Philippe 1er dit Philippe d’Alsace (1143-1191)
Comte de Flandre de 1157 à 1191-Comte de Vermandois de 1167 à 1191
Fils du comte de Flandre, Thierry d’Alsace, et de Sibylle d’Anjou . Son règne débute en tant que comte associé dès 1157, particulièrement durant les croisades de son père.
Il arrête le piratage des côtes flamandes en battant le comte Florent III de Hollande en 1163. Par héritage, il récupère le pays de Waes [1], et celui des Quatre Métiers [2] dans la Flandre impériale [3]. Son mariage avec Élisabeth de Vermandois porte la puissance flamande à son extension maximale. Il gouverne sagement avec l’aide de Robert d’Aire, évêque de Cambrai [4] et véritable premier ministre. Il met en place un système administratif efficace et assure une politique internationale reconnue, arbitrages entre Louis VII et Henri II Plantagenêt, entre Henri II et Thomas Becket, mariage de sa sœur Marguerite d’Alsace avec Baudouin V de Hainaut.
Sans enfants, et la mort en 1174 du sage Robert d’Aire, assassiné sur ordre du seigneur Jacques 1er d’Avesnes, et celles de ses frères en 1173 de Mathieu comte de Boulogne et en 1176 de Pierre de Flandre , comte de Nevers, marquèrent le début d’une politique plus imprudente. Il désigna formellement sa sœur Marguerite et son beau-frère Baudouin V comme héritiers en 1177 avant de se croiser.
De retour de Palestine, le roi Louis VII, malade, le nomma tuteur de son jeune fils, le futur Philippe Auguste. Ce dernier fut couronné roi le 1er novembre 1179.
Pour se concilier le nouveau souverain, il lui donne en mariage sa nièce Isabelle, avec en dot l’Artois. Dès la mort de Louis VII, Philippe Auguste marqua son indépendance. La guerre avec la France débuta en 1180 en dévastant la Picardie et le nord de l’Île-de-France. Le conflit se poursuivit progressivement à l’avantage du roi, qui refusa systématiquement le combat, mais manœuvra politiquement. En effet son beau-frère, Baudouin V de Hainaut fut d’abord son allié, mais va suivre finalement les intérêts de sa fille Isabelle, reine de France au bord de la répudiation. La brouille entre les 2 comtes est savamment organisée par le roi de France, qui va jusqu’à nommer à son insu le comte de Hainaut comme son représentant face au comte de Flandre !
La mort de son épouse Élisabeth de Vermandois envenime encore la situation en 1183, puisque Éléonore de Vermandois, sœur d’Élisabeth, qui a testé en faveur du roi, réclame le Vermandois [5] en héritage.
Philippe d’Alsace se remaria en 1185 avec Mathilde du Portugal dans l’espoir d’une progéniture qui n’arrivera pas. Craignant d’être pris définitivement en étau entre le domaine royal et le Hainaut, la paix fut signée à Amiens le 10 mars 1186. Il reconnaissait la cession du Vermandois au roi, mais le conservait à titre viager.
En 1190, il se croise, et rejoint la 3ème croisade en Palestine, où des contingents flamands l’ont précédé. Arrivé à Saint-Jean-d’Acre [6], il fut frappé par l’épidémie de peste et meurt de cette maladie le 1er juin 1191. Son corps fut rapatrié par Mathilde du Portugal, à qui le gouvernement de la Flandre avait été confié, et il fut enterré à Clairvaux [7].
Notes
[1] au nord de Gand
[2] Au Moyen Âge, on appelait Quatre-Métiers une région qui correspond approximativement à la Flandre zélandaise (Pays-Bas) et au nord de la province belge de Flandre-Orientale. Les Quatre-Métiers désignaient les quatre localités d’Axel, Hulst, Boekhoute et Assenede. Les Quatre-Métiers formaient, avec la Zélande, le pagus Maritima.
[3] La Flandre impériale désigne les fiefs des comtes de Flandre qui relevaient du Saint Empire romain germanique, par opposition à la Flandre royale qui était la partie du Comté de Flandre qui relevait du Royaume de France, à l’ouest de l’Escaut, et qui était largement majoritaire.
[4] Le diocèse puis archidiocèse de Cambrai est une circonscription de l’Église catholique romaine en France. De sa création à 1559, l’évêché comprenait toute la rive droite de l’Escaut jusqu’à son embouchure dans la mer du Nord. Il était bordé au nord et à l’est par le diocèse de Liège, au sud par les diocèses de Laon et de Noyon et à l’ouest par les diocèses d’Arras, réuni à Cambrai jusqu’en 1094, et de Tournai. Il était un des trois diocèses de Basse Lotharingie, avec ceux de Liège et d’Utrecht et comptait six archidiaconés : Cambrai, Brabant, Bruxelles, Hainaut, Valenciennes et Anvers, recouvrant approximativement l’ancien territoire des Nerviens. C’est en 1094, à l’initiative d’Urbain II, au cours de la querelle des Investitures, que l’ancien diocèse d’Arras, uni pendant longtemps à celui de Cambrai, en fut séparé et considéré comme un ressort distinct. Le roi de France et le comte de Flandre avaient tous deux intérêt à se débarrasser de l’ingérence d’un évêque allemand.
[5] Le pagus Viromandensis du haut Moyen Âge correspondait à la plus grande partie de l’évêché du même nom, sauf un petit secteur autour de Noyon, appelé pagus noviomensis ou Noyonnais. Il était l’héritier de la civitas Viromanduorum, le territoire des Viromanduens (en latin Viromandui), du nom du peuple gaulois qui occupait la région. Durant le haut Moyen Âge, sa capitale a probablement été Vermand ; à partir du 9ème siècle, c’est Saint-Quentin, fréquemment appelée dans les textes médiévaux, Saint Quentin en Vermandois. Le Vermandois est érigé en comté par Louis 1er, fils de Charlemagne, en faveur du fils illégitime de son aîné Pépin, roi d’Italie, dont la famille, dite des Herbertiens, le possédera jusqu’au milieu du 11ème siècle. Herbert IV, huitième descendant de Pépin, étant mort, Eudes, son fils, fut dépouillé par les barons de son comté, qui fut donné à Hugues de France dit ensuite Hugues 1er de Vermandois, frère du roi capétien Philippe de France, Hugues étant l’époux d’Adèle, fille d’Herbert IV. Le Vermandois passe à Raoul de Crépy. Il est le fils d’Hugues de France, comte de Valois et de Vermandois du chef de sa mère, Adèle. Il est de 1102 à 1152 le second comte de Vermandois et de Valois.
[6] Dans la continuité de l’Empire romain, la ville d’Acre fait partie de l’empire byzantin avant d’être conquise en 638 par les Arabes. Cette domination s’achève avec Baudouin 1er, le 26 mai 1104, lorsque la ville tombe aux mains des croisés. Reprise par le sultan Saladin, le 9 juillet 1187, elle est reconquise par les rois Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion durant la troisième croisade en juillet 1191. Elle devient au 13ème siècle la capitale du Royaume de Jérusalem et le principal port de Terre sainte. Au moins dès le 12ème siècle, des hommes s’inspirant du prophète Élie vivent en ermites dans les grottes du mont Carmel. Albert Avogadro, patriarche latin de Jérusalem, leur donne vers 1209 une règle de vie centrée sur la prière. L’appellation officielle de ce très ancien institut est celle d’Ordre de Notre Dame du Mont-Carmel, mais on les appelle habituellement en français les Grands Carmes. L’installation de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et la fondation de l’Hôpital apportent à la ville un nouveau nom, celui de Saint-Jean-d’Acre. Jusqu’en 1291, la ville sera un grand centre intellectuel, non seulement chrétien mais aussi juif. En effet, de nombreux Juifs, souffrant de persécutions en Occident, se rendent en Terre sainte. Le rabbin Yehiel de Paris y fonde une yeshiva qui sera connue au-delà de la Terre Sainte. Nahmanide, grand kabbaliste d’Espagne le remplacera. En 1291, la ville est prise par les mamelouks. Cette date marque la fin du royaume latin de Jérusalem et de la présence occidentale en Terre Sainte. Durant les croisades, la vieille ville d’Acre était divisée en quartiers contrôlés par des marchands venus de tout le pourtour méditerranéen, notamment vénitiens, pisans, génois, français et germaniques.
[7] L’ancienne abbaye de Clairvaux située à Ville sous la Ferté, dans l’Aube (région Champagne-Ardenne), à quinze kilomètres de Bar-sur-Aube, était un monastère cistercien fondé en 1115 par Bernard de Clairvaux et quelques compagnons, envoyés par Étienne Harding, abbé de Cîteaux. La personnalité de saint Bernard lui donna un rayonnement considérable. Avec La Ferté, Pontigny, et Morimond elle forme le groupe des quatre filles « majeures » (premières fondations) de Cîteaux, toute première abbaye de l’ordre cistercien. C’est de loin la plus prolifique, avec quatre-vingts abbayes-filles. Elle est supprimée lors de la Révolution française (1789).