Née à Ansbach [1], elle est le premier enfant du margrave [2] Jean-Frédéric de Brandebourg-Ansbach et de sa seconde épouse, Éléonore-Erdmuthe de Saxe-Eisenach . Son père est membre de la maison de Hohenzollern [3] et souverain d’une petite principauté du Saint Empire romain germanique.
Son père meurt de la variole à l’âge de 32 ans, alors que Caroline n’a que 3 ans. Sa mère retourne alors dans sa ville d’origine, Eisenach [4], emmenant avec elle Caroline et son frère cadet Guillaume-Frédéric .
En 1692, la mère de Caroline est contrainte de se remarier avec l’électeur de Saxe Jean-Georges IV , et s’installe avec ses 2 enfants à la cour de Dresde [5]. Ce mariage malheureux ne dure pas. Éléonore se retrouve de nouveau veuve 2 ans plus tard, son mari ayant contracté la variole auprès de sa maîtresse. Elle reste en Saxe jusqu’à sa mort, en 1696.
Les deux orphelins retournent à Ansbach auprès de leur demi-frère aîné, le margrave Georges-Frédéric II . Celui-ci est encore jeune et l’idée de servir de tuteur à une petite fille ne lui sourit guère, aussi Caroline part bientôt pour Lutzenbourg [6], dans la banlieue de Berlin, pour y rencontrer ses nouveaux gardiens.
Caroline est placée sous la tutelle de la reine de Prusse [7] Sophie-Charlotte de Hanovre . À la cour de Frédéric 1er , elle reçoit une éducation approfondie et adopte les opinions libérales de sa tutrice.
Caroline est ainsi exposée à un environnement intellectuel bourdonnant d’activité, très différent de ce qu’elle a connu jusqu’alors. Avant d’entamer son éducation sous la garde de Sophie-Charlotte, elle n’avait guère été instruite. Son esprit éveillé lui permet cependant d’acquérir des connaissances importantes, et elle développe une relation particulièrement forte avec Sophie-Charlotte, qui la considère comme sa fille adoptive.
Dans sa jeunesse, Caroline est un parti très recherché. Après avoir repoussé les propositions de la cour impériale qui songeait à l’unir à l’archiduc Charles d’Autriche, second fils de l’empereur et prétendant au trône espagnol
Le 22 août 1705, Caroline arrive à Hanovre [8] pour son mariage avec Georges-Auguste, qui est célébré le soir même dans la chapelle du palais de Herrenhausen [9]. En mai de l’année suivante, elle estime être enceinte, et donne naissance à son premier enfant, le prince Frédéric, le 20 janvier 1707. Quelques mois après sa naissance, elle contracte la variole, puis une sévère pneumonie. Elle est tenue à l’écart de son fils, mais Georges-Auguste reste fidèlement à ses côtés et tombe à son tour malade. Durant les 7 années qui suivent, Caroline donne naissance à trois autres enfants à Hanovre.
Georges-Auguste part pour l’Angleterre en septembre 1714, suivi par Caroline et deux de leurs filles en octobre. Ce trajet de La Haye [10] à Margate [11] est le seul voyage en mer de sa vie. Le prince Frédéric reste quant à lui au Hanovre avec ses précepteurs jusqu’à la fin du règne de Georges 1er.
Caroline s’installe à demeure en Angleterre en 1714, lorsque son beau-père devient roi de Grande-Bretagne et d’Irlande sous le nom de Georges 1er.
Devenus prince et princesse de Galles [12], Georges-Auguste et Caroline réunissent autour d’eux les adversaires politiques de la cour, parmi lesquels Robert Walpole, qui devient un ami proche de Caroline.
Georges-Auguste et Caroline entreprennent de « s’angliciser » en se cultivant sur la langue, la population, la politique et les coutumes anglaises. Bientôt, deux cours distinctes se développent : celle du roi est peuplée de courtisans et de conseillers allemands, tandis que celle du prince de Galles attire les nobles anglais en défaveur auprès du roi, et s’avère beaucoup plus appréciée de la population britannique. L’opposition politique au roi se cristallise peu à peu autour de Georges-Auguste et de Caroline.
L’opposition du couple princier au roi entraîne leur bannissement de la cour en 1717, et ce ne sera que 3 ans plus tard, par l’entremise de Walpole, que Georges 1er se réconcilie avec son fils.
Ils s’installent à Leicester House [13], tandis que leurs enfants restent sous la garde du roi. Caroline se rend malade d’inquiétude, s’évanouissant même lors d’une visite secrète à ses enfants, avant que le roi, apaisé, lui redonne de nouveau le droit de les revoir. Le prince Georges-Guillaume tombe malade en février, et le roi autorise ses parents à venir le voir au palais de Kensington [14]. Après la mort de l’enfant, une autopsie permet de déterminer que la cause du décès est un polype cardiaque, et non la séparation d’avec sa mère. Un deuxième drame touche Caroline en 1718.
Leicester House devient le lieu de réunion de prédilection des opposants politiques au gouvernement. Caroline se lie d’amitié avec Robert Walpole, ancien ministre au sein du gouvernement whig [15] devenu leader d’une faction dissidente du parti. En avril 1720, la faction de Walpole se réconcilie avec celle au gouvernement, et Walpole et Caroline obtiennent la réconciliation du roi et du prince de Galles, au nom de l’unité nationale.
Caroline espère pouvoir ainsi retrouver ses trois filles aînées, toujours sous la garde du roi, mais les négociations ne débouchent sur rien. Georges-Auguste en vient à croire que Walpole l’a piégé pour accéder au pouvoir et lorsque les Whigs de Walpole rejoignent le gouvernement, le prince se retrouve isolé politiquement.
Dès lors, Leicester House accueille davantage d’écrivains et de polémistes que d’hommes politiques, parmi lesquels John Arbuthnot et Jonathan Swift.
Beaucoup plus intelligente que son mari, Caroline lit avec avidité, amassant une vaste bibliothèque au palais St. James [16]. Dans sa jeunesse, elle correspond avec Gottfried Wilhelm Leibniz, et facilite par la suite l’échange de lettres entre Leibniz et Samuel Clarke. Elle joue un rôle dans la popularisation de la variolisation, technique d’inoculation rapportée de Constantinople [17] par Mary Wortley Montagu : sur ses ordres, 6 condamnés à mort se voient proposer la variolisation au lieu de l’exécution. Tous survivent, de même que 6 orphelins inoculés lors d’une autre expérience. Convaincue de l’intérêt médical de cette technique, Caroline la fait appliquer à ses enfants Amélie , Caroline et Frédéric .
Caroline devient reine consort de Grande-Bretagne à la mort de son beau-père le 11 juin 1727 avec l’avènement de son époux sous le nom de Georges II.
Elle est couronnée avec son époux, le nouveau roi Georges II, le 11 octobre à l’abbaye de Westminster [18]. Elle est la première reine consort couronnée depuis Anne de Danemark en 1603.
Leur fils aîné, Frédéric, 20 ans, devient à son tour prince de Galles, mais entretient lui aussi des relations orageuses avec ses parents.
En tant que princesse, puis reine, Caroline exercera une grande influence sur la vie politique du royaume de Grande-Bretagne. Elle assurera la régence à 4 reprises durant les séjours de son mari au Hanovre, et grâce à elle, la nouvelle dynastie acquière un meilleur ancrage en Grande-Bretagne, malgré l’instabilité politique de l’époque.
Bien que Georges II ait décrit Walpole comme un vaurien et une fripouille au moment de la réconciliation de 1720, Caroline lui conseille de le garder comme principal ministre. Walpole dispose d’une majorité confortable au Parlement, et Georges II doit se résoudre à le rappeler pour ne pas faire face à une instabilité ministérielle.
Caroline possède une influence immense pendant les 10 années qui suivent, persuadant le roi de suivre la politique de Walpole et encadrant l’impulsivité de ce dernier. Ayant adopté les convictions libérales de son mentor, la reine Sophie-Charlotte de Prusse, la reine agit en faveur de la clémence pour les jacobites [19], la liberté de la presse et la liberté d’expression au Parlement.
Dans les années qui suivent, le couple royal se retrouve constamment en conflit avec leur fils aîné, le prince de Galles Frédéric. Celui-ci a rejoint sa famille en 1728. Il est désormais adulte, criblé de dettes, et passe son temps en Paris, farces et maîtresses. Il s’oppose aux opinions politiques de son père et se plaint de son manque d’influence dans le gouvernement du pays.
Caroline ne quitte jamais le sud-est de l’Angleterre, autour de Londres. Elle continue à s’entourer d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels, collectionne les bijoux, notamment camées et intailles, et fait l’acquisition de portraits et de miniatures réputés. Elle commande des bustes des rois et reines d’Angleterre à Michael Rysbrack et supervise la restructuration plus naturaliste des jardins royaux menée par William Kent et Charles Bridgeman . En 1728, elle découvre des croquis de Léonard de Vinci et Hans Holbein le Jeune qui dormaient dans un tiroir depuis le règne de Guillaume III.
En 1734, la fille aînée de Caroline, la princesse royale Anne , épouse Guillaume IV d’Orange-Nassau et part vivre aux Pays-Bas [20].
Caroline assure à nouveau la régence durant l’absence de son mari au cours de l’année 1735, au grand désarroi du prince de Galles. L’année suivante, le couple royal arrange le mariage de Frédéric avec la princesse Augusta de Saxe-Gotha-Altenbourg . Peu après les noces, Georges retourne au Hanovre. Georges rentrera finalement en Angleterre en janvier 1737
Frédéric dépose une demande au Parlement pour une augmentation de ses rentes, que le roi lui avait précédemment refusée. Ces querelles d’argent, ainsi exposées au public, opposent encore davantage parents et enfant. L’augmentation est accordée à Frédéric sur la recommandation de Walpole, qui espère ainsi atténuer d’éventuels conflits à venir, mais pas autant que le prince le souhaitait.
Durant les dernières années de sa vie, Caroline souffre de la goutte. Plus grave, la naissance de sa dernière fille, en 1724, l’a laissée avec une hernie ombilicale. Le 9 novembre 1737, elle ressent d’intenses douleurs, et se couche après avoir enduré une réception officielle : elle souffre d’une hernie utérine.
Dans les jours qui suivent, elle subit saignées, purges et opérations sans anesthésie, mais sa condition ne s’améliore pas. Le roi refuse de laisser Frédéric voir sa mère, une décision qu’elle accepte, bien qu’elle lui envoie un message de pardon par Walpole. Caroline meurt le 20 novembre au palais St. James.
La reine Caroline est inhumée en l’abbaye de Westminster le 17 décembre. Son fils Frédéric n’est pas invité aux funérailles. Georg Friedrich Haendel compose pour l’occasion l’hymne “The Ways of Zion Do Mourn / Funeral Anthem for Queen Caroline”. Le roi a choisi deux cercueils jumeaux avec des côtés amovibles, afin qu’ils puissent reposer de nouveau ensemble lorsqu’il devra la rejoindre.
Beaucoup la pleurent après sa mort, en 1737, y compris le roi lui-même, qui refuse de prendre une 2ème épouse.