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L’histoire pour le plaisir

Stylianos Tzaoutzès

mercredi 18 mai 2022, par lucien jallamion

Stylianos Tzaoutzès (mort en 899)

Homme d’État byzantin

L'Empire Byzantin en 867, à la fin du règne de Michel III.Principal ministre de l’empereur Léon VI le Sage pendant les premières années de son règne.

Il était d’origine arménienne, né dans le thème de Macédoine [1], deux éléments qui le rapprochaient de l’empereur Basile 1er.

Sous Basile 1er, il fut d’abord mikros hetaieiarches [2], et finit le règne megas hetaieiarches [3].

En 882, âgé de 16 ans, le prince héritier Léon (futur Léon VI) était au mieux avec Zoé Tzaoutzina , la fille de Stylianos. Mais sa mère Eudocie Ingérina avait d’autres projets pour lui : organisant l’habituel concours pour le choix de la future impératrice, elle imposa une de ses parentes, la très pieuse Théophanô Martinakia , que Léon dut épouser fin 882. Eudocie mourut juste après le mariage.

Théophanô s’aperçut bientôt qu’elle était trompée, et s’en plaignit à l’empereur Basile. Celui-ci n’avait aucune affection pour Léon, qui n’était peut-être pas son fils, il le rossa jusqu’au sang, et ordonna le mariage de Zoé avec un obscur courtisan, Théodore Gouzouniatès.

Peu de temps après, Léon fut accusé par un proche du patriarche Photios, Théodore Santabarenos, de comploter pour assassiner l’empereur ; le prince fut mis aux arrêts, et plusieurs de ses prétendus complices subirent la peine de l’aveuglement ou de l’exil ; peu s’en fallut d’ailleurs que Léon fût lui-même privé de la vue, et il ne fut épargné que sur les instances de Photios et de Stylianos.

En juillet 886, au lendemain de la découverte d’un nouveau complot contre Basile où il n’était de toute évidence pas impliqué, Léon fut libéré et restauré dans ses dignités, et Stylianos joua un grand rôle dans ce changement d’attitude de Basile. Le 12 août, selon l’histoire officielle, l’empereur fut gravement blessé par un cerf au cours d’une chasse à laquelle participaient Stylianos et d’autres dignitaires, et il mourut 9 jours plus tard. On parla d’un complot, mais Basile avait 75 ans.

Dès l’avènement de Léon, Stylianos fut récompensé de ses services par les titres de “patrikios” et de “magistros”, et par la fonction de logothète du drome [4]. Il devint pour plusieurs années le principal ministre, une position bien attestée par le grand nombre de novelles de Léon qui lui sont adressées. À une date incertaine entre 891 et 893, cette position exceptionnelle fut confirmée par le titre spécialement créé de basileopatôr [5], mais qui fit jaser, étant conféré au père de Zoé, maîtresse notoire de l’empereur.

L’influence de Stylianos était contrebalancée par celle du moine Euthyme, directeur de conscience de Léon, qui fut fait higoumène [6] du monastère de Psamathia et syncelle [7]. A la mort en mai 893 d’Étienne 1er, le jeune frère de Léon que l’empereur avait fait patriarche, Stylianos fut assez puissant pour imposer comme successeur Antoine Cauléas, l’un de ses hommes-liges, au détriment d’Euthyme qui était pourtant syncelle.

La Vita Euthymii accuse entre autres le basileopatôr d’avoir été responsable du déclenchement de la guerre avec les Bulgares en 894 : il aurait imposé la création à Thessalonique [8] d’un marché par où devait passer tout le commerce entre Byzance [9] et la Bulgarie [10], et aurait confié ce marché à deux de ses protégés qui extorquaient des commissions exorbitantes aux commerçants bulgares. Cet abus provoqua l’invasion de la Macédoine [11] par le prince Siméon 1er.

Vers 894/895, les relations entre l’empereur et son puissant ministre commencèrent à se tendre : un fils de Stylianos fut accusé d’être impliqué dans un complot visant Léon ; bien que le ministre lui-même ne fût pas compromis, une violente querelle entre les deux hommes eut lieu peu après. Le 10 novembre 896 (ou 897), l’impératrice Théophanô, retirée depuis 893 au couvent des Blachernes [12], mourut brusquement.

Au début de l’année 898, Théodore Gouzouniatès, le mari de Zoé, mourut lui aussi opportunément pour la famille Tzaoutzès. Pendant l’été 898, un délai de décence étant à peine écoulé, le mariage de Léon et de Zoé fut célébré, et Stylianos devint officiellement beau-père de l’empereur. Cependant, vers la même époque, deux protégés du ministre, l’homme d’affaires Staurakios et l’eunuque Mousikos, reconnus coupables de corruption, furent punis par l’empereur, de plus en plus agacé par Stylianos et sa clientèle.

Mais dès 899 Stylianos et Zoé moururent coup sur coup. Léon, qui n’avait toujours pas d’héritier mâle, se proposa rapidement de se remarier avec Eudocie Baïana . Craignant de perdre leurs positions et privilèges au profit de la famille de la nouvelle impératrice, les membres du clan Tzaoutzès, dirigés par Basile, neveu de Zoé, montèrent un complot qui fut dénoncé par l’un de leurs serviteurs, l’eunuque Samonas .

Les Tzaoutzès furent exilés ou enfermés dans des monastères, leurs biens confisqués, et Samonas, richement récompensé, devint le nouveau favori.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Theodora Antonopoulou, The Homilies of the Emperor Leo VI, Leiden, 1997 (ISBN 978-90-04-10814-1)

Notes

[1] Le thème de Macédoine est un thème byzantin (une province civile et militaire) fondé vers 790. En dépit de son nom, il n’est pas situé sur le territoire de la Macédoine actuelle mais dans la région de Thrace. Sa capitale est Andrinople.

[2] c’est-à-dire commandant de la petite Hétairie, l’un des régiments étrangers de la garde impériale

[3] commandant de la grande Hétairie, avec le rang de prôtospatharios dans la hiérarchie aulique

[4] Dans la terminologie byzantine, la fonction de logothète désigne au départ une responsabilité d’ordre financier. La charge de logothetes tou dromou ou « Logothète de la Course » ou encore « Logothète du Drome » dérive de celui de Curiosus cursus publici praesentalis, qui dépendait du bureau du Maître des Offices.

[5] père de l’empereur

[6] Un higoumène ou hégoumène est le supérieur d’un monastère orthodoxe ou catholique oriental. Le terme équivaut à celui d’abbé ou d’abbesse dans l’Église latine.

[7] c’est-à-dire adjoint du patriarche et appelé à lui succéder

[8] Thessalonique ou Salonique est une ville de Grèce, chef-lieu du district régional du même nom, située au fond du golfe Thermaïque. Aujourd’hui, elle est la capitale de la périphérie (région) de Macédoine centrale en Macédoine grecque mais aussi celle du diocèse décentralisé de Macédoine-Thrace.

[9] Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l’entrée du Bosphore sous une partie de l’actuelle Istanbul. La cité a été reconstruite par Constantin 1er et, renommée Constantinople en 330, elle est devenue la capitale de l’Empire romain, puis de l’Empire romain d’Orient et enfin de l’Empire ottoman à partir de 1453 date de la prise de la ville par les Turcs. Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.

[10] Le Premier Empire bulgare désigne un État médiéval chrétien et multiethnique qui succéda au 9ème siècle, à la suite de la conversion au christianisme du Khan Boris, au Khanat bulgare du Danube, fondé dans le bassin du bas Danube. Le Premier Empire bulgare disparut en 1018, son territoire au sud du Danube étant réintégré dans l’Empire byzantin. À son apogée, il s’étendait de l’actuelle Budapest à la mer Noire, et du Dniepr à l’Adriatique. Après sa disparition, un Second Empire bulgare renaquit en 1187.

[11] La Macédoine est une région géographique et historique de l’Europe du sud et de la péninsule des Balkans qui tire son nom du royaume antique de Macédoine et qui est actuellement répartie sur plusieurs pays : la Grèce, la Macédoine du Nord, la Bulgarie, mais aussi, selon certaines cartes, quelques petits territoires en Albanie orientale et en Serbie méridionale, le long de leurs frontières.

[12] Les Blachernes sont un quartier au nord de Constantinople, situé entre le monastère de Chora, la porte d’Andrinople et la Corne d’Or et abritant, outre un palais, l’une des 24 portes de la muraille de Théodose II, appelée porte des Blachernes, ainsi que la basilique Sainte-Marie-Mère de Dieu, dite « Sainte-Marie des Blachernes ».