Il est un tenant de l’homéisme [1], puis d’un subordinationisme [2] trinitaire. On lui attribue l’évangélisation des Goths [3] et la traduction de la Bible dans leur langue à l’aide d’un alphabet conçu par ses soins, un événement aux répercussions religieuses et culturelles importantes.
Wulfila naît en territoire goth, sur les rives de la mer Noire. Si l’on en croit les sources chrétiennes, il appartient à une famille chrétienne hellénisée de Cappadoce [4], capturée par des Goths lors d’une de leurs incursions en Asie mineure à la fin du 3ème siècle. Il est cependant possible que cette tradition témoigne simplement d’une volonté de constituer un passé orthodoxe à celui qui propagera le christianisme chez les Goths.
Son nom est d’origine gotique et témoigne peut-être du degré d’intégration de ces familles de prisonniers chrétiennes chez les Goths, que semblent attester plusieurs auteurs anciens. En tout état de cause, il est vraisemblable que les captifs chrétiens furent les premiers vecteurs de la pénétration du christianisme chez les Goths et les Alamans [5]. Outre la langue des Goths, Ulfila maîtrise le grec et le latin qu’il a appris à écrire ; il se destine probablement à une carrière de clerc.
Selon les auteurs anciens, ses talents lui valent d’être ambassadeur pour son peuple d’adoption auprès de l’Empire romain d’Orient. Cependant, l’historiographie actuelle suggère également la possibilité d’une persécution en territoire des Goths Tervinges dès 340, qui oblige les chrétiens à une migration dans l’Empire.
En effet, il semble qu’une certaine christianisation des Goths avait commencé auparavant par des contacts avec le monde romain, peut-être par les prisonniers ou des marchands. La mention parmi d’autres de Nicétas le Goth , disciple d’un évêque du nom de Théophile présent au concile de Nicée, atteste d’une évangélisation d’un christianisme nicéen dont il reste quelques traces après Ulfila.
À Antioche [6], où l’empereur Constance II est présent pour un concile connu sous le nom “de synode de la Dédicace”, Wulfila entre en contact avec l’évêque arien Eusèbe de Nicomédie, qui le consacre évêque du pays goth en 341, dans un contexte ou l’arianisme [7] est favorisé par les empereurs Constance II puis Valens.
Suivant les récits anciens, pendant plusieurs années encore, Wulfila se consacre au prosélytisme dans les terres au-delà du Danube, mais le succès de la propagande chrétienne effraie le roi des Goths et une persécution a lieu entre 347 et 350, faisant se réfugier Wulfila dans l’Empire où l’accueille Constance II.
En tout état de cause, c’est ce dernier qui installe Wulfila et ses ouailles à Nicopolis [8], dans la province frontalière de Mésie Seconde [9]. Après son immigration dans l’empire, ce dernier n’est plus l’évêque de la Gothie, mais l’évêque de ce groupe ethnique que l’on appelle par la suite les Goths mineurs, établis durablement dans la région.
De plus, à la suite de la guerre civile entre tribus goths et des invasions des Huns, les Tervinges qui se sont convertis à la suite de leur chef Fritigern se réfugient à leur tour en 376 en Mésie, rejoignant et grossissant l’Église arienne des Goths mineurs. Ces migrants, sous la juridiction de l’évêque arien de Constantinople Démophile , forment le noyau à partir duquel se reconstituera le peuple gothique de l’Ouest [10] en terre romaine qui, resté attaché à l’arianisme, constituera l’Église wisigothique qui s’autonomisera avec la migration des Wisigoths vers l’Occident.
Wulfila meurt à Constantinople, à la veille du synode convoqué au printemps 383 par l’empereur Théodose qui marquera la fin de la domination des théologies arianisantes. Mis à part le nom de son successeur, Selena, on ne sait plus grand-chose de l’arianisme chez les Goths dans la partie orientale de l’Empire.