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Isabelle II de Jérusalem ou Yolande de Brienne

jeudi 7 décembre 2023, par lucien jallamion

Isabelle II de Jérusalem ou Yolande de Brienne (1212-1228)

Reine de Jérusalem de 1212 à 1228-Impératrice du Saint Empire et reine de Sicile de 1225 à 1228

Fille de Jean de Brienne et de Marie de Montferrat . Peu après sa naissance, sa mère contracte une grave maladie, peut-être la fièvre puerpérale, et meurt. Son père, qui n’était que roi à titre de prince consort, devient le bailli et le régent du royaume de Jérusalem [1] au nom de sa fille.

De 1218 à 1221, une nouvelle croisade [2], conduite par le légat [3] Pélage Galvani vient en Orient afin de délivrer Jérusalem [4]. Considérant que les campagnes en Galilée [5] et dans l’arrière pays sont inutiles, et que Jérusalem ne peut être prise d’assaut, car trop bien défendue, Jean de Brienne leur conseille d’envahir l’Égypte, d’y faire quelques conquêtes afin de les échanger contre Jérusalem.

C’est ce que font les croisés, mais après avoir pris quelques villes dont Damiette [6], le légat Pélage refuse les offres d’échanges du sultan Al-Kamil et se met en tête de conquérir la totalité de l’Égypte.

Méconnaissant le pays, l’armée croisée est désorganisée par la crue du Nil alors qu’elle cherche à assiéger Le Caire [7]. Cernés par les troupes du sultan, les croisés n’ont pas d’autre choix que céder Damiette en échange de leur liberté.

Jean de Brienne et Al-Kamil signent une trêve de 8 ans, puis Jean de Brienne se rend en 1222 en Occident pour rencontrer le pape et les souverains européens afin d’organiser une nouvelle croisade.

Il rencontre le pape Honorius III en novembre 1222 et se plaint des erreurs du légat qui ont entraîné l’échec de la croisade. Auprès du pape se trouve alors Frédéric II, empereur germanique. le pape et Hermann von Salza , grand-maître de l’ordre Teutonique [8], il propose d’organiser le mariage d’Isabelle, la fille de Jean de Brienne, avec Frédéric. De part et d’autre, les avantages semblent multiples.

Pour Jean de Brienne, ce mariage va inciter les chevaliers du Saint Empire à se croiser en grand nombre. Le pape espère que ce mariage l’aidera à convaincre Frédéric II de se croiser.

Frédéric II y voit l’occasion d’agrandir ses états, de s’implanter en Orient et de donner à son empire une dimension méditerranéenne.

Jean de Brienne se rend ensuite en France. Le roi Philippe Auguste le reçoit honorablement, mais lui reproche d’avoir accepté le projet de mariage sans l’avoir consulté, prévoyant le sort du royaume de Jérusalem.

En août 1225, une escadre impériale de 14 navires arrivent à Saint-Jean-d’Acre [9] amenant l’évêque Jacques de Patti, qui célèbre immédiatement le mariage par procuration d’Isabelle et Frédéric, et le couronnement de la nouvelle impératrice. Puis l’escadre repart, emmenant Isabelle, son père et plusieurs membres de la famille en direction de Brindisi [10], en Italie, où le mariage est célébré le 9 novembre 1225.

Le lendemain, Frédéric II exige de Jean de Brienne qu’il lui cède le royaume de Jérusalem, malgré les promesses qui stipulaient que Jean de Brienne resterait roi jusqu’à sa mort. Frédéric consomme immédiatement le mariage, malgré le jeune âge d’Isabelle, puis la trompe en violant une de ses cousines venue assister au mariage.

La jeune impératrice n’est probablement pas heureuse. Frédéric II s’est constitué un harem à la mode orientale, et c’est dans cette ambiance que sa jeune femme passe les 3 dernières années de sa vie. Dans le même temps, l’époux volage est le géniteur de 3 enfants naturels, Constance de Hohenstaufen (1230-1307) , Manfred et Violante. Selon certaines sources, il aurait régularisé leur situation en épousant leur mère, Bianca Lancia , quelques années plus tard.

Isabelle meurt le 25 avril ou le 5 mai 1228, après avoir donné un fils à son époux, le futur Conrad IV. C’est seulement après sa mort que Frédéric II, excommunié depuis le 28 septembre 1227, se rend en Terre sainte, et s’empare de Jérusalem, non par les combats mais par les négociations, au grand scandale de la chrétienté.

Bien qu’elle n’ait pratiquement pas participé aux décisions gouvernementales, la vie, le règne et le mariage d’Isabelle II de Jérusalem marquent un tournant dans l’histoire du royaume de Jérusalem. Avant, le roi vivait toujours dans le royaume et ne le quittait que rarement. Après, il n’y aura qu’occasionnellement un roi résident.

Quand Frédéric II se décide à venir dans le royaume, après la mort d’Isabelle, il se mettra à dos une partie de la noblesse, et la querelle entre les Guelfes [11] et les Gibelins [12] se déchaînera après son départ.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Régine Pernoud, La femme au temps des croisades, Paris, Livre de Poche, 1990 (ISBN 2-253-06152-2)

Notes

[1] Le royaume de Jérusalem fut fondé par des princes chrétiens à la fin de la première croisade, lorsqu’ils s’emparèrent de la ville. C’est l’un des États latins d’Orient. On peut distinguer plusieurs périodes dans son histoire : celles où le titre de roi de Jérusalem est associé à la mainmise croisée sur la ville (1099-1187 et 1229-1244), et celles où le titre représente le plus haut niveau de suzeraineté des croisés en Terre sainte, mais durant lesquelles la ville en elle-même n’appartient pas aux soldats croisés. Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville et ne disparut réellement qu’avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291, soit moins de deux siècles plus tard.

[2] La cinquième croisade (1217/1221) est une campagne militaire dont le but était d’envahir et de conquérir une partie du sultanat ayyoubide d’Égypte afin de pouvoir échanger les territoires conquis contre les anciens territoires du royaume de Jérusalem se trouvant sous contrôle ayyoubide. Malgré la prise de Damiette, cette croisade fut un échec, à cause de l’intransigeance du légat Pélage et de sa méconnaissance de la politique locale, ce qui le conduisit à refuser les négociations au bon moment.

[3] Le légat apostolique ou plus communément légat du pape, ou légat pontifical, est un représentant extraordinaire du pape chargé d’une mission spécifique, généralement diplomatique. Il se distingue en cela du nonce apostolique qui est un ambassadeur permanent du Saint Siège auprès des gouvernements étrangers.

[4] Ville du Proche-Orient que les Israéliens ont érigée en capitale, que les Palestiniens souhaiteraient comme capitale et qui tient une place centrale dans les religions juive, chrétienne et musulmane. La ville s’étend sur 125,1 km². En 130, l’empereur romain Hadrien change le nom de Jérusalem en « AElia Capitolina », (Aelius, nom de famille d’Hadrien ; Capitolina, en hommage au dieu de Rome, Jupiter capitolin) et il refonde la ville. Devenue païenne, elle est la seule agglomération de la Palestine à être interdite aux Juifs jusqu’en 638. Durant plusieurs siècles, elle est simplement appelée Aelia, jusqu’en 325 où Constantin lui redonne son nom. Après la conquête musulmane du calife Omar en 638, elle devient Iliya en arabe, ou Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), équivalent du terme hébreu Beit ha-Mikdash (« Maison sainte »), tous deux désignant le Temple de Jérusalem, ou le lieu du voyage et d’ascension de Mahomet, al-Aqsa, où se situait auparavant le temple juif

[5] La Galilée est souvent citée dans l’Ancien Testament, et sa partie septentrionale évoquée comme "la Galilée des Gentils" dans le Nouveau Testament. Elle est décrite par Flavius Josèphe qui évoque son histoire, son peuplement sa géographie, et lui donne deux parties : la Galilée supérieure, en grande partie peuplée de Gentils, et la Galilée inférieure, en grande partie peuplée de Juifs. Son nom de Galilée pourrait venir d’un peuplement celte, comme plus au nord la Galatie. Elle recouvrait avant la Captivité les territoires des tribus d’Issacar, de Zabulon, de Nephthali et d’Asher. Comme les Galiléens étaient de bons cultivateurs, plantant des figuiers, des oliviers, des noyers, des palmiers, des habiles artisans et de bons pêcheurs, la Galilée était prospère avec 400 villes, certaines très peuplées.

[6] Damiette est un port du gouvernorat du même nom, en Égypte, dans le delta du Nil, à environ 200 kilomètres au nord-est du Caire. Dans l’Égypte ancienne, la cité était nommée Tamiat, mais elle perdit de l’importance durant la période grecque après la construction d’Alexandrie. Damiette reprit de l’importance durant les 12ème et 13ème siècles dans le cadre des Croisades. En 1169 une flotte du Royaume de Jérusalem, avec des soutiens de l’Empire byzantin attaqua le port, mais fut défaite par Saladin. Durant les préparations de la cinquième croisade en 1217, il fut décidé que Damiette serait la cible de l’attaque. Le contrôle de Damiette impliquait le contrôle du Nil, et les croisés pensaient pouvoir conquérir l’Égypte à partir de là. Après l’Égypte ils pourraient attaquer la Palestine et reprendre Jérusalem. Le port fut assiégé et occupé par des croisés de Frise en 1219, mais en 1221 les croisés furent vaincus devant Le Caire et chassés d’Égypte. Damiette fut aussi la cible de la septième croisade, menée par Saint Louis. Sa flotte arriva en 1249 et s’empara rapidement du fort. Il refusa de le rétrocéder au roi de Jérusalem, à qui il avait été promis durant la cinquième croisade. Toutefois à la suite de nouvelles défaites militaires, les croisés furent contraints de rendre la ville. Saint Louis donna aux remparts d’Aigues-Mortes la forme qu’avaient ceux de la ville égyptienne. Du fait de son importance pour les croisés, le sultan Mamelouk Baybars détruisit la ville et la reconstruit quelques kilomètres plus loin avec de meilleures fortifications. Aujourd’hui un canal la relie au Nil, ce qui en fait de nouveau un port important.

[7] Le Caire est la capitale et la plus grande ville d’Égypte. C’est la plus grande ville du Moyen-Orient et la seconde d’Afrique derrière Lagos. Les Fatimides et leur troupes composées de Berbères kotamas d’Algérie fondent le noyau urbain actuel, alors nommé Al-Mansûriyyah, pour en faire leur nouvelle capitale. Située sur la route des épices entre l’Europe et l’Asie, la ville connaît une longue période de prospérité : vers 1340, la population du Caire atteint un demi-million d’habitants, ce qui en faisait déjà l’une des plus grandes villes du monde arabe.

[8] L’ordre Teutonique est fondé en Terre sainte, à Saint-Jean-d’Acre, du temps des Croisades et, à l’instigation de l’évêque Wolfgar d’Erla, reconnu comme ordre hospitalier en 1191 par le pape Clément III. Il a pour racine l’hôpital Sainte-Marie-des-Teutoniques à Jérusalem, fondé en 1128 par des pèlerins germaniques originaires de Brême et de Lübeck pour soigner leurs compatriotes, grâce aux fonds du duc Frédéric de Souabe. À l’origine simple communauté religieuse charitable venant en aide aux pèlerins chrétiens malades auprès de cet hôpital, il est réorganisé en ordre militaire vers 1192 et obtient la reconnaissance officielle du pape Innocent III en 1198. Il est composé pour l’essentiel de chevaliers allemands ou teutons. Ce sont les dons que les malades font à l’ordre qui permettent de financer la défense d’une section de mur, puis de deux tours et enfin de plusieurs villes en terre sainte. Petit à petit l’ordre se dote d’une force de frappe militaire importante et participe aux guerres contre les Maures. Le premier grand maître Heinrich Walpot est élu en Terre Sainte où il fait bâtir une église et un hôpital. L’ordre teutonique s’implante également en Suisse actuelle en 1199, en Thuringe en 1200, dans le sud du Tyrol en 1202, à Prague et en Bohême en 1202, et à Liège en 1259. L’Ordre compte en 1220, une douzaine de maisons en Terre Sainte, en Grèce, en Italie méridionale et en Germanie.

[9] Acre est une ville d’Israël, située au nord de la baie de Haïfa, sur un promontoire et dotée d’un port en eaux profondes. Acre est située à 152 km de Jérusalem et dépend administrativement du district nord. Cette ville côtière donne son nom à la plaine d’Acre qui comporte plusieurs villages. Son ancien port de commerce florissant dans l’Antiquité, est devenu une zone de pêche et de plaisance de moindre importance. Elle devient au 13ème siècle la capitale du Royaume de Jérusalem et le principal port de Terre sainte.

[10] Brindisi est une ville de la province de Brindisi dans les Pouilles en Italie. C’est une ville importante de la côte adriatique, célèbre depuis l’antiquité. Son port en branches de cerf, le seul vraiment protégé de la côte adriatique, en a fait une porte vers l’Orient dès l’époque romaine. Cité grecque à l’origine et capitales des Salentins, Brindisium est conquise par le consul Marcus Atilius Regulus en 267 av. jc, achevant la conquête romaine du sud de l’Italie. Transformée en colonie romaine en 244 av. jc, elle fut rapidement reliée à Rome par la via Appia, puis par la Via Trajana.

[11] Les guelfes et les gibelins sont deux factions (parti ou, plus souvent, brigate ou sette) médiévales qui s’opposèrent militairement, politiquement et culturellement dans l’Italie des Duecento et Trecento. À l’origine, elles soutenaient respectivement deux dynasties qui se disputaient le trône du Saint Empire : la pars Guelfa appuyait les prétentions de la dynastie des « Welf » et de la papauté, puis de la maison d’Anjou, la pars Gebellina, celles des Hohenstaufen, et au-delà celles du Saint Empire. Conflit en apparence limité au Saint Empire, l’opposition entre Guelfes et Gibelins va se transporter dans diverses parties d’Europe, principalement dans les villes de la péninsule italienne. Dans cette bipolarisation, parfois surestimée, les allégeances dynastiques sont parfois secondaires, les adhésions fluctuantes, et il faut attendre le règne de Frédéric II pour que papauté et empire deviennent des symboles forts de ralliement et que se construise une véritable division antithétique. Ce clivage trouve des manifestations dans le domaine civique et religieux et cristallise les tensions entre les villes italiennes, au sein de leurs élites et parfois entre la ville et son contado. L’écho du conflit se manifeste à des époques ultérieures, en revêtant de nouveaux caractères et en stigmatisant des oppositions idéologiques nouvelles.

[12] Les gibelins (la pars gebellina), soutiennent la dynastie des Hohenstaufen, au-delà, celles du Saint Empire romain germanique.