Il est l’un des plus illustres poètes de l’histoire littéraire de langue anglaise. Bien que classique par le goût, il représente l’une des grandes figures du romantisme [1] de langue anglaise, avec William Blake , William Wordsworth, Samuel Taylor Coleridge , Percy Bysshe Shelley et John Keats .
Il se voulait orateur à la Chambre des lords [2], mais ce sont ses poésies mélancoliques et semi-autobiographiques qui le rendirent célèbre :“ Hours of Idleness”, et surtout “Childe Harold”, inspiré par son voyage en Orient, propageant le modèle du héros romantique, dont le retentissant succès en 1813 le surprendra lui-même.
Il s’illustre par la suite dans divers genres poétiques, narratif, lyrique, épique, ainsi que dans des œuvres courtes, comptant parmi ses plus connues, par exemple “She walks in beauty”,“ When we two parted et So”, “we’ll go no more a roving”, chacune d’elles chantant un moment de nostalgie personnelle.
Il doit quitter l’Angleterre en 1816, en raison du scandale public causé par l’échec de son mariage et sa relation incestueuse avec sa demi-sœur.
Dans ses œuvres suivantes, rompant avec le romantisme de sa jeunesse, il donne libre cours au sarcasme, à son génie de la rime et de l’improvisation, avec “Beppo” et son œuvre maîtresse, “Don Juan”.
Grand défenseur de la liberté, révolté contre la politique et la société de son temps, l’Europe du Congrès, il s’est engagé dans toutes les luttes contre l’oppression : en Angleterre dans la défense des Luddites [3], en Italie avec les Carbonari [4], en Grèce dans la lutte pour l’indépendance [5]. Hors norme et sulfureux, homme de conviction autant que de contradictions, à la fois sombre et facétieux, excessif en tout, sportif, aux multiples liaisons (hommes ou femmes), il reste une source d’inspiration pour de nombreux artistes, peintres, musiciens, écrivains et réalisateurs.
La Grèce l’honore comme l’un des héros de sa lutte pour l’indépendance.
Petit-fils de John Byron, né le 8 novembre 1723 , il est le père de Lady Ada Byron King de Lovelace et de Elisabeth Médora Leigh-Byron .
Fils de John Byron , capitaine aux Coldstream Guards [6], surnommé Mad Jack. Après avoir combattu en Amérique, ce dernier séduit Amelia Osborne, marquise de Carmarthen, fille de Robert Darcy 4ème comte d’Holderness , puis déserte pour l’épouser, s’enfuyant avec elle en France, où elle donne naissance à une fille en 1784, avant de mourir.
Revenu en Grande-Bretagne, il épouse la mère de George Gordon, Catherine Gordon de Gight, issue d’une famille de l’Aberdeenshire [7], descendant des Stuarts [8]. Il l’épouse pour sa fortune, qu’il dilapidera rapidement.
Pour fuir ses créanciers, il déménage régulièrement. Enceinte, Catherine le rejoint quelque temps en France, où elle s’occupe de sa belle-fille Augusta. Ne comprenant pas un mot de français et ruinée, elle rentre en Angleterre pour accoucher à Londres.
N’ayant que peu de moyens, Catherine Gordon se retire à Aberdeen [9] en Écosse, où elle vit avec un mince revenu de 130 £. Après avoir résidé un court moment auprès de sa femme et de son fils, John Byron retourne en France et fréquente des femmes de chambre et des actrices. Il meurt à Valenciennes en 1791.
Orphelin de père dès l’âge de 3 ans, Byron étudie d’abord dans une école de quartier avant d’entrer en 1794 dans un collège d’Aberdeen pour apprendre le latin.
Il s’y avère être un élève médiocre, mais commence à beaucoup lire, notamment de nombreux récits sur l’Orient.
Le caractère irascible et capricieux de sa mère, qui reporte sur lui l’amour débordant et la colère qu’elle éprouvait pour son père, fait naître en Byron une certaine irritabilité, qui se manifestera plus tard, notamment lors de son mariage.
Il rencontre, probablement en 1795, sa cousine Marie Duff, qui le plonge dans un amour fébrile. C’est vers 1797, alors qu’il a 9 ans, que sa gouvernante May Gray, femme très pieuse qui lui a appris à lire la Bible, venait le trouver dans son lit et jouait avec son corps.
En mai 1798, conformément à la loi anglaise il hérite à 10 ans du titre de son grand-oncle Lord William, 5ème baron Byron of Rochdale, mort sans héritier direct, et du domaine ancestral de Newstead Abbey [10], au cœur de la forêt de Sherwood [11], ancienne abbaye donnée à l’un de ses ancêtres par Henri VIII.
La demeure est dans un état de grand délabrement, mais ces ruines gothiques, ainsi que les armoiries des Byron, fascinent le jeune garçon. C’est là qu’au cours de l’été 1800 il s’éprend de sa cousine Margaret Parker, pour laquelle il compose ses premiers poèmes.
En avril 1801 son entourage, jugeant le laxisme de sa mère nocif pour l’enfant, décide de l’envoyer, grâce à une pension de la Chancellerie, à la Public School de Harrow [12]. Il s’y fait remarquer à la fois par son indiscipline et par son intelligence, s’y fait des amis nobles et roturiers, se bagarre pour défendre les plus jeunes, fait des bêtises, lit beaucoup, s’essaye à tous les sports, et devient un bon joueur de cricket. Lors de vacances à Newstead Abbey en 1803, il s’éprend d’une jeune fille du voisinage, Mary Chaworth, et refuse de retourner à l’école. Il n’a que 15 ans et Mary, de 2 ans plus âgée, déjà fiancée, dédaigne cet enfant boiteux et potelé.
Newstead est loué à un certain Lord Grey, qui, semble-t-il, fait des avances sexuelles à Byron. Il en est horrifié et retourne à l’école en janvier. Il se console avec l’affection platonique qu’il éprouve pour son camarade le comte de Clare. Celle qui me lia à Lord Clare fut l’une des premières et des plus durables . Il rencontre sa demi-sœur Augusta Leigh , qui devient sa confidente. Dans ses lettres, il se plaint des reproches continuels de sa mère, qui le compare à son père, et du comportement de Lord Grey. Il rêve de devenir orateur parlementaire et, au cours de vacances à Londres, il va écouter des discours à la Chambre des Communes [13].
À 17 ans, en octobre 1805, il entre au Trinity College de Cambridge [14], à contrecœur et attristé par le mariage de Mary Chaworth .
S’il y étudie peu, il y noue des amitiés durables, en compagnie duquel il fréquente le club Whig [15] de Cambridge, et qu’il surnomme affectueusement Hobby, ainsi qu’une relation amoureuse platonique avec un jeune choriste, John Edleston.
Il obtient très vite ses diplômes dans l’art du vice, tout en étant le plus sérieux de tout le collège. Il s’achète un ours, qu’il loge au-dessus de sa chambre, flirte avec des femmes, fréquente des prostituées, s’endette, fait un régime, nage beaucoup, joue au cricket, apprend la boxe et l’escrime. Il commence surtout à publier des vers à compte d’auteur, d’abord des poèmes galants et satiriques, qui lui valent les critiques de son entourage. Il décide alors d’adopter un registre infiniment correct et miraculeusement chaste. Ce sera Hours of Idleness [16], publié en juin 1807, et dont le titre a été choisi par l’éditeur, où s’étalent ses passions précoces, son humeur fantasque, son scepticisme et sa misanthropie.
N’ayant rien appris à Cambridge, mais diplômé, il vit à Londres et s’épuise auprès des prostituées, en fêtes arrosées et en combats de boxe. Pour mettre fin à cette vie de débauche, qui altère sa santé et le ruine, ainsi que pour préparer sa carrière au Parlement, l’idée d’un voyage en Grèce germe dans son esprit.
Il écrit à sa mère le 2 novembre 1808 : “Si l’on ne voit pas d’autres pays que le sien, on ne peut pas donner ses chances à l’humanité”.
Après vérification de ses titres, il est accepté officiellement à la Chambre des lords le 13 mars 1809.
En réaction à une critique cinglante de son recueil Heures d’oisiveté parue dans la revue l’Edinburgh Review, il publie “Bardes anglais et critiques écossais”, où il vilipende les écrivains contemporains qui, comparés à Alexander Pope , écrit-il, sont de petits cerveaux, ou des imposteurs et des imbéciles. Sa satire connaît un certain succès, et est rééditée plusieurs fois, non sans faire grincer quelques dents, notamment celles du poète Thomas Moore , avec lequel il se réconciliera plus tard.
À Newstead où il a installé son ours, il couche avec des servantes et le fils d’un fermier, John Rushton, dont il fait son page. Avant de partir, il organise des fêtes dans lesquelles ses amis déguisés en moines jouent à se faire peur, lui-même buvant dans une coupe confectionnée dans un crâne humain.
Le 19 juin 1809, très peiné par la mort de son chien, il précipite son départ pour la Grèce, via Falmouth, avec son ami John Cam Hobhouse , son assistant John Rushton et son valet Fletcher. En attente d’un navire pour Malte [17], il écrit des lettres facétieuses à ses amis.
Finalement, il quitte Falmouth le 2 juillet 1809 pour Lisbonne [18], puis Séville [19], Cadix [20] et Gibraltar [21]. Il arrive à Malte le 19 août 1809. Il y tombe amoureux de Constance Spencer Smith, l’épouse d’un notable anglais, avec laquelle il projette même de s’enfuir. Il séjourne un mois à Malte avant de partir pour l’Épire [22], débarquant à Prévéza [23] le 20 septembre 1809. Il se rend ensuite à Ioannina [24], puis à Tepelen [25] où il est reçu par Ali Pacha .
Il commence la rédaction de Childe Harold en octobre. Il se rend ensuite, fin novembre, à Patras [26] depuis Missolonghi [27], et il visite Delphes [28] en décembre, Thèbes [29] et Athènes [30] où la fille de sa logeuse, Teresa alors agée de 12 ans, le plonge dans le trouble, et à qui il dédie “Maid of Athens”. Il embarque depuis l’Attique [31] pour Smyrne [32] début mars 1810, traverse l’Hellespont [33] à la nage, avant de rejoindre Constantinople [34].
Il quitte Constantinople le 14 juillet 1810, fait escale à Zéa [35], puis rejoint à nouveau Athènes le 17 juillet. Hobhouse rentre en Angleterre, le laissant avec Fletcher, un Tatare [36], 2 soldats albanais et un drogman [37].
Il apprend le grec moderne avec un éphèbe [38], et l’italien avec son amant Nicolo Giraud , qui lui propose de vivre et de mourir avec lui, ce que Lord Byron préfère éviter. Sa vision des Grecs a changé : d’abord sans opinion, il puise de plus en plus son inspiration poétique dans la Grèce antique, mais aussi dans la Grèce contemporaine et les souffrances qu’elle endure sous la botte ottomane [39].
En avril 1811, il se décide à retourner en Angleterre. Dans ses bagages, il rapporte des marbres, des crânes trouvés dans des sarcophages, quatre tortues et une fiole de ciguë. Il est à Malte le 22 mai 1811. En juillet 1811, il est de nouveau en Angleterre. Sa mère meurt en août, ainsi que son ami John Skinner Matthews, et plus tard, en octobre, son amour de jeunesse John Edleston, décès qui assombrissent encore plus son retour.
Jouer un rôle politique à la Chambre des lords est son souhait depuis Harrow, la poésie étant pour lui une activité secondaire. Ses idées clairement libérales [40] le situent dans l’opposition, du côté des Whigs. Le 27 février 1812, il prononce un discours contre la peine de mort appliquée aux luddites, faisant ressortir leur détresse et la cruauté de la loi. Mais son projet est rejeté par la chambre des Communes. Il garde de son expérience politique une certaine amertume contre ces pantalonnades parlementaires, même s’il réitèrera l’expérience, en prenant la défense des catholiques irlandais en avril 1812.
Le 10 mars 1812, année où il sera contraint de mettre en vente Newstead Abbey et publie chez John Murray les deux premiers chants de “Childe Harold’s Pilgrimage” [41], récit de ses impressions de voyage et de ses propres aventures. Le succès en est immense.
De 1812 à 1814, la publication du Giaour, de “The Bride of Abydos” [42], de “The Corsair” [43] et de “Lara”, accroissent l’enthousiasme du public à son égard. Byron fréquente le salon de l’épouse de Lord Holland, parlementaire whig, ainsi que les cercles de la jeunesse aristocratique de Londres.
D’abord intimidé, il y rencontre de nombreuses admiratrices, dont Lady Caroline Lamb , qui écrit de lui dans son journal, après l’avoir rencontré, qu’il est fou, méchant, et dangereux à connaître. En avril, il entreprend avec elle une courte et tumultueuse liaison, à laquelle, effrayé par le caractère excessif et fantasque de la dame, il y met fin en juillet. Lady Lamb fera plus tard un portrait très exagéré de lui dans son roman “Glenarvon”. En décembre, il entretient une relation plus paisible avec Lady Oxford Jane Elizabeth Harley .
À partir de juillet 1813, il passe beaucoup de temps auprès de sa demi-sœur Augusta Leigh, à laquelle il s’attache profondément, allant très probablement jusqu’à l’inceste.
Ils auraient eu ensemble une fille, qui porte le nom de l’héroïne du poème Le Corsaire, Medora, née le 14 avril 1814. D’autre part, à en juger par ses lettres, ainsi que par les “Stances à Augusta”, écrites pendant le séjour à la villa Diodati [44] en 1816, de même que par les vers à“ My Sweet Sister” [45], détruits à sa mort sur son expresse volonté, cette question de l’inceste laisse peu de doutes.
Afin de se détacher de cet amour coupable, il flirte avec l’épouse d’un de ses amis, Lady Frances Webster, s’arrêtant au premier temps du verbe aimer.
Fatigué de vivre dans la dissipation et pensant résoudre l’imbroglio de ses relations amoureuses par un mariage de raison, il réitère sa demande à Anne Isabella dite Annabella , cousine de Caroline Lamb, fille de sir Ralph Milbanke, baronnet du comté de Durham [46], qui donne finalement son consentement. Ils se connaissent depuis quelques années, et correspondent régulièrement.
Le mariage est célébré le 2 janvier 1815 dans le salon de la résidence de Seaham, avec seulement la famille, deux clergymen et Hobhouse. Après la cérémonie, les mariés partent immédiatement en lune de miel pour le Yorkshire [47].
Après un voyage exécrable, la nuit de noces est une catastrophe : très pudique à cause de son infirmité, Byron refuse d’abord de dormir dans le même lit que son épouse, puis finit par accepter.
Par la suite cependant, de retour à Seaham, les mariés connaissent des moments de tendresse, la très amoureuse Annabella pardonnant tout à son mari à la moindre de ses gentillesses. Préoccupé par des soucis financiers, Byron veut retourner à Londres, et Annabella insiste pour l’accompagner. En chemin, ils s’arrêtent chez Augusta, où il se montre odieux avec son épouse, multipliant les allusions à son intimité avec sa sœur
Au mois de mars, les jeunes mariés s’installent à Picadilly Terrace, près de Hyde Park [48] à Londres. En avril, Lord Byron rencontre Walter Scott , pour lequel il éprouve une grande admiration. La relation entre les deux époux devient progressivement tendue. Lady Byron, douce, intelligente et cultivée, mais respectueuse de tous les préjugés du cant [49], est vertueuse et prend trop au sérieux les boutades de son époux.
Elle peine à s’entendre avec un homme au langage et aux mœurs si libres, souvent provocateur et colérique. D’autre part, il reste toujours très épris de sa sœur, tout en étant torturé par la culpabilité. Lors de sa grossesse, elle se voit délaissée par son mari, qui cherche des distractions à l’extérieur, fréquentant les théâtres et les actrices, il devient membre du comité de gestion du théâtre de Drury Lane en mai, et revenant souvent à la maison en état d’ébriété.
Dans ses accès de colère, il lui avoue ses infidélités, et se montre particulièrement grossier envers elle. À cela s’ajoutent les embarras financiers sans cesse croissants, qui le rendent à moitié fou. En novembre 1815, Byron fut obligé de vendre sa bibliothèque, et en moins d’un an les huissiers ont fait 9 fois irruption chez lui.
Le 10 décembre 1815, Annabella donne naissance à une fille, Augusta Ada dite Ada Lovelace. Lord Byron est bruyamment anxieux pendant l’accouchement. Dans les jours qui suivent, Annabella soupçonne son mari d’être atteint de démence, et rédige un compte-rendu de ses dérèglements, qu’elle soumet à un médecin. Le 6 janvier 1816, son mari lui demande de rejoindre ses parents avec l’enfant, en attendant qu’il se soit arrangé avec ses créanciers. Elle quitte Londres le 15. Arrivée à Kirby*, elle lui envoie une lettre pleine d’affection, mais elle s’est déjà fixé une règle de conduite. Elle avoue ses souffrances à ses parents, qui refusent qu’elle retourne aux côtés de son époux. Le 18 janvier 1816, toute déchirée qu’elle est, elle dresse la liste des outrages qu’elle estime avoir subis.
Le 2 février, Sir Ralph Milbank propose à Lord Byron, sidéré, une séparation à l’amiable. Effondré, il écrit de nombreuses lettres à sa femme, lui demandant des explications, protestant de son amour, et implorant son pardon. Annabella, malgré un reste d’affection pour son mari, maintient sa position, et commence à éprouver de la jalousie vis-à-vis d’Augusta.
Hobhouse rejoint son ami à Londres, pour tenter de l’aider et le soutenir. Il se fait l’écho de rumeurs, probablement propagées par Caroline Lamb. La séparation sera officiellement prononcée en avril 1816.
Victime du cant, haï par les hommes politiques pour ses idées libérales et sa sympathie pour Napoléon , fuyant ses créanciers, Byron décide de quitter l’Angleterre, et embarque à Douvres [50] avec Rushton, son domestique Fletcher et un jeune médecin, John William Polidori, le 24 avril 1816 ; il ne reviendra plus.
Démoralisé d’avoir dû quitter sa sœur et d’avoir dû subir les conditions de sa séparation, il visite la Belgique en mai, où la vue du champ de bataille de Waterloo [51] lui inspire de nouveaux chants pour Childe Harold ; puis il se rend en Suisse où il cherche une villa à louer sur les bords du lac Léman.
C’est sur les bords du lac qu’il rencontre, en mai 1816, le poète Shelley , qu’accompagnent Mary Godwin et Claire Clairmont , cette dernière cherchant à le rejoindre. Byron loue la Villa Diodati, tandis que les Shelley s’installent dans une petite maison à Montalègre. Les deux poètes, ayant beaucoup en commun, nouent rapidement une relation amicale, et passent de longs moments ensemble sur le lac ou en excursion, notamment au château de Chillon [52], qui les marque tous les deux. Claire Clairmont, amoureuse et enceinte de lui, cherchant des prétextes pour le voir en tête à tête, se charge de recopier certains de ses poèmes, et Percy Shelley aime à discuter religion et politique.
Il termine le troisième chant de Childe Harold le 10 juillet, et écrit “The Prisoner of Chillon” [53]. De l’autre rive du lac, des touristes anglais, attirés par sa réputation sulfureuse, l’observent avec des jumelles et colportent des racontars sur son compte. Tandis que les Shelley partent en excursion à Chamonix [54], il rend visite à Madame de Staël à Coppet [55]. S’il apprécie sa société, il se fait chez elle quelques ennemis, notamment Auguste Schlegel qui ne l’aime guère. Au retour des Shelley, il évite Claire Clairmont, dont il désire se séparer. Le 14 août, Matthew Gregory Lewis , l’auteur du roman gothique “Le Moine” [56], vient lui rendre visite, et il ironise sur ses maladresses d’auteur. À la fin du mois, ce sont Hobhouse et Scrope Davies qui le rejoignent. Les Shelley rentrent en Angleterre, et Byron part pour les Alpes Bernoises avec ses amis en septembre. Il tient le journal de voyage pour sa sœur, et lui écrit des lettres lui rappelant leur attachement.
Le 5 octobre, il quitte la Villa Diodati en compagnie de Hobhouse, avec le vague projet de retourner en Grèce en passant d’abord par Venise.
À Milan [57], les deux amis prennent une loge à la Scala [58], croisent les auteurs Italiens Silvio Pellico et Vincenzo Monti, ainsi que Stendhal , qui racontera cette rencontre à l’un de ses amis. Durant les jours qui suivirent, Stendhal lui fait visiter Milan. Éperdu d’admiration pour Lord Byron, il tente de l’impressionner en lui racontant des anecdotes fantaisistes sur la campagne de Russie et Napoléon, dont il fait croire qu’il était très proche. Byron s’enflamme pour les lettres de Lucrèce Borgia, qu’il découvre à la Bibliothèque Ambrosienne [59].
Byron et Hobhouse arrivent à Venise le 10 novembre 1816. Ils logent d’abord à l’Hôtel de Grande-Bretagne, puis s’installent au palais Mocenigo sur le Grand Canal [60], avec 14 serviteurs, des chevaux et une vraie ménagerie. Byron engage un gondolier barbu et de grande taille du nom de Giovanni Battista Falcieri dit Tita , fréquente le salon de la comtesse Isabella Teotochi Albrizzi , participe à plusieurs carnavals successifs, nage dans le Grand Canal jusqu’au Lido, a une aventure avec Marianna Segati.
Pendant son séjour, Byron rencontre les moines mekhitaristes [61], sur l’île de San Lazzaro [62], et découvre la culture arménienne en assistant à de nombreux séminaires sur la langue et l’histoire du peuple arménien. En collaboration avec le père Avgerian, il apprend l’arménien et se passionne au point d’écrire Grammaire anglaise et arménien, puis Grammaire arménienne et anglais, incluant des citations d’œuvres arméniennes modernes et classiques. Il travaille également à l’élaboration d’un dictionnaire anglais-arménien, rédigeant une préface sur l’histoire de l’oppression des Arméniens par les pachas turcs et les satrapes perses. Il traduit également, entre autres, 2 chapitres de l’histoire de l’Arménie par l’historien arménien Movses Khorenatsi. Ses travaux contribuèrent largement à faire connaître la culture arménienne en Europe.
Il complète Childe Harold (chants IV et V), écrit Beppo, histoire vénitienne.
À Bath, le 23 janvier 1817, Claire Clairmont met au monde une fille qu’elle nomme Alba, dont Byron est le père, et qu’il renommera Allegra .
En septembre 1818, il commence “Don Juan”, satire épique.
En 1819, il s’éprend de la comtesse Teresa Guiccioli, âgée de 20 ans : « Elle est belle comme l’aurore et ardente comme le midi, nous n’avons eu que dix jours pour régler nos petites affaires du commencement à la fin en passant par le milieu. Et nous les avons réglées. Il devient son Chevalier Servant et il la suit à Ravenne [63], où il s’installe chez son mari, au palais Guiccioli, respectant, comme il l’écrit ironiquement, le plus strict adultère. Mais, quand le mari les surprend quasi sur le vif, et veut le mettre dehors, Teresa part se réfugier chez son père, le comte Gamba, qui obtient du pape Pie VII , le 6 juillet 1820, la séparation du couple.
Ami du comte et de son fils Pietro, membre des Carbonari, qui aspirent à la liberté politique et à un gouvernement constitutionnel, Byron s’associe à leurs projets, finançant le mouvement grâce à la vente de Newstead Abbey, à ses droits d’auteur, et à un héritage, et entreposant des armes. Mais la défaite des libéraux piémontais à Novare [64] le 8 avril 1821, fait avorter l’insurrection. Les Gamba, exilés des États du pape [65], se réfugient à Pise [66], où Byron les rejoint 3 mois plus tard.
Byron s’installe à la Casa Lanfranchi, en face du couple Shelley. Ils sont rejoints par des amis, Jane et Edward Williams, qui, agréablement surpris par Byron, écrit dans son journal : « Bien loin d’avoir des manières altières, il a une aisance très noble et sans la moindre affectation, et au lieu d’être comme on le croit en général, noyé dans une sombre tristesse, il n’est que soleil, d’une gaieté telle que l’élégance de son langage et le brillant de son esprit ne peuvent manquer d’inspirer ceux qui l’approchent ». Il n’était pas le seul à éprouver de la fascination pour le poète, Mary Shelley, qui plus tard tente de s’expliquer pourquoi Albè surnom que le couple Shelley lui a donné, par sa seule présence et par sa voix, avait le pouvoir d’éveiller en moi des émotions aussi profondes et indéfinissables. Le petit groupe part presque toutes ses après-midi en balade à cheval dans les environs de Pise, ou à s’exercer au tir au pistolet. En décembre, Byron commence à organiser des dîners hebdomadaires, invitant à sa table Percy Shelley, des amis anglais, des patriotes grecs, mais jamais de femmes.
À cette époque paraissent Marino Faliero, Sardanapale, Les Deux Foscari, Caïn, mais surtout les chants II et IV de Don Juan ; Don Juan est un héros naïf, passionné, amoureux, aventureux, jouet des femmes et des événements. De naufrages en batailles, il traverse l’Europe, permettant à Byron de brosser un portrait très critique des mœurs et des hommes de son temps.
Avec Shelley, l’aventurier John Trelawny et l’essayiste Leigh Hunt , il fonde un périodique, Le Libéral, qui ne publiera que quelques numéros. En avril, Allegra, la fille de Byron et de Claire Clairmont, meurt, à l’âge de 5 ans, dans le couvent italien où elle était en pension. Le 8 juillet, le voilier transportant Shelley et Edward Williams sombre en mer dans le golfe de La Spezia [67]. Les corps sont retrouvés quelques jours plus tard. Byron, très affecté par la mort de son ami, écrit à Murray.
Le 16 août, Byron et Trelawny brûlent à la manière antique son cadavre sur un bûcher dressé sur la plage de Viareggio [68]. Byron part longuement nager, et lorsqu’il revient, il ne reste que le cœur, non consumé.
Fin 1822, les Gamba, exilés de Toscane [69], s’installent à Gênes, où Byron les rejoint en octobre, emménageant à la Casa Saluzzo. En avril 1823, il reçoit la visite du comte d’Orsay Alfred d’Orsay et de Lady Blessington , qui relate par la suite leurs conversations.
En avril 1823, il reçoit la visite du capitaine Edward Blaquiere, membre du Comité philhellène de Londres, dont fait aussi partie Hobhouse, accompagné du délégué du gouvernement grec Andréas Louriottis, qui retournent en Grèce.
Pour soutenir la cause de l’indépendance, Byron se propose de se rendre au siège du gouvernement grec en juillet. Encouragé par Hobhouse, il hésite quelque temps en raison de son attachement envers Teresa Guiccioli, accablée par la perspective de séparation.
Finalement, après s’être fait confectionner des uniformes rouges et or, et des casques homériques, il s’embarque le 17 juillet avec Pietro Gamba, Trelawny, un jeune médecin italien, 5 serviteurs, dont Tita et Fletcher, ainsi que 2 chiens et 4 chevaux, pour l’île de Céphalonie [70], sur un brick affrété à ses frais.
Le 3 août, ils jettent l’ancre dans le port d’Argostoli [71] à Céphalonie. Apercevant au loin les montagnes de Morée [72], Byron aurait dit « Il me semble que les 11 années douloureuses que j’ai vécues depuis mon dernier séjour ici ont été ôtées de mes épaules. Apprenant que les Grecs étaient divisés en factions irréconciliables, principalement entre Aléxandros Mavrokordátos et Kolokotronis , au point d’avoir cessé les combats et que les Turcs maintenaient le blocus devant Missolonghi, il demeure 4 mois dans l’île, passant ses journées en promenades à cheval et en baignades. Au cours de cette période, il vient en aide aux réfugiés, paye le salaire de 40 Souliotes [73] et correspond en août avec Markos Botzaris , juste avant sa mort, pour savoir quel parti prendre.
Le siège de Missolonghi ayant repris à l’automne, Byron donne 4 000 livres pour armer une flotte de secours pour la ville. Au cours d’une excursion sur l’île voisine d’Ithaque [74], il est pris d’une crise de démence passagère. Le 6 septembre, Trelawny, qu’ennuie l’inaction, le quitte pour participer aux combats en Attique. Byron s’éprend d’un jeune soldat grec de 15 ans, Loukas Chalandritsanos, dont il fait son page.
Invité à venir électriser les Souliotes par Mavrokordátos qui avait débarqué à Missolonghi le 11 décembre 1823, il part le rejoindre le 30 avec Tita, Fletcher, Loukas, son chien et son médecin. Après avoir échappé de justesse à une frégate turque et à un naufrage, il débarque, vêtu de son uniforme rouge, à Missolonghi où il est attendu comme le Messie. Le 5 janvier 1824. Il est accueilli joyeusement par Alexandros Mavrokordátos, ses officiers et Pietro Gamba, arrivé avant lui. Malgré la ville triste et marécageuse et l’anarchie qui règne dans l’armée, il essaye de remédier à la situation avec l’argent reçu après la vente de sa propriété de Rochdale, et celui du Comité Grec de Londres. Il recrute un corps de troupes souliote, qu’il prend à sa charge, équipe et entraîne, mais à l’indiscipline duquel il se heurte, et qu’il doit finalement renvoyer. Un prêt ayant été conclu en février pour aider les révolutionnaires grecs, il doit faire partie de la commission chargée par le comité de Londres de contrôler l’utilisation des fonds, en compagnie du colonel Stanhope et de Lazare Coundouriotis .
Prématurément vieilli et fatigué, affecté par l’indifférence du jeune Loukas à l’amour qu’il lui porte, il semble attendre impatiemment la mort. La veille de ses 36 ans, il écrit un poème résumant son état d’esprit.
À la demande de Mavrokordátos, il se prépare à attaquer Lépante [75] avec les forces gouvernementales quand, le 9 avril, il contracte, lors de l’une de ses courses quotidiennes à cheval, la fièvre des marais.
Affaibli par des saignées et des lavements, il meurt le 19 avril, entouré par Pietro Gamba, Tita et Fletcher.
Une messe est dite le 23 à Missolonghi, et on salue de 36 coups de canons le départ du bateau qui emporte son corps vers l’Angleterre le 2 mai. Arrivé le 5 juillet à Londres, la dépouille est déposée le 16 dans le caveau de famille en la petite église de Hucknall, près de Newstead Abbey.
L’annonce de sa disparition retentit bientôt dans toute l’Europe. En Angleterre, Tennyson , alors âgé de 15 ans, s’enfuit dans les bois et grave, Byron est mort.
À Paris, Lamartine , qui écrit “Le Dernier Chant du Pèlerinage de Childe Harold”, et Hugo en font un deuil personnel.