Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie dite Mademoiselle de Nemours (1644-1724)
Aristocrate française-Régente du duché de Savoie
Issue d’une branche française de la Maison de Savoie [1], elle est la fille de Charles-Amédée de Savoie , duc de Genève [2], de Nemours [3] et d’Aumale [4] et d’ Élisabeth de Bourbon (1614-1664) . À ce titre, elle porta les titres de duchesse de Genève de 1659 à 1724 et d’Aumale de 1659 à 1686.
Arrière-petite-fille du roi Henri IV par César de Vendôme ou César de Bourbon , fils légitimé du roi et de Gabrielle d’Estrées, elle est apparentée à la famille royale et à Louis XIV mais aussi à la Maison de Lorraine [5] et aux Valois [6] en tant que descendante de Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur [7], frère de la reine Louise . Sa grand-mère est Françoise de Lorraine , Dame de Mercœur.
Ses frères moururent au berceau laissant les Savoie-Nemours [8] sans descendance mâle. Sa sœur, Marie-Françoise de Savoie , de 2 ans sa cadette, deviendra reine de Portugal [9].
Le duchesse-douairière de Savoie, Christine de France , souhaitant conserver les bonnes relations de son pays d’adoption avec son pays d’origine, avait envisagé le mariage de son fils avec Marie-Jeanne-Baptiste mais cette dernière avait été récusée par le cardinal de Mazarin au profit de Françoise-Madeleine d’Orléans , cousine germaine du roi. L’intriguant ministre craignait que Mademoiselle de Nemours, dotée d’un caractère affirmé, ne soit pas assez malléable. Ayant ensuite imposé au duc Charles IV de Lorraine , le Traité de Montmartre qui l’assujettissait à la France, le ministre rendit son âme à Dieu.
Pendant ce temps, Marie-Jeanne-Baptiste fut fiancée en 1662 à Charles V de Lorraine , neveu et héritier du duc Charles IV, mais les fiançailles furent rompues en 1665 quand le séduisant jeune homme dut s’exiler après la dénonciation par son oncle, du traité de Montmartre qui assujettissait la Lorraine à la France.
Au-delà des Alpes, Françoise-Madeleine ne resta pas longtemps le lien nécessaire entre la France et la Savoie et mourut à l’âge de 15 ans quelques mois après son arrivée à Turin [10] sans avoir donné de descendance à la Maison de Savoie. Le remariage du souverain savoyard s’imposait et de nouveau le nom de Mademoiselle de Nemours fut avancé sans personne pour s’y opposer.
Le 10 mai 1665, Marie-Jeanne-Baptiste épousa à Turin son cousin Charles-Emmanuel II, duc de Savoie [11] et prince de Piémont [12], fils de Victor-Amédée 1er de Savoie et de Christine de France, veuf de Françoise-Madeleine d’Orléans. La Maison de Savoie est alors très liée avec celle de France.
Ils eurent un fils unique, Victor-Amédée né en 1666 pendant la minorité duquel elle exerça la régence, veillant à conserver de bonnes relations avec son puissant voisin devenu son cousin le roi Louis XIV, elle fut soutenue dans sa tâche par l’archevêque François-Amédée Milliet de Challes et d’Arvillars .
Veuve dès 1675, ambitieuse et autoritaire, elle chercha à marier son fils unique à sa nièce Isabelle-Louise de Portugal , princesse héritière de Portugal. Le prince de Piémont aurait du quitter Turin pour Lisbonne [13] ce qui aurait permis à la duchesse douairière de conserver la régence de Savoie.
Cependant, ce mariage ne se fit pas. Le jeune duc fomenta un coup de force et démit sa mère de la régence. Pour éviter des représailles et conserver de bonnes relations avec son puissant voisin français, il épousa une nièce de Louis XIV, Anne-Marie d’Orléans en 1684.
En 1686, elle vend le duché d’Aumale à Louis-Auguste de Bourbon duc du Maine, bâtard légitimé du roi Louis XIV et de Madame de Montespan.
En 1696 une de ses petite-fille Marie-Adélaïde de Savoie épouse le duc de Bourgogne Louis de France, s’apprêtant à devenir reine de France. La vieille duchesse entretiendra avec sa petite-fille une correspondance pleine de tendresse mais le couple mourra prématurément en 1712.
Une autre de ses petites filles, Marie-Louise-Gabrielle de Savoie , épousera en 1701 un autre petit-fils de Louis XIV de France, le roi Philippe V d’Espagne. La jeune reine mourra en 1714.
Marie-Jeanne-Baptiste meurt à 80 ans en 1724. Son fils, duc de Savoie, par le traité d’Utrecht [14] est devenu roi de Sicile. Il échange celui-ci avec l’empereur et reçoit la Sardaigne [15].
Notes
[1] La maison de Savoie est une dynastie européenne ayant porté les titres de comte de Savoie (1033), puis de duc de Savoie (1416), prince de Piémont, roi de Sicile (1713), roi de Sardaigne (1720) et roi d’Italie (1861). Elle est l’héritière de la dynastie des Humbertiens, nom donné par l’historiographie moderne, aux premiers souverains, comtes en Maurienne issu du comte Humbert. L’origine de la maison de Savoie remonte vers 1032 lorsque le territoire qui aujourd’hui correspond à la Savoie est intégrée avec le second royaume de Bourgogne, au Saint Empire romain germanique. Loin de l’empereur allemand, les seigneuries se créent au hasard des guerres, des mariages et des donations.
[2] Le comté de Genevois désignait autrefois l’une des principautés du Saint Empire. Son territoire s’étendait aux terres autour de la cité de Genève, correspondant approximativement au canton homonyme et à la province actuelle du Genevois. Le comté est acheté, en 1401, par le comte voisin, Amédée VIII de Savoie.
[3] Préalablement comté français à la suite de l’acquisition de Philippe le Hardi en 1274, Nemours fut érigé en duché-pairie en 1404 par le roi Charles VI et donné à Charles III le Noble, roi de Navarre, en échange de la ville de Cherbourg qu’il avait rachetée en 1399 à Richard II d’Angleterre.
[4] Aumale est une actuelle commune du département français de la Seine-Maritime. Son histoire est marquée par le long usage des titulaires de son nom. Vers 1055 ou peu après, Aumale est définitivement rattaché à la Normandie. En 1194, Philippe II Auguste, roi de France, confisque Aumale à Guillaume des Forts. Il confie le comté en 1204 à Renaud de Dammartin, ancien comte de Boulogne. Le système de pairie d’Angleterre continuera à attribuer des titres de comte et duc liés à Aumale, mais en utilisant sa forme latine : Albemarle. Les « honneurs d’Aumale », un ensemble de terres dans le Yorkshire anciennement associé au titre normand, constituera le fief des comtes et ducs anglais
[5] maison souveraine et d’illustre ascendance" qui se glorifie de ses aïeux, prétendus (Charlemagne, Godefroy de Bouillon comme avérés (Henri de Lorraine, René 1er de Lorraine, René II de Lorraine...) dont les Guise, sont une branche établie en France où il disposent, alors, d’un immense pouvoir
[6] La maison de Valois est la branche cadette de la dynastie capétienne qui régna sur le royaume de France de 1328 à 1589. Elle succède aux Capétiens directs et précède les Bourbons.
[7] Les premiers sires de Mercœur étaient probablement apparentés à Ithier, comte d’Auvergne aux alentours de l’an 800 sous Charlemagne. La famille de Mercœur fut jusqu’au début du 14ème siècle l’une des plus puissantes d’Auvergne. Odilon, cinquième abbé de Cluny de 994 à 1049, est l’un de ses membres les plus connus
[8] La famille de Savoie-Nemours ou Genevois-Nemours constitue une branche cadette de la Maison de Savoie, qui dirige l’apanage du Genevois. Ces princes de 1514 à 1659 sont comtes, puis ducs apanagistes de Genevois et portent également les titres de « duc de Nemours » et « duc d’Aumale » du royaume de France voisin.
[9] Le royaume de Portugal est le régime politique du Portugal de 1139 à 1910. Cet État situé dans la partie occidentale de la péninsule Ibérique est également connu sous le nom de royaume du Portugal et des Algarves après 1415 et sous le nom de Royaume-Uni du Portugal, du Brésil et des Algarves entre 1815 et 1822. Le Portugal est une monarchie traditionnelle et absolue jusqu’en 1822. Il alterne ensuite entre l’absolutisme et la monarchie constitutionnelle de 1822 à 1834, avant d’adopter définitivement le constitutionnalisme en 1834. L’ancêtre de l’État portugais est le comté de Portugal, établi en 868 par Vímara Peres, un vassal du roi des Asturies, dans le cadre de la Reconquista. Le comté devient une partie du royaume de León en 1097, et les comtes portugais s’affirment comme les dirigeants d’un royaume indépendant au 11ème siècle, après la bataille de São Mamede en 1128 et le couronnement du roi Alphonse Ier en 1139. Le royaume est gouverné par la dynastie alphonsine jusqu’à la crise de 1383-1385, après quoi la monarchie passe entre les mains de la dynastie jeanine. Au même siècle, le Portugal noue une alliance avec l’Angleterre par un traité en 1373, ce qui constitue à ce jour l’alliance diplomatique et militaire la plus ancienne de la planète. Au cours des 15ème siècle et 16ème siècle, les découvertes portugaises établissent un vaste empire colonial. De 1580 à 1640, le Portugal est en union personnelle avec l’Espagne des Habsbourgs. Après la guerre de Restauration de 1640 à 1668, le royaume passe de la maison de Bragance puis à la maison de Bragance-Saxe-Cobourg et Gotha. À partir de cette époque, l’influence du Portugal commence à décliner, mais il reste encore une puissance majeure en raison de sa colonie la plus importante, le Brésil.
[10] Turin est une ville italienne, chef-lieu de la province du même nom et de la région du Piémont. Turin fut la capitale des États de Savoie de 1563 à 1720, du royaume de Piémont Sardaigne de 1720 à 1861 et du royaume d’Italie de 1861 à 1865.
[11] Le duché de Savoie est un ancien duché indépendant, noyau des États de Savoie, devenu Royaume de Sardaigne en 1713, et divisé entre la France et l’Italie en 1860. Le 19 février 1416, l’empereur Sigismond 1er érige le comté de Savoie en duché de Savoie, lui offrant une autonomie politique sans précédent. Les successeurs d’Amédée VIII de Savoie portent désormais le titre de duc jusqu’à ce qu’ils deviennent rois de Sicile, puis de Sardaigne au début du 18ème siècle.
[12] Au cours du Moyen Âge, se constitue autour de Turin la principauté de Piémont, gouvernée par une branche de la maison de Savoie, la lignée de Savoie-Achaïe. En 1418, à la mort de Louis de Savoie-Achaïe, la principauté du Piémont revient au duc de Savoie, qui a la faveur de l’empereur en tant que membre du parti gibelin. À partir de 1494, le Piémont est embrasé par les guerres d’Italie : dans la première moitié du 16ème siècle, le pays devient un théâtre d’opérations d’armées étrangères, ce qui bloque la vie culturelle. En 1563, le duc de Savoie et prince de Piémont décide de faire de Turin sa principale capitale, au détriment de Chambéry.
[13] Lisbonne est la capitale et la plus grande ville du Portugal. Lisbonne est prise par les Maures vers 719 et est rebaptisée al-ʾIšbūnah, sous le gouvernement desquels la ville prospère. Les Maures, qui étaient des musulmans du nord de l’Afrique et du Proche-Orient, construisent plusieurs mosquées, des habitations et les murailles de la ville, actuellement appelées Cerca Moura. La ville abrite une population mélangée de chrétiens, de berbères, d’arabes, de juifs et de saqālibas. L’arabe est imposé comme langue officielle. Le mozarabe reste parlée par la population chrétienne. L’islam est la religion officielle, pratiquée par les Maures et les muladís, alors que chrétiens et juifs peuvent pratiquer leur religion, en qualité de dhimmis’, à condition d’acquitter la djizîa
[14] Les traités d’Utrecht sont deux traités de paix signés en 1713 qui mirent fin à la guerre de Succession d’Espagne. Le premier fut signé à Utrecht le 11 avril entre le royaume de France et le royaume de Grande-Bretagne, le second fut signé à Utrecht le 13 juillet entre l’Espagne et la Grande-Bretagne.
[15] Le royaume de Sardaigne officiellement États du roi de Sardaigne jusqu’en 1847 est un État européen ayant existé de 1720 à 1861. Plus précisément, il s’agit de la dénomination et de la forme qu’ont pris les États de la maison de Savoie à partir de l’échange de l’île de Sicile pour celle de Sardaigne, jusqu’à la fondation du royaume d’Italie. En effet, le titre de roi de Sardaigne est obtenu par les ducs de Savoie contre la cession forcée du royaume de Sicile à l’Autriche en 1720, conséquence du traité de Londres et de la paix de La Haye. Le royaume de Sardaigne est à l’origine de la création du royaume d’Italie lors du Risorgimento et donc de l’Italie moderne.