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Exécution de Mandrin le 26 mai 1755

samedi 3 août 2024, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 17 juillet 2013).

Exécution de Mandrin le 26 mai 1755

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Château de Rochefort en Novalaise, Lieu de la capture de Louis Mandrin

Né à Saint-Étienne de Saint Geoirs [1], Louis Mandrin est l’aîné d’une famille de 9 enfants. Il a 17 ans quand meurt son père, un maréchal-ferrant prospère.

Inapte à développer l’entreprise familiale, il signe en 1748 un contrat avec les collecteurs de taxes de la Ferme générale [2] en vue de ravitailler l’armée française qui guerroie en Italie.

A la fin de sa mission, ayant perdu la plupart de ses 97 mulets dans la traversée des Alpes, ne voilà-t-il pas que la Ferme générale refuse de le payer ! Là-dessus, son propre frère est pendu pour faux monnayage suite à une intervention de la Ferme générale. Lui-même participe à une rixe sanglante le 30 mars 1753 et doit s’enfuir pour échapper au supplice de la roue.

Devenu hors-la-loi, il prend la tête d’une bande de contrebandiers et déclare la guerre à la Ferme générale, non sans afficher son dévouement au roi ! Mandrin, qui a la fibre militaire, organise ses troupes comme une armée, avec solde, grades et discipline. En 1754, en l’espace d’une année, il organise en tout et pour tout 6 “campagnes”.

Au début de chaque campagne, il achète du tabac et quelques autres marchandises en Suisse et dans le duché indépendant de Savoie. Ensuite, il pénètre en territoire français avec quelques dizaines de complices, investit une ville ou une autre et vend ses marchandises au vu et au su de chacun, pour la plus grande satisfaction des habitants, ravis de l’aubaine. Les fermiers généraux ripostent en obtenant dès le printemps 1754 des lois contre les personnes qui achèteraient quoi que ce soit aux contrebandiers.

Louis Mandrin a l’idée, lors d’une campagne, à Rodez [3], de « vendre » ses marchandises aux employés locaux de la Ferme sous la menace des armes. En d’autres termes, il pille les caisses de l’institution. En octobre, sa cinquième campagne, au Puy [4], tourne mal. Elle lui vaut une grave blessure au bras suite à un échange de tirs avec les troupes de la Ferme générale.

La Ferme, cette fois, obtient du roi l’intervention de l’armée. Mandrin, qui eut tant aimé servir comme officier, est désolé par la perspective d’avoir à affronter des soldats royaux. Le régiment de chasseurs du capitaine Jean-Chrétien Fischer intervient précisément lorsque Mandrin lance sa sixième campagne, à Autun [5] et Beaune [6], le 19 décembre 1754. Les contrebandiers sont pris en chasse alors qu’ils quittent Autun. C’est le massacre. Mais Mandrin arrive in extremis à s’enfuir en Savoie.

Le capitaine des troupes de la Ferme générale, Alexis de la Morlière , déguise 500 de ses hommes en paysans et les fait pénétrer en toute illégalité sur le territoire du duché.

Louis Mandrin, le contrebandier de belle prestance que l’on surnommait « Belle humeur » est trahi par une femme. Il est pris avec 3 comparses au château de Rochefort [7] et ramené en France, à Valence [8].

Indigné par la violation de son territoire, le duc Charles-Emmanuel III de Savoie demande à son neveu Louis XV la restitution du prisonnier.

Comme le roi de France s’apprête à lui céder, la Ferme générale accélère les formalités de jugement de son ennemi juré. La condamnation tombe le 24 mai 1755 et elle est exécutée 2 jours plus tard.

Le 26 mai 1755, Louis Mandrin alors âgé de 30 ans est roué vif à Valence. Le condamné subit d’abord la torture des brodequins, ses jambes sont écrasées entre deux planches en vue de lui faire avouer le nom de ses complices. Puis il est conduit à l’échafaud, sur la place du Présidial. Le bourreau brise ses membres à coups de barre. Puis il expose le condamné face au ciel sur une roue de carrosse.

Le fier contrebandier supporte le supplice sans mot dire. Au bout de 8 minutes, le bourreau l’étrangle à la demande de l’évêque, touché par son repentir, mettant ainsi fin à ses souffrances.

Plusieurs milliers de personnes assistent à la scène. Très vite va se répandre la légende du bandit magnanime puni pour avoir volé les collecteurs d’impôts. La brève épopée de Mandrin est symbolique des iniquités fiscales dans les décennies précédant la Révolution française.

P.-S.

Source : Monique Hermite Historia mensuel - 01/01/2006 - N° 709, Hérodote, Dictionnaire le Petit mourre, encyclopédie Imago Mundi, Wikipédia, Louis XV de François Bluche....

Notes

[1] dans le département de l’Isère

[2] La Ferme générale est la jouissance d’une partie des revenus du roi de France, consentie par ce dernier, sous certaines conditions, à un adjudicataire dont les cautions forment la Compagnie des fermiers généraux. Créée par Louis XIV, à l’initiative de Colbert en 1680, l’institution avait pour vocation de prendre en charge la recette des impôts indirects, droits de douane, droits d’enregistrement et produits domaniaux. Par extension, la Ferme générale est le corps de financiers qui prend à ferme les revenus du roi ; ils ne sont donc pas de simples banquiers, mais également des gestionnaires de l’impôt. La Ferme n’assura pleinement l’ensemble de ces fonctions qu’entre 1726 et 1780. Les dirigeants et actionnaires de cette compagnie financière chargée du recouvrement de l’impôt sont appelés les « fermiers généraux ».

[3] Rodez est une commune française du Midi de la France, au nord-est de Toulouse. Elle est la préfecture du département de l’Aveyron. Ancienne capitale du Rouergue, la ville est siège du diocèse de Rodez et Vabres. Rodez a été successivement occupée par les Wisigoths, les Francs, les armées des ducs d’Aquitaine et des comtes de Toulouse, ainsi que par les Maures, qui l’investirent en 725 et mirent à bas l’église antique. Quelques siècles plus tard, ce seront les Anglais qui l’investiront lors de la guerre de Cent Ans. L’histoire de la ville resta marquée durant longtemps par une intense rivalité entre les comtes de Rodez, maîtres du Bourg, et les évêques de Rodez, maîtres de la Cité. Une muraille délimitait les deux secteurs. Chaque communauté avait un hôtel de ville, ses consuls, une administration propre ; chacune rivalisant de puissance, de rayonnement. Au bourg, la célèbre dynastie des comtes d’Armagnac et de Rodez, finit par acquérir des privilèges régaliens : battre monnaie à la tour Martelenque, porter la couronne comtale et persister à reconnaître un temps l’antipape Benoît XIII et ses héritiers Bernard Garnier et Jean Carrier. Cela amena inévitablement l’affrontement avec le roi de France en 1443. Le dauphin, futur Louis XI, vint occuper Rodez et soumettre le comte Jean IV. Plus tard, son fils aura une idée séditieuse en essayant de trahir Louis XI. Cela lui vaudra d’être massacré à Lectoure, avec sa famille, lors de sa fuite

[4] Le Puy-en-Velay, anciennement Le Puy, est une commune française, préfecture du département de la Haute-Loire. Capitale historique du Velay dans la partie sud-est du Massif central, la ville est réputée pour sa fabrication de la dentelle du Puy, la culture de la lentille verte du Puy et la production de verveine du Velay. Elle est aussi connue pour être le départ de la Via Podiensis, un des quatre chemins de Compostelle français.

[5] Autun est une commune française du département de Saône-et-Loire, située dans le parc naturel régional du Morvan. Sous-préfecture de Saône-et-Loire depuis 1790. Fondée par les Romains comme Augustodunum, sœur et émule de Rome au début du règne de l’empereur Auguste, capitale gallo-romaine des Éduens en remplacement de Bibracte, évêché dès l’Antiquité, Autun est jusqu’à la fin du 15ème siècle une cité prospère et un centre culturel influent, en dépit des pillages et des invasions.

[6] Beaune est une commune française située dans le département de la Côte-d’Or. Située à 45 kilomètres au sud de Dijon et 150 km au nord de Lyon, elle est la sous-préfecture de l’arrondissement de Beaune.

[7] Rochefort est une commune française située dans le département de la Savoie. La seigneurie est inféodée à Jean Grimaldi, baron de Beuil, après qu’il eut fomenté la dédition du comté de Nice à la maison de Savoie. Lieu de capture de Louis Mandrin, une ferme fortifiée (ou château), par les troupes des fermiers généraux français passés illégalement en Savoie.

[8] Valence est une commune du sud-est de la France, préfecture du département de la Drôme Située au cœur du couloir rhodanien, Valence est souvent désignée comme étant « la porte du Midi de la France ». Entre Vercors et Provence, sa situation géographique attire de nombreux touristes. Fondée en 121 av.jc après l’invasion de la Gaule narbonnaise par les Romains, elle se positionne rapidement comme étant le plus vaste carrefour de voies derrière Lyon3. Avec son importance grandissante, Valence accède au statut de colonie romaine. Au fil des siècles, la ville prend de l’ampleur et s’agrandit.