Aristocrate arabe Qurayshite [1] de la famille des Fihrides [2] ou Oqbides. Son cousin, Yusuf ibn ’Abd al-Rahman al Fihri pris la tête de l’émirat d’al-Andalus [3]
Son père, Habib ibn Abi Obeida était un général, conquérant du Souss [4], qui participa en 740 à une expédition maritime vers la Sicile [5]. Après un débarquement réussi et une rapide réédition de Syracuse [6] après un bref siège, la ville accepte de payer un tribut.
Mais l’éclatement de la Grande Révolte Berbère [7] au Maghreb force Abd al-Rahman et son père a un retour précipité de leurs armées pour se joindre aux forces envoyées réprimer le soulèvement. Les arabes sont cependant vaincus par les Berbères à la Bataille de Bagdoura [8] près du Sebou en 741. Son père, Habib ibn Abi Obeida al-Fihri, est tué sur le champ de bataille, tandis qu’Abd al-Rahman échappe de justesse et s’enfuit vers l’Espagne avec le reste de l’armée arabe.
Arrivé en Espagne, Abd al-Rahman s’implique dans le conflit qui né immédiatement après le débarquement de l’armée arabe défaite entre les commandants de cette dernière et le Gouverneur d’Espagne Abd al-Malik ibn Qatan al-Fihri.
Abd al-Rahman participe alors à la Bataille de Aqua Portora en août 740, et il blesse mortellement le commandant Balj ibn Bishr al-Qushayri.
À la suite de la bataille, Abd al-Rahman tente de se mettre en avant comme candidat potentiel pour remplacer le Gouverneur, mais Abu al-Khattar ibn Dirar al-Kalbi est envoyé en 743 par le Gouverneur d’Ifriqyia [9] Handhala ibn Safwan al-Kalbi pour gouverner l’Andalousie, et parvient à pacifier la situation.
Abd al-Rahman se voit donc contraint de renoncer à ses ambitions andalouses, et se dirige vers l’Ifriqiya elle-même.
Il est probable qu’Abd al-Rahman ait commencé par servir le Gouverneur Handhala ibn Safwan al-Kalbià à des postes militaires, et plus particulièrement au commandement de la garnison militaire de la Tunisie.
À la fin de l’année 744, dans la tourmente causée par la mort du Calif Omeyyade [10] Hisham, Abd al-Rahman assemble une petite force à Tunis et se proclame Émir d’Ifriqiya. Bien qu’exhorté à écraser l’usurpateur, le Gouverneur Handhala ibn Safwan al-Kalbi décide d’éviter l’effusion de sang, considérant que seule la guerre contre les infidèles et les hérétiques pouvait la justifier.
Il envoya alors à Abd al-Rahman une députation composée des personnalités prééminentes de la ville de Kairouan [11] et des chefs de tribus pour l’exhorter à mettre fin à l’usurpation. Profitant de cette initiative, Abd al-Rahman se saisit des membres de la députation et menace les habitants de Kairouan de les exécuter s’il n’était pas fait droit à ses demandes. Handhala ibn Safwan al-Kalbi, pris au piège, consent à retourner à Damas [12] en février 745, laissant ainsi Abd al-Rahman maître de Kairouan et de toute l’Ifriqiya.
Abd al-Rahman ibn Habib est parvenu au pouvoir essentiellement grâce au soutien de la haute caste militaire arabe locale dont il était la figure de proue, crainte et méprisée par le reste de la population. En effet, leur avidité et leurs ambitions avait longtemps été tenues en échec par les gouverneurs envoyés par les Califes Omeyyades. Mais le lien hiérarchique entre Abd al-Rahman et Damas ayant été interrompu, la haute noblesse arabe de Kairouan s’attendait à être autorisé à donner libre cours à leur appétit par leur nouvel Emir.
Leurs espérances furent cependant vite déçues, lorsqu’ils comprirent qu’Abd al-Rahman voulait un pays à gouverner, et n’était pas prêt à le voir fragmenté et remis à l’avidité d’une noblesse féodale. Ainsi, Abd al-Rahman s’aliéna toutes les factions d’Ifriqiya, les nobles arabes et le peuple et pour affirmer son pouvoir, il se tourna vers ses biens les plus précieux : sa ruse et sa famille, les Fihrids, qui et lui permettront d’écraser patiemment et impitoyablement chaque révolte une à une.
En effet, à peine Abd al-Rahman installé dans la ville de Kairouan en 745, des révoltes tantôt arabes et tantôt berbères éclatent dans toute l’Ifriqiya. Tunis se révolta sous le commandement de Orwa ibn ez-Zobeir es-Sadefi. Tabinas* se révolta sous le commandement de Ibn el Attaf-Azdi. Béja* est prise par le rebelle berbère sanhaja Thabit al-Sanhaji.
Pour mâter ces révoltes, Abd al-Rahman confia 600 cavaliers a son frère, Ilyas ibn Habib al-Fihri , qu’il avait nommé Wali [13] de Tripolitaine [14].
Ibn el Attaf-Azd, voyant l’armée d’Ilyas al-Fihri se rapprocher puis s’éloigner en direction de Tunis, décida de la poursuivre de façon qu’elle soit prise en tenaille entre ses propres forces et celles Orwa ibn ez-Zobeir es-Sadefi défendant Tunis. Arrivé à l’endroit convenu, Ilyas al-Fihri reçoit alors l’ordre de Abd al-Rahman de faire faire demi tour à ses cavaliers, et d’attaquer de front l’armée de Ibn el Attaf-Azd dont l’armée s’était lancée à sa poursuite, en ordre dispersé. C’est ainsi que le 10 septembre 747, Iliyas massacra l’armée rebelle de Tabinas. Iliyas reçu cependant un second ordre, lui ordonnant de se précipiter sur Tunis, la garnison de la ville menée par Orwa ibn ez-Zobeir es-Sadefi s’attendant à voir arriver l’armée d’Ibn el Attaf-Azd dont il ne savait pas qu’elle avait été écrasée. Orwa ibn ez-Zobeir es-Sadefi fut défait et tué dans sa fuite.
Mais la menace la plus sérieuse provenait de Tripolitaine, région où Abd al-Rahmane avait nommé Wali son frère Ilyas ibn Habib al-Fihri . En effet ce dernier échoue, en 747, à mâter la révolte ibadit [15].
Les Ibadites, inspirés par le succès de leurs frères à Hadramut [16] et à Oman [17], se révoltèrent sous la conduite de leur imam al-Harith, et s’emparent d’une grande partie de la Tripolitaine [18]. Abd al-Rahman envoie ainsi en 748 une armée mâter la révolte ibadite et reconquérir la Tripolitaine, poussant ainsi les adeptes du ibadisme au sud dans le Djebel Nafusa [19].
Du côté de l’Espagne, une révolte avait renversé en 745 le Gouverneur d’Andalousie Abou al-Khattar ibn Dirar al-Kalbi menant à une nouvelle guerre civile entre les Syriens junds* et les Arabes andalou. Après avoir mâté les révoltes en Ifriqiya, Abd al-Rahman décida alors d’intervenir dans le conflit ibérique et d’envoyer une armée rétablir l’ordre en Andalousie. Il en profita alors pour mettre en avant son cousin Yusuf ibn ’Abd al-Rahman comme potentiel successeur au Gouvernorat d’Andalousie, poste auquel il fut installé en 747.
Mais l’ouest du Maghreb [20], le Maroc et l’est de l’Algérie restèrent hors de la portée d’Abd al-Rahman. En effet, depuis la Révolte Berbère de 740, la région avait sombré dans l’anarchie tribale et le territoire était fragmenté entre des tribus Berbères indépendantes. Les tribus berbères Masmuda établirent ainsi en 744 un État indépendant et, la Confédération Berghwata [21] devait adopté un nouveau "prophète" et des croyances syncrétistes. Les tentatives d’Abd al-Rahman d’y imposer sa domination échouèrent toutes.
En 752, se sentant peut-être pour la première fois confiant dans sa domination de l’Ifriqiya, il envoie par mer une armée vers la Sicile, espérant peut être finir l’invasion auquel il avait participé avec son père en 740. Mais trouvant l’île trop bien protégée, l’expédition se résuma à quelques raids effectués sur les côtes siciliennes.
Abd al-Rahman tenta également de réparer ses relations avec Damas. Après maintes tractations, il parvint à obtenir sa confirmation dans ses fonctions par le Calife Omeyyade Marwan II.
L’année 750 voit les armées Omeyyades défaites par les Abbassides [22], et l’Égypte tomber aux mains de ces derniers. Le dernier Calife Omeyyade Marwan II est capturé et tué la même année.
Malgré l’allégeance morale d’Abd al-Rahman envers le nouveau Califat Abbasside, il accueille en grand nombre les membres du clan Omeyyade, traqués par les Abbassides, espérant nouer ainsi des alliances avec ces princes.
Mais peu de temps après l’arrivée de ces réfugiés princiers, ceux-ci devinrent le centre des conspirations menées par les factions des familles arabes nobles de l’Ifriqiya. Craignant la concurrence de ces princes Abd al-Rahman changea de comportement envers les Ommeyades.
En 755, découvrant ce qu’il croyait être un complot impliquant les deux princes Ommeyades, cousins de sa belle sœur, qu’il avait nommé à de hautes fonctions, il ordonna leur exécution. Il s’aliéna ainsi son frère et sa femme, le parti des familles arabes nobles de Kairouan et celui des Ommeyades.
De son côté, un des princes Omeyyades qui avait trouvé refuge en Ifriqiya, Abd al-Rahman ibn Mu’awiya ibn Hisham petit-fils du Calife Omeyyade Hisham fui les persécutions organisées par Abd al-Rahman al-Fihri contre sa famille et se réfugie dans l’arrière pays Kabyle parmi les berbères Nafza dont sa mère était issue.
Plus tard en 755, après la mort de Abd al-Rahman, ce prince arrivera en Andalousie où il déposera Yusuf ibn ’Abd al-Rahman et fondera ainsi l’émirat Omeyyade de Cordoue en 756.
À la suite de la défaite des Omeyyade et de la prise de l’Égypte par les Abbassides en 750, et espérant voir le chaos dans l’est du monde musulman lui permettre de se tailler un État pleinement indépendant en Ifriqiya, Abd al-Rahman avait cherché tout d’abord un accord avec les Abbassides et avait accepté de se soumettre à leur autorité morale. Il a été ainsi successivement confirmé dans ses fonctions par les deux premiers califes abbassides.
Mais les exigences des Abbassides de voir Abd al-Rahman leur payer un tribut le poussèrent bientôt à la révolte. En 755, Il ordonne que la prière du vendredi ne soit plus faite au nom des Califes Abbassides, et brûle publiquement en Chair la robe noire officielle des représentants locaux des Califes Abbassides.
C’est dans ce contexte qu’Abd al-rahman ibn Habib perd le soutien d’un levier essentiel de son pouvoir : sa famille. En effet, les relations avec son frère Iliyas Ibn Habib al-Fihri se sont distendues depuis l’exécution des princes Omeyyades parents de sa femme, qui le pousse à la vengeance.
Apprenant l’existence de ce complot, Abd al-Rahman ordonne à son frère Iliyas ibn Habib de s’éloigner et de se rendre à Tunis.
Prétextant alors venir dans ses quartiers personnels pour lui faire leurs adieux, Iliyas et son autre frère, Abd el-Wârith ibn Habib, poignardent Abd al-Rahman dans le dos pendant qu’il jouait avec ses enfants.
Son gouvernement en Ifrîkiyya aura duré 10 ans et 7 mois. Les assassins firent alors fermer les portes du palais pour s’emparer du fils de Abd al-Rahman, Habib Ibn Abd al-Rahman, mais celui-ci pu s’enfuir à Tunis auprès de son oncle paternel l‘Imrân ibn Habîb.