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L’histoire pour le plaisir

Casperius Aelianus

dimanche 18 mars 2018, par lucien jallamion

Casperius Aelianus

Haut chevalier romain-Préfet du prétoire

Dès le début de son règne, Trajan le fait soit exécuter, soit le force à se retirer.

Si l’on prête foi à“ la Vie d’Apollonios de Tyane” [1], il aurait servi comme tribun militaire [2] de Vespasien, alors légat [3] de Judée, lorsque ce dernier se rend à Alexandrie en 69, pour se proclamer empereur romain lors de l’année des quatre empereurs

Il sert l’empereur Domitien comme préfet du prétoire [4], peut-être à partir de 84 ou 92. Il ferait suite à Lucius Iulius Ursus et Lucius Laberius Maximus, et officierait un temps aux côtés de Cornelius Fuscus jusqu’en 86. Il a peut-être ensuite comme collègue Marcus Mettius Rufus , tout du moins vers 92 puis Titus Flaius Norbanus .

Au début du règne, Domitien se montre libéral et juste. Il est loué pour son sens de la justice et de la religion.

S’il est déjà préfet, Aelianus participe peut-être aux côtés de l’empereur aux campagnes sur le Rhin en 83/87 et à la campagne de Dacie de Domitien [5] entre 85 et 89, pendant laquelle son collègue Cornelius Fuscus est vaincu et tué en 86, puis à l’expédition punitive en Germanie de 89/90.

Le naturel inquiet de Domitien, sa tendance à voir des complots partout, sa violence et son autoritarisme assombrissent la fin de son règne. Cette tendance s’aggrave après la conjuration de 89. Il met à mort quelques sénateurs et autres personnages distingués.

Selon Philostrate l’Athénien, Aelianus soutient par des moyens détournés Apollonios de Tyane, l’ayant connu en Égypte. Ce dernier a été banni de Rome sous Néron, aurait eu des entretiens avec Vespasien et Titus et aurait prédit la chute de Domitien. Il souhaite alors échanger avec l’empereur, et Aelianus favorise la rencontre. Philostrate l’Athénien fait dire à Aelianus que Domitien est un cruel tyran.

Apollonios est d’abord emprisonné par l’empereur, puis ses conditions de détention sont allégées suite à l’intervention d’Aelianus. Lors de son procès, il s’échappe hors de Rome puis d’Italie.

Vers 94, il est possible qu’Aelianus choisisse de se retirer, comme tant d’autres, le règne de Domitien devenant de plus en plus tyrannique, ou alors il est victime de la disgrâce de l’empereur.

En septembre 96, l’assassinat de Domitien implique l’impératrice Domitia Longina, un certain nombre de sénateurs, et se fait avec l’accord des préfets de la garde prétorienne, qui agissent directement ou choisissent en toute connaissance de cause de ne pas intervenir pour sauver l’empereur.

Nerva est proclamé empereur le soir même de l’assassinat et, dans la foulée, le Sénat décrète la damnatio memoriae [6] de Domitien.

Environ un an après l’assassinat de Domitien et l’accession au pouvoir de Nerva, alors que ce dernier a renvoyé les deux préfets impliqués dans le complot, l’empereur rappelle Aelianus, encore très populaire parmi les prétoriens, à son poste en 97.

C’est un choix malheureux pour l’empereur. Aelianus réclame avec ses soldats la tête des assassins de Domitien et assiège le palais impérial pour capturer les responsables de la mort du dernier des Flaviens, qui n’ont pas été condamnés par le nouvel empereur.

Il réussit à faire exécuter les meurtriers, dont l’ancien préfet du prétoire Petronius Secundus, et probablement Norbanus, malgré l’opposition de l’empereur, affaiblissant la position de Nerva.

L’empereur est même forcé de prononcer un discours public de remerciement de cette initiative.

Nerva réplique en prenant une initiative judicieuse. Il adopte solennellement Trajan, légat en Germanie [7], général à la tête de trois légions et militaire à la compétence éprouvée. Le Sénat ratifie en accordant à Trajan le titre de César, la puissance tribunicienne [8] et l’imperium majus [9]. Les prétoriens se souviennent aussi des événements de 69, et savent qu’ils ne peuvent affronter avec succès les légions. Pris de court, ils doivent s’incliner.

Peu de temps après, en janvier 98, Nerva meurt de causes naturelles. Trajan, qui est alors à Cologne, reste un temps au nord des Alpes. Il envoie quérir Aelianus et la garde prétorienne [10], sous prétexte d’avoir besoin d’eux et, selon Dion Cassius, les met hors de son chemin. Cela signifie probablement qu’il est exécuté, mais peut-être est-il juste forcé de se retirer. Trajan le remplace par Sextus Attius Suburanus Aemilianus .

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de John D. Grainger, Roman Succession Crisis of AD 96-99 and the Reign of Nerva, Routledge, 2003

Notes

[1] La Vie d’Apollonios de Tyane est une biographie romancée en huit livres consacrée au philosophe néopythagoricien Apollonios de Tyane, composée en grec ancien par le sophiste Philostrate d’Athènes au début du 3ème siècle.

[2] Le tribun militaire (en latin Tribunus militum) est un officier supérieur qui sert dans la légion romaine sous la Rome antique.

[3] Un légat est dans la Rome antique un chargé de mission délégué hors de Rome par le Sénat romain ou par un magistrat supérieur détenteur de l’imperium, puis par l’empereur.

[4] Le préfet du prétoire (præfectus prætorio) est l’officier commandant la garde prétorienne à Rome, sous le Haut-Empire, et un haut fonctionnaire à la tête d’un groupe de provinces, la préfecture du prétoire, dans l’Antiquité tardive.

[5] La guerre dacique de Domitien oppose l’Empire romain sous Domitien aux Daces en Mésie romaine et en Dacie et dans les années 85 à 89. En 85, les Daces envahissent la province romaine de la Mésie, dont le gouverneur est tué. Domitien contre-attaque et repousse les guerriers daces dans leur pays. L’année suivante, en 86, il envoie son préfet du prétoire Cornelius Fuscus mener une expédition punitive, mais celui-ci est battu et tué au combat. En 88, le nouveau commandant en chef, Lucius Tettius Iulianus, remporte une victoire importante mais ne peut pousser son avantage plus loin. La paix entre les parties est conclue en 89, Domitien devant faire face à la révolte d’Antonius Saturninus et de peuples germains. D’un côté, Décébale restitue armes et prisonniers romains, se reconnaissant souverain dépendant de l’empereur, même formellement, alors que les Daces sont mis dans la condition juridique des peuples clients de Rome. D’autre part, privé de contrôle direct, il peut accroître sa puissance par la présence des ingénieurs et des subsides envoyés de Rome, et il unifie le royaume dace sous son contrôle. Cette guerre est suivie une quinzaine d’années plus tard par les guerres daciques de Trajan en 101-102 et 105-106 qui se terminent par l’annexion du royaume dace par l’Empire romain et la création de la province de Dacie romaine.

[6] La damnatio memoriae (littéralement : « damnation de la mémoire ») est à l’origine un ensemble de condamnations post mortem à l’oubli, utilisée dans la Rome antique. Par extension le mot est utilisé pour toutes condamnations post mortem. Son exact contraire est la consécration ou apothéose, jusqu’à la divinisation.

[7] La Germanie est le nom donné, dans l’Antiquité, à la région d’Europe centrale séparée du monde romain par le Rhin et le Danube et s’étendant approximativement, à l’est, jusqu’à la Vistule. Le territoire de la Germanie était peuplée par les Celtes avant que divers peuples germaniques ne s’y installent au cours du 1er millénaire av. jc. La Germanie antique ne correspond pas à l’Allemagne actuelle, même si certains territoires importants des unes et des autres peuvent se superposer. Le nom de Germanie est utilisé par les Romains, avec différents qualificatifs, incluant des territoires qui ne sont pas aujourd’hui allemands d’une part, et des contrées actuellement allemandes sans aucune équivoque possible, qui n’étaient pas d’un point de vue administratif en Germanie romaine, d’autre part. Les anciens, depuis le 2ème siècle av. jc jusqu’à l’arrivée massive des peuples slaves au vie siècle, nommaient Germanie l’espace limité au nord par la mer Baltique et la mer du Nord, au sud par les Beskides occidentales et le nord des Alpes, à l’est par la Vistule et à l’ouest par le Rhin.

[8] Sous l’Empire, Auguste a le premier cumulé imperium et puissance tribunitienne, sans être lui-même tribun de la plèbe. Dès lors, la puissance tribunicienne a fait partie des pouvoirs détenus par l’empereur. L’empereur désignait d’ailleurs souvent son successeur en enjoignant au Sénat de lui attribuer cette qualité.

[9] Le terme latin d’imperium (« commandement ») désigne sous la Rome antique le pouvoir suprême détenu par le roi puis attribué à certains magistrats. L’imperium permet à son détenteur de jouir de deux formes de pouvoirs, le pouvoir militaire hors de Rome (imperium militiæ), et le pouvoir civil à Rome (imperium domi). L’Imperium Romanum est probablement l’expression latine la plus connue où le mot imperium est utilisé dans le sens d’un « territoire », l’Empire romain, une partie du monde sur laquelle Rome régnait. Sous l’Empire, l’empereur est détenteur de l’imperium majus, pouvoir suprême.

[10] Dans l’Antiquité romaine, la garde prétorienne était une unité de l’armée romaine constituée de soldats d’élite initialement recrutés en Italie. Ces unités tirent leur origine du petit groupe d’hommes dont s’entouraient les magistrats républicains connus sous le nom de préteurs et leur nom du camp des légions romaines où était dressée la tente du commandant de la légion, le prétoire, quand ils partaient en campagne. C’est l’une des unités militaires les plus célèbres de l’histoire romaine.