui calvadosienne du Massif armoricain (globalement l’arrondissement de Vire), mais on en détache souvent dorénavant les parties septentrionales et orientales.

[6] Le Bessin est un pays de la Normandie autrefois appelé Pagus Baiocensis (pays de Bayeux). Ses habitants gaulois étaient les Bajocasses ; ils sont aujourd’hui les Bessinois. Le Bessin est bordé au nord par la Manche. Il s’étend d’est en ouest sur une largeur de 50 kilomètres, de Courseulles-sur-Mer à Isigny-sur-Mer et vers le sud, sur une distance de 30 kilomètres, buttant sur les derniers contreforts du massif Armoricain, juste avant Caumont-l’Éventé et le Pré-Bocage

[7] Le Domesday Book est l’enregistrement du grand inventaire de l’Angleterre terminé en 1086, réalisé pour Guillaume le Conquérant, l’équivalent de nos jours d’un recensement national.

[8] L’Essex est un comté cérémoniel et non métropolitain d’Angleterre. Il est l’un des Home Counties situés au nord-est de Londres. Il est bordé par le Suffolk et le Cambridgeshire au nord, le Hertfordshire à l’ouest, le Kent et l’estuaire de la Tamise au sud et le Grand Londres au sud-ouest. Le conseil de comté d’Essex est la principale autorité locale pour une grande partie du comté, avec les douze conseils de districts. Le chef-lieu du comté est Chelmsford.

[9] Le Suffolk a des frontières au nord avec le Norfolk, à l’ouest avec le Cambridgeshire et au sud avec l’Essex. Il est bordé à l’est par la mer du Nord. La capitale du comté est Ipswich et les autres villes importantes sont Lowestoft et Bury St Edmunds. La ville de Felixstowe est, quant à elle, l’un des plus grands ports de containers d’Europe.

[10] L’archevêque de Cantorbéry est, après le Gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre (c’est-à-dire le monarque du Royaume-Uni), le chef de l’Église d’Angleterre et de la Communion anglicane.

[11] La fonction de shérif est originaire de l’Angleterre prénormande. Le terme est né d’une contraction des mots anglo-saxons Shire reeve, désignant respectivement : pour le Shire, une circonscription administrative similaire au comté ; pour le reeve, un officier, agent d’un seigneur féodal (très proche du concept du bailli) qui faisait appliquer l’ordre parmi les serfs du domaine. En définitive, le shérif était un grade supérieur de cette fonction de Reeve, correspondant littéralement à celle d’un « bailli du comté ». Après la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, la fonction perdura, dans le cadre de vicomté. Elle reprit finalement l’appellation de shérif, tandis que vicomte devint un titre héréditaire de pairie.

[12] Un honneur est une composante de la féodalité ; il s’agit au Moyen Âge en France et en Grande-Bretagne d’un fief possédé à l’origine par l’un des barons d’un prince ou d’un roi. Il comprend généralement un domaine principal, qui donne son nom à l’honneur, et plusieurs « extensions » plus petites généralement dispersées dans la principauté ou royaume du suzerain dont il dépend. D’une manière générale, le terme d’honneur désignait l’ensemble des terres d’un puissant seigneur

[13] Le duché de Normandie est un état féodal qui a existé de 911 à 1469, d’abord comme principauté largement autonome, puis, après sa conquête par le roi de France en 1204, comme partie du domaine royal ou comme apanage. Louis XI supprime le duché en 1469. Toutefois, il subsiste pour sa partie insulaire (les îles Anglo-Normandes) comme dépendance de la couronne britannique. Le duché de Normandie fait partie, comme l’Aquitaine, la Flandre ou la Catalogne, de ces principautés qui émergent au milieu du Moyen Âge avec l’affaiblissement du pouvoir royal carolingien. En 911, débordé par les raids des Vikings, le roi des Francs Charles le Simple confie à l’un de leurs chefs, Rollon, les pays autour de la Basse-Seine. Cette concession est l’embryon du duché de Normandie.

[14] Le château de Norwich a été construit à partir de 1067 jusque 1087, sur ordre de Guillaume le Conquérant car il voulait avoir une place forte dans l’importante ville de Norwich. Il s’est avéré être son château dans l’East Anglia. Quatre-vingt-huit maisons saxonnes sont démolies pour faire place au château. La structure originale est une motte castrale de bois sur une élévation naturelle du terrain complétée par une colline artificielle. Le château est utilisé comme une prison à partir de 1220, avec d’autres bâtiments construits sur le haut de la motte à côté. Ces bâtiments sont démolis et reconstruits entre 1789 et 1793 par Sir John Soane,

[15] Suffolk

[16] Le prieuré de Thetford, fondé en 1103 par Roger Bigod et dédié à la Sainte Vierge, monastère d’obédience clunisienne, était l’un des plus importants d’Est-Anglie. Au 13ème siècle, la Sainte Vierge serait apparue en vision à des fidèles priant pour l’établissement en l’abbaye d’une chapelle mariale. Au cours de la construction, on découvrit que la vieille statue de la Vierge était creuse et recelait des reliques : l’endroit devint dès lors un lieu de pèlerinage. L’abbaye abritait les tombes des comtes de Howard, de Henry FitzRoy (1er duc de Richmond et Somerset) et d’autres courtisans des premières décennies de la Période Tudor.

[17] La Blanche-Nef est un navire normand qui fit naufrage à Barfleur au large du Cotentin, le 25 novembre 1120 avec pas moins de 140 hauts barons et dix-huit femmes de haute naissance, filles, sœurs, nièces ou épouses de rois et de comtes à son bord, parmi lesquels l’héritier du trône d’Angleterre, le prince Guillaume Adelin, fils du roi Henri Ier Beauclerc.