Il est, selon Heinrich Graetz , le principal promoteur du renouveau de la civilisation juive en Espagne.
Son père était un Juif aisé et instruit de Jaén [1]. Ḥasdaï acquiert dans sa jeunesse une connaissance complète de l’hébreu, l’arabe, le grec et le latin, ce dernier n’étant connu à l’époque que du haut clergé d’Espagne. Étudiant la médecine, il aurait redécouvert la composition d’une panacée appelée Al-Farouk [2].
Il est de ce fait nommé médecin du calife omeyyade de Cordoue [3] Abd al-Rahman III, devenant le premier Juif à accéder à une telle fonction.
Il gagne par ses manières, ses connaissances, son savoir et sa personnalité, les faveurs de son maître, devenant son confident et fidèle conseiller. Bien que ne pouvant être nommé vizir [4] du fait de sa judéité, il en exerce officieusement les fonctions. Il est responsable des affaires étrangères, ainsi que des douanes et du droit d’accostage dans le port de Cordoue [5], principale voie du commerce extérieur.
C’est à Ḥasdaï qu’il revient d’arranger les alliances contractées entre le calife et les puissances étrangères, recevant leurs messagers à Cordoue.
En 949, une ambassade est envoyée par Constantin VII pour former des liens diplomatiques entre l’empire byzantin [6] et le puissant dirigeant d’Espagne. Parmi les présents apportés par l’ambassade, figure le De materia medical [7] que les naturalistes et médecins arabes estiment grandement.
Romain Lécapène aussi lui envoie des copies des bibliothèques impériales. Ḥasdaï les traduit en arabe, avec l’aide d’un moine grec savant appelé Nicolaos. Ce patrimoine byzantin devient donc la propriété commune des Arabes et de l’Europe médiévale.
En 955, il obtient un accord de paix avec le roi Ordoño III des Asturies et le duc de Castille. Il soigne également le roi de León [8] Sanche 1er le Gros pour son obésité, lequel renouvelle la paix avec le calife.
Ḥasdaï rend d’importants services à son maître par son traitement d’une ambassade menée par l’abbé Jean de Gorze, émissaire à Cordoue en 956 par Otton 1er. Ḥasdaï, en ouvrant les négociations, empêche un incident diplomatique en persuadant les émissaires de rédiger une lettre au calife ne contenant aucune mention offensante pour l’islam. Jean de Gorze dira n’avoir jamais vu un homme à l’intelligence aussi subtile que le Juif Ḥasdeu.
Il intervient également en 958, lors des difficultés entre les royaumes de León et de Navarre [9] : la reine Toda aurait besoin de l’aide d’Abd al-Raḥman qui est, par ailleurs, son neveu maternel pour réinstaller son petit-fils Sanche sur le trône de León, sans pouvoir se résoudre à s’incliner devant celui qui est aussi son ennemi. C’est Ḥasdaï, envoyé à la cour de Navarre, qui parviendra par le charme de ses paroles, la force de sa sagesse, la puissance de sa ruse et ses mille astuces, à la persuader de se rendre à Cordoue avec son fils García II de Navarre et son petit-fils Sanche, pour s’y prosterner devant le calife, et implorer l’aide de ses armées.
Ḥasdaï demeura en faveur auprès d’Al-Hakam II, fils et successeur d’Abd al-Raḥman, dont l’amour des sciences dépasse même celui de son père.
Ḥasdaï n’a pas réalisé d’œuvre personnelle. Il a cependant joué un rôle capital, en mettant à profit son prestige et sa position pour promouvoir la science et la culture juives, soutenant tant les poètes que les savants versés dans le Talmud [10].
Il marque le début de l’épanouissement de la culture juive andalouse, avec la renaissance de l’étude de la grammaire et de la poésie hébraïques. Savant lui-même, il encourage l’activité intellectuelle et diffuse des livres en hébreu qu’il a fait importer de l’Est.
Ḥasdaï soutient également les académies babyloniennes [11] de Soura [12] et Poumbedita [13]. Il a recueilli Moshe ben Hanokh , disciple des Gueonim [14] de Soura, qui lui fait connaître l’œuvre de Saadia Gaon .
Ḥasdaï s’enthousiasmera tellement pour ce dernier qu’il correspondra avec Dossa ben Saadia , le fils de Saadia, afin d’en apprendre davantage, ce qui popularisera Saadia en Espagne.
Ḥasdaï maintient également la conscience nationale juive. Ayant entendu parler d’un lointain royaume juif indépendant, gouverné par un dirigeant juif, il désire entrer en correspondance avec ce monarque. L’existence du royaume des Khazars [15] lui est confirmée par deux Juifs, Mar Saül et Mar Joseph, venus en ambassadeurs à Cordoue.
Ḥasdaï leur confia une lettre, écrite par Menahem ben Sarouḳ en bon hébreu, adressée au roi juif, dans lequel il rend compte de sa position dans l’état occidental, décrit la situation géographique de l’Andalousie et ses relations avec les pays étrangers. Il lui demande de même de lui fournir des informations sur les Khazars, leur origine, leur organisation politique et militaire, etc.
La correspondance de Ḥasdaï avec le roi khazar Joseph ou son représentant est d’importance historique. Elle ne fut publiée qu’au 16ème siècle. Après de nombreuses controverses, l’authenticité de cette correspondance semble établie.