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Marie-Anne de La Trémoille

lundi 25 avril 2022, par ljallamion

Marie-Anne de La Trémoille (1642-1722)

Princesse des Ursins

Née à Paris, la fille de Louis II de La Trémoille, marquis puis duc de Noirmoutier et de Renée fille de Jean Aubery seigneur de Tilleport.

Elle épouse en 1659, en premières noces, à l’âge de 15 ans, le prince Blaise de Talleyrand-Chalais [1]. En fuite après un duel, il entre en service du roi d’Espagne puis est fait prisonnier au Portugal.

Marie-Anne passe plusieurs années à Madrid en attendant la libération de son mari et y apprend la langue et les usages. Peu de temps après sa libération, Chalais meurt en Italie laissant Marie-Anne veuve.

En février 1675, elle devient princesse des Ursins en francisant le nom de son second mari, le prince romain Flavio Orsini, prince de Nerola [2] et duc de Bracciano [3], un des chefs de file du parti français à Rome, position difficile sous les papes Innocent XI , Alexandre VIII et Innocent XII. Il est plus âgé qu’elle de 22 ans : de ce mariage de raison, il espère obtenir des grâces financières de la part de Louis XIV, car malgré ses nombreuses possessions, il croule sous les dettes.

De nouveau veuve en 1698, la princesse des Ursins est alors réputée immensément riche. En réalité son mari ne lui a laissé que dettes et procès, notamment avec Livio Odescalchi , neveu d’Innocent XI, qui se considère héritier des titres et possessions, notamment le duché de Bracciano.

Elle joue un rôle politique de premier ordre à la cour d’Espagne au 18ème siècle en tant que camarera mayor [4] de la première épouse du roi Philippe V, Marie-Louise Gabrielle de Savoie . Ce poste de confiance lui est attribué par Louis XIV et Madame de Maintenon, avec un contrôle absolu sur le couple royal, Louis XIV la considère comme garante de son influence en Espagne.

Fine politicienne, elle promeut la popularité du jeune roi de 18 ans et sa reine de 14. Ayant rapidement gagné leur entière confiance, seule à y avoir accès, elle devient toute-puissante. Elle fait renvoyer du Despacho [5] les ministres espagnols et diplomates français qu’elle considère inefficaces, et tente quelques réformes.

Elle met de l’ordre dans les finances, l’étiquette de la cour, le gouvernement et essaie de diminuer l’influence de l’Inquisition. L’économiste Jean Orry travaille, sous sa protection, à un vaste programme d’assainissement et de centralisation des finances, alors désastreuses ; il réussit à doubler les revenus de l’État.

S’identifiant trop avec les intérêts de l’Espagne et court-circuitant la diplomatie française, réussissant à renvoyer les nombreux courtisans et diplomates français qui comptaient sur la naïveté du jeune roi pour promouvoir leur carrière, elle s’aliène graduellement l’appui de la cour de Versailles, tout en restant maîtresse du royaume. Les courtisans en place ou renvoyés l’accablèrent de médisances et de fausses accusations.

En 1704, Philippe V risquant de perdre son trône, le duc de Berwick Jacques Fitz James, envoyé pour sauver militairement le trône, obtient son renvoi temporaire pour avoir intrigué contre lui, ce qui laisse la reine inconsolable. Le même problème se repose avec le duc d’Orléans, où on l’accuse de retarder les envois de vivres destinées au siège de Lérida [6], ainsi que l’argent pour les troupes et les canons de 24.

Le regret qu’avait la reine d’Espagne de sa première dame d’atours fait que, dès le 13 janvier 1705, Louis XIV envoie une dépêche à Grammont afin de préparer son retour à Madrid, sous certaines conditions que rappelle Grammont au maréchal Adrien Maurice de Noailles .

Jusqu’en 1708, la princesse des Ursins, envoyée par Louis XIV et madame de Maintenon, afin de garantir les intérêts du royaume de France, réussit à remplir un double rôle. Seconder efficacement les souverains d’Espagne et satisfaire Versailles. Alors que Philippe d’Orléans prend Tortosa [7] en Espagne, le duc de Bourgogne Louis de France perd Audenarde [8]. Ajouté au fait que la France commence à manquer de tout, en plus d’un hiver terrible, cette défaite dans les Flandres, consommée après la perte de Lille, Louis XIV cherche un compromis de paix.

Or, les alliés contre la France et l’Espagne ne réclament pas moins que le départ de Philippe V, ou bien que Louis XIV laisse passer leurs troupes par son royaume, afin d’aller en Espagne. Allant plus loin, les Anglais qui ne veulent pas de la fin de la guerre qui leur laisse les coudées franches en Inde et en Amérique, demandent que Louis XIV déclare la guerre à l’Espagne.

Lorsque la nouvelle de ces offres de paix sont connues en Espagne, elle provoquent de l’inquiétude à la cour. La princesse des Ursins prend alors le parti de défendre l’Espagne contre la France : elle monte une intrigue afin d’empêcher le retour de Philippe d’Orléans, si jamais celui-ci voulait prendre le trône d’Espagne. L’affaire est révélée et montée en épingle et Philippe d’Orléans ne revint plus en Espagne.

À la mort de la reine, Philippe V se remarie, en 1714, avec Élisabeth Farnèse , nièce du duc de Parme. Dans un premier temps, ce mariage est souhaité par la princesse des Ursins, avant qu’elle ne tente d’en empêcher la conclusion. Elle échoue, et la nouvelle reine d’Espagne qui la fait renvoyer, à l’instigation du futur cardinal Jules Alberoni, qui prend sa place d’éminence grise. La princesse a alors plus de 70 ans. Elle rentre à Paris où elle est reçue froidement, ayant perdu la faveur de Louis XIV, en raison de ses intrigues, et l’amitié de madame de Maintenon.

La cause de cette disgrâce auprès de Versailles, selon Saint-Simon, est assez simple : la princesse des Ursins aurait favorisé le remariage du roi d’Espagne avec la fille du Prince de Parme, dont la famille représente une double mésalliance [9], ceci sans en informer Louis XIV, qui se donne tout pouvoir sur les alliances dans sa famille.

Elle se réfugie à Gênes [10] puis à Rome, où elle est respectée, malgré la vindicte de la reine d’Espagne, qui sera surnommée la virago de l’Espagne. Louis XIV lui garantit une pension. À sa mort, elle reçoit les honneurs de princesse, et est ensevelie dans le tombeau des Orsini à Saint-Jean-de-Latran [11].

En Espagne, Alberoni et la reine congédient les fidèles de la princesse, mais continuent son programme de bonne gestion et d’assainissement. Cependant, l’Espagne se retrouva bientôt de nouveau en guerre et l’Inquisition reprendra son pouvoir.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Marcel Loyau, "Correspondance de Mme de Maintenon avec la princesse des Ursins 1707-1709", Mercure de France, Le Temps retrouvé. 2014.

Notes

[1] La famille de Talleyrand-Périgord, olim de Grignols, est une famille de la noblesse française d’extraction chevaleresque, originaire du Périgord. Notamment illustrée par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun, homme d’État et diplomate français.

[2] Nerola est une commune italienne de la ville métropolitaine de Rome Capitale dans la région Latium en Italie.

[3] Bracciano est une commune de la ville métropolitaine de Rome Capitale dans le Latium en Italie.

[4] La Camarera mayor de Palacio (femme de chambre en chef du palais) était la fonctionnaire de la Maison royale et du Patrimoine de la couronne d’Espagne chargée de la personne et des chambres de la reine d’Espagne. Jusqu’à sa disparition en 1931, c’est le plus haut poste au service de la couronne d’Espagne pour une femme.

[5] Bureau

[6] Le siège de Lérida est l’un des épisodes de la guerre de Succession d’Espagne, survenu le 11 octobre 1707. Le 11 octobre 1707, un premier assaut sur le corps de la place. Les troupes françaises chassent les défenseurs catalans et aragonais (partisans du prétendant Charles) du chemin couvert, et le régiment d’Auvergne parvient à se loger sur la brèche le long de la contregarde. Les assiégés, étonnés de ses rapides progrès, sonnent le tocsin, garnissent les retranchements intérieurs et ouvrent sur le régiment un feu à bout portant épouvantable. Mais rien n’ébranle Auvergne. A 10 heures du soir, il était parfaitement couvert et maître de son logement. Le 14 octobre, la ville est occupée et la citadelle capitule peu de jours après.

[7] Tortose est une ville dans le nord-est de l’Espagne, en Catalogne. Elle est la capitale de la comarque de Baix Ebre dans la province de Tarragone.

[8] La bataille d’Audenarde est une bataille de la guerre de Succession d’Espagne qui eut lieu aux abords de la ville flamande du même nom, en Belgique, le 11 juillet 1708. L’armée française du duc de Vendôme y fut battue par les Impériaux du Prince Eugène et les Anglais du duc de Marlborough.

[9] bâtard d’un pape Paul III d’un côté, et bâtarde de Charles Quint de l’autre

[10] Gênes est une ville italienne, capitale de la Ligurie, premier port italien et deuxième port de la mer Méditerranée. Gênes est située sur le golfe de Gênes, partie septentrionale de la mer de Ligurie. La ville correspond à l’inclinaison de l’arc de cercle formé à cet endroit par la côte. Au nord de la ville commencent les Apennins, débouchant à proximité sur la plaine du Pô. Gênes offre une façade méditerranéenne au nord de l’Italie, à 193 km de Nice au sud-ouest, à 155 km de Milan au nord et à 518 km de Rome au sud-est.

[11] L’archibasilique Saint-Jean-de-Latran (San Giovanni in Laterano) est l’une des quatre basiliques majeures de Rome, édifiée sur le mont Latran. Son titre exact est basilique du Très-Saint-Sauveur et des saints Jean Baptiste et Jean l’Évangéliste. Premier édifice monumental chrétien construit en Occident, à partir de 320, elle est l’église cathédrale de l’évêque de Rome, le pape. Tout comme le palais du Latran qui lui est contigu, elle est la propriété du Saint-Siège et bénéficie à ce titre du privilège d’extraterritorialité. Elle est considérée comme la « mère » en ancienneté et dignité de toutes les églises de Rome et du monde. Elle porte le titre, inscrit sur le fronton, de « omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput », qui signifie « mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde ».