Aristide le Juste (vers 530 av. jc-467 av. jc)
Homme d’État athénien
Né dans le dème [1] d’Alopèce [2]. Issu des Eupatrides [3], et fils d’un dénommé Lysimaque, Aristide est stratège [4] lors de la bataille de Marathon [5] en 490 av. jc. Chef du parti oligarchique [6], il est élu archonte éponyme [7] en 489/488 av.jc et s’oppose rapidement au démocrate Thémistocle et à sa politique d’impérialisme maritime. Selon certains auteurs, cités par Plutarque, leur rivalité remonte à l’enfance.
Il dépeint Thémistocle comme hardi et rusé, et Aristide comme doté d’un caractère solide, tendu vers la justice, n’admettant aucune forme de mensonge, de flatterie ou de déguisement, même pour jouer. Selon Ariston de Céos, c’est plutôt une rivalité amoureuse qui se transforme en rivalité politique. Il est frappé d’ostracisme [8] en 483 av. jc, probablement en raison de son opposition à Thémistocle.
Mais Aristide est rappelé lors de l’invasion de la Grèce par Xerxès et seconde Thémistocle à Salamine [9] en 480 av. jc. Platon reconnaît qu’Aristide qui fût digne d’estime, parce qu’il a gouverné par la vertu ; Aristote note à son sujet que, Thémistocle passant pour habile dans l’art militaire et Aristide dans l’action politique, est supérieur en honnêteté à ses contemporains.
Théophraste souligne la perplexité d’Aristide entre les principes de sa morale et les exigences de la politique, et dit de lui que, d’une justice de renom dans les affaires personnelles comme dans celles qui regardaient les particuliers, il ne consultait souvent, dans l’administration publique, que l’intérêt de sa patrie, qui exigeait de fréquentes injustices. Selon Théophraste toujours, dans son “traité Sur le Plaisir”, Aristide était bien plus brillant que tous les gens de sa génération, et ne se vautrait pas dans la volupté.
Il contribue de façon décisive à la victoire de Platées [10] sur les Perses commandés par Mardonios en 479 av. jc. Il institue également une fête, les Éleuthéries [11], en l’honneur de cette victoire. Secondé par Cimon, le fils de Miltiade, il crée la ligue de Délos [12], dont il organise les statuts, en mai 477 av. jc. Il prête notamment le serment initial et fixe le montant du phoros [13]. Parallèlement, il modifie le système politique athénien en ouvrant l’archontat [14] à tous les citoyens.
Il meurt en 467 av. jc si pauvre, selon la tradition, que c’est l’État qui doit doter ses filles et pourvoir à ses funérailles ; il est enterré à Phalère [15]. Eschine de Sphettos confirme sa vie dans le dénuement, tandis que Démétrios de Phalère s’élève vivement contre ce récit et présente au contraire plusieurs preuves des richesses d’Aristide.
Notes
[1] Le dème est une circonscription administrative de base instaurée lors de la révolution isonomique de Clisthène, laquelle eut lieu de 508 ou 507 à 501 av. jc à Athènes. Le dème est directement lié à la marche d’Athènes vers la démocratie.
[2] Alopèce est un dème de l’Athènes antique, en Attique. Ce dème faisait partie de la tribu d’Antiochide, non loin du Cynosarge.
[3] groupe social des patriciens d’Athènes
[4] Un stratège est un membre du pouvoir exécutif d’une cité grecque, qu’il soit élu ou coopté. Il est utilisé en grec pour désigner un militaire général. Dans le monde hellénistique et l’Empire Byzantin, le terme a également été utilisé pour décrire un gouverneur militaire. Dans la Grèce contemporaine (19ème siècle jusqu’à nos jours), le stratège est un général et a le rang d’officier le plus élevé.
[5] La bataille de Marathon est un épisode majeur de la première guerre médique en 490 av. jc, ayant opposé un débarquement perse aux hoplites athéniens et platéens qui remportèrent la victoire. Elle se déroule sur la plage de Marathon, sur la côte est de l’Attique, à proximité d’Athènes.
[6] Une oligarchie est une forme de gouvernement où le pouvoir est réservé à un petit groupe de personnes qui forment une classe dominante.
[7] L’archonte éponyme est, dans l’Athènes antique, le magistrat suprême, et le magistrat principal dans de nombreuses cités de la Grèce antique. Athènes comportait toutefois un conseil d’archontes formant une sorte de gouvernement exécutif. L’archonte éponyme, ou tout simplement l’archonte sans autre précision, préside les réunions de la Boulè, de l’ecclésia, anciennes assemblées athéniennes ; l’instruction des procès de droit privé incombe également à l’archonte. Il reste le chef de l’État nominal même sous la démocratie, qui réduit cependant son importance politique.
[8] L’ostracisme était un vote par lequel l’Ecclésia (l’assemblée des citoyens) prononçait le bannissement de l’un de ses citoyens, dont le nom était inscrit sur un tesson de céramique désigné par le terme ostrakon, signifiant coquille d’huître. Durant la période de bannissement, l’Ecclésia conservait ces tessons, ostraca, où figuraient les noms des exilés. Athènes et quelques autres cités, au 5ème siècle av. jc, ont instauré une institution qui permettait de bannir pendant 10 ans un citoyen, sans que celui-ci perdît ses biens. C’était une mesure d’éloignement politique, un simple vote de défiance à l’égard d’un citoyen influent soupçonné d’aspirer au pouvoir personnel : ce n’était pas une peine judiciaire, cette sanction n’étant pas une condamnation pénale : elle ne s’accompagnait pas de peine pécuniaire, et les droits civiques étaient conservés. Cette importante institution apparaît donc marquée d’un esprit d’humanité tant dans la procédure suivie que dans la peine prononcée
[9] La bataille de Salamine est une bataille navale qui opposa le 29 septembre 480 av. jc (22 du mois Boédromion dans l’antique calendrier athénien) la flotte grecque menée par Eurybiade et Thémistocle à la flotte perse de Xerxès 1er.
[10] La bataille de Platées est la dernière grande bataille terrestre des guerres médiques. Elle se déroule en 479 av. jc près de la ville de Platées, en Béotie, et oppose une alliance des cités États grecques (dont Sparte, Athènes, Corinthe et Mégare) à l’Empire perse de Xerxès 1er.
[11] Éleuthéries est le nom général donnée à diverses festivités de la Grèce antique. Les Éleuthéries pouvaient être des fêtes publiques organisées par les cités ou être de caractère privé. Elles avaient comme thème commun de célébrer l’idée de liberté. Par exemple des Éleuthéries étaient fêtées par les anciens esclaves devenus libres au jour anniversaire de leur affranchissement. Les Éleuthéries publiques les plus célèbres sont celles qui étaient fêtées tous les 5 ans à Platées. Elles auraient été instituées en l’honneur de Zeus Eleutherios par Aristide après la victoire des Grecs sur les Perses en 479 av. jc après la bataille de Platées. On y faisait notamment des libations en l’honneur des morts de la bataille. Elles avaient à l’origine un caractère panhellénique afin de commémorer l’unité grecque, caractère qui s’estompa avec le temps.
[12] À la suite de ses victoires sur les Perses au cours des guerres médiques, Athènes devient la puissance dominante du monde grec durant toute la période du 5ème siècle av. jc. En effet la Ligue de Délos, alliance militaire initialement créée pour repousser l’ennemi perse, évolue d’une coordination de forces armées grecques sous l’égide des Athéniens vers une confédération étatique soutenue militairement, financièrement, et culturellement par Athènes. Les liens qu’entretient cette cité avec ses alliés sont donc à partir du milieu du siècle des rapports de cité mère à cités vassales. Ainsi en 454 le trésor de Délos est transféré à Athènes. L’union entre la nouvelle métropole et ses provinces est passée de mutuellement consentie à maintenue par la force.
[13] le tribut fédéral
[14] Dans la Grèce antique, les archontes sont des dirigeants politiques, présents dans la plupart des cités grecques. Dans l’Empire byzantin, ce titre revêt une charge administrative différente selon l’époque.
[15] Phalère est l’un des trois ports de la cité antique d’Athènes sur le golfe Saronique, situé sur la baie homonyme. Bien antérieur au Pirée, il est conservé après les guerres médiques mais uniquement pour les bateaux de petite taille.