Al-Ḍaḥḥāk ibn Qays al-Shaybānī
Chef d’une rébellion kharijite [1] généralisée mais infructueuse en Irak [2] contre le calife omeyyade [3] Marwan II de 745 jusqu’à sa mort au combat en 746.
La déposition d’al-Walid II au printemps 744 marque le début d’une période turbulente dans le califat omeyyade. Son successeur Yazid III mourut quelques mois plus tard, et l’ambitieux gouverneur d’Arménie [4] et d’Azerbaïdjan [5], Marwan ibn Muhammad, se rebella contre le successeur désigné de Yazid, Ibrahim ibn al-Walid . Marwan a réussi à prendre le contrôle de Damas [6] et de la Syrie [7], mais ailleurs son autorité allait de théorique à inexistante.
En Irak, cette tourmente a débordé sous la forme d’une lutte entre le gouverneur de Yazid III, Abdallah ibn Umar ibn Abd al-Aziz , et le représentant nommé par Marwan, al-Nadr ibn Sa’id al-Harashi. Ce conflit a permis aux Kharijites de se soulever. Cette révolte fut initialement menée par Sa’id ibn Bahdal, mais il mourut bientôt de la peste, et fut remplacé par Dahhak.
Dahhak rassembla rapidement une armée importante et réussit à vaincre les 2 gouverneurs rivaux, qui avaient uni leurs forces, en avril/mai 745. À la suite de leur défaite, al-Harashi retourna à Marwan et Abdallah ibn Umar se retira dans la forteresse de Wasit [8], où il fut bientôt assiégé.
En août, cependant, Ibn Umar se rendit et, dans un acte sans précédent pour un membre de la dynastie omeyyade et de la propre tribu Quraysh [9] du Prophète, rendit hommage à Dahhak, qui n’était ni l’un ni l’autre et qui avait maintenant été déclaré calife par ses disciples.
Koufa [10] fut occupée par les forces de Dahhak et devient son siège, tandis qu’Ibn Umar est nommé gouverneur de Wasit, de l’est de l’Irak et de l’ouest de la Perse.
La générosité de Dahhak pour récompenser ses partisans, ainsi que l’attrait de la doctrine kharijite ont rapidement gonflé ses rangs, jusqu’à ce que son armée ait atteint 120 000 hommes. Entre autres, le général Sulayman, fils du calife Hisham ibn Abd al-Malik et adversaire de Marwan, se réfugia auprès de lui.
Alors que Marwan était préoccupé par le siège du frère de Sulayman, Saïd, et de ses partisans à Homs [11], Dahhak marcha sur le nord dela Mésopotamie. Après avoir pris Mossoul [12], Marwan ordonna à son propre fils Abdallah, qui résidait à Harran [13], d’affronter l’avancée des Kharijites. Abdallah fut cependant vaincu et se retira à Nisibe [14], où il fut assiégé.
Cependant, après la chute de Homs, Marwan et son armée se déplacèrent rapidement vers l’est. Les 2 armées se rencontrèrent à al-Ghazz à Kafartuta en août/septembre 746, et les forces de Dakhak furent vaincues de manière décisive, Dahhak lui-même tombant au début de la bataille.
Son successeur, al-Khaybari, tenta de renouveler l’attaque, mais il fut également tué. La rébellion kharijite persista, sous Abu Dulaf, pendant une autre année, mais à la fin de 747, la Mésopotamie, l’Irak et la Perse avaient été sécurisés par Marwan.
Notes
[1] Le kharidjisme ou kharijisme est une secte de l’islam apparue lors de la première fitna et le conflit entre Ali et Mu’awiya. Selon al-Shahrastani, un khariji est toute personne qui se révolte contre le dirigeant autour duquel sont réunis les musulmans. Les khawarij sont ainsi considérés comme des dissidents. Le kharijisme est l’une des toutes premières factions apparues en Islam. Les kharijites se divisèrent, par la suite, en une multitudes de groupes (près d’une vingtaine). Sept d’entre eux ont été principalement recensés : les mouhakkimites, les azraqites, les najadites, les thaalabites, les ajradites, les ibadites et les sufrites. Tous partagent des fondements communs comme l’excommunication (takfir) des musulmans commettant des grands péchés, l’obligation de se révolter contre le dirigeant injuste ou débauché, ou encore l’excommunication de certains compagnons de Mahomet.
[2] L’histoire de l’Irak commence avec la Mésopotamie ; la région abrite quelques-unes des plus anciennes civilisations du monde, Sumer, Assyrie, Babylone. Les vallées du Tigre et de l’Euphrate appartiennent ensuite à une succession d’empires qui lui sont étrangers : empires perse achéménide, grec (Alexandre le Grand suivi des Séleucides), Parthes, Sassanides. À l’époque pré-islamique, cette région porte le nom de Khvarvaran, qui est une des provinces de l’empire Sassanide. Le nom Irak dérive du terme persan Erak, qui signifie « bas-Iran ». Conquis par les Arabes sous les Omeyyades, l’Irak est, un temps, le centre du monde musulman sous les Abbassides. L’Irak redevient ensuite un champ de bataille entre les empires du Moyen-Orient, jusqu’à la conquête britannique en 1918, qui en fait un État souverain sous mandat anglais.
[3] Le Califat omeyyade est un califat fondé par la dynastie arabe des Omeyyades, qui gouverne le monde musulman de 661 à 750. Les Omeyyades sont originaires de la tribu de Qurayš, qui domine la Mecque au temps du prophète Mahomet. À la suite de la guerre civile ayant opposé principalement Muʿāwiyah ibn ʾAbī Sufyān, gouverneur de Syrie, au calife ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib, et après l’assassinat de ce dernier, Muʿāwiyah fonde le Califat omeyyade en prenant Damas comme capitale, faisant de la Syrie la base d’un Califat qui fait suite au Califat bien guidé et qui devient, au fil des conquêtes, le plus grand État musulman de l’Histoire. Ainsi, les successeurs de Muʿāwiyah 1er étendent les frontières du Califat de l’Indus jusqu’à la péninsule Ibérique, entrant en guerre à plusieurs reprises notamment avec l’Empire romain d’Orient et l’Empire khazar, et faisant disparaître le Royaume wisigoth. Le Califat omeyyade s’étend même au-delà des Pyrénées avant d’être arrêté par Charles Martel à la bataille de Poitiers en 732
[4] Au 1er siècle av. jc, le royaume d’Arménie sous Tigrane le Grand atteint son apogée. L’Arménie fut la première nation à adopter le christianisme comme religion d’État en 301. Bien que l’Arménie actuelle soit un pays constitutionnellement séculier, la religion chrétienne y tient une place importante. Au 9ème siècle, le royaume d’Arménie est rétabli par la dynastie bagratide. Les guerres contre les Byzantins l’affaiblirent jusqu’à sa chute en 1045 puis l’invasion des Turcs seldjoukides s’ensuivit. La principauté et ensuite le royaume arménien de Cilicie a perduré sur la côte méditerranéenne entre les 11ème et 14ème siècles.
[5] Pays du Caucase situé sur la ligne de division entre l’Europe et l’Asie. Sa capitale est Bakou, sa langue officielle est l’azéri et sa monnaie est le manat. Du 7ème au 10ème siècles, la région connaît un essor politique, sous les Sajides, les Chirvanchahs, les Salarides, les Ravvadides et les Cheddadides. Au 12ème siècle, après l’effondrement de l’Empire seldjoukide, les Atabegs d’Azerbaïdjan règnent depuis leur capitale de Nakhitchevan, puis d’Ardabil, et enfin de Tabriz, sur l’Azerbaïdjan iranien actuel et sur l’Arran (l’Azerbaïdjan moderne). Leur territoire est ensuite conquis par le Khwarezmchahs Jalal ad-Din au 13ème siècle, dont l’État succombe ensuite aux Mongols. Au 13ème siècle, l’Empire mongol des Khulaguides est fondé, avec sa capitale à Tabriz.
[6] Damas est l’une des plus anciennes villes continuellement habitées. Elle est aussi la ville la plus peuplée de la grande Syrie (Assyrie) (des traces archéologiques remontent au 4ème millénaire av. jc). Elle est citée dans la Bible, dans le livre de la Genèse, et plusieurs fois dans les Livres des Rois et des Prophètes. Damas connut l’influence de nombreuses civilisations dont celles des Assyriens, Perses, Grecs, Séleucides, Romains, Arabes et Turcs. De la fin du 12ème siècle av. jc à 734 av. jc, elle est la capitale du royaume d’Aram-Damas. Elle fut l’un des berceaux du christianisme et vit saint Paul prononcer ses premières prédications, notamment dans la maison d’Ananie, où celui-ci a ouvert une église domestique dès l’année 37. Cette dernière est la plus vieille de Syrie (aujourd’hui dans le quartier chrétien de Bab Touma). En 635, Damas se soumit aux musulmans et devint la capitale de la dynastie des Omeyyades de 661 à 750. Avec l’adoption de la langue arabe, elle devint le centre culturel et administratif de l’empire musulman durant près d’un siècle. Par la suite, elle demeura un foyer culturel majeur et un pôle économique de premier plan profitant de sa situation géographique privilégiée, à la croisée des chemins de La Mecque, l’Afrique, l’Anatolie, la mer Méditerranée et l’Asie (route de la soie en direction de la Chine et du commerce des épices avec l’Inde).
[7] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.
[8] Wasit est le nom d’un site archéologique d’Irak. Elle a été nommée ainsi par son fondateur car elle est à mi-chemin de Bassora et Bagdad sur la rive gauche du Tigre. La ville de Wâsit a été fondée par Al-Hajjaj ben Yusef en 702 pour être sa résidence lui permettant de contrôler la frontière avec la Perse.
[9] Les Quraysh ou Qureshi est une tribu arabe qui habitait et contrôlait La Mecque et la Kaaba. Composé de 10 clans principaux, il comprend le clan Hashim dans lequel le prophète islamique Mahomet est né. En 600 de notre ère, les Quraysh étaient devenus de riches marchands, dominant le commerce entre l’océan Indien, l’Afrique de l’Est et la Méditerranée. Ils ont fait circuler des caravanes à Gaza et Damas en été, et au Yémen en hiver. Ils ont également exploité et poursuivi d’autres entreprises sur ces routes, en faisant passer les intérêts commerciaux en premier.
[10] Koufa ou Kûfa est une ville d’Irak, environ 170 km au sud de Bagdad, et à 10 km au Nord-est de Nadjaf. Elle est située sur les rives du fleuve Euphrate. C’est la deuxième ville de la province de Nadjaf. Avec Kerbala, et Nadjaf, Koufa est une des trois villes irakiennes de grande importance pour les musulmans chiites.
[11] Homs, anciennement Émèse est une ville de Syrie, située sur l’Oronte à la sortie d’un lac artificiel, au centre d’une plaine vaste et fertile qui s’étend, à environ 500 mètres d’altitude, au débouché septentrional de la vallée de la Bekaa. Ce site constitue un carrefour des axes qui relient Damas à Alep (à environ 140 et 170 km de Homs respectivement) et d’est en ouest, via une trouée naturelle dans la double barrière montagneuse qui longe le littoral levantin l’oasis de Palmyre (à 150 km) à la mer Méditerranée (les ports de Tartous et de Lattaquié sont à 80 et 120 km)
[12] Mossoul est une ville du nord de l’Irak, chef-lieu de la province de Ninive, en Haute mésopotamie. Appartenant de jure à l’Irak, Mossoul est située sur les ruines de Ninive. C’est la ville qui lui a succédé comme métropole régionale à l’époque chrétienne. Elle est alors d’obédience nestorienne et abrite les tombes de plusieurs évangélisateurs. Prise en 641 par les Arabes, elle devient le principal pôle commercial de la région en raison de son emplacement, au carrefour des routes de caravanes entre la Syrie et la Perse. C’est à cette époque qu’elle devient réputée pour ses tissus fins de coton, les mousselines, ainsi que pour son marbre. Au 10ème siècle, l’émirat de Mossoul acquiert une quasi-indépendance avant de devenir au 11ème siècle la capitale d’un État seldjoukide. Au 13ème siècle, elle est conquise et pillée par les Mongols. En 1262, elle passe sous domination perse, puis ottomane.
[13] Harran est une municipalité et un district de la province de Şanlıurfa en Turquie. Sa superficie est de 904 km2. Il se trouve à environ 40 kilomètres au sud-est d’Urfa et à 20 kilomètres du poste-frontière syrien d’Akçakale. Harran fut fondée à un moment donné entre le 25ème et le 20ème siècle av. jc, peut-être en tant que colonie marchande par des commerçants sumériens d’Ur. Au cours de son histoire, Harran est rapidement devenu un important centre culturel, commercial et religieux mésopotamien. Elle est devenue une ville influente sur le plan religieux et politique grâce à son association avec le dieu de la lune Sin ; de nombreux dirigeants mésopotamiens éminents ont consulté et rénové le temple lunaire d’Ekhulkhul à Harran. Harran passa sous la domination assyrienne sous Adad-nirari 1er et devint une capitale provinciale, souvent la deuxième en importance après la capitale assyrienne d’Assur elle-même. Lors de l’effondrement de l’Empire assyrien, Harran fut brièvement la dernière capitale de l’Empire néo-assyrien.
[14] ville située aux confins des empires romain et perse, passée plusieurs fois de l’une à l’autre domination, située aujourd’hui dans le sud-est de la Turquie