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L’histoire pour le plaisir

Boadicée

lundi 2 août 2021, par ljallamion

Boadicée (vers 30-61)

Reine celte

Reine du peuple brittonique [1] des Iceni [2], au 1er siècle. Elle était l’épouse de Prasutagos .

Nous la connaissons uniquement par Tacite, brièvement dans “Agricola”, et plus longuement dans les “Annales”, puis Dion Cassius dans son “Histoire romaine”. Suétone, qui ne consacre que quelques mots à la rébellion bretonne dans “sa vie de Néron”, ne mentionne pas son nom. On ne peut pas exclure qu’au 6ème siècle, le moine breton Gildas fasse allusion à elle, sans toutefois mentionner de nom, dans son “De Excidio Britanniae”.

L’historien grec Dion Cassius est le seul à avoir dressé un portrait de Boadicée : grande, terrible à voir et dotée d’une voix puissante. Des cheveux roux flamboyants lui tombaient jusqu’aux genoux, et elle portait un torque [3] d’or décoré, une tunique multicolore et un épais manteau retenu par une broche. Elle était armée d’une longue lance et inspirait la terreur à ceux qui l’apercevaient. Il est impossible de dire si cette description correspond à la réalité

Vers l’an 60, pensant s’attirer les bonnes grâces de l’empereur Néron, le roi Prasutagos légua son royaume-client à l’Empire, tout en faisant de ses filles ses cohéritières, selon Tacite. Ce calcul se révéla vain : son royaume fut incorporé à la province.

Selon Tacite, sa veuve Boadicée, qui avait probablement protesté, fut battue des verges, tandis que ses deux filles étaient violées. Les autres griefs ne manquaient pas. Le territoire des Iceni était considéré comme un pays conquis par les administrateurs romains. Ni Dion Cassius ni Tacite, bien que lui-même fût romain, ne dissimulent leur rapacité : le procurateur [4] Catus Decianus réclama aux nobles icéniens des sommes qui leur avaient été données par le précédent empereur, Claude.

Au même moment, le philosophe Sénèque, qui leur avait prêté dix millions de drachmes, en réclama le remboursement immédiat. Les Iceni en voulaient particulièrement aux vétérans de l’armée romaine qui s’établissaient dans des colonies sur leur territoire et traitaient les autochtones en esclaves.

Pour venger les humiliations et les atrocités infligées à sa famille et son peuple, Boadicée prit les armes contre les Romains.

Tacite rapporte comment, debout sur un char, elle harangue les soldats en leur disant qu’elle ne venait pas, fière de ses nobles aïeux, réclamer son royaume et ses richesses ; elle venait, comme une simple femme, venger sa liberté ravie, son corps déchiré de verges, l’honneur de ses filles indignement flétri et concluait que femme, c’était là sa résolution : les hommes pouvaient choisir la vie et l’esclavage.

Constituant une armée, elle chercha des alliés chez ses voisins, les Trinovantes [5], et d’autres tribus.

Les circonstances étaient favorables, car le gouverneur romain, Suetonius Paulinus, à la tête des quatorzième et vingtième légions, menait une expédition dans l’île de Mona [6], au nord du pays de Galles [7] et se trouvait trop loin pour intervenir.

Boadicée avait réuni une armée de 120 000 hommes. Les Bretons s’en prirent d’abord à la nouvelle colonie de Camulodunum [8], dont le sanctuaire consacré à l’empereur Claude constituait une source d’irritation. Comme la ville ne disposait pas d’enceinte, elle était une proie facile.

Les habitants demandèrent des secours au procurateur Catus Decianus, qui ne leur envoya que deux cents hommes mal armés. Lors de l’attaque de la ville, seuls ceux qui s’étaient retranchés dans le temple de Claude résistèrent 2 jours. Petilius Cerialis, à la tête de la neuvième légion, se porta à la rencontre de l’armée bretonne, mais ses troupes furent anéanties dans une embuscade.

Devant la tournure des événements, le procurateur Catus Decianus s’enfuit en Gaule. Suetonius Paulinus, revenu de Bretagne, se refusa à livrer immédiatement bataille et, malgré les lamentations des habitants, abandonna la ville de Londinium [9] à son sort. Tous ceux qui n’avaient pas quitté la ville, furent massacrés.

Le municipe [10] de Verulamium [11] subit le même sort. Le nombre de victimes parmi les Romains et leurs alliés se serait élevé de 70 000 selon Tacite à 80 000 selon Dion Cassius. Celui-ci n’est pas avare de détails effrayants à propos du sort des Romains qui eurent le malheur de tomber entre les mains des révoltés.

Le gouverneur Suetonius, ayant réuni les quatorzième et vingtième légions, affronta les troupes de Boadicée. Tacite ne fournit aucune indication sur le lieu précis de la bataille, qui eut lieu à proximité de la chaussée romaine connue sous le nom de Watling Street [12]. Tacite dit cependant que Suetonius livra combat à l’endroit de son choix. L’armée de Boadicée, bien qu’elle fût largement supérieure en nombre, subit des pertes effroyables : quelque 80 000 hommes, alors que les Romains n’en perdaient que 400.

Les sources fournissent deux versions sur la mort de Boadicée : dans la première, Tacite raconte qu’en voyant la partie perdue, elle avale du poison pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi ; dans l’autre, fournie par Dion Cassius, elle meurt de maladie avant de pouvoir reprendre le combat.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Angus Konstam, Atlas historique du monde celte, Paris, Éd. Saint-André-des-Arts, 2002 (ISBN 9782743421915)

Notes

[1] Les peuples brittoniques ou Brittons sont des peuples celtes de la protohistoire, habitant l’actuelle Grande-Bretagne. Leur dénomination vient du fait qu’ils parlaient une langue celtique, de la famille des langues brittoniques. À partir de l’occupation romaine, on parle de Britto-romain

[2] présent dans la région qui est aujourd’hui le Norfolk au nord-est de la province romaine de Bretagne

[3] colliers rigides

[4] Dans la Rome antique le terme procurateur désigne au départ un personnage nommé par un autre pour s’occuper d’une tâche précise, mais l’usage le plus courant du terme, à partir d’Auguste désigne un fonctionnaire impérial choisi par l’empereur romain dans l’ordre équestre ou parmi ses anciens esclaves, on parle alors de procurateur affranchi.

[5] dans l’actuel Suffolk

[6] l’actuelle Anglesey

[7] Le pays de Galles est une nation constitutive du Royaume-Uni située dans l’Ouest de l’île de Grande-Bretagne. Il partage une frontière avec l’Angleterre à l’est et est bordé par la mer d’Irlande au nord et à l’ouest et le canal de Bristol au sud.

[8] Camulodunum est l’oppidum du peuple breton des Trinovantes, situé près de l’actuelle ville de Colchester (comté d’Essex) dans l’île de Bretagne. Le toponyme signifie « forteresse de (du dieu) Camulos ».

[9] Londres

[10] Le municipe est l’un des statuts possibles pour une cité du monde romain antique. À la différence, en théorie, du statut de colonie (colonia), le municipe succède à une communauté pérégrine. Le statut de municipe participe donc à la promotion de villes d’origine indigène à l’intérieur de la cité romaine. La caractéristique principale de ces villes était de se diriger elles-mêmes.

[11] devenue Saint-Albans

[12] sans doute une plaine à Mancetter dans le Warwickshire