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Artchil 1er le Martyr dit le Saint

samedi 3 février 2024, par lucien jallamion

Artchil 1er le Martyr dit le Saint (mort en 744/786)

Prince géorgien de Kakhétie

Membre de la dynastie dite des Chosroïdes [1]. Fils cadet du prince Étienne II de Kakhétie , il succède à son frère aîné Mirian 1er de Kakhétie dans la principauté de Khakétie [2] sur laquelle règne sa famille depuis l’abolition de la monarchie d’Ibérie en 580 [3]. La Chronique géorgienne [4] lui assigne un règne de 50 ans.

Le long règne d’Artchil est globalement paisible. Le nouveau prince, après avoir convoqué tous les éristhaws de Géorgie, organise les unions de ses 7 nièces, filles du roi Mihr, avec des princes locaux. Selon la Chronique géorgienne, il crée des fiefs en Kakhétie pour les nobles de sa cour, fait bâtir l’église de Sadzmor, et il accueille les princes bagratides [5] arméniens exilés en Géorgie après la Bataille de Bagrévand [6].

Les musulmans, qui ne sont pas revenus en Géorgie depuis l’expédition de Mourvan et se contentent de percevoir des tributs des éristhaw locaux, décident un jour d’organiser une expédition de pillage dans le pays. Un émir envoyé par le Khalife [7] Al-Hâdî Mûsâ ben al-Mahdî, nommé par la Chronique géorgienne “Dchidchoum-Asim”, en fait Khuzaima ibn Khazin, après avoir dévasté la Karthlie [8], décide de ravager la Kakhétie.

Artchil considère que son pays est dans l’impossibilité de résister et se présente devant l’envahisseur pour lui demander la paix, réclamer sa protection, le respect des églises et l’abstention de mesures violente afin d’obtenir l’abandon de la foi des chrétiens. L’émir, charmé par les belles manières du roi, accepte de lui donner satisfaction après quelques jours de réflexions, s’il s’engage à apostasier et à devenir musulman. Le roi refuse et l’émir fait alors emprisonner Artchil.

Un mthawar gardanien converti à l’islam, dont les meurtriers de l’oncle paternel ont reçu l’asile d’Artchil, décide alors de se venger du prince. Il se présente devant Dchidchoum et lui révèle qu’Artchil est le descendant du grand roi Vakhtang 1er d’Ibérie, qui était du sang de Mirian, fils de Kasré, et qu’il connaît l’endroit où l’empereur grec Héraclius avait enfoui, en traversant l’Ibérie, une partie des trésors issus du pillage de la Perse sassanide après sa victoire de 627 sur Khosro II.

Interrogé par l’émir, Artchil déclare que lesdits trésors ont été transférés sous la protection des Grecs en Abkhazie [9] lorsque Dieu humilia les musulmans par la défaite de l’émir Mervan. Furieux, Dchidchoum fait alors décapiter Artchil.

Le corps du roi Artchil est enlevé et inhumé dans une église construite par lui. Le roi martyr est ensuite déclaré saint par l’église orthodoxe géorgienne.

Selon la Chronique géorgienne, le roi Artchil a épousé la fille du curopalate [10] Gouaram III prince de Calarzène-Djavakhétie [11] et Prince-primat d’Ibérie de 693 à 748.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l’Antiquité jusqu’au xixe siècle : Tables généalogiques et chronologiques, Rome, 1990, p. 380-381 et 546.

Notes

[1] Les Chosroïdes sont les membres d’une dynastie de rois puis de prince-primats d’Ibérie et qui régnèrent à l’origine du 4ème au 9ème siècle dans la région connue ensuite sous le nom de Karthli. D’origine iranienne, les Chosroïdes sont sans doute une lignée issue de la maison de Mihran. La dynastie se convertit au christianisme vers 337 et tente de maintenir un certain degré d’indépendance entre l’Empire byzantin et les Sassanides. Après l’abolition de la monarchie d’Ibérie par les Sassanides vers 580, la dynastie se maintient en deux lignées princières rivales parfois en compétition, la branche aînée dites les « Chosroïdes » et la cadette les « Gouaramides », jusqu’au début du 9ème siècle, lorsque la succession du trône d’Ibérie revient à la lignée arménienne des Bagratides.

[2] La principauté de Kakhétie en Géorgie orientale a été créée en 580 après l’abolition de la royauté par le Chah sassanide d’Iran par des descendants de la dynastie royale des Chosroïdes d’Ibérie à laquelle a succédé la dynastie dite des Chorévêques, puis celle des Kyriacides. Après fusion avec la principauté d’Héréthie, la Kakhétie est devenue un royaume qui a maintenu son indépendance jusqu’à son annexion en 1105 par le roi David IV de Géorgie. Un royaume de Kakhétie a été reconstitué en 1490 pour une branche de la dynastie des Bagratides après la dislocation du royaume unitaire de Géorgie.

[3] L’Ibérie, aussi connue sous le nom d’Ivérie, est le nom donné par les Grecs et les Romains à l’ancien royaume de Karthlie et correspondant approximativement aux parties méridionale et orientale de l’actuelle République de Géorgie. Les Ibères du Caucase forment une base pour le futur État géorgien et, en même temps que les Colches de Colchide, le noyau de la population géorgienne actuelle. La région n’était, jadis, habitée que par quelques tribus qui faisaient partie du peuple appelé « Ibères ».

[4] Les Chroniques géorgiennes désignent conventionnellement le principal recueil de textes historiques médiévaux de Géorgie Kartlis Tskhovreba , le Karthli étant la région de la Géorgie ancienne et médiévale connue dans l’Antiquité classique et encore sous l’Empire byzantin sous le nom d’Ibérie du Caucase. Les chroniques sont également connues sous le nom d’« Annales royales de Géorgie » car elles constituent l’essentiel du corpus officiel de l’histoire du royaume de Géorgie.

[5] La dynastie Bagratide, Bagratouni est une famille royale dont les branches dirigèrent de nombreux royaumes régionaux tels que les territoires arméniens de Ani, Lorri, Kars, Taron, et Tayk, ainsi que diverses principautés du royaume de Géorgie et dont les derniers membres s’illustrèrent dans l’histoire de l’Empire russe.

[6] La bataille de Bagrévand est une bataille qui oppose les Arméniens révoltés aux troupes du calife abbasside le 25 avril 772 ou 775. Elle se solde par une défaite arménienne

[7] Le terme calife, khalife ou caliphe est une romanisation de l’arabe khalîfa, titre porté par les successeurs de Mahomet après sa mort en 632 et, pour les sunnites, jusqu’à l’abolition de cette fonction par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Les ibadites ne reconnaissent plus aucun calife depuis 657. L’autorité d’un calife s’étend sur un califat. Il porte aussi le titre de commandeur des croyants, titre aboli chez les chiites après la mort d’Ali. Les critères de choix sont différents entre les chiites et les sunnites mais le porteur du titre a pour rôle de garder l’unité de l’islam et tout musulman lui doit obéissance : c’est le dirigeant de l’oumma, la communauté des musulmans. Pour les sunnites, la fonction est élective. Les chiites pensent à l’inverse que si un calife doit être choisi, il devra l’être selon le principe de l’imamat.

[8] Ibérie par les Grecs et les Romains

[9] Au 9ème siècle, l’Abasgie s’unit au royaume géorgien d’Iméréthie et prend le nom d’Abkhazie (Royaume d’Abkhazie). La faiblesse du roi Théodose III d’Abkhazie face aux nobles a achevé d’affaiblir le pays. L’eristavi (gouverneur) de Karthli, Ioané Marouchisdzé, s’allie alors avec la noblesse de l’Ibérie et de l’Abkhazie. Tous s’accordent sur le fait qu’il faut un nouveau roi puissant qui unifierait les deux pays. Le jeune Bagrat III, fils de Gourgen 1er, roi titulaire d’Ibérie, et de Gourandoukht, fille du roi Georges II d’Abkhazie, héritier de la famille Bagration, est investi des attributs royaux en 978. Bagrat III de Géorgie, devenu roi d’Abkhazie, commence à ce moment à mettre de l’ordre dans les affaires abkhazes, calme les nobles et se place en monarque loyal et honnête. Il réunit en 1010 les différents royaumes géorgiens pour former le premier royaume de Géorgie.

[10] La dignité de curopalate fut d’abord une fonction de la cour impériale byzantine avant de devenir l’un des titres les plus prestigieux du 6ème au 12ème siècle. Réservée aux membres de la famille impériale et à divers rois et princes du Caucase, elle finit par se déprécier et être reléguée à la fin des listes de préséance avant de tomber en désuétude sous les Paléologues. L’épouse d’un curopalate portait le titre de kouropalatissa.

[11] La Djavakhétie, parfois Djavakheti est une province historique de la Géorgie. Elle regroupe deux districts (raions), Akhalkalaki et Ninotsminda, peuplés majoritairement d’Arméniens (54 % de la population) et intégrés en 1994 dans la région géorgienne de Samtskhé-Djavakhétie. La Djavakhétie, et son annexe la Calarzène, étaient des principautés géorgiennes situées au sud-ouest du Karthli. Après la suppression par les Perses sassanides de la royauté d’Ibérie en 580, elles sont gouvernées par une branche de la dynastie chosroïde d’Ibérie issue de Léon (vers 534), un fils du roi Vakhtang 1er Gourgasali et de sa seconde épouse byzantine, dite par les historiens modernes des Gouaramides