Fils de Jean de Luxembourg, petit fils de l’empereur Henri VII. Charles naquit à Prague [1] et fut baptisé sous le nom de Venceslas saint patron du Royaume de Bohême. Pour le soustraire à l’influence de sa mère, le roi Jean de Luxembourg, qui ne s’était jamais acclimaté en Bohême et qui considérait la France comme sa véritable patrie, l’envoya, âgé de 7 ans, à la cour de France, où il fut élevé sous la protection du roi Charles IV dont il reçut le nom. Il demeura en France pendant 8 ans et épousa une princesse française.
Quelques années plus tard, il revint en Bohême. Sa mère était déjà morte et il trouva le royaume dans un état lamentable, Prague délabrée, le château royal en ruine. Le jeune prince se décida à mettre de l’ordre dans l’administration du pays. Il s’appuya sur des hommes dont la plupart étaient des prélats cultivés ayant étudié dans les universités étrangères. Il fut soutenu également par une vague puissante de patriotisme. Le père de Charles, mécontent de cette activité, l’éloigna de nouveau pour 3 ans, mais il céda enfin et consentit à ce que son fils montât sur le trône comme héritier de la couronne. A la Diète du pays en 1341, Charles fut solennellement proclamé roi de Bohême. C’est ainsi que le roi Jean, devenu entre temps aveugle, permit à Charles non seulement d’accomplir son œuvre de reconstruction, mais aussi de prendre bientôt une place de premier plan dans la politique européenne.
Une occasion favorable ne se fit pas longtemps attendre. L’année suivante, fut élu en Avignon le pape Clément VI, qui se résolut à déposer Louis IV de Bavière. Depuis plus de 20 ans, Louis résistait aux excommunications pontificales, soutenu par l’opinion publique de l’Empire et par des hommes de science qui s’étaient réfugiés chez lui à Munich [2], tels Marsile de Padoue ou le franciscain [3] Guillaume d’Occam, auteur d’invectives passionnées dirigées contre la curie romaine. Comme l’empereur refusait de livrer à Rome ses protégés, le pape Clément VI se décida à mettre fin à cette lutte de plusieurs années ; il crut avoir trouvé en Charles l’homme capable de réaliser son projet. A la fin de l’année 1343, il invita les deux rois de Bohême dans sa résidence et au commencement de l’année 1344, il délibéra avec eux, dans le plus grand secret, sur les moyens à employer.
Après de solides préparatifs diplomatiques et militaires, le pape enjoignit à l’Empire d’élire un nouveau roi et au mois de juillet 1346, Charles, âgé de 30 ans, fut élu roi des Romains contre l’empereur Louis IV de Bavière.
Prince cultivé, ami de Pétrarque, il fit de sa cour un foyer d’humanisme et fonda l’université allemande de Prague [4] en 1349. A la mort de louis de Bavière, il fut couronné empereur à Rome en 1356. La même année il promulgua la fameuse bulle d’or, issue des délibérations de la Diète [5], tenue à Nuremberg ainsi qu’à Metz, établissant la procédure de l’élection des rois d’Allemagne. C’était un règlement électoral, soigneusement élaboré, destiné à empêcher les guerres pour la couronne impériale. La bulle fixait exactement et en détail les droits de chacun des sept électeurs, ainsi que les formalités de vote et de l’installation du nouveau roi. Comme la bulle ne soufflait mot du pape, observant sans le dire, mais avec décision, l’esprit caractéristique des lois anti-papales promulguées par les Diètes tenues sous Louis de Bavière, la Diète de Metz achève donc la première et la plus féconde décade du règne de Charles dans l’Empire. Charles aurait bien voulu poursuivre ses travaux législatifs, mais il y renonça, car il était de plus en plus souvent entraîné dans la guerre de Cent Ans. Toutefois, l’opinion publique des autres pays européens insistait auprès de Charles sur la nécessité de mettre fin à l’exploitation de la France par les papes. Charles, profitant d’un bref pontificat d’Urbain V, qui se décida à quitter en 1367 Avignon et à rentrer à Rome, entreprit en 1368 son deuxième voyage à Rome afin d’y raffermir la position du pape ainsi que l’autorité de l’Empire. Cependant, Urbain V retourna bientôt à Avignon.
Parvenu à l’apogée de sa puissance politique, Charles songea à assurer à son fils la succession de la couronne impériale. C’est pourquoi il voulut acheter au fils de Louis de Bavière le Brandebourg [6] avec la dignité de prince électeur et lorsque celui-ci refusa de céder le pays, Charles l’obligea par la guerre à renoncer à ses droits. Ces efforts de l’empereur provoquèrent le mécontentement dans l’Empire, toutefois il réussit en 1376, grâce à de nouveaux sacrifices, à faire élire son fils Venceslas roi des Romains. Ce fut son dernier succès. Il se rendit, bien que malade, à Paris, au cours de l’hiver 1377-78, mais ce voyage n’eut d’autre résultat que de ruiner sa santé. Il mourut au mois de novembre 1378, âgé de 62 ans.
Sous la dépendance de la papauté, il renonça à la politique impériale traditionnelle en Italie et ne s’occupa guère que de renforcer la puissance de sa maison de Bohème, par l’annexion de la Lusace [7] et de la Silésie [8]. Son règne, qui marqua un recentrage de la politique impériale sur le monde germanique et l’abandon de l’idéal du Saint Empire comme monarchie universelle, fut principalement axé sur le développement économique et intellectuel de la Bohême..
Malgré l’épidémie de la grande peste de 1349, l’Allemagne allait vivre grâce à ses talents de diplomate 30 années de paix. Il utilisa le produit des riches mines de Bohême pour assurer un véritable essor économique, et fit de Prague une capitale internationale de la science et de la culture en fondant la première université d’Allemagne.
Son action de bâtisseur et de mécène contribua à l’essor artistique et architectural de sa capitale par la construction du pont Charles [9] et du Radschin et achèvement de la cathédrale Saint-guy [10] par Peter Parler. C’est de son règne que date la première floraison de l’enluminure à Prague