Il professait la rhétorique à Vienne en Dauphiné. Sa compétence fut remarquée par le franc Richomer. Celui-ci le recommanda à son neveu, le général Arbogast, qui le nomma secrétaire dans l’administration de Valentinien II. Lorsque le jeune Valentinien II est trouvé mort dans sa chambre en mai 392, Arbogast craint d’être accusé de ce décès, l’usurpation du pouvoir est sa seule issue, mais ses origines franques lui interdisent l’accès au titre impérial. Il proclame donc Eugène au titre d’Auguste, en août 392, à Vienne [1] ou à Lyon.
Dans un premier temps, Eugène cherche l’entente avec Théodose 1er, qui règne à Constantinople. Mais Théodose refuse ces propositions, probablement influencé par son épouse Galla, sœur de Valentinien II, et par le préfet du prétoire Rufin, qui déteste Arbogast.
En Italie même, l’évêque Ambroise de Milan, autorité morale de l’époque, lui refuse son soutien. En revanche le comte Gildon qui gère l’Afrique romaine, précédemment révolté contre Valentinien, reprend ses livraisons de ravitaillements à Rome, mais ne le reconnaît pas comme empereur. Quand en novembre 392 ou en janvier 393, Théodose élève son fils Honorius au rang d’Auguste d’Occident, l’affrontement est inévitable.
Eugène et Arbogast assurent d’abord leurs arrières sur le limes du Rhin par des accords de paix avec les Francs [2] et les Alamans [3]. Début 393, ils marchent sur l’Italie avec une armée de fédérés francs et alamans. A Milan, Ambroise persiste dans son attitude de refus, mais l’aristocratie sénatoriale de Rome, dirigée par Symmaque et Nicomaque Flavien, leur fait bon accueil, dans le contexte de réaction païenne face à l’interdiction du paganisme promulguée fin 392 par Théodose 1er. Eugène, chrétien modéré, rend aux sénateurs païens les biens qu’on leur avait confisqués, tout en laissant aux églises les biens pris aux temples. L’autel de la Victoire que Gratien avait fait enlever en 382 est replacé dans la Curie, tandis que se multiplient les cérémonies aux cultes anciens.
En Orient, Théodose prépare longuement son expédition et quitte Constantinople en mai 394, avec une armée commandée par Stilicon et Gaïnas, constituée en majorité de Wisigoths [4], renforcée de contingents de Huns [5]. La rencontre a lieu le 6 septembre 394, à la bataille de la Rivière Froide [6] près d’Aquilée [7]. Malgré un succès initial, Arbogast et Eugène sont trahis par la défection d’une unité franque et vaincus. Eugène est décapité. Arbogast se donne la mort, ainsi que Nicomaque Flavien.
Cette bataille marque la fin des tentatives pour rétablir le paganisme dans l’empire romain, qui se voit réunifié pour quelque mois sous le pouvoir de Théodose, qui meurt peu après en janvier 395 à Milan.