Né le 15 avril à Semur-en-Auxois [1]. D’origine bourguignonne, protestant de religion, il refusa toutes les propositions de s’installer à Paris. En revanche il accomplit de nombreux voyages à l’étranger, en particulier à Heidelberg [2] et à Leyde [3], où il occupa la chaire laissée par André Rivet, lequel succédait à Joseph Juste Scaliger.
Ses nombreux ouvrages d’érudition et ses polémiques lui ont valu une renommée universelle. La plupart des ouvrages d’érudition conservés à la bibliothèque de Bourgogne, sont écrits en latin et n’ont pas fait l’objet d’une traduction.
Son père voulut lui enseigner le latin et le grec. À 16 ans, il fut envoyé à Paris pour y compléter ses études, et c’est là que commencent ses liaisons avec Isaac Casaubon , dont l’influence fit incliner bientôt le jeune savant au protestantisme.
Recommandé par ce grand helléniste à Denis Godefroy et à Jean Gruter , Saumaise court, malgré son père, à l’université de Heidelberg, abjure les croyances catholiques, et, impatient de faire marcher de front avec l’étude du droit celle des antiquités grecques et romaines, il s’enferme avec Gruter dans la bibliothèque Palatine [4], la plus riche en manuscrits qui fût en Allemagne, mais tombe malade d’épuisement avant d’avoir publié son premier ouvrage.
Cet ouvrage était les deux livres de Nil Cabasilas , archevêque de Thessalonique [5], et celui du moine Barlaam sur la primauté du pape, l’un et l’autre enrichis de corrections et de notes et dédiés à l’avocat général Servin, dont la bienveillance avait été précieuse à Saumaise lorsqu’il étudiait à Paris.
On le voit dès lors correspondre avec Joseph Juste Scaliger, qui le comblait de louanges, et résoudre les doutes des plus habiles sur les difficultés sans nombre qu’offraient à cette époque les manuscrits où s’étaient conservés les classiques d’Athènes et de Rome. En 1610, il consent, par déférence pour son père, à s’inscrire au nombre des avocats au parlement de Dijon. Mais il ne parut pas au barreau, préoccupé du désir de compléter l’Anthologie grecque.
Le 5 septembre 1623, il épouse Anne Mercier, dont le père était une des colonnes du parti de la Réforme en France ; quant à sa femme, son caractère impérieux et tracassier rappelait l’humeur de la femme de Socrate. Ce mariage fixa Saumaise pour quelques années dans une maison de campagne voisine de Paris, et c’est là qu’il acheva son grand ouvrage sur Solin , ou plutôt sur l’Histoire naturelle de Pline [6].
Cependant son père, appuyé par le Parlement, essayait vainement de lui résigner sa charge. Le garde des sceaux Marillac fut inflexible, et toute la réputation de Saumaise ne put vaincre les scrupules du magistrat sur le danger de faire asseoir un protestant sur les fleurs de lys.
On ne sait si les refus de Marillac contribuèrent à son exil volontaire à Venise [7], Londres, La Haye [8] l’appelaient depuis longtemps. Il préféra la Hollande, et accepta à l’université de Leyde la place que Joseph Juste Scaliger y avait occupée au-dessus des professeurs.
Des craintes de peste le ramenèrent un moment en France ; toutes les séductions furent épuisées pour l’y retenir. Le titre de conseiller d’État, le collier de St-Michel, alors le second des ordres français, la promesse d’une pension égale à celle dont avait joui Grotius, ne purent balancer longtemps les espérances qu’il avait fondées sur ses coreligionnaires des Provinces-Unies.
Richelieu fit une deuxième tentative lorsque Saumaise revint, en 1640, recueillir la succession paternelle. Une pension de 12 000 livres lui fut offerte, s’il voulait écrire la vie du cardinal.
Saumaise répondit qu’il ne savait pas flatter, et il partit pour la Bourgogne. Richelieu mourut, et Mazarin s’efforça à son tour encore de fléchir la résistance du savant. Une pension de 6 000 livres fut accordée à Saumaise, et le brevet lui en fut expédié sans autre condition que son retour en France. Pour toute réponse à cette haute faveur, il fit imprimer son livre De primatu papa, qui souleva contre lui l’assemblée du clergé de France et fut dénoncé par elle à la reine mère et au parlement.
La reine de Bohême avait brigué l’honneur de sa correspondance, et Christine de Suède le pressait depuis longtemps de se rendre auprès d’elle. Le prince des commentateurs, entraîné par sa femme, accourut à la voix d’une souveraine qui lui écrivait en latin des lettres de sept pages et qui l’assurait qu’elle ne pouvait vivre contente sans lui. Mais, dans son second voyage, il ne tarda pas à être réclamé par les curateurs de l’académie de Leyde, qui écrivirent à leur tour à la reine que le monde ne pouvait pas se passer de la présence du soleil, ni leur université de celle de Saumaise, et Christine se laissa persuader.
À son retour, Saumaise fut admis par le roi de Danemark à sa table et reconduit à ses frais, comblé de présents, jusqu’aux frontières du royaume ; mais sa constitution, ne put se relever des fatigues de ce voyage. Il suivit en vain sa femme aux eaux de Spa [9]. Il mourut auprès d’elle, entre les bras d’un théologien calviniste, le 6 septembre 1653.
Christine lui fit faire une oraison funèbre et se chargea de l’éducation de son troisième fils. La mort de Claude Saumaise fut un événement en Europe. Son immense érudition, qui faisait dire hyperboliquement à Guez de Balzac que ce qui avait échappé à un tel homme manquait à la science et non à son génie, sa vaste correspondance, l’ardente persévérance de ses recherches avaient fait de son cabinet le centre des travaux de la philologie contemporaine.