Né à Saint-Étienne de Saint Geoirs [1], Louis Mandrin est l’aîné d’une famille de 9 enfants. Il a 17 ans quand meurt son père, un maréchal-ferrant prospère.
Inapte à développer l’entreprise familiale, il signe en 1748 un contrat avec les collecteurs de taxes de la Ferme générale [2] en vue de ravitailler l’armée française qui guerroie en Italie.
A la fin de sa mission, ayant perdu la plupart de ses 97 mulets dans la traversée des Alpes, ne voilà-t-il pas que la Ferme générale refuse de le payer ! Là-dessus, son propre frère est pendu pour faux monnayage suite à une intervention de la Ferme générale. Lui-même participe à une rixe sanglante le 30 mars 1753 et doit s’enfuir pour échapper au supplice de la roue.
Devenu hors-la-loi, il prend la tête d’une bande de contrebandiers et déclare la guerre à la Ferme générale, non sans afficher son dévouement au roi ! Mandrin, qui a la fibre militaire, organise ses troupes comme une armée, avec solde, grades et discipline. En 1754, en l’espace d’une année, il organise en tout et pour tout 6 “campagnes”.
Au début de chaque campagne, il achète du tabac et quelques autres marchandises en Suisse et dans le duché indépendant de Savoie. Ensuite, il pénètre en territoire français avec quelques dizaines de complices, investit une ville ou une autre et vend ses marchandises au vu et au su de chacun, pour la plus grande satisfaction des habitants, ravis de l’aubaine. Les fermiers généraux ripostent en obtenant dès le printemps 1754 des lois contre les personnes qui achèteraient quoi que ce soit aux contrebandiers.
Louis Mandrin a l’idée, lors d’une campagne, à Rodez [3], de « vendre » ses marchandises aux employés locaux de la Ferme sous la menace des armes. En d’autres termes, il pille les caisses de l’institution. En octobre, sa cinquième campagne, au Puy [4], tourne mal. Elle lui vaut une grave blessure au bras suite à un échange de tirs avec les troupes de la Ferme générale.
La Ferme, cette fois, obtient du roi l’intervention de l’armée. Mandrin, qui eut tant aimé servir comme officier, est désolé par la perspective d’avoir à affronter des soldats royaux. Le régiment de chasseurs du capitaine Jean-Chrétien Fischer intervient précisément lorsque Mandrin lance sa sixième campagne, à Autun [5] et Beaune [6], le 19 décembre 1754. Les contrebandiers sont pris en chasse alors qu’ils quittent Autun. C’est le massacre. Mais Mandrin arrive in extremis à s’enfuir en Savoie.
Le capitaine des troupes de la Ferme générale, Alexis de la Morlière , déguise 500 de ses hommes en paysans et les fait pénétrer en toute illégalité sur le territoire du duché.
Louis Mandrin, le contrebandier de belle prestance que l’on surnommait « Belle humeur » est trahi par une femme. Il est pris avec 3 comparses au château de Rochefort [7] et ramené en France, à Valence [8].
Indigné par la violation de son territoire, le duc Charles-Emmanuel III de Savoie demande à son neveu Louis XV la restitution du prisonnier.
Comme le roi de France s’apprête à lui céder, la Ferme générale accélère les formalités de jugement de son ennemi juré. La condamnation tombe le 24 mai 1755 et elle est exécutée 2 jours plus tard.
Le 26 mai 1755, Louis Mandrin alors âgé de 30 ans est roué vif à Valence. Le condamné subit d’abord la torture des brodequins, ses jambes sont écrasées entre deux planches en vue de lui faire avouer le nom de ses complices. Puis il est conduit à l’échafaud, sur la place du Présidial. Le bourreau brise ses membres à coups de barre. Puis il expose le condamné face au ciel sur une roue de carrosse.
Le fier contrebandier supporte le supplice sans mot dire. Au bout de 8 minutes, le bourreau l’étrangle à la demande de l’évêque, touché par son repentir, mettant ainsi fin à ses souffrances.
Plusieurs milliers de personnes assistent à la scène. Très vite va se répandre la légende du bandit magnanime puni pour avoir volé les collecteurs d’impôts. La brève épopée de Mandrin est symbolique des iniquités fiscales dans les décennies précédant la Révolution française.