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L’histoire pour le plaisir

Bleda ou Bléda

lundi 27 novembre 2023, par lucien jallamion

Bleda ou Bléda (mort vers 444 ou 445)

Roi hun de 435 à sa mort

Extension maximale de l'emprise hunnique en Europe vers 450.Il succède avec son frère Attila à leur oncle Ruga , il régna sur la partie orientale de l’empire hunnique [1].

Les éléments conservés sur Bréda proviennent essentiellement de “l’Histoire des Goths” de l’auteur byzantin du 6ème siècle Jordanès qui les reprend de l’historien et diplomate grec Priscus , contemporain des évènements. On trouve également des éléments dans les Chronique universelle de Prosper d’Aquitaine et dans la “Chronographie” de Théophane le Confesseur.

Bleda est le fils du prince Moundzouk et le frère ainé d’Attila. Lorsque les deux frères succèdent vers 435 comme rois des Huns à leur oncle Ruga, il semble que l’aîné se voit confier la partie orientale de l’empire hunnique et occupe vraisemblablement la place prédominante dans l’association comme roi principal dans la mesure où il est seul mentionné dans “la Chronica Gallica” [2] de 452. On sait qu’à l’instar de son frère, il a eu plusieurs épouses, probablement dans une stratégie politique d’alliances matrimoniales permettant aux 2 souverains de s’attirer le soutien des chefs huns de second rang.

Les nouveaux rois poursuivent et finalisent les négociations entamées par Ruga avec Constantinople [3], aboutissant au Traité de Margus [4] qui, en le portant à 700 livres d’or, double le tribut déjà obtenu par leur prédécesseur, faisant peut-être acter de la sorte la reconnaissance des 2 souverains ; le traité convient en outre d’une extradition mutuelle des déserteurs, fugitifs et réfugiés, de l’établissement de marchés frontaliers pour les échanges commerciaux ainsi que l’engagement des Romains à ne pas s’allier avec d’autres peuples Barbares hostiles aux Huns.

À la suite de l’accord, deux princes huns de sang royal, nommés Mama et Atakam, réfugiés chez les romains, sont livrés à leur cousins et aussitôt empalés.

Le traité signé, les deux souverains s’attachent à reprendre en main les populations vassales, consolidant leur hégémonie sur les peuples tant nomades que sédentaires au nord et à l’est du Danube [5], sans que l’on puisse toutefois fixer les limites précises des territoires sous leur coupe ; ils entreprennent notamment une campagne contre les tribus scythes [6] ainsi qu’une guerre contre des Sorosgues [7], opération attestant peut-être d’une volonté d’extension de leur domaine.

Les frères continuent à offrir leur aide au pouvoir romain et à leur ami Aetius qui dirige l’armée impériale d’Occident, contribuant probablement à l’anéantissement des Burgondes [8] de Gondicaire vers 436 ou 437, une extermination qui laisse un souvenir terrible dont on retrouve l’écho dans les épopées tant germaniques que scandinaves.

Mais en 441, Bleda et Attila rompent le traité de Margus, prétextant le pillage de tombes hunniques par l’évêque de cette ville ainsi que le non-respect de la clause sur les réfugiés. Il est néanmoins plus vraisemblable que les huns aient profité de l’affaiblissement d’une armée impériale occupée à contrer les Vandales [9] en Sicile [10], les Sassanides [11] en Arménie [12] tout en devant faire face à une multiplication de révoltes [13].

Les troupes hunniques envahissent l’Illyrie [14] et se saisissent de nombreuses places fortes comme Vimimacium [15] qui après avoir été occupée puis pillée par Bleda est rasée, le camp fortifié de Castra Constantia [16] mais également les villes de Singidunum [17], Naissus [18] ou encore Margus dont l’évêque obtient un sauf-conduit pour avoir ouvert les portes de la cité. Une trêve éphémère est conclue avec les commandants romains Anatolius et Aspar mais le conflit reprend en 442 : Théodose II a en effet rappelé les légions de Sicile pour contrer l’offensive des huns qui se retirent vers 443, emportant toutefois un important butin tandis que l’empereur fait renforcer les défenses frontalières et refuse par la suite de payer le tribut.

Si plusieurs auteurs antiques attestent que c’est Attila qui ordonne la mise à mort de son frère, voire qu’il le tue lui-même, la raison précise de cette exécution située selon les sources entre 442 et 447 demeure inconnue. Quoiqu’il en soit, Attila occupe dès lors seul la tête de l’empire, de manière autocratique.

Le meurtre de Bleda et l’usurpation de son frère provoquent la révolte des Akatziri [19] le soulèvement est maté par Attila avec l’aide des Gépides [20], qui place son fils Ellac à la tête de la partie orientale du domaine hun. Il est en outre vraisemblable que l’assassinat de Bleda ait contribué à la dégradation des rapports entre Attila et le généralissime romain Aetius.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Iaroslav Lebedynsky, Huns d’Europe, Huns d’Asie : Histoire et cultures des peuples hunniques, ive – vie siècle, Errance, 2018 (ISBN 978-2-87772-630-6)

Notes

[1] L’Empire hunnique est un système de domination du type empire des steppes construit autour du peuple des Huns, d’abord en Asie centrale, puis en Europe à partir de 375. Il connaît son apogée sous le règne d’Attila, alors que, solidement établi en Pannonie, aux frontières des Empires romains d’Orient et d’Occident, il lance une offensive en Gaule en 451, puis en Italie en 452. Mais les revers subis à ce moment, puis la mort d’Attila en 453, marquent le début de son effondrement en Europe, tandis qu’en Asie, la domination hunnique se prolonge jusqu’en 484. De nature nomade, cet empire peut difficilement être décrit en termes de limites géographiques en dehors de son extension maximale. Il n’a pas de capitale fixe, mais la réception des ambassades a lieu dans la tente du grand-roi et seigneur de la guerre, qui fait office de palais au beau milieu du campement de la horde. La fin de l’Empire hunnique en Europe est marquée par un conflit successoral après la mort d’Attila, mais aussi par une rébellion des peuples germaniques soumis, en particulier les Gépides et les Ostrogoths. L’événement essentiel est la bataille de la Nedao en 454, où les Gépides d’Ardaric et les Ostrogoths vainquent les fils d’Attila, Ellak, Ernakh et Dengizik.

[2] On appelle Chronica Gallica de l’année 452 une chronique historique de l’Antiquité tardive. Elle a été éditée sous le nom de Chronica Gallica par Theodor Mommsen avec la Chronica Gallica de 511 dans les Monumenta Germaniae Historica. Elle est parfois citée comme Chronicon imperiale, car elle indique les années des empereurs ou Chronicon Pithoeanum, du nom de son premier éditeur, Pierre Pithou en 1588. Il s’agit de notes destinées à compléter un calendrier calculés par l’ère du règne des empereurs d’Orient et d’Occident. La Chronique, qui se veut une continuation de la Chronique de Jérôme, débute en 379 et se termine avec l’arrivée d’Attila et des Huns en Italie en 452. L’information concerne essentiellement la Gaule et la partie occidentale de l’Empire.

[3] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.

[4] Le traité de Margus est un traité conclu entre l’Empire romain et les Huns à Margus (actuelle Požarevac en Serbie). Il est signé en 435 par le consul romain Plintha. Parmi les points du traité, les Romains sont contraints de payer le double (de 350 livres d’or à 700) du tribut annuel qu’ils avaient précédemment concédé aux Huns. De plus il leur est interdit de conclure une alliance avec des ennemis des Huns, et ils doivent livrer tout réfugié Hun présent dans l’Empire. Lorsque les Romains violent le traité en 440, Attila et Bleda attaquent Castra Constantias, une forteresse et marché romain situé sur les rives du Danube

[5] Le Danube est le deuxième fleuve d’Europe par sa longueur (après la Volga qui coule entièrement en Russie). Il prend sa source dans la Forêt-Noire en Allemagne lorsque deux cours d’eau, la Brigach et la Breg, se rencontrent à Donaueschingen où le fleuve prend le nom de Danube. La longueur du Danube dépend du point de départ considéré : 2 852 km pour la confluence de Donaueschingen mais 3 019 km à partir de la source de la Breg. Il coule vers l’est et baigne plusieurs capitales de l’Europe centrale, orientale et méridionale

[6] Les Scythes sont un ensemble de peuples nomades, d’origine indo-européenne, ayant vécu entre le 7ème siècle et le 3ème siècle av. jc dans les steppes eurasiennes, une vaste zone allant de l’Ukraine à l’Altaï, en passant par le Kazakhstan. Les Perses désignaient ces peuples par le nom de Saka, francisé en Saces. Les sources assyriennes mentionnent les Saces dès 640 avant l’ère chrétienne.

[7] une peuplade mentionnée uniquement par Priscus

[8] D’abord cantonnés en Sapaudia les Burgondes commencèrent par grignoter le territoire gaulois vers l’ouest. En 457, Gondioc et Chilpéric Ier saisirent une première occasion de pousser leurs frontières. A l’été 457 le Valais, la Tarentaise, les villes de Besançon, Chalon sur Saône, Langres, Autun, Grenoble ainsi que Lugdunum, la vieille capitale des Gaules, se livrèrent pacifiquement aux Burgondes. Egidius, le généralissime de Majorien en Gaule reprit aussitôt la capitale des Gaules mais il abandonna aux rois Burgondes leurs nouvelles terres. Lugdunum reviendra aux Burgondes vers 467 lorsque Chilpéric 1er s’en empara, comme il s’empara également à la même époque de la ville de Vienne. Il profita probablement des troubles qui secouèrent entre 469 et 475 un Empire d’Occident, alors à l’agonie, pour porter jusqu’à la Durance les limites de son royaume. Les villes de Viviers, Gap, Embrun, Die, Sisteron, Orange, Apt, Cavaillon, Avignon devinrent villes burgondes. L’empereur Népos reconnut leurs conquêtes. Dès ce moment le royaume burgonde eut, ou peu s’en faut, les limites qu’il conserva dès lors. Ce territoire ne comprenait pas moins de 25 diocèses ou anciennes cités romaines : Auxerre, Langres, Besançon, Chalon sur Saône, Autun, Lugdunum, Genève, Windisch, Octodurum actuellement Martigny, en Suisse, Vienne, Valence, Carpentras, Orange, Avignon, Cavaillon, Vaison, Gap, Embrun, Sisteron, Grenoble, Aoste, Die, Viviers, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Apt. Mais les Burgondes gagnent ou perdent incessamment du terrain. Marseille et son port, Arles et la Provence gagnés vers 484, et perdus après la guerre contre les Francs, conquêtes éphémères, auront un moment fait partie de leur territoire. À son apogée, les contours du royaume burgonde touchaient, au nord, la ligne des Vosges et la Durance au midi ; d’orient en occident, ils s’étendaient de l’Aar à la Saône et la Haute-Loire. Ce fut le territoire soumis à cette royauté qui prit, une première fois, le nom de Burgondia dans une correspondance de Cassiodore et rédigée en 507 au nom de Théodoric le Grand.

[9] Les Vandales sont un peuple germanique oriental. Ils conquirent successivement la Gaule, la Galice et la Bétique (sud de l’Espagne), l’Afrique du Nord et les îles de la Méditerranée occidentale lors des Grandes invasions, au 5ème siècle. Ils fondèrent également le « royaume vandale d’Afrique » (439–534) dont la capitale fut Carthage.

[10] La Sicile est la plus grande île méditerranéenne. Avec une superficie de 25 708 km², c’est la région la plus étendue de l’Italie et son territoire est constitué de neuf anciennes provinces à leur tour partagées en 390 municipalités. Elle est également la seule région italienne à compter 2 des 10 villes les plus peuplées du pays : Palerme et Catane. Son chef-lieu est Palerme.

[11] Les Sassanides règnent sur le Grand Iran de 224 jusqu’à l’invasion musulmane des Arabes en 651. Cette période constitue un âge d’or pour la région, tant sur le plan artistique que politique et religieux. Avec l’Empire romano byzantin, cet empire a été l’une des grandes puissances en Asie occidentale pendant plus de quatre cents ans. Fondée par Ardashir (Ardéchir), qui met en déroute Artaban V, le dernier roi parthe (arsacide), elle prend fin lors de la défaite du dernier roi des rois (empereur) Yazdgard III. Ce dernier, après quatorze ans de lutte, ne parvient pas à enrayer la progression du califat arabe, le premier des empires islamiques. Le territoire de l’Empire sassanide englobe alors la totalité de l’Iran actuel, l’Irak, l’Arménie d’aujourd’hui ainsi que le Caucase sud (Transcaucasie), y compris le Daghestan du sud, l’Asie centrale du sud-ouest, l’Afghanistan occidental, des fragments de la Turquie (Anatolie) et de la Syrie d’aujourd’hui, une partie de la côte de la péninsule arabe, la région du golfe persique et des fragments du Pakistan occidental. Les Sassanides appelaient leur empire Eranshahr, « l’Empire iranien », ou Empire des Aryens.

[12] L’Arménie perse désigne l’Arménie sous la domination perse, de 428 à 646 puis de 1639 à 1828. Cette partie de l’Arménie historique est divisée en 1747 entre khanat d’Erevan, khanat de Nakhitchevan et khanat du Karabagh. Elle disparaît définitivement avec le traité de Turkmanchai, qui l’annexe à la Russie.

[13] Isauriens, Zanes, Berbères...

[14] L’Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près à l’Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l’Albanie actuelle. Les Illyriens apparaissent vers le 20ème siècle av. jc. C’est un peuple de souche Indo-Européenne qui comprenait des Dalmates et des Pannoniens. Vers 1300 av. jc ils s’établissent sur les côtes Nord et Est de l’Adriatique. Les Illyriens sont les premiers avec les Grecs, à s’installer dans les Balkans et constituent un immense Royaume. Au 7ème siècle av. jc et 6ème siècle av. jc, l’Illyrie subit une forte héllénisation du fait de ses relations avec les Grecs, qui y ont fondé des comptoirs.

[15] Viminacium était sous l’Empire romain une des villes les plus importantes de la province de Mésie (aujourd’hui la Serbie), et était la capitale de la Mésie supérieure. Bâtie au 1er siècle de notre ère sur la voie Via Militaris, elle servait de camp de base à la Legio VII Claudia, et abrita quelque temps la Legio IV Flauia Felix. Elle a pu compter à son apogée jusqu’à 40 000 habitants, et fut de ce fait une des plus importantes villes romaines et centre militaire des Balkans dans la période du 1er au 4ème siècle. Détruite en 440 par Bleda, roi des Huns, elle fut reconstruite partiellement sous le règne de Justinien, et fut définitivement détruite lors des invasions slaves de la région au 6ème siècle.

[16] Ulcisia Castra (appelée par après Castra Constantia, certainement après 175) est un fort auxiliaire romain qui faisait partie de la chaîne de postes militaires longeant le limes du Danube dans le secteur pannonien. Il était situé près de la ville de Szentendre (Saint-André) en Hongrie, à quelques kilomètres au nord de la forteresse légionnaire d’Aquincum (Budapest).

[17] Les vestiges de Singidunum sont situés sur le territoire de l’actuel centre-ville de Belgrade, en Serbie, et couvrent une période comprise entre le 1er et le 7ème siècle. Singidunum fut fondé au 3ème siècle av. jc par le peuple celte des Scordisques. Elle fut conquise et fortifiée par les Romains.

[18] Niš, aujourd’hui en Serbie

[19] une peuplade hunnique installée dans la région de la Mer Noire

[20] Les Gépides sont un peuple germanique du rameau ostique, proche des Goths, qui était installé en basse Vistule, puis au centre de l’Europe (bassin des Carpates, 269–670) durant le haut Moyen Âge. En 539, les Gépides, qui ont donné leur nom à la Dacie, anciennement Gothie mènent la guerre contre l’Empire d’Orient et s’étendent en Mésie. Vers 550, leur territoire comprend les terres situées entre Dobroudja et Tisza d’ouest en est, et entre Carpates et Danube, du nord au sud