Théodore de Sykéon (mort en 613)
Moine-Evêque et ascète grec
Né sous le règne de l’empereur Justinien 1er, dans le village de Sykéon, près d’Anastasiopolis [1], dans la province de Galatie [2], et mort au début du règne d’Héraclius.
Fils d’une aubergiste célibataire s’adonnant occasionnellement à la prostitution et d’un messager impérial de passage. D’après la tradition hagiographique [3], sa mère prévoyait pour lui une carrière militaire, mais il se signala dès son enfance, au cours de laquelle il aurait été guéri miraculeusement d’une grave maladie, par ses exercices d’ascèse, ses visions et ses miracles.
Il se serait retiré dans un ermitage dès l’âge de 14 ans, près du “martyrion” de saint Georges dominant son village ; peu après, faisant croire à sa disparition, il se serait même fait emmurer vivant dans une cavité souterraine sous l’autel du martyrion, où il resta dans le silence, ravitaillé par un ami à travers un trou, pendant 2 ans, et d’où il fut finalement extrait presque mort.
Ordonné prêtre par l’évêque d’Anastasiopolis à l’âge de 17 ans, il effectua ensuite un pèlerinage en Palestine [4] où il se fit moine à la laure [5] de Choziba. Revenu dans sa patrie, il reprit ses pratiques d’ascèse extrême : il vivait de Pâques à Noël enchaîné dans une étroite cage de fer qu’il avait fait fabriquer, et de l’Epiphanie à Pâques dans la cavité souterraine qu’il avait creusée, n’en sortant que le samedi et le dimanche pour assister aux offices religieux et prêcher.
Il se vit rapidement attribuer de nombreux miracles [6] et attira autour de lui de nombreux moines qui constituèrent une communauté.
Il reçut la visite du futur empereurMaurice et lui aurait prédit son accession au trône. Après son avènement, Maurice se fit le bienfaiteur du monastère constitué autour de Théodore, et lui permit d’entretenir un grand nombre de nécessiteux.
À la mort de l’évêque d’Anastasiopolis, le saint ascète fut extrait de son ermitage par une foule pieuse et forcé d’accepter l’épiscopat des mains du métropolite [7] Paul d’Ancyre [8].
Après plusieurs années dans cette fonction, il retourna à Jérusalem [9] et vécut un temps, en dissimulant son identité, dans la Laure de Saint-Sabas [10]. Il revint ensuite à Anastasiopolis. Finalement il aurait obtenu d’être délivré de la charge de l’épiscopat par le patriarche de Constantinople [11] Cyriaque de Constantinople et put se retirer à nouveau dans son ermitage.
Considéré comme un saint de son vivant, sa réputation devint si grande qu’il fut consulté par les empereurs Maurice, puis Phocas, et enfin Héraclius, par les patriarches de Constantinople [12] Thomas 1er et Serge 1er, et il dut faire plusieurs séjours dans la capitale de l’Empire.
On lui attribue un certain nombre de prédictions importantes faites à ces autorités. À sa mort, sa dépouille fut solennellement transférée à Constantinople, où fut organisée une grande cérémonie en présence de l’empereur Héraclius qui s’agenouilla devant les restes du saint. La Vie de Théodore de Sykéon, écrite vers le milieu du 7ème siècle par son ancien disciple Georges, est une des sources les plus précieuses sur la culture de cette époque.
Notes
[1] Resafa parfois orthographié Rusafa, et connu à l’époque byzantine sous le nom de Sergiopolis et brièvement sous le nom d’Anastasiopolis, était une ville située dans la province romaine d’Euphratensis, dans l’actuelle Syrie. Il s’agit d’un site archéologique situé au sud-ouest de la ville de Raqqa et de l’Euphrate. La ville a été perdue par les Byzantins au 7ème siècle lorsque les Arabes ont remporté la victoire finale à la bataille de Yarmouk en 636. Au 8ème siècle, le calife omeyyade Hisham ibn Abd al-Malik fit de la ville sa résidence préférée et construisit plusieurs palais.
[2] La Galatie est une région historique d’Anatolie (autour de l’actuelle Ankara), dont le nom vient d’un peuple celte (les Galates) qui y a migré dans l’Antiquité, aux alentours de 279 av. jc. Géographiquement, elle est délimitée par le royaume du Pont et la Paphlagonie au nord, la Cappadoce à l’est, le royaume de Pergame au sud et la Bithynie à l’ouest.
[3] L’hagiographie est l’écriture de la vie et/ou de l’œuvre des saints. Pour un texte particulier, on ne parle que rarement d’« une hagiographie », mais plutôt d’un texte hagiographique ou tout simplement d’une vie de saint. Le texte hagiographique étant destiné à être lu, soit lors de l’office des moines soit en public dans le cadre de la prédication. Un texte hagiographique recouvre plusieurs genres littéraires ou artistiques parmi lesquels on compte en premier lieu la vita, c’est-à-dire le récit biographique de la vie du saint. Une fresque à épisode est également une hagiographie, de même qu’une simple notice résumant la vie du bienheureux. Par rapport à une biographie, l’hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie. L’écrivain, l’hagiographe n’a pas d’abord une démarche d’historien, surtout lorsque le genre hagiographique s’est déployé. Aussi les hagiographies anciennes sont parsemées de passages merveilleux à l’historicité douteuse. De plus, des typologies de saints existaient au Moyen Âge, ce qui a conduit les hagiographes à se conformer à ces modèles et à faire de nombreux emprunts à des récits antérieurs.
[4] Le nom Palestine désigne la région historique et géographique du Proche-Orient située entre la mer Méditerranée et le désert à l’est du Jourdain et au nord du Sinaï. Si le terme « Palestine » est attesté depuis le 5ème siècle av. jc par Hérodote, il est officiellement donné à la région par l’empereur Hadrien au 2ème siècle, désireux de punir les Juifs de leur révolte en 132-135. Elle est centrée sur les régions de la Galilée, de la Samarie et de la Judée. Ses limites sont au nord la Phénicie et le mont Liban et au sud la Philistie et l’Idumée. À l’époque des croisades, le Pérée au nord-est de la mer Morte, la Batanée et la Décapole au-delà du Jourdain y étaient attachés. La Palestine peut désigner le territoire situé uniquement à l’ouest du Jourdain. Historiquement, elle correspond à Canaan, à la Terre d’Israël et fait partie de la région de Syrie (Syrie-Palestine). Les Arabes, qui ont conquis la Palestine sur les Byzantins dans les années 630, divisent la province d’al-Sham en cinq districts (jund), dont l’un garde le nom de « Palestine » et s’étend du Sinaï jusqu’à Akko (connue par les Chrétiens sous le nom de Saint-Jean-d’Acre) ; son chef-lieu est d’abord Ludd (Lod) puis, dès 717, ar-Ramlah (Ramla) et plus tard Jérusalem. Les autres villes les plus importantes sont Rafah, Gaza, Jaffa, Césarée, Naplouse et Jéricho. Ce district de « Palestine » était bordé au nord et à l’est par celui de « Jordanie », al-Urdunn, qui avait pour capitale Tibériade et incluait Akko et Tyr. Les frontières entre ces deux districts ont plusieurs fois varié au cours de l’histoire. À partir du 10ème siècle, cette division a commencé à tomber en désuétude, pour faire place finalement au royaume chrétien de Jérusalem. Sous le gouvernement des Croisés, est fondé en 1099, le royaume latin de Jérusalem ; Jérusalem redevient capitale d’un État. Après la défaite et le départ des Croisés, aux 12ème et 13ème siècles, les jund (districts) arabo-musulmans sont réintroduits, mais leurs frontières sont sans cesse redéfinies.
[5] monastères chrétiens orthodoxes
[6] guérisons, exorcismes, fin d’une sécheresse et d’une invasion de sauterelles, bêtes sauvages apprivoisées...
[7] Métropolite est un titre religieux porté par certains évêques des Églises d’Orient. À l’origine, le métropolite est l’évêque d’une capitale de province (métropole) romaine investi de la charge de présidence des conciles ou synodes provinciaux. Dans l’Église d’Occident, on prit l’habitude de dire « métropolitain » pour désigner un archevêque assurant un rôle de coordination entre les évêques titulaires des sièges qui composent la province ecclésiastique. En Orient on utilise le terme de métropolite qui, au cours de l’histoire, est souvent synonyme d’archevêque.
[8] Ankara
[9] Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane. La ville s’étend sur 125,1 km². En 130, l’empereur romain Hadrien change le nom de Jérusalem en « AElia Capitolina », (Aelius, nom de famille d’Hadrien ; Capitolina, en hommage au dieu de Rome, Jupiter capitolin) et il refonde la ville. Devenue païenne, elle est la seule agglomération de la Palestine à être interdite aux Juifs jusqu’en 638. Durant plusieurs siècles, elle est simplement appelée Aelia, jusqu’en 325 où Constantin lui redonne son nom. Après la conquête musulmane du calife Omar en 638, elle devient Iliya en arabe, ou Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), équivalent du terme hébreu Beit ha-Mikdash (« Maison sainte »), tous deux désignant le Temple de Jérusalem, ou le lieu du voyage et d’ascension de Mahomet, al-Aqsa, où se situait auparavant le temple juif
[10] Le monastère de Mar Saba, ou laure de Saint-Sabas appelée aussi Grande Laure, est un monastère orthodoxe hiérosolymitain situé à 13 kilomètres de Jérusalem en Cisjordanie. C’est un des plus anciens monastères chrétiens.
[11] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.
[12] Le titre de patriarche de Constantinople est porté par le chef de la première juridiction autocéphale de l’Église orthodoxe qu’est le patriarcat œcuménique de Constantinople. Le titre de « patriarche » est traditionnellement porté par l’archevêché orthodoxe de Constantinople (actuelle ville d’Istanbul). Ce diocèse est l’un des plus anciens de la chrétienté. Le patriarche de Constantinople est primus inter pares (premier parmi les pairs) des chefs des Églises autocéphales formant l’Église orthodoxe, souvent considéré à tort comme étant le chef spirituel des 300 millions de chrétiens orthodoxes dans le monde.