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Hasdaï ibn Shaprut ou Hasdaï ibn Chaprout

mercredi 1er mars 2023, par ljallamion

Hasdaï ibn Shaprut ou Hasdaï ibn Chaprout (vers 915-vers 970)

Médecin, diplomate et mécène juif

Il est, selon Heinrich Graetz , le principal promoteur du renouveau de la civilisation juive en Espagne.

Son père était un Juif aisé et instruit de Jaén [1]. Ḥasdaï acquiert dans sa jeunesse une connaissance complète de l’hébreu, l’arabe, le grec et le latin, ce dernier n’étant connu à l’époque que du haut clergé d’Espagne. Étudiant la médecine, il aurait redécouvert la composition d’une panacée appelée Al-Farouk [2].

Il est de ce fait nommé médecin du calife omeyyade de Cordoue [3] Abd al-Rahman III, devenant le premier Juif à accéder à une telle fonction.

Il gagne par ses manières, ses connaissances, son savoir et sa personnalité, les faveurs de son maître, devenant son confident et fidèle conseiller. Bien que ne pouvant être nommé vizir [4] du fait de sa judéité, il en exerce officieusement les fonctions. Il est responsable des affaires étrangères, ainsi que des douanes et du droit d’accostage dans le port de Cordoue [5], principale voie du commerce extérieur.

C’est à Ḥasdaï qu’il revient d’arranger les alliances contractées entre le calife et les puissances étrangères, recevant leurs messagers à Cordoue.

En 949, une ambassade est envoyée par Constantin VII pour former des liens diplomatiques entre l’empire byzantin [6] et le puissant dirigeant d’Espagne. Parmi les présents apportés par l’ambassade, figure le De materia medical [7] que les naturalistes et médecins arabes estiment grandement.

Romain Lécapène aussi lui envoie des copies des bibliothèques impériales. Ḥasdaï les traduit en arabe, avec l’aide d’un moine grec savant appelé Nicolaos. Ce patrimoine byzantin devient donc la propriété commune des Arabes et de l’Europe médiévale.

En 955, il obtient un accord de paix avec le roi Ordoño III des Asturies et le duc de Castille. Il soigne également le roi de León [8] Sanche 1er le Gros pour son obésité, lequel renouvelle la paix avec le calife.

Ḥasdaï rend d’importants services à son maître par son traitement d’une ambassade menée par l’abbé Jean de Gorze, émissaire à Cordoue en 956 par Otton 1er. Ḥasdaï, en ouvrant les négociations, empêche un incident diplomatique en persuadant les émissaires de rédiger une lettre au calife ne contenant aucune mention offensante pour l’islam. Jean de Gorze dira n’avoir jamais vu un homme à l’intelligence aussi subtile que le Juif Ḥasdeu.

Il intervient également en 958, lors des difficultés entre les royaumes de León et de Navarre [9] : la reine Toda aurait besoin de l’aide d’Abd al-Raḥman qui est, par ailleurs, son neveu maternel pour réinstaller son petit-fils Sanche sur le trône de León, sans pouvoir se résoudre à s’incliner devant celui qui est aussi son ennemi. C’est Ḥasdaï, envoyé à la cour de Navarre, qui parviendra par le charme de ses paroles, la force de sa sagesse, la puissance de sa ruse et ses mille astuces, à la persuader de se rendre à Cordoue avec son fils García II de Navarre et son petit-fils Sanche, pour s’y prosterner devant le calife, et implorer l’aide de ses armées.

Ḥasdaï demeura en faveur auprès d’Al-Hakam II, fils et successeur d’Abd al-Raḥman, dont l’amour des sciences dépasse même celui de son père.

Ḥasdaï n’a pas réalisé d’œuvre personnelle. Il a cependant joué un rôle capital, en mettant à profit son prestige et sa position pour promouvoir la science et la culture juives, soutenant tant les poètes que les savants versés dans le Talmud [10].

Il marque le début de l’épanouissement de la culture juive andalouse, avec la renaissance de l’étude de la grammaire et de la poésie hébraïques. Savant lui-même, il encourage l’activité intellectuelle et diffuse des livres en hébreu qu’il a fait importer de l’Est.

Ḥasdaï soutient également les académies babyloniennes [11] de Soura [12] et Poumbedita [13]. Il a recueilli Moshe ben Hanokh , disciple des Gueonim [14] de Soura, qui lui fait connaître l’œuvre de Saadia Gaon .

Ḥasdaï s’enthousiasmera tellement pour ce dernier qu’il correspondra avec Dossa ben Saadia , le fils de Saadia, afin d’en apprendre davantage, ce qui popularisera Saadia en Espagne.

Ḥasdaï maintient également la conscience nationale juive. Ayant entendu parler d’un lointain royaume juif indépendant, gouverné par un dirigeant juif, il désire entrer en correspondance avec ce monarque. L’existence du royaume des Khazars [15] lui est confirmée par deux Juifs, Mar Saül et Mar Joseph, venus en ambassadeurs à Cordoue.

Ḥasdaï leur confia une lettre, écrite par Menahem ben Sarouḳ en bon hébreu, adressée au roi juif, dans lequel il rend compte de sa position dans l’état occidental, décrit la situation géographique de l’Andalousie et ses relations avec les pays étrangers. Il lui demande de même de lui fournir des informations sur les Khazars, leur origine, leur organisation politique et militaire, etc.

La correspondance de Ḥasdaï avec le roi khazar Joseph ou son représentant est d’importance historique. Elle ne fut publiée qu’au 16ème siècle. Après de nombreuses controverses, l’authenticité de cette correspondance semble établie.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia Hasdaï ibn Shaprut/ Portail d’al-Andalus/ Portail de la culture juive et du judaïsme/ Catégories : Rabbin du Xe siècle/ Philosophe juif

Notes

[1] Jaén est une ville espagnole ainsi qu’un municipio, capitale de la province du même nom au nord-est de l’Andalousie. La ville de Jaén se dresse au pied de la Colline Sainte-Catherine (Cerro Santa Catalina), et reste très marquée par l’urbanisme médiéval : placettes et ruelles au tracé irrégulier s’adaptant au caractère fortement pentu du site définissent l’aspect du centre historique. La cité est d’ailleurs dominée par la silhouette de la forteresse médiévale bâtie au sommet de la colline. Jaén se situe par ailleurs au sein d’une région aux terres fertiles, traversées par le fleuve Guadalquivir. Vers le sud et le sud-est se trouvent la Sierra de Jaén et le mont Jabalcuz qui enserrent la ville. Au nord de la ville s’étend la vallée du Guadalbullón, rivière qui passe à proximité de la ville.

[2] c’est-à-dire la thériaque

[3] Le Califat omeyyade de Cordoue est un État d’Ibérie musulmane gouverné par la dynastie des Omeyyades de Cordoue et qui dominait aussi une partie de l’Afrique du Nord. Succédant à l’Émirat de Cordoue (756-929) avec toujours Cordoue comme capitale, il a duré jusqu’en 1031. La période, caractérisée par une expansion du commerce et de la culture, a vu la construction de chefs-d’œuvre de l’architecture d’Al-Andalus. En janvier 929, l’Émir de Cordoue Abd-ar-Rahman III s’est proclamé calife de Cordoue.

[4] Le mot persan vizir, désigne un fonctionnaire de haut rang, ayant un rôle de conseiller ou de ministre auprès des dirigeants musulmans (califes, émirs, maliks, padishah ou sultans).

[5] Cordoue est une ville située dans le sud de l’Espagne, en Andalousie. Cordoue est la capitale de la province homonyme. La ville est située sur le Guadalquivir. Les musulmans conquirent la ville en 711. Elle devient alors le principal centre administratif et politique de l’Espagne musulmane (al-Andalus). À partir de 756, elle est la capitale de l’émirat de Cordoue, fondé par le prince omeyyade Abd al-Rahman 1er.

[6] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.

[7] un manuscrit richement orné du médecin et botaniste grec Dioscoride

[8] Le royaume de León, une des 15 grandes anciennes divisions de l’Espagne et du Portugal, fut un des royaumes médiévaux de la Péninsule Ibérique, successeur du royaume des Asturies, qui eut un rôle dans la Reconquista et la formation des royaumes chrétiens successifs de l’occident péninsulaire.

[9] Le royaume de Navarre est un royaume médiéval fondé en 824 par les Vascons, dont le premier roi est Eneko Arista, premier d’une lignée de seize rois basques qui régneront sur le Royaume jusqu’en 1234. Attaquée depuis trois siècles au nord des Pyrénées, dans le duché de Vasconie par les Francs, et au sud par les Wisigoths, puis les Omeyyades (musulmans), la Vasconie est réduite au petit Royaume de Pampelune, terres ancestrales du Saltus Vasconum. La Haute-Navarre fut conquise en 1512 par le royaume d’Aragon et fut intégrée en 1516 dans l’actuel royaume d’Espagne et l’autre partie (Basse-Navarre), restée indépendante, fut unie à la couronne de France à partir de 1589 d’où le titre de « roi de France et de Navarre » que portait Henri IV

[10] Le Talmud est l’un des textes fondamentaux du judaïsme rabbinique et la base de sa Halakha (« Loi »). Rédigé dans un mélange d’hébreu et de judéo-araméen et composé de la Mishna et de la Guemara, il compile les discussions rabbiniques sur les divers sujets de la Loi juive telle qu’exposée dans la Bible hébraïque et son versant oral, abordant entre autres le droit civil et matrimonial mais traitant au détour de ces questions de points d’éthique, de mythes, de médecine, de génie et autres. Divisé en six ordres (shisha sedarim, abrégé Sha"s), il existe deux versions du Talmud, dites Talmud de Jérusalem et Talmud de Babylone.

[11] Les académies talmudiques (yeshivot) de Babylonie, également appelées les académies gaoniques, bien qu’elles aient été fondées à la période des docteurs du Talmud, quelques siècles plus tôt, étaient le centre de l’éducation juive et du développement de la Loi juive en Mésopotamie d’à peu près 220 à 1038. C’est sur leur modèle que furent conçues les académies talmudiques ultérieures.

[12] Soura est le nom de deux villes situées dans le sud de l’ancienne Babylonie, dont l’une aura été l’un des grands centres intellectuels du judaïsme, du 2ème siècle au 11ème siècle

[13] Poumbedita est une ancienne ville en Babylonie située quelque part dans les environs de l’actuelle ville de Falloujah en Irak. Elle est célèbre dans l’histoire juive pour avoir été l’un des grands centres de l’érudition talmudique. Une académie talmudique y est fondée par Rav Yehouda au 3ème siècle et y demeure pendant 800 ans.

[14] Les Gueonim, sont, au sens strict, les autorités juives halakhiques faisant suite aux Savoraïm (Sages qui avaient fixé le Talmud de Babylone), et rashei yeshiva (directeurs) des deux grandes académies talmudiques de Babylonie, Soura et Poumbedita. Le titre pourrait cependant avoir été antérieur, et fut revendiqué par les dirigeants de la Yeshiva en terre d’Israël.

[15] un peuple d’ethnie turque, dont une partie de l’élite dirigeante s’était convertie au judaïsme au milieu du 8ème siècle