Né au palais Beaumont à Oxford [1], le 24 décembre 1166, il est le quatrième fils de Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine.
En 1170, son père établit le testament qui doit régler sa succession entre ses 4 fils : Henri le Jeune aura les biens paternels, Angleterre, Anjou, Maine et Normandie, Richard héritera de l’Aquitaine, Geoffroy de la Bretagne et le plus jeune, Jean, mérite son surnom de sans Terre. Henri le Jeune mourra avant d’avoir hérité et c’est Richard qui devient l’héritier principal. Âgé de 18 ans, son père l’envoie gouverner l’Irlande d’où il est rappelé, au bout de 18 mois, à cause de ses manières brutales. Ignorant tout de la situation complexe du monde celtique, il se conduit de façon méprisante et offensante. Jean réussit l’exploit d’unir contre lui les 3 rois locaux pourtant ennemis mortels.
Lorsque Henri II meurt en 1189, c’est Richard, l’aîné des fils, qui lui succède. Il se montre généreux envers son frère Jean. Il le nomme comte de Mortain, en Normandie, lui donne en mariage la riche héritière Isabelle de Gloucester et lui confie les revenus de plusieurs comtés. En 1193, de retour de croisade, Richard est fait prisonnier par le duc Léopold d’Autriche, avec lequel il s’était querellé durant la croisade.
Jean s’empare du pouvoir en Angleterre et fait tout ce qui est possible pour retarder la libération de son frère. Quand son frère réussit à s’enfuir en 1194, il se réfugie à Paris où il demeure pendant 5 ans.
En 1199, il s’empresse de recueillir l’héritage de son aîné. Il est couronné duc de Normandie à Rouen le 26 avril et devient roi d’Angleterre le 27 mai. Mais un autre prétendant brigue le royaume anglo-normand : Arthur de Bretagne, le fils de son frère Geoffroy soutenu par Philippe Auguste, roi de France.
En 1200, Jean et Philippe trouvent un accord dont Arthur va faire les frais, Philippe récupère alors le comté d’Evreux [2]. Mais ce rapprochement ne va guère durer car Jean commet une faute irréparable, après avoir divorcé d’avec Isabelle, la fille du comte de Gloucester qu’il avait épousé en 1189, il enlève et épouse quasiment de force, Isabelle, la fille du comte d’Angoulême déjà promise à Hugues de Lusignan. Le père et l’ex-fiancé font appel à Philippe qui somme son vassal de comparaître en sa cour. Comme il ne se présente pas, il est condamné par défaut et déchu de ses terres continentales. Philippe Auguste relance alors Arthur de Bretagne mais Jean va s’en emparer, l’emprisonner à Rouen et le faire assassiner en 1203.
Cette fois ç’en est trop, les Bretons rallient Philippe et Jean se décide à fuir en Angleterre en abandonnant la Normandie à son sort. Les Bretons attaquent à l’ouest, s’emparent du Mont St Michel et mettent Avranches à sac. Pendant ce temps, Philippe met le siège devant Château Gaillard [3]. Les Normands vont résister et se faire massacrer jusqu’au 6 mars 1204.
La Normandie est alors un pays ouvert et les Français rejoignent les Bretons, les Normands écœurés par l’inertie de Jean se rendent sans résistance contre la promesse que leurs chartes soient respectées. Seule Rouen décide de résister à l’envahisseur mais faute de secours, elle se rend le 24 juin 1204.
Cette date représente l’annexion de la Normandie comme simple province du royaume de France après 3 siècles d’indépendance. Jean Sans Terre conserve l’Angleterre, les îles Anglo-normandes et l’Aquitaine.
En 1205, à la mort de l’archevêque de Canterbury, le pape Innocent III consacre un théologien anglais, Étienne Langton pour succéder au défunt. Jean refuse l’entrée en Angleterre de Langton car il souhaite voir accéder à cette charge son ami John de Gray, évêque de Norwich [4]. Le 23 mars 1208, Innocent III jette l’interdit sur le royaume, paralysant ainsi toute la vie religieuse du pays. Il excommunie le roi quelque mois plus tard. Le roi Jean riposte en confisquant les biens du clergé. Privé de service religieux, le royaume est au bord de la révolte. En mai 1213, le roi est obligé de se soumettre à une humiliante capitulation. Étienne Langton est admis comme archevêque. Jean doit payer des dédommagements au clergé et se reconnaître vassal du pape tout en acceptant de lui verser un tribut de 1000 marks par an soit environ un soixantième des taxes directes du royaume.
Jean sans Terre était un roi redoutable, mais pas plus que l’étaient son père Henri II et son frère Richard. Par ailleurs, il savait se montrer généreux en organisant des distributions de nourriture pour les pauvres. Il était méticuleux dans l’organisation de son emploi du temps. Il lisait le latin, le français et l’anglais, et son éducation était de loin supérieure à celle de nombreux souverains médiévaux. Il s’intéressait à la philosophie, au droit, à l’histoire et à la théologie. Il ne se séparait jamais de ses livres, même en voyage.
Il meurt le 18 octobre 1216 en léguant sa couronne à son fils aîné Henri III.