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Geoffroy V de Joinville

vendredi 21 juin 2024, par lucien jallamion

Geoffroy V de Joinville (mort vers fin 1203/début 1204)

Chevalier croisé-Sénéchal de Champagne et seigneur de Joinville

Il s’attachera à son retour de Terre sainte, où il avait accompagné son père Geoffroy IV, à réparer les injustices commises par ses ancêtres et à confirmer les dernières volonté de son père, qui, avant de mourir en Palestine [1], avait renoncé à ses prétentions sur la vallée de la Blaise [2], pour rendre les terres et biens usurpés à l’abbaye de Montier-en-Der [3]. Il entendait mettre fin au conflit séculaire qui remontait à l’origine de sa maison.

Il quitta la troisième croisade [4] vers 1190, avant la fin du siège d’Acre [5] en y laissant son suzerain le comte de Champagne Henri II de Champagne .

Sa présence en son fief de Joinville [6], ses frères et sœurs étant encore bien jeunes est attesté par nombre d’actes authentifiés par le chef de famille.

Dès son retour sur son fief de Joinville, il s’empressa de restituer aux religieux les nombreux biens et contributions dont ses aïeux s’étaient emparés par la force.

Il fut sénéchal de Champagne [7]. C’est auprès de la comtesse Marie de France fille de Henri II de Champagne qu’il exerça principalement ses fonctions. La situation diplomatique était tendue car la politique des suzerains champenois s’exerçait en fonction des besoins locaux : ceux-ci soutenaient Richard Cœur de Lion en Orient plus que Philippe Auguste, mais ils étaient vassaux du roi de France en Champagne.

L’origine de cette querelle venait d’une simple histoire de prêt, le roi d’Angleterre ayant été plus libéral que le roi de France. S’y ajoute une question politique d’importance : la succession au trône de Jérusalem [8], les 2 rois ayant des candidats différents. Les croisés étaient divisés.

On accuse même le comte Henri II de Champagne d’être entré dans un complot pour faire périr Philippe Auguste.

Liens de suzeraineté obligent, nombre des vassaux du comte de Champagne se prononcèrent en faveur de Richard, contre Philippe.

Si Geoffroy V avait pris le parti d’Henri II de Champagne, la comtesse Marie suivait une politique toute différente de celle de son fils. Par sa mère, Aliénor d’Aquitaine, elle était sœur de Richard, mais elle n’oubliait pas qu’elle était fille de Louis VII, donc également sœur de Philippe Auguste.

Le comte de Champagne Thibaut III , encore jeune après le décès de sa mère, se ravisa et rendit l’hommage à Philippe Auguste. Geoffroy V, en vassal loyal, suivi le parti de son suzerain. En 1201, après le décès prématuré de son suzerain, il fut témoin à l’hommage rendu par l’épouse de Thibaut III, la comtesse Blanche de Navarre (1177-1229) à Philippe Auguste, et désigné comme un des barons qui se portèrent garants de la fidèle observation de cet hommage.

La même année, en 1201, les libéralités de Geoffroy envers les établissements religieux ne se ralentirent pas. Elles prirent un nouveau caractère, celui des aumônes que l’on faisait avant de partir pour la croisade : Geoffroy V s’est de nouveau croisé en 1199 et est en route vers la Terre Sainte lors de la quatrième croisade [9], à la fin de 1201 avec ses frères Robert et Simon. Il se signala par sa bravoure en Palestine.

Il paya de sa vie sa fidélité à ses devoirs de croisé : il mourut en combattant au krak des Hospitaliers [10], fin 1203 ou début 1204.

Il n’était pas marié. Sans postérité, la seigneurie de Joinville passa à son frère Simon.

C’est en raison de son courage lors de sa première campagne en Palestine, et aussi de son soutien politique, que le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion autorisera Geoffroy V à porter ses armes, en témoignage de reconnaissance.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Émile Jolibois, La Haute-Marne Ancienne et Moderne, 1971, (ISBN 2-84178-037-6).

Notes

[1] Le nom Palestine désigne la région historique et géographique du Proche-Orient située entre la mer Méditerranée et le désert à l’est du Jourdain et au nord du Sinaï. Si le terme « Palestine » est attesté depuis le 5ème siècle av. jc par Hérodote, il est officiellement donné à la région par l’empereur Hadrien au 2ème siècle, désireux de punir les Juifs de leur révolte en 132-135. Elle est centrée sur les régions de la Galilée, de la Samarie et de la Judée. Ses limites sont au nord la Phénicie et le mont Liban et au sud la Philistie et l’Idumée. À l’époque des croisades, le Pérée au nord-est de la mer Morte, la Batanée et la Décapole au-delà du Jourdain y étaient attachés. La Palestine peut désigner le territoire situé uniquement à l’ouest du Jourdain. Historiquement, elle correspond à Canaan, à la Terre d’Israël et fait partie de la région de Syrie (Syrie-Palestine). Les Arabes, qui ont conquis la Palestine sur les Byzantins dans les années 630, divisent la province d’al-Sham en cinq districts (jund), dont l’un garde le nom de « Palestine » et s’étend du Sinaï jusqu’à Akko (connue par les Chrétiens sous le nom de Saint-Jean-d’Acre) ; son chef-lieu est d’abord Ludd (Lod) puis, dès 717, ar-Ramlah (Ramla) et plus tard Jérusalem. Les autres villes les plus importantes sont Rafah, Gaza, Jaffa, Césarée, Naplouse et Jéricho. Ce district de « Palestine » était bordé au nord et à l’est par celui de « Jordanie », al-Urdunn, qui avait pour capitale Tibériade et incluait Akko et Tyr. Les frontières entre ces deux districts ont plusieurs fois varié au cours de l’histoire. À partir du 10ème siècle, cette division a commencé à tomber en désuétude, pour faire place finalement au royaume chrétien de Jérusalem. Sous le gouvernement des Croisés, est fondé en 1099, le royaume latin de Jérusalem ; Jérusalem redevient capitale d’un État. Après la défaite et le départ des Croisés, aux 12ème et 13ème siècles, les jund (districts) arabo-musulmans sont réintroduits, mais leurs frontières sont sans cesse redéfinies.

[2] La Blaise est une rivière française prenant sa source à Gillancourt dans le département de la Haute-Marne. Elle se jette dans la Marne, dont elle est un affluent de rive gauche, sur la commune d’Arrigny, dans le département de la Marne.

[3] L’ancienne abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul est l’église d’une abbaye bénédictine disparue, l’abbaye Notre-Dame de Montier-en-Der fondée au 7ème siècle et située à Montier-en-Der dans le département de la Haute-Marne. L’abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul est quant à elle consacrée le 26 novembre 998 par l’évêque de Châlons-sur-Marne. Elle est de nos jours l’église paroissiale, également connue sous le nom de Saint-Rémy (patron de la paroisse). La nef pré-romane est parmi les plus anciennes en France, et le chœur est l’un des rares exemples de l’architecture gothique champenoise avec Laon et Noyon

[4] La troisième croisade, qui débuta en 1189 et s’acheva en 1192, est une série d’expéditions menées par Frédéric Barberousse, empereur germanique, Philippe Auguste, roi de France, et Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre, dans le but de reprendre Jérusalem et la Terre sainte à Saladin. Cette croisade a permis la reprise d’un certain nombre de ports de Terre sainte, mais n’a pas permis la reconquête de l’arrière-pays, ni la reprise de Jérusalem. Cependant, la libre circulation à Jérusalem fut autorisée aux pèlerins et marchands chrétiens.

[5] Le Siège de Saint-Jean-d’Acre en 1191 est une opération militaire de la troisième croisade (1189-1191). Après la défaite écrasante de Hattin, la prise de Saint-Jean-d’Acre est la première opération de reconquête du royaume de Jérusalem, qui permettra à ce dernier de se maintenir encore un siècle.

[6] Joinville, appelée également Joinville-en-Vallage ou encore Joinville en Champagne, est une commune française située dans le département de la Haute-Marne

[7] Le sénéchal de Champagne était un haut dignitaire du comté de Champagne pendant la période comtale, membre de la cour du comte, qu’il présidait en l’absence de ce dernier. Comme tout sénéchal, il assistait son prince dans ses prérogatives exclusivement judiciaires, administratives et comptables. Comme le roi de France, certains des pairs laïcs avaient leur sénéchal et d’autres officiers à leur service (maréchal, connétable, vidame, baillis, bouteiller, chambrier).

[8] Le royaume de Jérusalem fut fondé par des princes chrétiens à la fin de la première croisade, lorsqu’ils s’emparèrent de la ville. C’est l’un des États latins d’Orient. On peut distinguer plusieurs périodes dans son histoire : celles où le titre de roi de Jérusalem est associé à la mainmise croisée sur la ville (1099-1187 et 1229-1244), et celles où le titre représente le plus haut niveau de suzeraineté des croisés en Terre sainte, mais durant lesquelles la ville en elle-même n’appartient pas aux soldats croisés. Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville et ne disparut réellement qu’avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291, soit moins de deux siècles plus tard.

[9] La quatrième croisade est une campagne militaire qui fut lancée de Venise en 1202. Levée à l’origine en vue de reconquérir les lieux saints sous domination musulmane, elle aboutit en fait à la prise et au pillage de la ville chrétienne de Constantinople par les croisés, et à la fondation de l’Empire latin de Constantinople qui dura de 1204 à 1261.

[10] Le krak des Chevaliers est un château fort, emblématique de la Renaissance du 12ème siècle. Datant de l’époque des croisades, il est situé dans l’ouest de la Syrie, sur les derniers contreforts du jabal Ansariya. Les Hospitaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem gèrent le fort de 1142 à 1271, date de sa conquête par Baybars, sultan des Mamelouks. Cette conquête met fin à 129 ans d’invincibilité du fort.