Kray , dans l’incertitude des plans de Moreau , perdit un temps précieux sans rien entreprendre. Lecourbe , arrivé le 16 juin sur le Danube [1], avait pris aussitôt toutes ces mesures pour le franchir promptement . Starray renvoyait le gros de ses forces à Ulm [2], au moment où les français allaient tenter de son coté un effort décisif. Tous les ponts, il est vrai, étaient détruits depuis Ulm jusqu’à Donawerth [3], et les français n’avaient ni barques, ni pontons.
Une attaque faite le 18, pour forcer le passage à Dillingen [4] et une autre tentative à Leipheim [5], furent repoussées par les autrichiens ; mais c’étaient de fausses attaques destinées à donner le change à l’ennemi sur le point où l’armée devait passer.
Les ponts de Blindheim [6] et de Gremheim [7] avaient le moins souffert ; Moreau, après les avoir fait reconnaître, les désigna pour servir au passage. Des madriers et des poutrelles furent rassemblées.
Le général Charles Étienne Gudin fit établir le 19 au matin, contre ces deux postes, des batteries qui balayèrent en quelques instants les éclaireurs qui se trouvaient sur la rive opposée. Pendant ce temps, un détachement de nageurs, dont une nacelle portait les armes traversait le Rhin à Gremheim et dispersait les postes de la rive gauche.
La nacelle que l’officier d’état-major Quesnot avait été enlever à la rive gauche, sous un feu presque à bout portant, servit ensuite à passer une cinquantaine d’hommes, qui facilitèrent la construction d’un pont, 4 bataillons le franchirent et continrent l’ennemi dans les villages voisins, jusqu’à ce que la cavalerie eût à son tour passé le Danube.
C’est alors qu’un des bataillons remonta par la rive gauche et enveloppa un détachement autrichien qui s’opposait au rétablissement du pont de Blindheim.
L’ennemi ne tint pas contre ces dispositions. Un bataillon Wutembergeois [8], débouchant de Donawerth sur Schweiningen, fut enlevé par la brigade de Jacques Pierre Louis Puthod . Deux autres bataillons ennemis, survenus presque au même instant, obtinrent d’abord quelque succès, mais l’escorte du général Lecourbe étant arrivée, ils eurent le sort des Wurtembergeois.
Les 2 ponts étant rétablis, la brigade Laval poursuivit sur la route de Donawerth les autrichiens, aux ordres du général Pierre Devaux , et Lecourbe se porta en forces sur Starray, qui avait rassemblé 4000 hommes à Hochstedt, mais qui, à l’approche des français, se retira sur Dillingen, où il avait laissé 3 bataillons, et où il fut suivi et attaqué par les français.
Pendant le combat qui eu lieu dans ce dernier poste, le centre de Moreau rétablissait le pont de Dillingen .Un détachement, guidé par le capitaine Joseph Léopold Sigisbert Hugo le père de Victor Hugo , un des officier d’état-major du général en chef, parvint à jeter une poutre sur l’arche du pont qui avait été coupé ; cet officier s’y lança le premier avec quelques braves, et, sous la mitraille, fraya un chemin à l’armée qui pénétra dans Dillingen.
Moreau, témoin de cet acte de bravoure, le nomma chef de bataillon sur le pont même qu’il venait d’enlever à l’ennemi.
L’ennemi, culbuté à Dillingen et menacé par Lecourbe qui débouchait du côté d’Altheim [9], se retira en colonnes serrées par les plaines de Lauingen [10], abandonnant 1800 prisonniers. Les fuyards se rallièrent sous la protection de 2000 cuirassiers et d’une brigade d’infanterie que Kray avait détachée la veille sur la Brenz [11] au secours de Starray.
Ce corps, appuyé par 3000 soldats allemands, arrivés récemment d’Ulm, obtint d’abord quelque succès contre la cavalerie de Lecourbe, harassée de fatigue ; mais l’arrivée de l’infanterie française et du centre de Moreau, qui débouchait par Dillingen, le décida bientôt à la retraite.
Cependant la cavalerie autrichienne s’étant ralliée près de Miedlingen, Lecourbe, renforcé de la division Decaen et de 4 régiments de cavalerie légère, la rejeta à 22 heures au-delà de la Brenz, pendant que Joseph Hélie Désiré Perruquet de Montrichard portait une demi-brigade sur Gundelfingen [12].
Le centre acheva pendant la nuit le passage du Danube que la gauche devait effectuer, le 20 au matin, par le pont de Gunzbourg [13], avec ordre, en cas de trop d’obstacles, de se rabattre sur Lauingen.
Ney , pendant ce temps, masquait Ulm, et assurait la communication avec le corps de Richepanse , en marche pour suivre l’armée. Le passage du Danube et la victoire d’Hochstadt valurent aux français 4000 prisonniers, 20 pièces de canon et 4 drapeaux.