Descendant du légendaire Sun Tzu , Sun Jian était un guerrier dont la réputation était d’avoir des nerfs d’acier. Originaire du Jiangdong [1], il fut surnommé le Tigre enragé du Chaos ou le Tigre du Jiang Dong après avoir tué un de ces animaux à l’âge de 10 ans.
Sun Jian naquit dans le comté de Fuchun [2] dans la commanderie [3] de Wu, dans la province de Yang.
Selon le Wu Shu, son ascendance vieille de 600 ans remonterait à Sun Tzu ou Sun Wu, le légendaire général de l’État du Wu [4], concepteur de l’Art de la Guerre, durant la période des Printemps et Automnes [5].
Toujours selon lui, les descendants de Sun Tzu auraient vécu dans la région et ce même après la destruction de l’État en 473 av. jc.
Il devint par la suite commandant des forces du comté de Fuchun tout en conservant un poste civil. Instaurant l’ordre et faisant régner la sécurité dans ce petit comté, il fut remarqué par Zang Min, l’inspecteur impérial de la province de Yang qui le recommanda à la cour. Cette dernière le recommanda au poste d’assistant magistrat au comté de Yandu, dans la province de Guangling [6], ainsi que le titre de "Piété filiale et incorruptible" et "Talent plein d’avenir". Ce titre lui offrait des possibilités d’élévation sociale. Mais Sun Jian était connu de l’administration locale, et commanda des troupes pour celle-ci.
À 19 ans, il épousa Madame Wu, dont le nom est inconnu. Cette union fut difficile, car Madame Wu est issue d’une prestigieuse famille du Sud, venant de la ville de Wu, capitale de la commanderie du même nom. Orpheline, elle vécut avec son frère Wu Jing et d’autres de son clan. La demande de mariage de Sun Jian ne fut pas acceptée par le clan Wu, ce dernier prétextant un statut social trop peu élevé pour une telle considération. Entêté, Sun Jian revint à la charge et eut finalement gain de cause, le clan Wu, impressionné par le charisme du jeune homme et également par le fait que ce dernier avait acquis entretemps une certaine renommée. Madame Wu plaidait également en sa faveur. De cette union naquit une progéniture nombreuse, dont Sun Ce en 175 et Sun Quan en 182. Grâce à son poste, il fut itinérant, se déplaçant dans 3 comtés. Il se fixa à Xia Pi, où il n’acquit pas de promotion mais se fit reconnaître de la population. C’est seulement en 184 qu’il obtint cette promotion en devenant officier mineur du bureau impérial.
Durant la révolte des Turbans Jaunes [7], il acquit un prestige et une reconnaissance de la part du pouvoir impérial. Commencée en 184, cette révolte populaire aux considérations religieuses de très grande ampleur mobilisa les ressources militaires de l’Empire. En effet des rébellions éclatèrent dans toutes les plaines centrales, mais échoua à Luoyang [8], la capitale impériale. Trois armées furent envoyées pour écraser cette révolte commandée par les généraux Huangfu Song et Zhu Jun. Ce dernier originaire de Kuaiji, demanda l’aide de Sun Jian, et le recommanda au titre temporaire de "Commandant des Forces détachées".
Les batailles furent dures, notamment dans la région de Runan [9]. Mais vers mai 184, Huangfu Song et Zhu Jun combinèrent leurs forces, Sun Jian suivant ce dernier pour vaincre Bo Cai, un des chefs de la révolte et reprirent Runan, en juin 184. Sun Jian participa à ces batailles et selon Pei Songzhi, fut blessé dans une embuscade. Il mena l’attaque contre Wan, l’un des principaux sièges de la révolte, en étant selon sa biographie, le premier sur les remparts. La capture de cette ville fut un coup dur pour la révolte qui commença à s’essouffler, bien qu’elle continua.
En effet une nouvelle révolte éclata dans la province de Liang [10] en 185. Sun Jian fit partie de l’armée impériale menée par le vainqueur des Turbans Jaunes, Huangfu Song. Il servit sous le commandement de Zhang Wen et incita ce dernier à punir Dong Zhuo pour insubordination, ce dernier peu enclin à exécuter les ordres de son supérieur hiérarchique, mais d’un rang supérieur, et meilleur général de Zhang Wen. Pour ces services, il obtint la gouvernance de Changsha [11] en devenant grand administrateur de cette commanderie en 187.
Affecté au plus haut poste hors de la capitale impériale et à un territoire clef de l’Empire, il mena à bien sa nouvelle assignation. La commanderie de Changsha, avec sa capitale Linxiang [12] contrôle le bassin moyen du fleuve Xiang, à proximité des commanderies de LingLing [13] et de Guiyang [14], ainsi que les principales voies de communication vers le centre et le nord de la Chine.
Peuplée d’un million d’habitants, sa population et sa situation géographique en font une des commanderies les plus importantes de l’Empire Han [15]. C’est également l’une des plus troublées. Un bandit, Ou Xing, s’est proclamé général et attaque les villes de la commanderie.
En 187, Sun Jian régla le problème rapidement et intervient hors de sa juridiction, dans les commanderies voisines de Lingling et Guiyang à l’appel des administrateurs, incapables de régler les problèmes de banditisme dans leur région. De facto, il administre bientôt tout le sud de la province de Jing. Pour ses accomplissements, il reçut le titre de Marquis de Wucheng [16]. En 189, l’Empereur Ling mourut, et son très jeune fils lui succéda avec une régence exercée par sa mère, l’Impératrice Douairière He et son frère He Jin . He Jin voulut s’attaquer aux Eunuques [17], et fut assassiné.
Dong Zhuo, arriva à Luoyang avec son armée sous prétexte de restaurer l’ordre et dès lors contrôla l’Empereur. Mais rapidement il fit face à une opposition de seigneurs qui avaient fui la capitale et s’étaient installés localement dans les provinces comme Yuan Shao ou Yuan Shu, du clan Yuan ou encore Cao Cao . Une coalition sous l’égide de Yuan Shao fut mise en place et Sun Jian y répondit.
À partir de 189, Sun Jian se mobilisa contre Dong Zhuo et rallia la coalition menée par Yuan Shao. Fort de son prestige, il rallia des hommes du Jiangdong [18] ainsi que ses fidèles Hang Dang, Huang Gai, Cheng Pu qui le suivent depuis la révolte des Turbans Jaunes. Il fut également rejoint par son neveu Sun Ben, fils de Sun Qiang, son frère jumeau. Il convergea vers Luyang où il rencontra Yuan Shu, auquel il se mit au service.
Ce dernier lui conféra le titre de "Général qui écrase les lâches" ainsi que le titre d’Inspecteur de la province de Yu. Il se mit dès lors en marche et avança vers le nord en direction de Luoyang. Défait en 190 par Xu Rong, il se remit rapidement et battit Hu Zhen . Sa pugnacité et son action commencèrent à inquiéter Yuan Shao et Yuan Shu de la possible victoire de Sun Jian sur Dong Zhuo, et s’il parvenait à prendre Luoyang et l’empereur, il pourrait être plus difficile à "abattre". Ce dernier lui coupa même son approvisionnement en ravitaillement mais l’a rétablit.
Sun Jian fut le plus actif et le plus loyaliste de tous les coalisés, n’ayant plus de domaine. Yuan Shao et les autres profitèrent de cette situation de déliquescence du pouvoir impérial pour se tailler des domaines en annexant purement et simplement des provinces. Son avance fit peur à Dong Zhuo qui fit évacuer la capitale pour Chang An [19]. Arrivé en premier dans les ruines de Luoyang, en 190, il y découvrit le sceau impérial des Han, que, selon le Zhengyi, il transféra à Yuan Shu. Il regagna le Sud, peu après.
Début 191, la coalition contre Dong Zhuo commençait à se fracturer. Yuan Shao et Yuan Shu entrèrent en conflit indirectement, puis directement. Très vite en danger, Yuan Shao s’allia avec Liu Biao ,
Administrateur de la province de Jing. Devant cette menace, d’être pris en tenaille Yuan Shu, contrôlant Nanyang [20] et voulant s’étendre dans cette province, envoya Sun Jian combattre Liu Biao à Xiangyang [21].
Liu Biao envoya son armée commandée par Huang Zu combattre Sun Jian. Ce dernier l’écrasa mais ne put le capturer. Alors que ses troupes assiégeaient Xiangyang, Huang Zu le piégea dans une embuscade, dans laquelle il fut gravement blessé. Sun Jian mourut de ses blessures dans les jours suivants.