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L’histoire pour le plaisir

Wittiza

jeudi 20 décembre 2018, par lucien jallamion

Wittiza (vers 685-vers 710)

Roi wisigoth d’Hispanie et de Septimanie de 702 à 710

Fils du roi Égica et de la princesse Cixillo, fille du roi Ervige .

Devenu adolescent, son père le nomme dux [1] de Galice [2] et l’associe au pouvoir, au plus tard en 698, cherchant comme ses prédécesseurs à imposer sa dynastie.

Durant le règne de son père, Wittiza siège principalement à Tuy [3] en Galice, dans l’ancien royaume des Suèves [4]. Lors d’un excès de colère, le jeune prince tuera à coups de bâton Favila, le capitaine de sa garde. On soupçonna Wittiza d’avoir tué Favila pour abuser plus librement de sa femme.

À la mort du roi Égica en 702, il règne seul sur un royaume wisigoth [5] affaibli par les épidémies de famine et de peste et par les intrigues de la noblesse. La chronique mozarabe [6] de 754 dit que Wittiza répara les crimes de son père en rappelant notamment les bannis du royaume et en les dédommageant, leur restituant leurs biens et les rétablissant dans leurs fonctions.

La chronique d’Alphonse III dite ad Sebastianum [7], rédigée vers 900, trace un portrait peu flatteur du roi Wittiza. Il est décrit comme un homme malhonnête aux mœurs scandaleuses qui se souilla entre ses épouses et ses concubines et qui, pour ne pas lever la censure contre lui, déprava l’ordre religieux.

Toujours selon cette chronique, ses crimes furent la cause de la chute des Goths [8] et de la perdition de l’Espagne. La chronique est peut-être inspirée par une autre chronique rédigée au 9ème siècle, le Chronicon moissiacense [9], qui trace un portrait extrêmement défavorable de Wittiza, un roi adonné aux femmes, qui enseigna par son exemple aux prêtres et au peuple à vivre luxurieusement, irritant la colère du Seigneur.

L’archevêque Gondéric de Tolède , qui demandait à Wittiza de changer de mode de vie, fut remplacé à sa mort par l’une des créatures du roi, Sindred, qui fut complice de ses débauches. Wittiza l’imposait au clergé comme un exemple à imiter et punissait les prêtres qui osaient invectiver contre la corruption des mœurs.

Selon Cesare Baronio , le pape Constantin adressa à Wittiza de vives remarques et le menaça même de le déposer s’il ne rétractait pas les décrets qui portaient atteinte à l’autorité du Saint-Siège. Le roi menaça alors à son tour le pape de marcher sur Rome à la tête d’une armée pour le soumettre.

Son comportement scandaleux suscita des troubles dans le royaume et, selon Luc de Tuy , il fit abattre les murailles des villes à l’exception de Tolède [10], Astorga [11] et Tuy, afin de prévenir toute résistance à sa tyrannie.

Sous son règne se déroula le 18ème Concile de Tolède [12], probablement en 703, concile présidé par l’archevêque Gondéric de Tolède.

Selon Isidore de Beja , une flotte byzantine attaqua le royaume wisigoth, à l’instigation de l’empereur Justinien II, mais les forces grecques furent repoussées par le comte Théodemir ou Theudimer .

La fin de son règne reste mystérieuse. Selon la chronique d’Alphonse III, Wittiza mourut de causes naturelles tandis que d’autres sources laissent entendre qu’il aurait été renversé et éliminé par Rodéric qui s’empara de la royauté, montant sur le trône sur les instances du Sénat [13].

Selon une légende, le père de Rodéric, le noble goth Théodefred duc de Cordoue, avait été l’une des nombreuses victimes de la tyrannie du cruel Wittiza qui l’avait fait aveugler et jeter en prison, où il mourut. Rodéric, pour venger son père, complota pour renverser le tyran. Suscitant une révolte dans le royaume, il s’empara du roi à Tolède, capitale wisigothe, et le fit exécuter après l’avoir fait aveugler. Puis Rodéric monta sur le trône, évinçant les jeunes fils du roi déchu qui, pour se venger, s’allieront aux conquérants musulmans.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du livre de Roger Collins, Visigothic Spain, 409–711. Blackwell Publishing, 2004.

Notes

[1] Un duc, du latin dux, signifiant « meneur, chef », est le titulaire d’un titre de haute noblesse attribué par plusieurs monarchies européennes depuis le Moyen Âge. À l’origine, c’était une charge militaire puis politique et militaire associée au commandement dans une région frontalière de l’Empire romain.

[2] La Galice est une communauté autonome avec un statut de nation historique située à l’extrémité nord-ouest de l’Espagne. Elle est entourée par la principauté des Asturies, la Castille-et-León, le Portugal, l’océan Atlantique et la mer Cantabrique. Elle recouvre une superficie de 29 574 km². La Galice se compose de quatre provinces : La Corogne, Lugo, Ourense et Pontevedra. Saint-Jacques-de-Compostelle, cinquième ville galicienne par sa population et située dans la Province de La Corogne, est la capitale politique de la communauté autonome, sans être celle de la province, qu’est La Corogne, ancienne capitale politique de la Galice et ville la plus importante de la région.

[3] Tui (Pontevedra) Tui est une commune de la province de Pontevedra en Galice (Espagne) appartenant à la comarque du Baixo Miño. Tui est une ville frontière entre l’Espagne et le Portugal. Le roi wisigoth Wittiza y installa sa cour au début du 8ème siècle. La cité fut attaqué par les Vikings au début du 11ème siècle. En 1809, la ville fut prise par les troupes du Maréchal Soult, lors de la deuxième invasion du Portugal.

[4] Dans le cadre des Grandes Invasions, les Suèves se sédentarisent dans la région correspondant à l’actuelle Galice et au nord du Portugal au début du 5ème siècle. Ce royaume suève prend Bracara Augusta, actuelle Braga, comme capitale et existe de 410 à 584, année de son effondrement devant l’armée du royaume wisigoth dirigée par le roi Léovigild.

[5] Les Wisigoths entrent en Gaule, ruinée par les invasions des années 407/409. En 416 les Wisigoths et leur roi Wallia continuent leur invasion en Espagne, où ils sont envoyés à la solde de Rome pour combattre d’autres Barbares. Lorsque la paix avec les Romains fut conclue par le fœdus de 418, Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde. La sédentarisation en Aquitaine a lieu après la mort de Wallia. Les Wisigoths pénétrèrent en Espagne dès 414, comme fédérés de l’Empire romain. Le royaume des Wisigoths eut d’abord Toulouse comme capitale. Lorsque Clovis battit les Wisigoths à la bataille de Vouillé en 507, ces derniers ne conservent que la Septimanie, correspondant au Languedoc et une partie de la Provence avec l’aide des Ostrogoths. Les Wisigoths installèrent alors leur capitale à Tolède pour toute la suite. En 575 ils conquièrent le royaume des Suèves situé dans le nord du Portugal et la Galice. En 711 le royaume est conquis par les musulmans.

[6] Les chroniques mozarabes sont une suite de documents rédigés à partir de 754 par des moines chrétiens espagnols réfugiés dans les Asturies à cause de la conquête musulmane de l’Ibérie, devenue al-Andalus 40 ans auparavant. De culture latine et wisigothique, ces moines rebelles refusaient de se plier au nouvel ordre musulman, contrairement à leurs coreligionnaires Mozarabes de Tolède, et narrèrent l’épopée de la chrétienté face aux nouveaux maîtres du défunt royaume wisigoth. Ces documents constituent la seule trace écrite sur ces événements. Ces chroniques introduisent l’idée d’une continuité du sang des rois goths dans la lignée du Royaume des Asturies, credo qui subsiste dans la famille royale d’Espagne encore actuellement (l’héritier royal espagnol est titré prince des Asturies pour cela).

[7] La Chronique d’Alphonse III (en latin : Chronica Adefonsi tertii regis) est un document historique du type chronique qui est attribué au roi Alphonse III en personne. Elle couvre un espace de temps qui va depuis le règne de Wamba jusqu’à la fin de celui de Ordoño Ier

[8] Les Goths faisaient partie des peuples germaniques. Selon leurs propres traditions, ils seraient originaires de la Scandinavie. Ils provenaient peut-être de l’île de Gotland. Mais ils pourraient également être issus du Götaland en Suède méridionale ou bien du Nord de la Pologne actuelle. Au début de notre ère, ils s’installèrent dans la région de l’estuaire de la Vistule. Dans la seconde partie du 2ème siècle, une partie des Goths migrèrent vers le sud-est en direction de la mer Noire. Dès le 3ème siècle les Goths étaient fixés dans la région de l’Ukraine moderne et de la Biélorussie où ils furent probablement rejoints par d’autres groupes qui ont été plus ou moins intégrés dans la tribu. Les Goths formaient un seul peuple jusqu’à la fin du 3ème siècle. Après un premier affrontement avec l’Empire romain dans le sud-est de l’Europe au début du siècle, ils se séparèrent en deux groupes : les Greuthunges à l’Est et les Tervinges à l’Ouest qui deviendront par la suite les Ostrogoths ou « Goths brillants », à l’Est, et les Wisigoths ou « Goths sages » à l’Ouest.

[9] Chronique de Moissac

[10] Tolède est une ville qui se trouve dans le centre de l’Espagne, capitale de la province du même nom et de la communauté autonome de Castille-La Manche. Lors des Grandes invasions du 5ème siècle qui ravagèrent un Empire romain d’Occident déclinant, Tolède est pillée à plusieurs reprises par les Barbares (Vandales, Suèves et Alains) qui ont envahi la péninsule Ibérique à partir de l’an 409. À partir du milieu du 6ème siècle, Tolède devient la capitale des Wisigoths, devenus les nouveaux maîtres d’une grande partie de la péninsule. Au début du 8ème siècle, lors de la conquête musulmane de l’Espagne, le dernier souverain wisigoth, Rodrigue, est battu par le conquérant arabe Tariq ibn Ziyad à la bataille de Guadalete en 711. Tolède tombe aux mains des musulmans en 712. À partir de là, la ville fait partie du Califat omeyyade, puis de l’Émirat de Cordoue (755–929), et enfin du Califat de Cordoue. Le 25 mai 1085, en pleine Reconquista, les chrétiens dirigés par le roi Alphonse VI de Castille reprennent Tolède aux musulmans.

[11] Astorga est une ville, chef-lieu du municipio (canton) du même nom et des comarques de Maragatería (comarque traditionnelle) et de Tierra de Astorga (es) (comarque administrative), dans la province de León, communauté autonome de Castille-et-León, au nord-ouest de l’Espagne. La ville appartient jusqu’au début du 8ème siècle au royaume wisigoth d’Espagne. Lors de la chute de ce royaume du fait de l’invasion musulmane de l’Espagne en 711, la ville est assiégée par les Arabes en 714. Elle est reconquise sur les Arabes par le roi Alphonse 1er des Asturies.

[12] Le 18ème concile de Tolède s’est tenu à Tolède, dans le royaume Wisigothique, actuelle Espagne, vers 702. Ce fut le dernier concile avant l’invasion des Maures en 711.

[13] c’est-à-dire l’assemblée des hauts représentants de la noblesse laïque au palais