Théodoric 1er le Grand (v. 455 - 526)
Roi des Ostrogoths (474-526)
Chef des Ostrogoths [1] à la mort de son père, le roi Thiudimir vassal d’Attila, Il passa les premières années de sa jeunesse en Pannonie [2], où les Ostrogoths venaient d’être installés comme fédérés de Rome à la suite d’un traité conclu en 454.
Les Ostrogoths se révoltèrent en 458-459, pillant la Dalmatie [3]. Mais les Romains, alors confrontés aux Vandales [4] de Genséric, cherchèrent à se réconcilier avec leurs fédérés. Ils acceptèrent de leur verser de l’or en échange de l’arrêt des pillages, traité qui fut garanti par l’envoi du jeune Théodoric à Constantinople, où il resta otage jusqu’en 471. Revenu en Pannonie, il succéda à son père en 474. Il usa alors de ses relations à Constantinople pour obtenir de meilleures conditions de vie pour son peuple, qu’il pu installer dans la riche Macédoine.
Ses rapports avec l’empereur Zénon furent équivoques. L’empereur en fit l’un de ses généraux, l’éleva au rang de patrice à l’instar du roi des Hérules [5], Odoacre, qui gouvernait à Rome, mais Théodoric gardait son indépendance. Tour à tour son allié ou son adversaire, il chercha à se rendre indispensable tout en obtenant le maximum d’avantages pour les Ostrogoths. Pour Zénon, il fut un partenaire encombrant et incommode, dont il ne pu cependant se passer. Ce fut, en effet, le roi ostrogoth qui aida l’empereur à vaincre un usurpateur en Asie Mineure en 485.
Mais, en 488, il n’hésita pas à marcher sur Constantinople pour demander de nouvelles terres pour son peuple, qui subissait alors les incursions des Bulgares. Zénon lui suggéra alors de s’installer en Italie. Par ce moyen, il se débarrassait de lui en le lançant contre Odoacre, maître de Rome depuis 476, et visait à maintenir l’autorité nominale de l’empire sur l’Italie. À l’automne 488, les Ostrogoths quittèrent les Balkans et arrivèrent en Italie du Nord au printemps. Odoacre résista jusqu’en mars 493 dans Ravenne assiégée, avant d’être assassiné traîtreusement par son rival. Maître désormais d’un espace qui incluait la Dalmatie, la Pannonie, le Norique [6], la Rhétie [7] et l’Italie, il voulut officiellement ressusciter l’Empire romain d’Occident, selon la promesse de lui déléguer ses pouvoirs faite par Zénon, promesse que l’empereur ne tint cependant pas.
Roi en Italie par la volonté des seuls Ostrogoths, il ne chercha jamais à se soustraire à l’autorité nominale de Constantinople. Cependant, malgré sa culture romanisée, il restait un Barbare, et les relations avec Anastase 1er, successeur de Zénon en 491, furent parfois difficiles. En 497, Anastase finit cependant par confirmer Théodoric dans ses pouvoirs. Installé à Ravenne, sa capitale, dont il fit un brillant foyer de culture, il défendit l’Italie impériale contre les Vandales d’Afrique, contre les Francs en Provence, contre les Gépides [8] et autres peuples en Dalmatie.
Il ne parviendra pas, en dépit des alliances, à reforger un État stable qui serait l’héritier de l’Ancien empire d’Occident, mais il réussit à enlever aux Francs la Provence et aux Burgondes [9] la partie comprise entre la Durance et la Drôme. Il s’appliqua à maintenir l’essentiel des services et des institutions romaines et utilisa les fonctionnaires romains. C’est sous son règne que furent construits certains beaux monuments de Ravenne. A la fin de son règne, il entra en conflit avec l’empereur d’Orient Justinien.
Notes
[1] Les Ostrogoths étaient une des deux fractions des Goths, peuple germanique venu des confins de la Baltique et établi au 4ème siècle en Ukraine et en Russie méridionale, au nord de la mer Noire, l’autre fraction étant celle des Wisigoths. Ils jouèrent un rôle considérable dans les événements de la fin de l’Empire romain.
[2] La Pannonie est une ancienne région de l’Europe centrale, limitée au Nord par le Danube et située à l’emplacement de l’actuelle Hongrie, et partiellement de la Croatie et de la Serbie.
Les habitants originaux sont les Pannoniens, qui sont envahis par les Celtes et les Boïens au 4ème siècle av. jc.
[3] La Dalmatie est une région littorale de la Croatie, le long de la mer Adriatique, qui va de l’île de Pag, au nord-ouest, à Dubrovnik et la baie de Kotor au Monténégro au sud-est.
[4] Les Vandales sont un peuple germanique oriental. Lors des Grandes invasions du 5ème siècle, leur migration les conduisit successivement en Gaule, Galice et Bétique en Espagne, Afrique du Nord puis dans les îles de Méditerranée occidentale Ils fondèrent également le « royaume vandale d’Afrique », ou « royaume de Carthage ».
L’origine des Vandales est scandinave. Les Sillings seraient originaires du Nord du Jutland, les Hasdings du golfe d’Oslo qu’ils quittent pour le Jutland également : ils sont mentionnés pour la première fois par Tacite. Entre le 1er et le 3ème siècle, ils sont établis en Germanie orientale, dans une région située entre la Vistule et l’Oder, au bord de la mer Baltique.
[5] Les Hérules sont un peuple germanique appartenant au groupe ostique, ou groupe des Germains dits « orientaux », issus de Scandinavie, comme les Goths, les Vandales, les Burgondes, et les Gépides entre autres. Peu connus, les Hérules apparaissent comme un peuple mineur mais furent souvent signalés dans les raids gothiques et notamment sur la Mer Noire, où ils se découvrent vite une vocation de pirates.
En 267, ils pillent Athènes et mettent ainsi fin à la prestigieuse production sculpturale de la ville. Ils sont mentionnés pour la première fois dans les sources romaines au 3ème siècle lorsqu’en 268 et 269, ils prennent part à une coalition barbare qui réunit les Peucins et les Carpes, petites peuplades germaniques, mais également des Gépides, et surtout des Goths.
Au 3ème siècle, un autre peuple germanique, les Lombards, alors établis en Pannonie et qui ne font irruption en Occident qu’en 568, sont alliés ou sont vassaux des Hérules.
Au 5ème siècle, ces derniers possèdent un semblant de royaume le long du Danube, bien qu’étant sans doute peu nombreux, c’est probablement de là que part la bande armée dont Odoacre, par ailleurs un des leurs déjà établi en Italie, prend la tête. Ce dernier incendie Pavie, pille Rome et dépose l’empereur Romulus Augustule, se faisant proclamer « Roi d’Italie » en 476.
[6] Le Norique est un royaume celtique qui s’est constitué au 2ème siècle av. jc. Les Noriques formaient une confédération avec leurs voisins les Boïens et les Taurisques.
Par la suite le Norique est devenu une province de l’Empire romain. Elle était limitée au nord par le Danube, à l’ouest par la Rhétie, à l’est par la Pannonie et au sud par la Dalmatie. Elle correspond approximativement à la Styrie, la Carinthie et à des parties de la Bavière et aux régions de Vienne et Salzbourg.
Pendant longtemps les habitants du Norique jouirent de l’indépendance autonomie du commerce avec les Romains. En 48 av. jc ils prirent le parti de Jules César dans la guerre contre Pompée. En 16 av. jc, s’étant joint aux habitants de la Pannonie dans l’invasion d’Histria, ils furent défaits par Publius Silius, proconsul d’Illyrie. La province du Norique fut alors annexée, sans avoir l’organisation d’une province romaine, mais en restant un royaume autonome (regnum Noricum). Elle était sous le contrôle d’un procurateur impérial. Ce n’est que sous le règne de Marc Antoine que la légion II Pia (appelée par la suite Italica) fut stationnée en Norique, et le commandant de la légion devint le gouverneur de la province. Aux alentours de 40, le royaume fut entièrement intégré dans l’Empire romain par Claude, comme province impériale avec pour capitale Virunum, près de Klagenfurt.
[7] La Rhétie encore appelée Rhétie-Vindélicie est une province de l’Empire romain, limitée au nord par le Danube, à l’est par le cours de l’Inn et la province de Norique, à l’ouest par la Germanie supérieure, au sud la Gaule cisalpine. Elle couvre la partie de la Bavière au sud du Danube, l’est de la Suisse, de la source du Rhin au lac de Constance, et le Tyrol autrichien.
Avant la conquête romaine, le Tyrol était occupé par les Rhètes, et la Bavière par les Vindéliciens.
[8] Les Gépides sont un peuple germanique du rameau ostique, proche des Goths, qui était installé en basse Vistule, puis au centre de l’Europe (bassin des Carpates, 269–670) durant le haut Moyen Âge.
En 539, les Gépides, qui ont donné leur nom à la Dacie, anciennement Gothie mènent la guerre contre l’Empire d’Orient et s’étendent en Mésie. Vers 550, leur territoire comprend les terres situées entre Dobroudja et Tisza d’ouest en est, et entre Carpates et Danube, du nord au sud
[9] D’abord cantonnés en Sapaudia les Burgondes commencèrent par grignoter le territoire gaulois vers l’ouest. En 457, Gondioc et Chilpéric Ier saisirent une première occasion de pousser leurs frontières. A l’été 457 le Valais, la Tarentaise, les villes de Besançon, Chalon sur Saône, Langres, Autun, Grenoble ainsi que Lugdunum, la vieille capitale des Gaules, se livrèrent pacifiquement aux Burgondes. Egidius, le généralissime de Majorien en Gaule reprit aussitôt la capitale des Gaules mais il abandonna aux rois Burgondes leurs nouvelles terres. Lugdunum reviendra aux Burgondes vers 467 lorsque Chilpéric 1er s’en empara, comme il s’empara également à la même époque de la ville de Vienne. Il profita probablement des troubles qui secouèrent entre 469 et 475 un Empire d’Occident, alors à l’agonie, pour porter jusqu’à la Durance les limites de son royaume. Les villes de Viviers, Gap, Embrun, Die, Sisteron, Orange, Apt, Cavaillon, Avignon devinrent villes burgondes. L’empereur Népos reconnut leurs conquêtes.
Dès ce moment le royaume burgonde eut, ou peu s’en faut, les limites qu’il conserva dès lors. Ce territoire ne comprenait pas moins de 25 diocèses ou anciennes cités romaines : Auxerre, Langres, Besançon, Chalon sur Saône, Autun, Lugdunum, Genève, Windisch, Octodurum actuellement Martigny, en Suisse, Vienne, Valence, Carpentras, Orange, Avignon, Cavaillon, Vaison, Gap, Embrun, Sisteron, Grenoble, Aoste, Die, Viviers, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Apt. Mais les Burgondes gagnent ou perdent incessamment du terrain. Marseille et son port, Arles et la Provence gagnés vers 484, et perdus après la guerre contre les Francs, conquêtes éphémères, auront un moment fait partie de leur territoire. À son apogée, les contours du royaume burgonde touchaient, au nord, la ligne des Vosges et la Durance au midi ; d’orient en occident, ils s’étendaient de l’Aar à la Saône et la Haute-Loire.
Ce fut le territoire soumis à cette royauté qui prit, une première fois, le nom de Burgondia dans une correspondance de Cassiodore et rédigée en 507 au nom de Théodoric le Grand.