Adélaïde de Louvain ou Adelicia, Adèle, Aelis ou Aleliza (1103-1151)
Reine d’Angleterre
Seconde épouse du roi d’Angleterre Henri 1er Beauclerc. Fille de Godefroi le Barbu, duc de Basse Lotharingie [1], landgrave [2] de Brabant [3], comte de Louvain [4] et de Bruxelles, et de sa première épouse, Ide de Namur.
Elle épouse Henri 1er d’Angleterre, dit Beauclerc le 24 janvier 1121 alors qu’elle a 18 ans et son mari 53. Elle est couronnée le jour même ou le lendemain à Windsor. On pense généralement qu’Henri ne l’épouse que pour avoir un héritier mâle. Bien qu’il soit le monarque britannique à avoir engendré le plus grand nombre de bâtards, son seul héritier légitime, Guillaume Adelin l’a précédé dans la mort, noyé dans le naufrage de la Blanche-Nef [5] le 25 novembre 1120. En plus de lui donner la possibilité d’engendrer un fils, ce mariage renforce ses liens diplomatiques avec l’empire allemand.
Adélaïde, contrairement aux précédentes reines d’Angleterre, ne prend pratiquement pas part à la politique anglo-normande. Elle n’assure jamais la régence et ne joue aucun rôle à la cour du roi. Comme part de sa dot, elle reçoit, entre autres, le comté de Shropshire [6], qu’elle administre avec sa propre maison.
Ses deux premiers chanceliers, qu’elle a fait venir de Lorraine, se voit confier un évêché durant le règne d’Henri 1er. Geoffroy devient évêque de Bath [7] en 1123 et Simon, évêque de Worcester [8] en 1125.
Bien que le rôle d’Adélaïde de Louvain soit, au cours de son mariage, à la différence des autres reines anglo-normandes, mineur dans la vie publique anglaise, elle laisse néanmoins sa marque en tant que mécène de la littérature et plusieurs œuvres, y compris le bestiaire [9] que lui a dédié Philippe de Thaon . Elle aurait également commandité une biographie versifiée d’Henri Beauclerc, mais celle-ci n’a pas survécu. Ceci suggère qu’elle avait reçu une éducation littéraire dans sa jeunesse. Toutefois, en près de 15 ans de mariage, le couple n’a aucun enfant.
À la mort de son mari le 1er décembre 1135, Adélaïde se retire quelque temps au monastère de Wilton [10], près de Salisbury. Elle est présente à la consécration du tombeau d’Henri à l’abbaye de Reading [11] au premier anniversaire de sa mort. En 1138 ou 1139, elle se remarie avec un ancien conseiller de son mari, Guillaume d’Aubigny , amenant avec elle une dot de reine, y compris le grand château et l’honneur d’Angleterre. De plus, Étienne de Blois fera d’Aubigny comte de Lincoln [12], puis comte d’Arundel [13].
Durant la guerre civile anglo-normande [14], Adélaïde accueille sa belle-fille Mathilde l’Emperesse lorsqu’elle débarque à Arundel en septembre 1139. Assiégée par une armée, elle obtient un sauf-conduit pour elle. Elle et son mari restent loyaux à Étienne dans la suite du conflit.
Adélaïde est également devenue durant son 2ème mariage une bienfaitrice active de l’église, ayant donné, entre autres, des terrains à l’abbaye de Reading en l’honneur de son premier mari.
Adélaïde passera ses années dernières à l’abbaye d’Affligem [15] où elle décède probablement le 24 mars 1151. Elle est enterrée à côté de son père dans l’église de cette abbaye.
Notes
[1] Le duché de Basse Lotharingie est la partie nord de la Lotharingie (lorraine). Avec le temps, il sera appelé duché de Lothier.
[2] Titre porté au Moyen Âge par plusieurs princes germaniques possesseurs de terres relevant directement de l’empereur, en particulier les comtes d’Alsace, de Hesse et de Thuringe.
[3] Le titre de duc de Brabant a été créé lorsque l’empereur Frédéric Barberousse éleva en 1183/1184 le landgraviat de Brabant en duché en faveur de Henri 1er de Brabant. En 1190, Henri 1er succède à son père Godefroid III de Louvain comme duc de Basse-Lotharingie (Lothier), mais sans autorité territoriale ou judiciaire en dehors de ses propres comtés. À partir de 1288, les ducs de Brabant deviennent aussi ducs de Limbourg.
[4] Louvain est une ville néerlandophone de Belgique située en Région flamande, chef-lieu de la province du Brabant flamand et chef-lieu de l’arrondissement qui porte son nom. Elle est arrosée par la Dyle, affluent du Rupel. Louvain devint le centre de commerce le plus important du duché entre le 11ème et le 14ème siècle.
[5] La Blanche-Nef est un navire normand qui fit naufrage à Barfleur au large du Cotentin, le 25 novembre 1120 avec pas moins de 140 hauts barons et dix-huit femmes de haute naissance, filles, sœurs, nièces ou épouses de rois et de comtes à son bord, parmi lesquels l’héritier du trône d’Angleterre, le prince Guillaume Adelin, fils du roi Henri Ier Beauclerc.
[6] Shropshire aussi appelé Salop est un comté anglais des West Midlands en Angleterre. Il portait le nom anglo-normand de comté de Salopesberie d’où l’abréviation de Salop. Le chef-lieu est Shrewsbury, bien que la ville nouvelle de Telford soit la ville la plus peuplée.
[7] Bath est une ville du comté de Somerset, au sud-ouest de l’Angleterre. Elle se situe à 180 km à l’ouest de Londres et à 25 km au sud-est de Bristol,
[8] L’évêque de Worcester est à la tête du diocèse anglican de Worcester, dans la province de Cantorbéry.
[9] En littérature, un bestiaire désigne un manuscrit du Moyen Âge regroupant des fables et des moralités sur les « bêtes », animaux réels ou imaginaires. Par extension, on appelle bestiaire une œuvre consacrée aux bêtes. Par métonymie, le bestiaire d’un auteur ou d’un ensemble d’œuvres désigne les animaux mentionnés par l’auteur ou dans ces œuvres. Les bestiaires médiévaux connurent leur plus grande popularité en Angleterre et en France aux 12ème et 13ème siècles.
[10] L’abbaye de Wilton est un couvent bénédictin situé à Wilton, dans le Wiltshire, non loin de la ville de Salisbury. Fondé à l’époque anglo-saxonne, il disparaît en 1539, dans le cadre de la Dissolution des monastères. L’abbaye laisse alors place au manoir de Wilton House.
[11] L’abbaye de Reading est une vaste abbaye en ruine située au centre de la ville de Reading, dans le comté anglais du Berkshire. Elle a été fondée par le roi Henri 1er d’Angleterre
[12] En 1139, Étienne d’Angleterre créa le titre de comte de Lincoln pour Guillaume d’Aubigny. Cela offensa profondément, Guillaume de Roumare et son demi-frère Ranulph de Gernon, comte de Chester qui par leur mère, avaient hérité de vastes terres et de bâtiments dans ce comté. En décembre 1140, ces deux derniers prirent le château de Lincoln par la ruse, et le roi Étienne accorda le titre de comte à Guillaume de Roumare. Deux mois plus tard eu lieu la bataille de Lincoln dans laquelle le roi fut capturé. À sa libération, il confirma malgré tout le titre à Roumare. Les fréquents revirements d’alliance de son demi-frère Ranulph de Gernon, le puissant comte de Chester provoquèrent des reprises du titre par le roi en représailles. C’est pourquoi Guillaume d’Aubigny, comte d’Arundel est parfois mentionné comme « comte de Lincoln » dans certaines chartes.
[13] Ce titre fut créé la première fois vers 1141 pour le baron anglo-normand Guillaume d’Aubigny. Jusqu’au milieu du 13ème siècle, les comtes étaient aussi fréquemment connus en tant que comte de Sussex, jusqu’à ce que cet usage tombe en désuétude. À peu près au même moment, le titre passa à la famille d’origine bretonne FitzAlan, une plus ancienne branche de ce qui allait devenir la Maison Stuart, qui plus tard régna sur l’Écosse.
[14] À la mort du roi Henri 1er d’Angleterre, en 1135, Étienne de Blois s’empare du trône aux dépens de l’héritière légitime et désignée Mathilde l’Emperesse, la fille du défunt roi. En 1138, les partisans de l’Emperesse se déclarent, et un conflit ouvert éclate en Normandie, puis après le débarquement de celle-ci en Angleterre en 1139, sur le sol anglais. La guerre civile anglaise, aussi appelée Anarchie ou Naufrage (d’après celui de la Blanche-Nef au cours duquel Henri 1er perd son seul fils légitime), dure de 1138 à 1153. Elle ne cesse qu’après la signature du Traité de Wallingford en 1153 par lequel Henri, duc de Normandie et fils de l’Emperesse, est désigné héritier et successeur par Étienne.
[15] L’abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul d’Affligem, située dans la section Hekelgem, à Affligem, aux confins du Brabant flamand et de la Flandre-Orientale (Belgique), est un très ancien monastère fondé le 28 juin 1062 en tant qu’ermitage. À partir de 1085, l’abbaye bénédictine eut une grande importance dans le duché de Brabant. Supprimée en 1796, l’abbaye reprit vie en 1870 avec l’arrivée d’une nouvelle communauté monastique : elle compte aujourd’hui une vingtaine de moines.